1 |ANALYSE SPATIALE DE LA REPARTITION ET DE L’ACCES AUX INFRASTRUCTURES SANITAIRES DANS LA COMMUNE DE AVRANKOU AU SUD-EST DU BENIN
SPATIAL ANALYSIS OF THE DISTRIBUTION AND ACCESS TO HEALTH INFRASTRUCTURES IN THE MUNICIPALITY OF AVRANKOU IN SOUTHEAST BENIN
Mots-clés:
Avrankou| répartition spatiale| infrastructures sanitaires| accès| soins de santé|Résumé
La répartition spatiale des infrastructures sanitaires est l’une des dimensions de l’accès des populations aux soins de santé. La présente recherche analyse le lien entre cette répartition et l’accès des populations aux infrastructures sanitaires à Avrankou. Les entretiens directs ont été faits auprès de 136 individus. Le logiciel ARCGIS 10.5 a été utilisé pour réalisation des cartes. La distance de 5 km a été utilisée pour apprécier la couverture spatiale de ces infrastructures. Huit infrastructures sanitaires répartis dans les arrondissements ont été recensées. Ces infrastructures ne couvrent pas toutes les localités. Sur les 43 localités de la commune, 29, soit 67,44 % sont couvertes. En effet, un centre de santé dessert 21 118 habitants au lieu de 10 000, un médecin dessert 147 831 au lieu de 10 000 et un infirmier prend en charge 7 780 habitants contre 5000. L’effectif actuel des sages-femmes couvre largement les besoins de la population au point où une (01) sage-femme a en charge 2 034 femmes en âge de procréer contre 3 000 recommandées. Cependant, le taux de fréquentation des centres de santé est resté faible et constant et passe de 22,6 à 22,42 % respectivement en 2014 et 2021. L’inégale répartition des infrastructures sanitaires, l’impraticabilité des routes, les contraintes socio-économiques et culturelles (appartenance à une divinité donnée ou église évangélique) entravent l’accès des populations aux soins de santé. Pour remédier à cela, des nouveaux emplacements de création des centres de santé ont été proposés ainsi que la baisse des coûts des soins.
Introduction
Depuis l’historique conférence d’Alma-Ata en 1978 qui a consacré l’introduction des Soins de Santé Primaires (SSP) dans les systèmes de santé des pays africains en passant par l’adoption de l’initiative de Bamako en 1987 (F. H. Bété, 2013, p. 11), l’adoption des Objectifs du Développement Durable (ODD), etc, l’accès des populations à des soins de santé de qualité, demeure un défi que de nombreux pays en voie de développement ont du mal à relever. La pauvreté endémique entraine la dégradation des états de santé. Or, l’accès aux services de santé renvoie de façon générale à la compatibilité entre le coût et la qualité des prestations sanitaires, d’une part, et le pouvoir d’achat des populations, d’autre part (M. L. Doumbouya, 2008, p. 2). Le lien entre la santé et la stabilité sociale est tel que la détérioration de l’une entrave le progrès de l’autre (G-H. Maï et al., 2018, p. 125). La bonne santé des populations permet non seulement de maintenir une paix sociale durable mais constitue également le moteur de tout développement (S. F. B. Attolou, 2012, p. 11). Au-delà de toutes ces considérations, la santé est un droit fondamental de l’être humain, indispensable à l’exercice des autres droits. Ainsi, l’accès aux services et aux soins de santé devrait être un impératif pour les populations (G. Boni et al., 2014, p. 534). Cet accès est considéré comme un droit humain et n’est possible que si les populations, à proximité, des services sanitaires, disposent d’équipements et de personnels sanitaires conséquents, ainsi que des médicaments (S. F. B. Attolou et D. B. Johnson, 2012, p. 23). A cet effet, la prise en compte de la demande doit permettre de garantir à la population une offre de soins adaptée aux besoins et accessible pour tous et répartie équitablement sur le territoire. Une répartition équitable de l’offre devrait favoriser un recours qui apparaitrait de manière idéale comme l’exact corollaire de la demande (I. Crouzel, 2010, p. 2). Mais malheureusement dans beaucoup de pays en voie développement, l’équitabilité dans la répartition des infrastructures sanitaires demeure encore une problématique.
