2020/Vol.3-N°6 : Santé maternelle, néonatale et infantile en Afrique: Analyse de la situation et perspectives

9 |Pratiques traditionnelles et modernes de contraception chez la femme rurale au Mali: l’exemple de la commune de Sanando

Traditional and modern contraceptive practices among rural women in Mali: the example of the commune of Sanando

Auteurs

  • DIALLO Issa Maître-assistant issosfr@yahoo.fr, et des Sciences de l’Éducation (FSHSE)
  • GUINDO Abdoulaye Docteur en anthropologue, Maître-assistant abloguindo@yahoo.fr , Faculté des Sciences Humaines et des Sciences de l’Éducation (FSHSE),

Mots-clés:

Contraception| pratiques traditionnelles| pratiques modernes| Femmes| Sanando|

Résumé

Cet article aborde la contraception chez les femmes de la commune rurale de Sanando au Mali. L’objectif  est de répertorier les pratiques traditionnelles et modernes existantes dans la commune, d’analyser leur effectivité et enfin cerner les perceptions des femmes relatives à ces pratiques.  Pour ce faire, la méthode qualitative a été exclusivement utilisée, ce qui  nous a permis de faire une analyse plus fine de la question. A cet effet,  le guide d’entretien qui était de type semi-directif, a servi d’instrument de recherche. A la fin de ce travail, les résultats révèlent que les pratiques traditionnelles d’espacement de naissance sont relatives à des plantes, à des gris-gris, à la pratique du coït interrompu et au séjour de la femme chez sa belle-mère, tandis que celles qui sont relatives à la modernité utilisent des implants, les injections et les comprimés. S’agissant de l’effectivité des deux pratiques, les pratiques traditionnelles sont en voie de déperdition tandis que  les pratiques modernes sont les plus convoitées. Quant aux perceptions, les femmes pensent que les pratiques traditionnelles  n’ont pas d’effets nuisibles sur leur santé, par contre dans le cadre des pratiques modernes, les enquêtées semblent ne pas avoir le choix, elles se caractérisent, selon elles,  par son efficacité mais avec des effets secondaires nocifs pour la santé.

