2020/Vol.3-N°5 : Système alimentaire urbain et santé en Afrique

12 |Les facteurs associsés à la sexualité précoce chez les adolescentes du premier cycle du secondaire dans la ville de Sokodé au Togo

Factors associated with early sexuality in lower secondary adolescent girls in the city of Sokod

Auteurs

  • KANATI Lardja Docteur en sociologie kanlardja@yahoo.fr, Université de Kara, Togo
  • TCHAGBELE Abasse Docteur en sociologie abasse.aboubakr@yahoo.com, Université de Kara, Togo
  • GAFO Séibatou Docteur en sociologie Seibatougafo@gmail.com, Université de Kara, Togo

Mots-clés:

Sexualité précoce| adolescentes| premier cycle du secondaire| ménarche| Sokodé|

Résumé

La sexualité adolescente suscite intérêt pour les chercheurs et inquiétude pour les parents. Depuis ces dernières décennies, on assiste aussi bien dans le monde que sur le continent africain à un phénomène inouï dans le domaine de la sexualité. La ménarche des filles débute entre 9 à 12 ans alors que ces mêmes filles n'atteignent l'âge adulte que vers 20-22 ans. Cette maturité biologique précoce affecte à son tour l'âge de l'initiation sexuelle qui survient elle aussi de plus en plus tôt et de façon non planifiée. Cet article vise à identifier les facteurs associés à la sexualité précoce chez les adolescentes du premier cycle du secondaire au Togo. Une étude de terrain a été menée auprès d’un échantillon de 107 élèves sur les 1068 adolescentes des CEG Tchawanda et Kpangalam. L’étude part de l’hypothèse selon laquelle, la précocité sexuelle des adolescentes dans la ville de Sokodé est associée à plusieurs facteurs. Au terme de l’étude, il ressort qu’au-delà des facteurs biologiques (n=49 pour premières menstruations entre 11 et 13 ans), d’autres facteurs comme l’incapacité des parents à satisfaire les besoins des adolescentes (46% des enquêtées), le manque de discussion autour de la sexualité (62,6% ne discutent pas du sexe en famille) interagissent avec le phénomène. Par ailleurs, un nombre important d’interviewées (72,9%) pensent que la sexualité précoce est liée à l’influence des médias tandisque 47,08% des répondants indexent l’éducation sexuelle inadaptée dispensée par les structures de promotion de la santé de reproduction.