En Afrique subsaharienne, l’offre et l’accès aux structures de soins de premier recours sont préoccupants. A l’offre de soins diversifiée, subsiste des inégalités d’accès (E. Makita-Ikouaya, 2010, p. 123). La problématique de l’accès des populations africaines aux soins de santé se posent donc avec acuité dans l’ensemble de ces pays (F. H. Bété, 2013, p. 13).
Dans les communes du Bénin, les mêmes problèmes se posent. L’accès aux soins de santé demeure restrictif, notamment pour les populations démunies exerçant des activités économiques faiblement rentables. Ainsi donc, le problème de disponibilité et d’accessibilité des populations aux services et aux soins de santé restent encore d’actualité dans plusieurs communes du pays dont celle de la commune d’Avrankou. Cette problématique est liée à l’inégale répartition des infrastructures sanitaires dans la commune et à l’impraticabilité des voies d’accès (B. Fassinou, 2018, p. 15). La population de cette commune croît et est passée de 50 016 en 1979 à 128 050 habitants en 2013 (INStaD, 2013, p.1), or les infrastructures sanitaires n’évoluent pas au rythme de l’évolution démographique. Ce qui cause des problèmes d’équilibre entre la population et les infrastructures sanitaires. C’est ainsi que cette recherche analyse le lien entre la répartition spatiale et l’accès de la population aux infrastructures sanitaires dans la commune d’Avrankou. La question principale de cette recherche est quelle est la répartition spatiale des infrastructures sanitaires de la commune de Avrankou et leur niveau d’accès par la population ? elle a pour objectif général est de faire une analyse spatiale des infrastructures sanitaires et leur niveau d’accès dans la commune de Avrankou. Il s’agira spécifiquement de cartographier les infrastructures sanitaires de la commune de Avrankou et d’analyser le niveau d’accès de ces infrastructures et les contraintes qui y sont liées.
Méthodologie
1. Matériels et méthodes
Cette rubrique présente la zone d’étude et prend en compte le matériel utilisé, les types de données collectées, les méthodes de collecte et de traitement de ces données.
1.1. Présentation de la zone d’étude
La carte n°1 présente la situation géographique de la commune de Avrankou. Elle est située au sud-est du Bénin, dans le Département de l’Ouémé entre 6°31’01’’et 6°38’06’’ de latitude nord puis entre 2°36’41’’ et 2°42’27’’ de longitude est. Elle est limitée au nord par la commune de Sakété, au sud par les communes d’Adjarra, de Porto Novo et la République Fédérale du Nigéria, à l’est par la commune d’Ifangni, à l’ouest par la commune d’Akpro Missérété. Elle couvre une superficie de 78 km² (IGN, 2002, p.1).
Carte n° 1 : Localisation et présentation de la commune de Avrankou
1.2. Matériels et typologie des données
Un ensemble de matériel et outil a été utilisé pour collecter les données sur le terrain et dans plusieurs centres de documentation. Le GPS Garmin Oregon 600 a été utilisé pour la prise des coordonnées géographiques des infrastructures sanitaires de la commune ; le questionnaire a été utilisé pour collecter les informations sur le nombre de personnel soignant dans chaque centre de santé, les raisons de fréquentation des centres de santé par la population, leur satisfaction, les problèmes d’accès. Les données démographiques de 2013 ont été également prises à l’Institut de la Statistique et de la Démographie (INStaD).
1.3. Méthodes de collecte des données
La collecte des données a démarré par la recherche documentaire. Elle a permis de faire le point des connaissances existantes sur les infrastructures sanitaires de la commune. Elle a permis également d’avoir les bases de données sur les différentes maladies de chaque centre de santé et les données sur la population de la commune. Après cette documentation, les enquêtes de terrain ont été effectuées. Ces enquêtes ont été faites en deux étapes. La prise de coordonnées géographiques des infrastructures sanitaires et les entretiens avec le personnel des centres de santé et l’enquête par questionnaire auprès des chefs de ménages de la commune.
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Prise de coordonnées géographiques des infrastructures sanitaires
De février à mars 2021, une enquête exploratoire a été faite dans tous les arrondissements de la commune. Cette enquête a permis de prendre contact avec les autorités locales et de les informer sur l’intérêt de cette étude. Ce qui a permis de prendre une autorisation auprès de ces autorités pour passer dans les centres de santé. A cet effet, sous l’accompagnement d’un guide délégué par les chefs d’arrondissement, les visites des infrastructures sanitaires ont été faites. Pendant ces visites, les coordonnées géographiques des centres de santé ont été prises en UTM avec l’application Locus map.