Introduction

En Afrique, la contraception occupe une place dans les politiques de santé publique. Les taux élevés de mortalité maternelle et infantile justifient l’attention accordée à ce sujet et souligne l’ampleur des défis (Coulibaly, 2014, p. 665). Quelques statistiques suffiraient à étayer nos propos. Selon  L. Alkema et al. (2016, p.464), chaque jour dans le monde, 200 millions de femmes sont enceintes et parmi celles-ci, plus de 600 000 décèdent. La répartition des causes de ces décès montrent que 536 000 sont liés aux complications de l’accouchement et de la grossesse et 70 000 liés aux complications de l’avortement. L’Afrique subsaharienne représente près de 47% de ces décès alors qu’elle ne concentre que 14% de la population mondiale (Guengant, 2018, p.12). En Afrique, 1,2 millions de décès néonataux sont également enregistrés chaque année (USAID, 2013, p.7). Au Mali, selon les résultats de l’Enquête Démographie et de Santé (EDS M IV, 2006, p.30), le ratio de mortalité est 464 pour 100 000 naissances vivantes. Pour la même année, 46 décès d’enfant de 0 à 28 jours sont enregistrés sur 1000 naissances vivantes contre 35 décès selon l’EDS V 2012-2013.
Bien que l’offre de santé soit globalement insuffisante, la répartition de ces décès montre de très fortes inégalité entre les milieux urbains et ruraux (Jaffré, 1999, p.7). Par exemple, au Mali, en 2009, la mortalité maternelle était de 555 décès pour 100 000 naissances vivantes contre seulement 115 décès en milieu urbain (RGPH, 2009, p.39). Ainsi que l’indique ces chiffres, le rapport de la mortalité maternelle en milieu rural est presque le quadruple de celui observé en milieu urbain. On peut ajouter un autre aspect, celui relatif aux décès féminins. En effet, sur dix décès féminins, trois sont liés à des causes maternelles dans l’ensemble. En milieu rural, sur dix décès de femmes, cinq sont imputables à la grossesse et à l’accouchement contre seulement une femme sur dix en milieu urbain (RGPH, 2009, p. 40).
Dans une de ces publications, au titre évocateur, « les contraceptifs sauvent des vies », le Fonds Mondial pour la Populations (UNFPA, 2012, p.1), a expliqué que l’écart des taux de décès entre les milieux ruraux et urbains est lié au manque d’accès à la planification familiale pour les femmes qui veulent retarder ou prévenir une grossesse. Il estime qu’en éliminant les grossesses non désirées, la planification familiale réduit les taux de mortalité maternelle et néonatale et améliore la santé et le bien-être des femmes et de leurs enfants.
Mais plus de 222 millions de femmes, dans les pays en développement, voulant retarder ou éviter une grossesse n’arrivent pas à le faire (UNFPA, 2012, p.2). Deux raisons sont avancées pour expliquer cette situation. La première est liée au fait qu’elles n’y arrivent parce qu’elles n’y ont pas accès expliquant ainsi le faible taux de recours des femmes rurales aux méthodes de contraception. À titre indicatif, dans le cadre d’une enquête sur les « Facteurs Explicatifs de la Pratique Contraceptive Moderne des Femmes Fréquentant les Formations Sanitaires du District de Youwarou au Mali », O. Sylla et al. (2019), ont montré que le taux de l’utilisation des méthodes contraceptives modernes était faible en milieu rural soit 1,07%. Ce chiffre est en dessous de la moyenne nationale qui est de 9,6% (EDM-V 2012-2013). Une autre étude, un peu plus ancienne a également souligné un écart important entre Bamako, la capitale du Mali et les autres régions en matière d’utilisation de méthodes de planification familiale moderne. Ainsi, en 2006, alors que 14% de femmes de la région de Bamako recouraient à une méthode contraceptive moderne pour espacer les naissances, à Mopti, une région située au centre du Mali se trouvant à plus 400 km de Bamako, seulement 2% avaient recours à ces mêmes moyens pour satisfaire les mêmes besoins (Mariko, et al., 2009, p.9).
La faible prévalence contraceptive a suscité des réflexions et interrogations de la part de divers acteurs dont les chercheurs, les politiques, la société civile et plus largement la communauté internationale qui s’interrogent tous sur les mécanismes de solutions. Les multiples initiatives prises en faveur de la Planification Familiale (PF) témoignent de l’engagement de ces acteurs. C’est ainsi qu’au Mali, le Programme National de Planification Familiale (PNPF) a été mis en place par le Ministère de la santé, celui-ci est appuyé dans cette tâche par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) telles que l’Association Malienne pour la Protection et la Promotion de la Famille (AMPPF), l’Association pour le Soutien du Développement des Activités de Population (ASDAP), le Groupe Pivot /Santé population etc. Le programme est également soutenu par les organisations internationales (FNUAP, OMS, UNICEF), la coopération bilatérale (Allemagne, Canada, Pays-Bas, Suisse et USAID) ; et beaucoup d’autres acteurs « nationaux » comme les parlementaires, la société civile et les Ministères s’occupant des départements : éducatif, du plan, de la jeunesse et du sports, de la communication, de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille.
L’organisation de tables rondes sur la PF avec les médias (télévision, radio), des caravanes des jeunes sur la PF, l’organisation des plaidoyers dans les régions, des campagnes publicitaires avec les affiches etc. sont entre autres des activités de promotions qui s’inscrivent dans ce cadre. En termes d’effets, l’organisation de ces activités et bien d’autres ont permis de faire avancer la consommation de certains produits, par exemple, le nombre de couple-année de protection (CAP) pour l’ensemble des quatre méthodes modernes les plus répandues (pilule, injectable, implant, Dispositif Intra Utérin (DIU)), a plus que doublé pendant la période 2009 à 2012. On note que ce progrès est dû particulièrement à l’utilisation des implants, qui a représenté près de la moitié du total des CAP réalisés en 2009 (Bijlmakers et al., 2012, p. 12 ). Sur le plan des effets de la contraception sur le mouvement de la population, on estime qu’en 2009, l’utilisation de la contraception a permis d’éviter 16 000 grossesses non désirées, 12 000 naissances ,175 avortements, 1 200 cas de décès d’enfants de moins d’un an, 2 300 cas de décès d’enfants de moins de cinq ans et 100 cas de décès maternels au Mali (Bijlmakers et al., 2012, p. 15).
La seconde est liée aux craintes que les femmes ont des effets secondaires des produits contraceptifs. Dans ce cadre, les travaux d’A. Coulibaly (2014, p. 674), ont révélé que plusieurs femmes refusent d’utiliser les produits de contraception à cause des effets secondaires qu’ils produisent sur leurs corps notamment la surcharge pondérale, les vomissements, les nausées, les maux de tête, les aménorrhées, les saignements vaginaux, les règles ininterrompues, etc. La même source indique que ces désagréments font l’objet de plaintes quotidiennes adressées aux agents de santé qui proposent peu de solutions aux femmes.
En milieu rural, l’exceptionnalité de l’utilisation des produits contraceptifs par les femmes se double des difficultés spécifiques d’accès dans des contextes de ressources limitées.
L’ambition de cet article est de contribuer à renforcer cette faiblesse caractérisant les recherches sur la perception des femmes sur les produits contraceptifs. Il prolonge les différentes réflexions sur la PF au Mali en s’écartant de ces larges approches pour s’intéresser à la façon dont les femmes rurales perçoivent les produits de contraceptifs et quel usage elles en font.
Concrètement, nous avons choisi d’analyser ce qui se dit et ce qui se fait des produits de contraception modernes et traditionnelles dans une perspective de déterminer les préférences chez les femmes rurales en matière de méthodes de PF.