Introduction

La sexualité des adolescents est devenue un sujet de préoccupation de santé publique avec la propagation du SIDA au cours de ces dernières années surtout en milieu urbain. En effet, le SIDA est l’élément déclencheur de la nouvelle dynamique dans la recherche sur la sexualité en Afrique après l’ère des études sur l’infécondité (OMS, cité par Gafo, 2014, p. 16). La description de la situation des adolescents et jeunes en matière de santé sexuelle et de reproduction se résume en ces points : jeune célibataire, vivant une sexualité relativement précoce, informé ou non de l’existence du SIDA et des autres IST mais ayant une perception très limitée de son propre risque d’exposition aux grossesses non désirées et précoces. En dépit du sentiment de gêne que les adultes africains peuvent éprouver à cette idée, leurs enfants adolescents sont sexuellement actifs ou ont eu des rapports sexuels avant l’âge adulte (T. Yakam, 2009, p. 20)
Rappelons que l’adolescence se trouve être une période marquée par de profonds changements dans le corps, les émotions, les valeurs et les relations avec les autres et où le jeune commence à sentir qu’il est un individu unique, à avoir ses propres opinions et cherche à s’affirmer au sein d’un groupe autonome, possédant ses valeurs, ses principes et ses modes d’expression propres. Quant à l’adolescente, elle assiste au développement physiologique et morphologique de sa poitrine et de sa hanche ; elle réalise que ses désirs sexuels deviennent importants et cherche à les assouvir. Dès lors, et en l’absence de toute éducation sexuelle et d’autres conditions nécessaires à son meilleur épanouissement, elle est exposée à faire la première expérience sexuelle (Gafo, 2014, p. 16).
En Afrique, le phénomène de la sexualité précoce est très récurrent. Calvès et  Meekers (1996, p. 17), soulignent qu’avec le recul de la nuptialité et l’affaiblissement des contrôles traditionnels de la sexualité, les adolescents (et plus particulièrement les adolescentes) sont apparus comme une « population à risque », dont les comportements en matière de sexualité et de fécondité devaient être analysés.  Le phénomène de sexualité précoce se pose avec d’autant plus d’acuité que la structure de la population est encore jeune.
Selon le quatrième Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH, 2011), quarante sept virgule neuf pour cent (47,9 % ) de la population togolaise est âgée de moins de 18 ans, dont 24,6% de sexe masculin et 23,3% de sexe féminin. Ce contexte démographique est surtout caractérisé par une prépondérance de jeunes : ceux de 10-19 ans représentent 23% de la population totale. Sur ce pourcentage, 40,8% a en dessous de 15 ans. Grosso modo 60% des togolais ont donc moins de 25 ans (Billy, 2014, p. 22).
Billy (2014, p. 23) en reprenant le diagnostic fait par la Politique Nationale de Santé de la Reproduction (PNSR) montre que les adolescents qui constituent une frange importante de la population sont exposés aux comportements à risques. La maternité précoce constitue un des problèmes majeurs. Le taux brut de fécondité des adolescentes est estimé à 89%; 19% d’entre elles ont déjà commencé leur vie de fécondité et 16% ont déjà eu au moins un enfant. Le phénomène a plus d’ampleur chez les adolescentes rurales avec 25% contre 12% chez les urbaines. Le comportement sexuel des adolescents se caractérise par la précocité et l'irrésistibilité à l'acte sexuel avec comme corollaire des rapports sexuels non protégés.
Selon l’Enquête par grappes à Indicateurs Multiples (MICS) réalisée en 2012 au Togo, le taux de grossesse précoce des filles de 15 à 24 ans est de 17,3%. Les taux sont encore plus élevés en milieu scolaire. Entre 65 et 71% des cas de grossesses sont survenus au premier cycle du secondaire. Dans la région centrale, on dénombrait 994 grossesses précoces en 2012. De même, selon les études menées par l’ONG Plan-Togo (2012, p. 15), sur les 480 jeunes et adolescents enquêtés dans ses zones d’intervention (Sotouboua, Est-Mono, Blitta, Tchaoudjo, Tchamba), 200 soit 41,6% dont 123 filles soit 61,5% ont déjà eu des rapports sexuels. Et parmi celles-ci, 25,9% l’ont eu avant l’âge de 15 ans. De façon globale, 25,9% des jeunes et adolescents ont eu leur premier rapport avant l’âge de 15 ans, 64,2% l’ont eu entre 15 et 19 ans.
Il convient de souligner que devant cet état de choses, nombreuses sont les jeunes filles qui abandonnent les classes sans avoir obtenu le diplôme sanctionnant le premier cycle d’étude. Ainsi, sur les 994 filles enceintes en 2012, sept cent quatre-vingt deux (782) d’entre elles ont été contraintes d’abandonner les classes. Ce chiffre pour une seule région est important à l’ère où le monde en général et le Togo en particulier ont besoin des femmes instruites et intellectuelles pour relever le défi en matière de développement. Que ce soit en 2010 ou 2011, c’est le premier cycle du secondaire qui a été plus victime du phénomène des grossesses. De 262 cas en 2010, le nombre de grossesses dans la région centrale est passé à 388 en 2011 soit un total de 650 cas sur les deux années scolaires. L’ampleur des grossesses précoces varie selon les classes. Ainsi, ce sont les élèves filles des classes de 6e et 5e qui ont été les malheureuses victimes de convoitise sexuelle des hommes.
Suite à une enquête en milieu scolaire conduite par la Direction Régionale de l’Education (DRE, 2012), on a enregistré dans cette région, 117 cas de grossesses en classe de 6e contre 195 cas en classe de 5e. Les deux autres niveaux de ce cycle ne sont pas moins lotis. En classe de 3e, on note 122 cas de grossesses contre 156 en classe de 4e. Presque tous les établissements du deuxième degré ont été touchés par le phénomène. Sur 68 Collèges d’Enseignement Général enquêtés, 66 ont été touchés par le phénomène de grossesses précoces.
Pour le compte de l'année scolaire 2016-2017, cinq cents cinquante-neuf (559) cas de grossesses ont été enregistrés en milieu scolaire dans cette même région centrale, dont soixante (60) au Cours Primaire avec quatre (04) pertes en vies humaines pour cause d'interruption de grossesse (Barka, 2017)[1]. C’est à juste titre que Katchadourian (1990, p. 5) montrait que l’entrée précoce dans la vie sexuelle et la non utilisation systématique des préservatifs accroissent davantage les risques de grossesses non désirées et d’infections sexuellement transmissibles chez les adolescents, alors que le niveau de leur développement physique, pour en supporter les effets, leur est préjudiciable. Devant ces grossesses non désirées, certaines filles par peur d’interrompre leurs études, apprentissages, d’être rejetées par leurs parents ou par manque de moyens financiers, sont contraintes de recourir à l’avortement provoqué exposant ainsi leur vie à de grands risques.
En vue d’aider les jeunes à avoir une vie sexuelle épanouie, l’Etat togolais a développé des politiques en faveur des jeunes. En effet, la loi du 10 mars 1981 prévoit une peine d’emprisonnement et d’amende contre tout auteur de grossesse qui surviendrait au cours de la scolarisation de la jeune fille. Mais cette loi n’est plus en vigueur de nos jours.
Chez les jeunes scolaires, l’enseignement sur le VIH/SIDA est institué par arrêté N°107/MEPSA/CAB/SG du 13 août 2009 pour les établissements primaires et secondaires de l’enseignement général et par arrêté N°2010/METFP/CAB/SG du 10 mai 2010 pour les établissements de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle. Cet enseignement est dispensé dans trois cents quarante-trois (343) établissements des enseignements général et technique, soit une couverture nationale de 22,51%.
De même, des centres de jeunes ont été créés afin d’accompagner les jeunes dans leur vie sexuelle. Dans l’exercice de cette tâche, ces centres bénéficient de l’aide des organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la sexualité comme l’Assoiation Togolaise du Ben-être Familial (ATBEF), Population Service International (PSI), ONG Plan-Togo etc. Qu’est-ce qui explique la sexualité précoce chez les adolescentes du premier cycle du secondaire dans la ville de sokodé au Togo malgré la mise en place des structures d’accompagnement? Quels sont les facteurs qui sous-tendent le phénomène ? Cet article a pour objectif d’identifier les facteurs associés à la précocité sexuelle dans la ville de Sokodé au Togo.
 