- Entretiens avec le personnel sanitaire et des personnes ressources de la commune
Les entretiens ont été faits dans les centres de santé auprès des 4 responsables des centres de santé de la commune de Avrankou. Les personnes ressources prises en compte sont 14 chefs quartiers et 5 Chefs d’Arrondissement. Les entretiens ont porté les questions liées à la fréquentation des centres de santé par la population, les maladies dont souffre la population, les contraintes d’accès aux centres de santé ainsi que les difficultés rencontrées par le personnel sanitaire.
- Enquête par questionnaire auprès de la population
Avant l’enquête auprès de la population, un échantillonnage a été défini. La taille de l’échantillonnage a été déterminée suivant la formule de D. Schwartz (1960, p. 8). Ainsi, si n désigne la taille de l’échantillon, on a : n = Zα2 x pq/i2 ; avec : Zα = 1,96, écart réduit correspondant à un risque α de 5 % ; p = proportion des ménages des différents villages ciblés par rapport au nombre de ménages dans la Commune (effectif de ménages des villages enquêtés = 16 349 ; effectif total de ménages = 26 427) soit p = 61,86 % ; i = précision désirée égale à 9 % ; q = 1- p (ici, q = 0,39 %) ; n = (1,96)2 x 0,61 (0,39) / (0,09)2 = 112,82 ≈ 113 chefs de ménages.
Pour les entretiens et les interviews, des questionnaires ont été adressés aux chefs de ménages suivant l’échantillon précédemment défini. Ces questionnaires ont été adressés aux chefs de ménages. Ce qui a permis d’avoir des éléments d’appréciation de la population sur les services de soins offerts dans les centres de santé publics, les causes de fréquentation, les contraintes socio-économiques qui entravent l’accessibilité aux soins de la population, etc. pour plus de précision dans la cible. Ces données ont été collectées d’avril à mai 2021. Le tableau n°1 présente la répartition de l’échantillon par arrondissement.
Tableau n°1 : Répartition de l’échantillon par arrondissement
Source : INSAE 2013 et enquête de terrain, avril à mai, 2021
Pour être interrogé, deux critères ont été pris en compte. Il faut, être un chef de ménage et avoir des enfants et une femme à sa charge ; fréquenter les centres de santé en cas de maladies pour mieux appréhender les problèmes d’accès.
1.4. Traitement et analyse des données
Les données collectées ont subi deux principaux traitements selon leur nature. Le traitement statistique et le traitement cartographique
- Traitement et analyse statistiques
Les fiches d’entretien et des interviews ont été dépouillées et les données issues de ces fiches ont été codifiées pour constituer une base de données sur le tableur Excel 2013. Cette base a permis de déterminer les fréquences de réponses. Ces fréquences ont été transformées en tableaux et graphiques avec le même tableur. Enfin, l’analyse de la perception de la population sur les contraintes (distance, moyen financier, la religion, impraticabilité des routes etc.) liées à l’accessibilité aux soins de santé dans la commune de Avrankou a été faite par le test statistique de Khi-deux (x2) avec un seuil de signification fixé à 0,05. Le tableau n° 2 présente la description des variables explicatives des contraintes d’accès aux infrastructures dans la commune de Avrankou.
Tableau n°2 : Description des variables explicatives
Source : Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
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Traitement et analyse cartographiques
Les coordonnées géographiques des infrastructures sanitaires ont été ouvertes sur le tableur Excel 2013. Ce qui a permis de disposer une base de données comportant les coordonnées et les noms des centres de santé. Cette base a été ouverte sur le logiciel ARCGIS 10.5 qui comportait déjà les données telles que les cours d’eau, les routes, les localités etc. Cette analyse a permis de faire la répartition spatiale de ces infrastructures. L’offre de soins est analysée à travers essentiellement la situation actuelle des infrastructures sanitaires de la commune comparée aux normes recommandées par l’OMS. Ces normes concernent la distance à parcourir pour atteindre un centre de santé et le ratio personnel soignant / population. La distance d’accessibilité proposée par l’OMS (2014) qui est de 5 km a été utilisée pour connaitre la couverture de ces infrastructures. Ce qui a permis de connaitre les villages couverts et les non couverts. L’outil Buffer du logiciel ARCGIS 10.5 a été utilisé. Les routes dégradées ainsi que la typologie de ces routes (piste, secondaire et principale) qui mènent dans les centres de santé ont été identifiées, cartographiées et superposées aux types du sol. Ce qui a permis de connaitre les centres de santé difficiles d’accessibilité selon les routes, les sols et les saisons. Pour une couverture totale des infrastructures dans la commune, une nouvelle carte des nouveaux emplacements des centres de santé a été proposé.