Méthodologie

1. Approche méthodologique

1.1. Présentation du milieu d’étude

La commune rurale de Sanando est située à 65 km à l’Est de son chef-lieu de cercle (préfecture de Barouéli) et à 65 km au Sud-ouest de la  Région de Ségou (Carte n°1). Elle a été créée par loi N°96-059 du 4 novembre 1996 et est limitée au Nord par la commune rurale de Konobougou et de Barouéli centrale, au Sud par la commune rurale de Gouendo, à l’Ouest par la commune rurale de Konobougou et de Barouéli centrale et à l’Est par la commune rurale de Falo (préfecture de Bla). La sous-préfecture de Sanando compte quatre communes (N’gassola, Gouendo, Tessérila et Sanando) et la commune rurale de Sanando compte 38 villages.
La commune compte 20 005 habitants selon le RACE (Recensement Administratif à Caractère Electoral) de 2001. La commune est composée de Bambara, de Peulh et de Soninké. Malgré cette diversité ethnique, le bambara est la principale langue de communication.
L’agriculture est la principale activité des populations de la commune. Au plan religieux, la commune est essentiellement composée de musulmans mais la croyance aux cultes ancestraux est une réalité. Malgré cette réalité, certaines Organisation Non Gouvernementales (ONG) comme MARIE STOP, ONG anglaise présente dans plus de 38 pays et qui promeut la santé sexuelle et reproductive, sensibilisent les jeunes sur les avantages des méthodes modernes de contraception.
Carte n°1 : Localisation de la zone d’étude

carte1

1.2.  Processus de collecte des données

L’enquête s’est déroulée en mars 2018. Elle a été menée sur une durée de deux semaines. Au plan géographique, nous avons choisi cinq villages (Sanando, Koyan, Tissala, Sérifébougou et Tomi) sur les 38 que compte la commune en raison de leur proximité avec le Centre de Santé Communautaire du chef-lieu de commune (Sanando).
L’approche qualitative a été retenue. Elle a consisté à donner la parole à la population concernée par notre étude afin de connaitre leurs perceptions et leurs expériences en matière de contraception. Une telle approche nous permet de parvenir à une compréhension plus approfondie de l’évolution de la perception de ce phénomène. Les études qualitatives sont surtout pertinentes quand il s’agit d’étudier et de comprendre les phénomènes sociaux (Massé, 1995, p.12). Contrairement aux études quantitatives, qui cherchent le plus souvent à montrer le nombre et l’ampleur d’un phénomène, les études qualitatives, cherchent plutôt à comprendre le phénomène dans son contexte (Thagaard, 2003, p.25). Notons également que ce type de méthodologie permet avec un échantillonnage relativement peu étendu d’explorer un domaine encore moins étudié.
L’enquête concerne deux catégories de cibles : les cibles primaires et secondaires. Les cibles primaires étaient composées de femmes mariées en âge de procréer (15-49 ans.) La tranche d’âge ainsi définie est d’autant plus importante du fait qu’elle soit directement concernée par la mortalité maternelle et néonatale. Ce qui fait que les messages d’Information d’Éducation et de Communication (IEC) sur la Planification Familiale (PF) leur sont destinés. Pour toutes ces raisons, recueillir leurs avis sur les contraceptifs nous a semblé important. Notre échantillon comprend 48 femmes. Cet échantillon était fonction du temps imparti pour le travail et  des moyens économiques déployés. Ces femmes ont été réparties entre les villages de la manière suivante : 10 femmes ont été interrogées  à Sanando, 10 à Koyan, 10  à Tissala, 10 à Tomi et 8 à Sérifébougou. Sérifébougou ne compte que huit femmes car il est moins peuplé que les autres villages. Ces femmes ont été choisies au hasard  au regard de leurs occupations champêtres. Ceci a eu l’avantage de donner la chance à un grand nombre de femmes de figurer dans l’échantillon.
Pour faire partie de l’enquête, les femmes devaient être mariées et bénéficiées des services des initiatrices nuptiales. Il fallait également cumuler un minimum six années de résidence dans la commune.
Au cours de cette recherche de terrain, c’est l’entretien semi-direct qui a été utilisé, car il permet de traiter le sujet en profondeur. Ces entretiens se sont déroulés dans la journée avec l’implication des responsables des groupements de femmes qui nous ont aidés à mobiliser les femmes des quartiers. Les thématiques suivantes ont été abordées avec les 48 femmes :
- pratiques de contraception traditionnelles/ modernes ;
- leur effectivité ;
- perception des femmes des pratiques de contraception
Quant aux cibles secondaires, elles constituent les personnes ressources. Il s’agit précisément des leaders religieux (six (cinq imams, un chrétien)), des fabricants de tafo (deux),  des initiatrices nuptiales (« magnan maka muso » (deux) et un relais de santé. Ces personnes ont été choisies en fonction de leur niveau de connaissance sur le sujet.
En ce qui concerne les leaders religieux, les questions posées étaient relatives à la position de l’islam et du christianisme par rapport à la contraception et des pratiques contraceptives en vigueur dans la commune de Sanando. Avec les fabricants de tafo, des initiatrices nuptiales et le relais de santé, les questions ont porté sur l’existence des pratiques traditionnelles (de bons fabricants existent-ils de nos jours ?), l’efficacité des produits et le niveau de convoitise des pratiques traditionnelles/ pratiques modernes chez les femmes mariées. Pour les personnes ressources, certaines ont été interrogées la nuit à domicile.