[1]Cette révélation a été faite dans le cadre de la célébration de la Semaine mondiale d'action pour l'éducation à Sokodé à 338 km au nord de Lomé. Cette célébration est observée depuis 2001 avec le soutien de l'UNESCO".

Méthodologie

1. Méthodologie de la recherche

1.1. Présentationde la  zone de’étude

La ville de Sokodé est localisée au centre du Togo (carte n°1). La ville de Sokodé est à la fois le chef-lieu de la préfecture de Tchaoudjo et de la région centrale. Elle est localisée à 338 Km de la capitale Lomé. Sokodé est l'une des plus grandes villes du Togo, la deuxième en termes de population, et est située au centre du pays à une altitude moyenne de 340 m, à mi-chemin entre l’Océan atlantique et la bande sahélienne. La commune de Sokodé est limitée au Sud par le pont de Kasséna, au Nord par le village de Tchalanidè, à l’Ouest par celui de Sagbadaï, et à l’Est par la rivière Na (Pont Kparatao).
Notre étude a été realisée aux Lycées Tchawanda et Kpangalam. Ces deux lycées sont localisésdans la ville de Sokodé, chef-lieu de la région centrale. Ce sont des établissements d’enseignement secondaire général du premier cycle du secondaire comptaient respectivement 738 filles et 330 filles.
carte1