Résultats
2. Résultats
Cette partie présente les différents résultats de la recherche. Ce sont l’analyse spatiale des infrastructures sanitaires de la commune ; les raisons de fréquentation des centres de santé par les populations ; leur satisfaction par rapport aux services offerts dans les centres de santé ; la couverture des infrastructures sanitaires dans la commune et les contraintes liées à l’accessibilité aux soins de santé.
2.1. Analyse spatiale des infrastructures sanitaires de la commune
Dans cette partie, il est présenté successivement la répartition spatiale des infrastructures sanitaires dans la commune de Avrankou, les raisons de fréquentation des centres de santé et la satisfaction des populations par rapport aux services offerts.
2.1.1. Inventaire des infrastructures sanitaires de la commune d’Avrankou
La commune d’Avrankou dispose de sept centres de santé (Carte n°2) répartis dans les arrondissements et d’une maternité isolée.
Carte n° 2 : Répartition spatiale des infrastructures sanitaires dans la commune de Avrankou
Il est remarqué à travers cette figure 2 que la commune dispose d’un Centre de Santé Communal qui est situé dans l’arrondissement central et six Centres de Santé d’Arrondissement repartis dans les autres arrondissements. Aussi faut-il souligné que l’arrondissement de Kouti en dehors du Centre de Santé d’Arrondissement dispose d’une maternité à Gbagla-Ganffan. Toutefois, la disponibilité des infrastructures sanitaires dans chaque arrondissement de la commune n’exclut pas les problèmes d’accessibilité.
2.1.2. Fréquentation des centres de santé par les populations de la commune
Les cas de paludisme chronique, de diarrhée constituent les principaux motifs de fréquentation des structures sanitaires dans la commune (graphique 1). En dehors de ces cas précités, les vaccinations, les consultations pré et post natales les y amènent également.
Graphique n°1 : Raisons de la fréquentation des centres de santé par les populations de la commune
Source : Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
Il ressort de l’analyse du graphique n°3 que le paludisme et les maladies diarrhéiques sont les causes premières (64%) qui obligent les populations à recourir aux centres de santé. Les consultations pré et post natales sont citées par 25% et incluent les accouchements. Les autres raisons (11% des ménages) regroupent les dermatoses, les infections respiratoires et les cas de blessures.
2.1.3. Appréciations des populations aux services offerts dans les centres de santé
La satisfaction des patients dans les centres de santé demeure un critère de mesure de l’efficacité des services offerts dans ces centres. Les ménages n’ont pas caché leur impression pour ce qui est de leur satisfaction par rapport aux services de soins qui leur sont offerts dans les différents centres de santé (Graphique n°2).
Graphique n°2 : Appréciations des populations par rapport aux services de soins de santé
(+) : Satisfait ; (-) : Insatisfait ; (+/-) : Insuffisant
Source : Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
Le graphique n°4 révèle que plus de la moitié des ménages interrogés sont satisfaits des soins offerts dans les centres de santé qu’ils fréquentent. Par contre, 31 % expriment un sentiment d’insatisfaction par rapport à la prestation de service dans les formations sanitaires. Pour la population, cette insatisfaction est liée au manque d’accueil, à l’ignorance de certains patients, faute de moyens financiers, à l’inadéquation entre les équipements et la demande et surtout la distance.
2.2. Problématique d’accessibilité
2.2.1. Couverture des infrastructures sanitaires dans la commune
La distance maximale à parcourir pour atteindre un centre de santé, telle que recommandée par l’OMS est de 5 km (Carte n°5).