1.3.  Méthode d’analyse des données 

L’analyse des données a commencé par la transcription des enregistrements issus des entretiens individuels. Cette transcription s’est faite sur un fichier Word. Par rapport à un plan de rédaction qui a été élaboré en tenant compte des différentes variables du guide d’entretien, nous avons procédé à une exploitation des données par leur triangulation. Elle a consisté à épurer les données en éliminant les répétitions et les renseignements qui n’intéressaient pas l’analyse. C’est à la suite de cette activité que nous avons procédé à la rédaction de notre article descriptif et analytique, appuyé par des extraits des verbatims issus des entretiens individuels.

1.4.  Quelques considérations éthiques 

La décision de faire partie de l’étude appartenait à chaque individu et c’était une démarche purement volontaire. Une fiche de consentement éclairé été soumis au préalable aux enquêtés qui ont  signifié leur accord avant le début des enquêtes. A la fin de chaque entretien individuel un kit composé de savons (pour les femmes) et ou du thé (pour les hommes) a été remis à chacun des participants en guise de compensation pour le temps consacré à l’enquête.
Les participants ont par ailleurs eu la garantie que les informations recueillies feront l’objet d’un traitement confidentiel et ne feront l’objet d’aucune divulgation.

Résultats

2. Résultats

2.1.  Pratiques traditionnelles de contraception

Certains fruits et plantes contraceptifs permettent l’espacement des naissances. Ils ont donc une possibilité substantielle de permettre à la femme d’éviter de tomber enceinte à l’issue d’une relation sexuelle pendant la période féconde. Les enquêtes ont pu identifier quelques types de fruits, de plantes  et d’amulettes contraceptives.
2.1.1. Fruits de Tomo ntigi[1] (ricinus communis) et balan balan[2](cassia occidentalis)
Pour espacer les naissances,  la plante tomo ntigi est beaucoup citée par les enquêtées. Elle consiste  pour la femme d’avaler son fruit. Le nombre de fruits avalés équivaut au nombre d’années effectué sans enfant.  AK,  originaire de Tissala  confirme cette pratique, du moins théoriquement :
« Il y a  un fruit dont la plante pousse sur le dépôt d’ordures. Son nom est  tomo ntigi. Si tu avales un fruit, cela équivaut à un an d’espacement entre les naissances, deux fruits à deux ans. Le nombre de fruits avalés équivaut au nombre d’années d’espacement ».
Parallèlement, une autre plante connue sous le nom vernaculaire de balan balan, joue la même fonction. A.H,  du village de Sérifibougou, ayant bénéficié des encadrements d’une initiatrice nuptiale, affirme que « pour la  contraception, mon initiatrice nuptiale m’a conseillée l’utilisation des graines du  balan balan, une plante locale. Le nombre de graines avalées correspond au nombre d’années sans  grossesse ».
Ce qui est visible, à l’analyse de ces discours, les plantes en question n’ont pas été utilisées par ces femmes. Pourtant, elles  sont faciles à trouver malgré le déboisement fréquent et leur acquisition n’occasionne aucun frais. Au-delà de ces plantes, les gris-gris sont aussi utilisés comme méthode traditionnelle de contraception.
2.1.2. Tafos
Les tafos, sont des objets contraceptifs. Le plus souvent, c’est un fil de coton (de filage traditionnel) sur lequel on récite des incantations tout en confectionnant des nœuds. L’objet confectionné  doit être  amené par la bénéficiaire chez un cordonnier pour être enrôlée dans une peau d’animal. La femme l’attache autour de sa taille. Tant qu’elle le porte, il n’y a aucune possibilité de tomber enceinte.
Le problème fondamental est qu’aujourd’hui, les dépositaires de ces savoirs sont rares. La plupart de ces connaisseurs meurent avec leur savoir sans une réelle transmission à leurs descendants ou d’autres personnes de confiance. A.S, du village de Sérifibougou, est parmi ceux-là qui fabriquent le tafo dans la localité. Il dégage les différentes fonctions de cet objet qui est d’une certaine utilité. Selon lui,  le tafo est utilisé pour se donner une certaine assurance face à une fille imprudente qui a l’âge de procréer : 
« En ce qui concerne la contraception sur le plan traditionnel, je peux le faire. Aujourd’hui, il n’est pas facile de contrôler un enfant. Donc si certains parents soupçonnent leur fille, ils viennent me voir. Et je fabrique le ‘’ tafo ‘’ pour elle. La fille l’utilise (en la portant au niveau de la ceinture) jusqu’à son mariage, mais une fois au foyer, elle peut l’enlever pour faire les enfants ».
Egalement, au cas où une femme a des enfants rapprochés, l’objet en question leur permet d’espacer les naissances en vue d’un épanouissement des enfants. Selon AS le même fabricant, le tafo sert à espacer les naissances : 
« Certaines femmes aussi ont des enfants d’âge rapproché. Dans de tel cas, elles viennent me voir et je fais le ‘’ tafo ‘’ pour elles. Quand elles trouveront que l’enfant a atteint une certaine maturité et qu’elles veulent en faire, elles l’enlèvent et font leur enfant ».
La même pratique permet d’arrêter l’évolution, autant que la femme veut, d’une grossesse déjà contractée. Cette pratique est surtout convoitée par les parents qui sont face à une humiliation : celle d’avoir la grossesse avant le mariage. AS dégage une autre vertu de son tafo en ces termes :
« Ce  tafo  peut également faire stagner (bloquer) une grossesse. Quand une femme se rend compte que sa fille est enceinte et que cette grossesse n’est pas constatable physiquement, elle vient me voir. Je leur donne le  tafo  et la progression de la grossesse s’arrête jusqu’après le mariage. Arrivée chez le mari, la fille enlève le tafo  et continue normalement sa vie ».
Le tafo a généralement des interdits. La femme ne doit pas, par exemple, se rendre au cimetière quand elle le porte. Mais, cet interdit relatif au cimetière ne concernent pas les musulmanes parce qu’elles ne vont pas au cimetière pour les enterrements. Cet interdit concerne plus les chrétiennes.
Par ailleurs, avec les changements socioculturels intervenus au niveau des villages, les femmes qui mènent des rapports extraconjugaux sont de plus en plus nombreuses. La pratique du tafo suscite de plus en plus d’engouement à cet effet chez ces femmes.
Au-delà de ces pratiques, d’autres existent. Elles sont relatives au retrait de l’homme au moment de l’éjaculation, le déménagement momentané de la femme chez sa belle-mère.
2.1.3. La pratique du coït interrompu  et le séjour de la mariée chez la belle-mère (la quarantaine)
Comme pratique de contraception traditionnelle, certains leaders religieux ont parlé de retrait au moment de l’éjaculation (coït interrompu). Au moment de l’éjaculation lors du rapport sexuel avec la conjointe, le mari retire le sexe du vagin. Cela avait pour objectif d’éviter d’engrosser la femme afin d’espacer les naissances et garantir la santé de la mère. Le risque à ce niveau peut être grand si l’homme se laisse dominer par son plaisir. Une lenteur constatée dans ce retrait peut conduire à une grossesse non désirée. Un autre méfait de cette pratique est l’interruption à court de chemin du plaisir.
Une autre méthode d’espacement de naissance est le déménagement de la femme chez la belle-mère communément appelé la quarantaine. Ceci a l’avantage de séparer la femme du mari en réduisant la fréquentation. Dans la localité,  cette  stratégie ressemble un peu à la méthode de sevrage d’un enfant. DC pense qu’ : « on prône d’abord la tradition » car « chez nous, quand la femme accouche, elle doit partager la chambre avec sa belle- mère ».
En faisant une analyse, ces pratiques traditionnelles ont aujourd’hui connues des changements. La première forme, même si elle est encouragée par certains religieux, est de plus en plus abandonnée parce qu’elle est un exercice difficile à faire. L’usage du préservatif masculin a été d’un apport considérable pour son abandon progressif.  La deuxième semble aussi désuète au regard de l’influence des religions révélées (l’islam et le christianisme). En effet, face à la cherté de la vie, au risque de débauche de la mariée une fois chez sa mère, la pratique est découragée.
Après l’identification des pratiques traditionnelles de contraception, il est utile cependant de parler de leur effectivité dans la commune.