1.2. Données

L’étude que nous menons est une étude transversale à visée descriptive à passage unique qui s’est deroulée sur trois semaines en avril 2017 à l’aide d’un questionnaire auto-administré. Ont été inclus dans notre etude, les élèves de 14 ans à 19 ans, au nombre de 107 filles âgées de 12 à 18 ans au cours de l’annee 2017. Suite à un échantillonnage simple aléatoire, 107 élèves adolescentes ont été interrogées à raison de 74 adolescentes à Tchawanda et 33 à Kpangalam soit 10% de la population cible. Un questionnaire semi-structuré a été utilisé.Ce questionnaire est composé de rubriques suivantes : l’identification des enquêtées, les facteurs associés à la sexualité précoce chez les adolescentes et les conséquences de la sexualité précoce chez les adolescentes. Un guide d’entretien a été utilisé pour les entretiens individuels et pour les focus groupes. Des groupes de 8 à 10 adolecentes ont été formés. Les entretiens ont porté respectivement sur : l’éducation sexuelle, l’influence des médias sur la sexualité des adoklescentes, les conditions économiques et la sexualité et enfin les conséquences de la seualité précoce.

1.3. Traitement des données

Les données quantitatives ont été dépouillées à partir du logiciel SPSS version 22. Nous avons ensuite  fait  des analyses corrélationnelles. Les résultats de l’analyse statistique ont joué un rôle important pour le choix des sujets abordés dans chaque domaine. Ainsi, les items pour lesquels les modalités de réponse n’avaient pas une distribution suffisante ont été éliminés, de même que ceux pour lesquels les réponses, bien qu’assez dispersées, n’étaient pas corrélées avec les dimensions retenues. L’analyse du contenua été appliquée aux données qualitatives. Ce travail a consisté essentiellement à regrouper par thématique les discours qui se recoupent. Puis nous avons passé à l’analyse et à l’interprétation de ces discours.

Résultats

2. Résultats

2.1. Les profils des adolescentes du premier cycle du secondaire à Sokodé

Les tableaux ci-dessous présentent l’âge des enquêtées, leur répartition par classe, la répartition des enquêtées selon l’âge aux premières menstruations, l’âge au premier rapport sexuel et la répartition des parents ou tuteurs des adolescentes en fonction de leur profession.
Selon les données consignées dans le tableau n°1, sur 107 élèves enquêtées, 14 ont entre 12 et 14 ans soit 13,1%. 34 ont un âge compris entre 14 et 16 ans soit 31,8%. Par contre, la majorité des enquêtées soit un total de 59 élèves ont un âge compris entre 16 et 18 ans soit 55,1% des enquêtées. Après cette répartition en fonction de l’âge des enquêtées, il est intéressant de connaître leur répartition par classe.
tableau1
Il ressort des données du tableau n°2 que 16 élèves soit 15,0% des enquêtées sont en classe de 6e contre 32,7%  en classe de 5e. En revanche, 25,2% des élèves sont en classe de 4e. Seul 27,1% des enquêtées ont atteint le niveau 3e. Ces résultats attestent que les élèves en classe de 5e sont plus nombreux dans l’échantillon par rapport aux élèves des autres classes. A ce niveau du cursus scolaire, nombreuses sont des filles qui ont eu leurs premières mentruations.  
tableau2
Le tableau n°3 indique que sur 107 enquêtées, 6 soit 5,6% des adolescentes n’ont pas encore leur menstruation, 45,8%  l’ont eu entre 11 et 13 ans et 48,6% l’ont eu entre 14 à 16 ans. La majorité des adolescentes ont déjà eu leurs règles.
Soixante-un virgule sept pour cent (61,7%) des enquêtées reconnaissent avoir un petit ami. 38,3% estiment ne pas en avoir. Il découle alors de ces résultats que plus de la moitié des enquêtées sortent avec un partenaire.
tableau3
Si la majorité des adolescentes ont déjà un petit ami, à quel âge ont-elles eu leur premier rapporrt sexuel?
Le cumul des pourcentages des adolescentes de 12 à 18 ans qui ont déjà eu leur premier rapport sexuel  est de 59,8% contre 40,2% qui n’ont pas encore eu de rapport sexuel (Tableau n°4). Ce qui confirme la sexualité précoce chez la plus grande partie des enquêtées. L’entrée dans la vie sexuelle précoce semble être corrélée avec les conditions économiques des parents.
tableau4