Carte n° 3 : Couverture des centres de santé de la commune
Avec les données de l’IGN 2018, la commune de Avrankou compte 72 localités. Sur les 72 localités qui apparaissent sur la carte, 43, soit 59,72 % sont couvertes par les centres de santé de la commune et 29 localités soit 40,28 % ne sont pas couvertes. En effet, au nord de la commune c’est seulement la localité Gbagla Kokè qui n’est pas couverte ; au centre de la commune, ce sont Gbétchou, Tokpo, Agamadin, Sèkanmè, Gbodjè, Alawa, Lotin-Gbégodo, Danmè-Kpossou, Bokousso et Houndomè-Aligo qui ne sont pas couvertes ; au sud-est ce sont les localités telles que Kotan, Gbégodo, Kotan, Katé-Kliko, Sado, Avaligbo, Wamon qui ne sont pas couvertes et au sud-ouest, ce sont Malé, Malé-Houngo, Kpadovié, Adovié, Adovié-Alaga, Tokpa-Yonhossou qui ne sont pas couvertes. De cette analyse, il ressort que ces localités n’ont pas accès facilement aux infrastructures sanitaires à cause de la distance qui est au-delà de la norme fixée (5km). Les autorités doivent songer à implanter d’autres formations sanitaires. Pour mieux apprécier l’offre de soins dans la commune de Avrankou, bien d’autres paramètres sont pris en compte surtout le ratio personnel soignant / population et centre de santé / population.
2.2.2. Couverture en personnel sanitaire
Les normes de l’OMS recommandent 1 médecin pour 10 000 habitants, 1 sage-femme pour 3 000 femmes en âges de procréer et 1 infirmier pour 5 000 habitants. Dans la commune, le ratio personnel de santé par rapport à la population ne concorde pas avec les normes élaborées par l’OMS. Le tableau n°3 présente la couverture sanitaire en personnel soignant dans la commune de Avrankou.
Tableau n° 3 : Couverture sanitaire en personnel soignant dans la commune
Source : INSAE, 2013 et Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
Le tableau n° 3 permet de constater que la couverture sanitaire en infirmier dans la commune de Avrankou est très déficitaire dans certains arrondissements. Dans l’arrondissement de Atchoukpa par exemple, il n’y a que trois infirmiers pour 40 674 habitants, ce qui fait un déficit de cinq infirmiers. L’arrondissement de Djomon également ne dispose que de deux infirmiers pour 25 306 habitants avec un déficit de trois infirmiers. Dans les arrondissements de Avrankou et de Gbozounmè, la norme OMS est respectée puisqu’il n’y a pas de déficit constaté dans ces deux arrondissements. Pour ce qui est de la couverture en sage-femme, la situation actuelle présente un tableau satisfaisant car tous les arrondissements en dehors de Sado, sont bien pourvus en sage-femme, tel que recommandé par l’OMS. Par ailleurs, dans toute la commune d’Avrankou, la situation sanitaire est moins satisfaisante. Le tableau n°4 présente la situation de la desserte médicale de la commune de Avrankou.
Tableau n°4 : Desserte médicale de la commune de Avrankou
Source : INSAE, 2013 et Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
La situation actuelle de la desserte médicale dans la commune d’Avrankou est généralement en discorde avec les normes OMS. Dans cette commune, un (1) centre de santé dessert 21 118 habitants au lieu 10 000 tel que recommandé par l’OMS. De même, au niveau du personnel médecin, la situation est beaucoup plus inquiétante. Il n’y a qu’un seul médecin pour 147 831 habitants. Ce qui créée un déficit de 13 médecins dans la commune d’Avrankou. Cette situation n’en demeure pas moins alarmante en ce qui concerne l’effectif du personnel infirmier qui au lieu d’un (01) infirmier pour 5 000 habitants s’évalue actuellement à un (01) infirmier pour 7 780 habitants. L’effectif actuel des sages-femmes couvre largement les besoins de la population au point où une (01) sage-femme a en charge 2 034 femmes en âge de procréer contre 3 000 recommandé par l’OMS.
2.3 Contraintes liées à l’accès aux soins de santé dans la commune de Avrankou
Les contraintes liées à l’accès des populations aux infrastructures sanitaires dans la commune d’Avrankou sont diverses.
Il s’agit entre autres des contraintes pédologiques, l’impraticabilité du réseau routier, des contraintes économiques et religieuses (graphique n°63).