2.2. Effectivité des pratiques de contraception  

2.2.1. Les contraceptifs traditionnels : un contrat générationnel  
Cette partie aborde la problématique de l’effectivité et du fonctionnement des pratiques traditionnelles de conception. A ce niveau, la remarque est de taille : les villages qui étaient considérés dans le temps  comme des réservoirs de savoirs locaux en la matière, sont malheureusement en train de perdre ces pratiques traditionnelles. Ainsi, celles-ci sont délaissées au profit de celles modernes. Cet abandon progressif s’expliquerait par les nombreuses campagnes de sensibilisation menées par l’Etat et les ONG. En effet, ces pratiques sont  abandonnées au point que beaucoup d’enquêtés ont des difficultés à les reconnaitre  pour ne les avoir pas utilisées.  BC,  du village de Sanando, affirme : « Je ne connais pas les pratiques traditionnelles. Mais je sais que ça existe ». Dans ce même ordre d’idée,  BD, du village de Koyan ajoute : « Dans les causeries, on me parle de  l’existence de ces pratiques  mais je n’en ai jamais vues de mes yeux. (…) ».
La première enquêtée croit en son existence même si elle ne  connait pas la pratique. La seconde, quant à elle, a appris son existence lors de causeries mais ne les a jamais vues de ses yeux. Qu’est ce qui peut expliquer cette situation dans une localité pourtant encrée dans la tradition ? Qu’est ce qui s’est passé entre temps pour que ces enquêtées ne puissent pas prendre connaissance de ces pratiques alors qu’elles y vivent depuis leur tendre enfance ? Ces questionnements trouvent leurs réponses dans le changement profond qu’ont subies les sociétés traditionnelles d’une part et d’autre part par  le fait que ces enquêtées ne soient pas certainement imprégnées des réalités de leur société. L’hypothèse d’une tentative de léguer leur propre culture au second plan est plausible. Cette thèse de l’acculturation trouve sa confirmation chez cette enquêtée de Tissala, AD : « Ma grande mère me parlait des méthodes traditionnelles de contraception. Mais en vérité, j’étais trop petite et je n’ai rien compris. Elle faisait ces pratiques. Mais je ne m’y  intéressais pas ». 
Dans ce discours, l’enquêtée a  eu la chance d’avoir dans sa famille une grand-mère qui savait  confectionner la contraception traditionnelle mais elle n’en a jamais profité du fait de son jeune âge. Elle renchérit : « On me dit qu’un des membres de notre famille possède cette même connaissance de la grand-mère ». Pourquoi ne s’est-elle pas intéressée à ce savoir lorsqu’elle a grandi ? Parce que, dit-elle : « J’ai un penchant pour la méthode moderne que la méthode traditionnelle ». KT, du village de  Tissala, quant à elle explique  vaguement et à l’allure d’un conte son niveau de connaissance de cette pratique traditionnelle :
« Autrefois, il parait qu’on faisait la contraception avec un fruit d’arbre (ce produit était utilisé dans le to et on l’avalait). Je ne connais pas le nom de cet arbre. Il parait que si l’on  utilise trois fruits de cet arbre, on doit faire trois ans sans avoir un enfant. Le nombre de fruits détermine le nombre d’années sans conception d’enfant ». 
Cette enquêtée s’exprime avec une certaine incertitude. Même  si elle ne le dit pas avec précision, ce qui dénote de sa méconnaissance de cette méthode.
A l’analyse de ces discours, les enquêtées ont atteint  l’âge de la majorité. Parmi les personnes interrogées, il y en a qui ne connaissent pas du tout la pratique traditionnelle, d’autres ont une idée vague mais ne s’y intéressent pas. Cet état de fait ne soulève-t-il pas des inquiétudes ? Assurément oui, si nous savons que cette pratique traditionnelle présente des avantages qui permettront de booster les indicateurs peu reluisants en matière de contraception. Nous assistons à une certaines déperdition des pratiques traditionnelles de contraception comme nous démontrent ces discours.
Par ailleurs, si les pratiques traditionnelles sont en voie de déperdition, force est de constater que celles modernes sont convoitées et expriment une certaine ascension par rapport aux premières.
2.2.2.  Les contraceptifs modernes, une pratique en pleine évolution
Dans la commune rurale de Sanando, trois formes de pratiques modernes sont répertoriées à savoir : les implants communément appelé en langue locale allumetini, les injections et les comprimés. KT, du village de Tissala note : « Je sais qu’il y a  « allumètini » (implant), les comprimés et les piqûres. J’ai l’habitude de faire la piqûre, c’est elle qui m’a plu. Elle est passable. Elle peut interrompre les règles pendant un mois ». RT, du même village, abonde dans le même sens mais se montre plus méfiante en ce qui concerne le port du tafo : « En plus de la piqûre, il y a les comprimés, alumètini et autres. Pour les produits nouveaux, je ne vois pas de problème ».
Quant à l’effectivité de ces pratiques les sensibilisations menées par l’Etat et ses partenaires autour de cette contraception a été  une réussite au niveau de la commune. En effet, les populations de la commune ont un penchant sur la moderne que sur la  traditionnelle. Les populations, dans leur choix, donnent une importance particulière aux  injections et aux implants. Ainsi, AD du village de Tissala note que :
« Je connais les injections et les comprimés dans le cadre des pratiques modernes de contraception. Mais ma préférence ce sont les injections. Mon mari étant  un agent de santé à la retraite, me les recommandent ».
Le choix de cette enquêtée s’explique par le fait que les injections sont sûres et la question d’oubli relative à son administration est moins évoquée,  or les comprimés sont  caractérisés par une possibilité  d’oubli, car la dose doit être prise tous les jours. Aussi, l’enquêtée subit une influence de la profession de son mari qui relève du domaine biomédical. Cette influence est aussi notée par une autre femme de Tissala, qui, cette fois, est elle-même relais de santé. Elle affirme : 
« Je suis un relais de santé. Dans nos causeries avec les populations, nous abordons  les questions de contraception. Tous les  trois mois, les femmes doivent faire les injections contraceptives. Cela a pour but d’espacer les enfants et de mettre à l’aise les femmes (…). Cependant, nous leur demandons de le faire en accord avec leurs maris. Quant à moi-même,  je  fais les injections ». 
BC du village de Sanando se prononce également en faveur de la modernité sans équivoque : « J’utilise les pratiques modernes, notamment les injections. Je le fais sur consentement de mon mari car ça nous arrange tous les deux. Je préfère l’injection du fait qu’elle a moins d’inconvénients contrairement aux autres types ».
Ces discours montrent à bien d’égard que la modernité  s’est implantée dans le milieu. En plus d’être sensibilisé, l’Etat, les collectivités décentralisées et les ONG travaillent avec des relais de santé sur place mais aussi certains agents de santé à la retraite. Il faut noter dans les discours une préférence en faveur des injections par rapport aux comprimés,  bien que ces injections  présentent des inconvénients comme toute autre méthode moderne. Aussi, acquérir le consentement de son conjoint, constitue une autre facette de cette modernité.
En définitive, des choix sont opérés entre traditionnel et modernité par les femmes, quelles sont les raisons implicites ou explicites qui motivent ces choix ? Ceci nous amène à nous intéresser à leur perception de ces deux pratiques.