2.2. Les facteurs associés à la sexualité précoce chez les adolescentes

Il est question dans cette rubrique de tenter de mettre en lien le phénomène étudié et les dimensions socio-culturelles et les dimentions institutionnelles et économiques.   
2.2.1. Education et sexualité des adolescentes
L’entrée dans la vie sexuelle dépend en grande partie de l’éducation reçue en famille sur la sexuelle (Tableau n°5). Mais les parents en Afrique ont-ils l’habitude de discuter de la sexualité avec leurs filles ?
tableau5
Il ressort des résultats que 62,6% des adolescentes ne discutent pas de la sexualité avec leurs parents ; par contre 37,4% seulement échangent sur la sexualité avec les leurs. Ce qui explique que, bien que l’on cherche à lever l’équivoque qui fait du sexe un tabou, la majorité des adolescentes n’ont pas toujours eu l’occasion d’échanger avec leurs parents sur la sexualité. Celles qui ont eu l’occasion de parler de la sexualité avec leurs parents sont-elles satisfaites l’éducation sexuelle reçue en famille ?
L’analyse du graphique n°1 indique que sur les 107 enquêtées, 44,9% affirment qu’elles sont satisfaites de l’éducation sexuelle reçue en famille, contre 55,1% qui ne le font pas. Ce qui revient à dire que l’éducation sexuelle en famille doit être davantage encouragée pour que les adolescentes sachent mener leur vie sexuelle future. Ce qui revient à dire que l’éducation sexuelle en famille doit être davantage encouragée pour que les adolescentes sachent mener leur vie sexuelle future. Qu’est-ce qui pousserait les adolescentes rencontrées à avoir leur premier rapports sexuel ?
graphique1
L’analyse du tableau n°6 indique que sur les 64 qui ont déjà eu leurs premiers rapports sexuels, 32,8% ont été poussées par la curiosité, 39,1% par la proposition du partenaire et 28,1% affirment ignorer les raisons qui les auraient amenées à leurs premiers actes sexuels.
tableau6
Suivant le tableau n°7, 10,3% des enquêtées trouvent que la sexualité précoce est liée à  l’influence des amis et les média, 26,2% à l’influence des amies et de la pauvreté, 9,3% à l’influence des amies et l’absence d'éducation sexuelle, 12,1% aux Médias et à la pauvreté, 11,2% aux Médias et à l’absence d'éducation sexuelle. Et enfin, 30,8% pensent qu’elle est causée par la pauvreté et l’absence d'éducation sexuelle.
tableau7
En évaluant leur connaissance sur les dangers de la sexualité précoce, il ressort que 32,7% des enquêtées pensent que les grossesses non désirées et les abandons scolaires constituent les dangers d’une sexualité précoce (Graphique n°2). De même, 5,6% trouvent que les dangers d’une sexualité précoce sont plutôt les grossesses non désirées et les décès. Si 43% pensent aux grossesses non désirées et les IST, 0,9% parlent des abandons scolaires et des décès. À l’opposé de ces dernières, 12,1% évoquent les abandons scolaires et les IST; les 4,7% restants mentionnent les IST et décès. Par ailleurs, zéro virgule neuf pour cent (0,9%) ignorent les risques liés à la précocité sexuelle. Il ressort alors clairement que les adolescentes connaissent les dangers liés aux activités sexuelles précoces. La connnaissance de ces risques est due au fait que ces la majorité des adolescentes ont non seulement accès aux médias mais elles sont aussi dans des clubs scolaires . 
graphique2
Sur les 52 membres des clubs scolaires, 38,5% ont pour domaine d’intervention, l’éducation sexuelle, 17,3% des clubs parlent de l’éducation sur la santé en général, 38,5% interviennent dans l’éducation de la jeune fille, 1,9% dans la promotion des droits humains, et 3,8% dans la religion (Tableau n°8). Il apparaît alors que moins de la moitié des filles qui font partie des clubs scolaires traite de l’éducation sexuelle. Et puis, 84,1%  des enquêtées n’ont pas la liberté de sortir et de rentrer quand elles veulent contre 15,9% qui ont cette liberté. Ces clubs scolaires reçoivent l’appui de l’ATBEF, du PSI et Plan-Togo qui dispensent des formations sur la santé sexuelle. Quels sont les domaines d’intervention des clubs scolaires ? 
tableau8
2.2.2. Médias et sexualité des adolescentes
Les données consignées dans le tableau n°9 montrent que 73,8% disposent d’une télévision à la maison contre 26,2% qui n’en possèdent pas. Combien sont les filles qui disposent d’un poste téléviseur à la maison ?
tableau9
Selon les données affichées par ce tableau n°10, 42,1% des adolescentes reconnaissent avoir déjà suivi un film pornographique alors que 57,9% estiment ne pas en avoir suivi. Sur les 45 adolescentes ayant déclaré avoir suivi les films pornographiques, 75,6% les ont suivi sur DVD, 8,9% sur Internet, 6,7% à la Télévision et 8,9% sur portable. Même si certaines filles ne disposent pas de poste téléviseur à la maison, cela ne les empêchent pas de suivre les films pornographiques.
tableau10