Graphique n°3 : Contraintes d’accessibilité aux centres de santé dans la commune
Source : Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
Le manque de moyens financiers pour payer les soins de santé constituent la contrainte la plus importante qui empêchent plus de la moitié de la population d’aller dans les centres de santé dans la commune de Avrankou. La religion constitue aussi une autre contrainte de la fréquentation de la médicine moderne dans le milieu, la religion interdit à certains groupes sociolinguistiques tels que les Tori de fréquenter les centres de santé pour eux, il faut utiliser les plantes ou prier pour se guérir des maladies dont ils souffrent. Cette information a été donnée par 21 % des ménages interrogés. La commune de Avrankou est dominée par les routes non bitumée. Les routes qui mènent dans 95 % des centres de santé sont des routes non asphaltées et sont glissantes pendant la saison des pluies et difficiles d’usages, c’est ce qui a fait dire à 25 % des ménages que les routes sont impraticables pour aller dans les centres de santé à cause des sols très glissants. Le tableau n°5 présente l’influence de chaque contrainte par rapport aux accès aux infrastructures sanitaires dans la commune.
Tableau n°5 : Contraintes influençant l’accès aux infrastructures sanitaires
Source : Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
L’analyse de ce tableau n°5 montre que les contraintes économiques et religieuses ont beaucoup plus influencé l’accès de la population aux infrastructures sanitaires, viennent après la distance, l’impraticabilité des routes et le glissement des sols surtout en saison des pluies.
2.3.1 Contraintes pédologiques et impraticabilité du réseau routier
La nature des sols et l’existence d’un réseau routier adéquat sont des facteurs déterminants dans l’accessibilité des populations aux centres de santé. Dans la commune de Avrankou, l’état actuel du réseau routier reste à désirer. En dehors de la route inter-Etat Porto-Novo-Nigeria (bitumée) qui traverse la commune, il existe seulement quelques routes secondaires qui sont des voies de pénétration à savoir les pénétrantes Avrankou-Djomon, Avrankou-Kouti et Avrankou-Sado. En plus de celles-ci s’ajoutent les pistes rurales qui sont impraticables surtout en saison pluvieuse. Il faut aussi rappeler qu’il n’existe quasiment pas de réseau de voirie dans la commune. Le réseau de voirie urbaine est constitué de 1,7 km de voie (Mairie-Carrefour Avrankou : 1,2 km, et PTT-Marché de Avrankou : 0,5km). La figure n°7 présente la typologie des sols et réseau routier en fonction des centres de santé de la commune de Avrankou.
Carte n°4 : Typologie des sols et réseau routier en fonction des centres de santé de la commune
Il faut aussi retenir de la figure n°7, que les pistes sont très difficiles à emprunter en saison de pluie à cause des sols ferralitiques qui sont des terres de barres et hydromorphes qui sont très gonflants et glissants en contact de l’eau. En dehors de l’hôpital et de deux centres de santé (Centre de santé de Sado et de Gbozounmè) qui sont sur des routes à praticabilité permanente, le reste de ces centres se trouve sur des pistes rurales dont la praticabilité est impossible en saison de crue. Vu cet état de chose et tout au moins, les pistes rurales qui mènent dans les centres de santé doivent être revêtues pour permettre à la population d’aller dans les centres de santé sans difficultés.
2.3.2 Contraintes économiques
Les revenus que procurent les activités économiques notamment l’agriculture, le commerce, l’artisanat à la population de la commune d’Avrankou ne permettent pas aux populations en cas de maladie, de payer les frais inhérents aux soins médicaux et éventuellement les frais d’hospitalisation. De même, la crise économique qui sévit dans le pays avec pour conséquence, le faible pouvoir d’achat des populations locales réduit et constitue un handicap à la volonté de ces dernières à se faire soigner lorsqu’elles sont malades.