2.3. Perception des femmes des pratiques  de contraception

2.3.1. Perception par rapport aux effets  des différentes pratiques
Les femmes ont des perceptions différentes des pratiques de contraception. Elles sont partagées entre les deux formes de pratiques en fonction de leurs effets désirables ou indésirables. Ainsi, KC du village de koyan évoque les effets indésirables de la pratique moderne et opte pour celle traditionnelle, le tafo qui semble être utilisé par certaines femmes :
« La piqure  pose des problèmes, car après deux ou trois fois de piqure, elle peut provoquer des saignements  qui durent un mois et plus souvent. Son interruption n’est pas facile. Le tafo ne perturbe pas les règles or la piqure rend malade. Mon choix porte sur le tafo que la piqure ».
BC,  du village de  Sanando, abonde dans le même sens que KC. Si KC évoque le saignement quant à la piqure, BC par contre parle d’impact négatif de la piqure sur le placenta et  le cycle menstruel, cela, en fonction de sa propre expérience : « Je trouve la traditionnelle efficace, je la préfère à l’injection car elle n’a pas d’inconvénients. Les injections ont  un impact négatif sur le placenta. Selon ma propre expérience, elle modifie aussi le cycle menstruel ». DD, initiatrice nuptiale à Koyan trouve que les comprimés compliquent les naissances : « Les comprimés à force de les utiliser rendent malade. Les comprimés peuvent compliquer la naissance. Aujourd’hui, les complications des naissances sont dues aux comprimés que les femmes prennent en nombre élevé ».
Elle est pour le tafo qui a des avantages certains : « le « tafo » est meilleur aux produits modernes. Car il ne rend pas malade ». KK de Tissala est d’ailleurs pour la valorisation des pratiques traditionnelles de contraception dans la mesure où les modernes engendrent des complications chez la femme qui conduisent au traitement, contrairement au tafo :
« Certes je n’en ai pas connu ni moderne ni traditionnel, mais je pense que le «tafo» est meilleur plus que les comprimés. Car si tu utilises le tafo, au moment où tu comprends que l’enfant a marché ou à un certain âge de maturité, tu peux enlever le tafo et faire ton enfant. Mais avec les comprimés, si tu veux arrêter des complications surgissent et tu dois suivre d’autres traitements encore. Donc si ça ne tient qu’à moi, je pense qu’on doit valoriser les pratiques anciennes ou traditionnelles ».
A l’opposé de es enquêtés, DD de Tissala estime la pratique moderne est meilleure et la défend bec et ongle : « Je n’ai pas eu de problème moi-même mais certaines disent qu’elles ont eu des problèmes avec les produits modernes. Elles évoquent des maladies comme le saignement de longue durée. Franchement, je n’ai rien remarqué de tout cela ».
A écouter les enquêtées, la pratique traditionnelle et surtout le tafo (même si son effectivité n’est pas bien visible) est plus appréciée que la moderne s’agissant de leurs effets. Les femmes se prononcent plus pour la première que pour la seconde. Qu’en est-il de leur efficacité selon les enquêtés ?
2.3.2. Perception relative  à  l’efficacité des pratiques
S’agissant de la  question de l’efficacité, les enquêtés ont des divergences de positions face aux deux pratiques de contraception. Certaines femmes, par crainte de l’efficacité du tafo, utilisent les deux formes de contraception à la fois. Ainsi,  KT du village  koyan affirme : « J’avais confiance au tafo, mais j’avais trop peur. Ce qui fait que j’ai mélangé les deux formes de contraception ». Cette enquêtée doute de ce produit traditionnel qui se donne gratuitement mais elle a donné un peu d’argent à celui qui fabrique pour que le produit ait la « baraka ». Contrairement à certains tafo, celui pour elle, est sans interdit : « Le mien n’avait pas de totem (ou interdit). Le tafo n’a pas de prix, mais je lui ai donné quelque chose et cela en fonction car c’est une vieille personne qui mérite considération et respect ».
Cette autre enquêtée affirme avoir jeté ses deux tafo qui se sont révélés inefficaces
«J’en ai utilisé jusqu’à deux. C’était des ‘’tafo’’ qui n’avaient pas d’interdit. Ils ont été inefficaces et j’ai fini par les jeter ».