Soixante-douze virgule neuf pour cent (72,9%) des enquêtées pensent que le fait de suivre les feuilletons ou films pornographiques poussent les adolescentes aux activités sexuelles précoces contre 27,1% qui ne sont pas de cet avis (Tableau n°11). Ces résultats attestent donc que la majorité des enquêtées reconnaissent que la projection des films pornographiques et feuilletons est un déterminant très important dans l’entrée précoce dans la vie sexuelle des adolescentes. Les feuilletons et les films pornographiques inciteraient les adolescentes à passer à l’acte sexuel comme le montre le tabkeau ci-dessous.
tableau11
2.2.3. Conditions économiques des parents des adolescentes
Cinquante sept (57) adolescentes affirment que leurs parents arrivent à satisfaire leurs besoins alors que les 50 autres adolescentes disent que leurs parents ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins pour cause de moyens limités (Tableau n°12). D’après l’analyse, (Khi2=16,393; ddl=1) au seuil p=0,000 ; la différence est très significative. L’absence de moyens économiques peut expliquer la précocité des rapports sexuels. La satisfaction des besoins peut être assurée soit par un petit ami soit par des parents. 
tableau12
L’analyse du tableau n°13 révèle que sur les 50 enquêtées dont les parents n’arrivent pas à satisfaire leurs besoins, 50% demandent de l’aide à leur partenaire (petit ami). Les 50% restants sollicitent l’aide d’un membre de la famille. Ce qui peut aussi expliquer que la jeune fille pourra céder à des avances d’une tierce personne. Ceci nous amène à interroger les jeunes filles sur le statut des personnes qui leur viennent en aide en cas de besoin.
tableau13
2.2.4. Les conséquences de la sexualité précoce chez les adolescentes du premier cycle et du secondaire
Ce sont les feuilletons qui intéressent plus nos enquêtées par rapport aux autres émissions (57%) (Tableau n°14). Si, 27,1% préfèrent le journal télévisé ; 8,4% suivent plus les séries, 4,7% les documentaires et seulement 2,8% aiment les magazines. Les feuilletons et les séries qui véhiculent les messages et les images d’amour et dont le cumul de pourcentage est élevé (65,4%) retiennent plus l’attention de nos enquêtées. Ces émissions ne sont pas sans effet sur l’habillement des adolescentes qui parfois chercheraient à s’identifier aux acteurs des feuilletons. Quelles sont donc les émissions préférées des adolescentes rencontrées ?
tableau14
L’interprètation du tableau n°15 montre que 44,9% des enquêtées préfèrent un habillement décent, 24,3% amples et 30,8% préfèrent les sexy, ce qui n’est pas sans conséquences car plus les habillements ne sont pas décents et amples, plus ces adolescentes sont exposées aux activités sexuelles précoces. Sokodé étant un milieu fortement islamisé, un mauvais habillement n’est-il pas considéré comme une dépravation des  mœurs? Ceci nous amène à interroger les adolescentes sur le type d’habillement qu’elles préfèrent.
tableau15
Le tableau n°16 indique que 39,3% des adolescentes trouvent dépassées les lois coutumières et religieuses qui interdisent les rapports sexuels avant le mariage. Pour 9,3%, elles sont trop dures. Aussi, 9,3% les estiment dures alors que 42,1% considèrent ces lois comme étant une bonne chose. Il reste évident que le cumul des pourcentages des adolescentes qui n’apprécient pas cette règle est important, soit 57,9%. La perception des adolescentes vis-à-vis de l’interdiction des rapports sexuels avant le mariage et le type d’habillement préféré des adolescentes n’influencent-ils pas le jugement que celles-ci ont des lois coutunières et religieuses de leur milieu ?
tableau16
Statistiquement les résultats donnent : (Khi2=37,788 ; ddl=12) au seuil p=0,000 (Tableau n°17). La différence est très significative. Il existe donc une relation entre les premiers rapports sexuels et la confidence des adolescentes sur les sujets de la sexualité. L’absence d’une éducation sexuelle entre parents et adolescentes explique donc l’entrée précoce dans la vie sexuelle de ces dernières. Etant donné qu’on discute peu ou pas du tout de la sexualité en famille, les confidents sur le premier rapport sexuel se comptent plus parmi les amies des adolescentes et très peu parmi les parents.
tableau17
Après analyse, le résultat est le suivant : (Khi2=17,643 ; ddl=3) au seuil p=0,001 ; la différence est significative (Tableau n°18). Il existe donc une relation entre les rapports sexuels et la satisfaction des besoins par les parents. La sexualité précoce s’explique également par le niveau économique précaire des parents. Cet âge au premier rapport sexuel semble avoir un lien avec la satisfaction besoins des adolescentes par leurs des parents.tableau18
Statistiquement le calcule donne : (Khi2=25,781 ; ddl=3) au seuil p=0,000 (Tableau n°19). La différence est très significative. La sexualité précoce des adolescentes a donc un lien avec le fait qu’elles suivent des films pornographiques.
tableau19