2.3.3 Contraintes religieuses
La prolifération des confessions religieuses dans la commune d’Avrankou constitue une contrainte importante dans l’accès aux soins de santé des populations. Les enseignements donnés par la plupart des églises (évangéliques) contraignent les populations à ne pas recourir aux centres de santé pour se faire soigner en cas de maladie. Les adeptes de certaines religions endogènes (comme certains Vodun par exemple) sont plus enclins que les membres des autres religions à visiter les guérisseurs traditionnels et les devins pour se faire soigner, de même qu’à utiliser surtout la phytothérapie et l’auto médication. Bien que cela semble plus fréquent dans la commune, les traitements eux-mêmes comportent une dimension religieuse (prière sur les médicaments) parfois très marquée, au point que le malade doit dans certains cas s’engager à participer activement au culte du vodou si le traitement réussit. D’autres religions bien implantées dans la commune, pratique aussi la divination et le traitement par la foi leurs membres y trouvent un substitut aux options thérapeutiques liées à la religion endogène qu’ils refusent parfois de pratiquer. La recrudescence des membres de ces religions s’effectue partiellement par conversion de malades traitées ou guéris en leur sein. La conception des devanciers de ces églises est que l’enfant de Dieu ne doit pas prendre des médicaments ni fréquenter les centres de santé et les hôpitaux. Pour eux, la prière avec foi est largement suffisante. L’appartenance des populations à ces religions constitue un frein pour l’accès aux services de santé.
2.4 Modes de traitement de la population en cas de maladie
Ces différentes contraintes amènent les populations à faire recours aux éléments immédiats de leur environnement comme les feuilles des arbres pour en faire de la tisane afin de s’auto soigner (graphique n°4). Sur ce graphique n° 4, il faut comprendre que 65 % des ménages utilisent la médecine traditionnelle pour se soigner. Cette forme de traitement des maladies consiste à la décoction, la fumigation, l’infusion etc. des organes des plantes pour se soigner et surtout en cas du paludisme. D’autres utilisent ces recettes pour accoucher dans les maisons. L’automédication est pratiquée par 35 % des ménages. Cette automédication consiste à aller soit même à la pharmacie sans ordonnances et sans consultations ni analyses pour prendre des médicaments pour se soigner.
Graphique n°4 : Modes alternatifs de soins adoptés par les populations de la commune d’Avrankou en cas de maladie
Source : Enquêtes de terrain, avril à mai, 2021
Au regard des différents aspects liés à l’accès aux infrastructures sanitaires dans la commune, l’État central a un rôle primordial dans l’offre de soins aux populations, puisqu’il se doit de protéger chaque citoyen. Cette protection passe aussi par la possibilité d’accorder une semi autonomie aux zones sanitaires afin de leur permettre de faire face à certaines dépenses surtout liées à l’équipement en mobiliers dans les centres de santé. Il doit également mettre en place un système sanitaire qui consistera à prendre en charge les malades en leur offrant gratuitement les premiers soins ceci en raison du faible pouvoir d’achat de la population. Des nouveaux centres de santé doivent être crées pour limiter les longues distances à la population. Au niveau des autorités locales, ils doivent reprofiler périodiquement les voies afin de soulager la peine des populations surtout en saison pluvieuse pour un accès aux soins de santé dans la commune ; mettre en place par arrondissement une cellule chargée du suivi des activités des centres de santé afin de corriger les irrégularités observées et informer les populations sur les risques liés à l’automédication et l’importance de recourir aux centres de santé pour se faire soigner. Le personnel soignant quant à eux, doivent établir régulièrement la liste des besoins à adresser aux autorités hiérarchiques afin d’éviter les cas de pénurie observés parfois et accueillir chaleureusement les patients afin qu’ils puissent non seulement se sentir un tant soit peu soulager mais aussi d’avoir confiance en leur service.
Conclusion
Il ressort de l’étude que tous les arrondissements de la commune disposent d’un centre de santé. Mais toutes les localités ne sont pas couvertes et certaines personnes parcourent plus de 5 km pour atteindre ces centres de santé. Le personnel sanitaire manque sauf au niveau de sages-femmes. Bien que les centres de santé soient répartis dans tous les arrondissements, l’accès aux soins par la population pose de sérieux problèmes. Les facteurs justifiant les faibles taux de fréquentations enregistrés au niveau des centres de santé sont le manque de moyens financiers, la distance, l’impraticabilité des routes en saisons de pluie et la religion. A cet effet, la population est obligée de recourir à la médecine traditionnelle et à l’automédication. Au vu de tout ceci, des recherches sur l’analyse de distance impliquant les SIG doivent être entreprises pour identifier les emplacements de nouveaux centres de santé qui répondraient aux attentes de la population. Un engagement soutenu de l’État est suggéré pour consolider les infrastructures hospitalières et favoriser un bon fonctionnement du système de santé national.
Références
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