FF,  lors du focus group à Tissala, raconte avec un ton rieur sa mésaventure quand elle a porté son tafo : 
«  Les méthodes traditionnelles ne sont plus bonnes. Peu d’entre elles sont efficaces.  Une fois à Abidjan, quelqu’un m’a donné le tafo. Je l’ai attaché à ma ceinture. C’était sous forme de  cordelette. Je suis tombée enceinte tout en l’utilisant. Dès lors, je ne crois plus aux méthodes traditionnelles. Elles ne sont pas efficaces ».
Elle dénonce l’absence de sincérité des fabricants qui semblent transgresser plusieurs interdits sociaux, ce qui explique l’inefficacité de ces tafos :
« Les fabricants doivent  confectionner ces tafos avec sincérité. Ils transgressent des interdits qui rendent aussi inefficaces ces pratiques ». FF défend donc la méthode moderne en ces termes : « Les méthodes modernes sont plus efficaces. Nous avons bien vu leur utilité et leur rôle. Elles n’ont pas d’inconvénients ».
AM de Tissala pense que l’inefficacité du tafo peut être dû : « à la manière de le  confectionner ». AT,  du village de Tissala a le même sentiment face aux pratiques traditionnelles : 
« En matière d’espacement des naissances, les méthodes traditionnelles sont inefficaces. J’ai l’habitude de contracter la grossesse tout en portant un médicament traditionnel. C’était un ‘’tafo’’. J’ai fini par l’enlever. Je l’avais acheté avec qui venait souvent d’Abidjan ».
Cette autre enquêtée pense que l’efficacité d’une contraception traditionnelle pose la question de compatibilité avec la personne :
« Les méthodes traditionnelles efficaces ne sont pas compatibles avec tout le monde. Mon mari m’en avait cherché, ça n’a rien servi. J’ai contracté une grossesse tout en le portant à ma ceinture. C’était le ‘’tafo’’. Paradoxalement, le même ‘’tafo’’a été efficace pour une autre personne. Ce ‘’tafo’’ n’avait pas d’interdit.  Après cela, je me suis orientée vers les modernes. Je fais notamment les injections. Elles sont efficaces ».
Comment comprendre cette situation ? Pourtant ce tafo n’avait pas d’interdit. Pourquoi ce produit marche chez l’une et ça ne marche pas chez l’autre ? A ce niveau, nous pouvons questionner la régularité dans le port du produit. Si celle avec qui le produit n’a pas marché fait le sexe en oubliant de le porter, elle contracte la grossesse. L’hypothèse de l’interdit est exclue dans de pareil cas de figure.
Contrairement à ces enquêtés, certaines femmes ont eu la chance de tomber sur produits traditionnels efficaces en témoignent les propos de DD du village de Koyan :
« J’ai eu un produit d’espacement de naissance avec les « gaoulas » de vers Ségou. C’était du « tafo », je l’ai cherché pour ma nièce. Quand elle accouche, elle attache le « tafo ». Quand l’enfant marche, elle l’enlève et le garde dans sa caisse. Ce « tafo » était de bonne qualité et n’avait pas d’interdit ».
 AD,  du Tissala, atteste que sa sœur en avait en bonne qualité mais celui qui a confectionné pour elle n’est plus : 
« Ma petite sœur en avait qui était vraiment efficace. Mais celui qui le confectionnait est décédé ». Elle affirme  connaitre : « un village vers San où on le confectionne et c’est encore efficace. Quand tu le portes (‘’tafo’’) tu l’enlèves au moment où tu as besoin d’avoir un enfant ».
En définitive, parmi les multitudes de produits contraceptifs traditionnels répertoriés, le tafo semble être le plus utilisé parce qu’il n’a pas d’effet nuisibles pour la santé. Les enquêtés aiment particulièrement ce produit même si son efficacité est discutée. Malheureusement, ceux-là qui sont chargés de le confectionner sont de plus en plus rares. Quant à la pratique moderne, les enquêtés n’ont pas le choix, elle se caractérise par son efficacité mais avec des effets secondaires nocifs pour la santé.
[1] Expression bambara qui désigne un arbre qui pousse sur les dépôts d’ordure.
[2] Expression bambara. Cette plante pousse aux alentours des maisons et en brousses. Elle entre dans la préparation de la sauce. Certains préparent uniquement ses feuilles en y ajoutant des condiments pour gérer la période de disette dans la localité.