Conclusion

Conclusion

La problématique de la sexualité précoce chez les adolescentes ne date pas d’aujourd’hui. En vogue hier, le phénomène est toujours d’actualité. Il touche aussi bien les pays industrialisés que les pays en développement. Il nous a été donné de constater qu’à Sokodé, la maturité sexuelle intervient  très tôt chez les filles. Un nombre non négligeable des filles ont eu leurs premières menstruations entre 11 et 13 ans et l’ âge aux premiers rapports sexuels se situe entre 14 et 16 ans. Les résultats montrent que le phénomène de précocité sexuelle à Sokodé est associé à plusieurs facteurs.
D’abord, la situation économique précaire des parents prédispose les jeunes filles à avoir des rapports sexuels de façon précoce parce que n’ayant pas des moyens pour se prendre en charge.) En effet, 57 adolescentes soulignent l’incapacité de leurs parents de satisfaire leurs besoins des adolescentes et 50 d’entre elles ne satisfont leurs besoins que grâce à l’aide de leur petit ami.
Ensuite, le déficit de communication sur la sexualité estimé à 62,6% entre parents et enfants prédispose l’adolescente à l’activité sexuelle précoce. Enfin, les effets de la mondialisation ont considérablement bouleversé l’ordre social préétabli en Afrique. La diffusion des TIC (suivi des films pornorpique=75,6%), le désir des jeunes de s’affirmer, d’être à la mode à l’image de l’occident, bref  le conformisme, sont des facteurs qui favorisent l’accès précoce des adolescentes à la sexualité. L’influence des pairs qui conditionne le comportement sexuel des adolescentes. Les amies de près de 72,9% des adolescentes rencontrées ont le super pouvoir de manipuler leurs confidentes et de les conduire à la sexualité.

Références

Références bibliographiques

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Togo/grossesse en milieu scolaire : la région centrale enregistre déjà 559 cas pour l'année scolaire en cours, http://.china.org.cn/foreign/txt/2017-06/10/content_41000522

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Publié

30 Juin 2020

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2020,, mis en ligne le 30 Juin 2020. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=110

Numéro

Rubrique

Espace,Sociétés et Santé