Conclusion

Conclusion

Aux termes de cette étude, nous avons pu répertorier  les pratiques traditionnelles et modernes existantes dans commune rurale de Sanando. En effet, si les pratiques traditionnelles d’espacement de naissance relevées sont relatives à des plantes, à des gris-gris, à la pratique du coït interrompu et au séjour de la femme chez sa belle-mère, celles modernes met l’accent sur l’utilisation  des implants, les injections et les comprimés.
S’agissant de l’effectivité des deux pratiques, les enquêtes révèlent que les pratiques traditionnelles sont en voie de déperdition même si certaines femmes continuent d’utiliser le tafo comme moyen de contraception. Les pratiques modernes sont les plus usitées.
Quant à la motivation des femmes par rapport aux pratiques,  les résultats montrent que celles traditionnelles telles que le tafo, n’ont pas d’effets nuisibles pour la santé. Certaines femmes optent pour ce produit  même  s’il   souffre d’un problème d’efficacité. Pour les pratiques modernes, les enquêtés semblent ne pas avoir le choix, elles se caractérisent par son efficacité mais avec des effets secondaires nocifs pour la santé.
Face à la cohabitation des deux formes de contraception, les enquêtés se trouvent dans un dilemme : choisir le traditionnel moins efficace sans effets nuisibles ou opter pour la modernité, efficace mais nocifs pour la santé. Si la première forme se caractérise par son aspect ésotérique (où l’accès à l’information n’est donc pas aisé) et la seconde s’ouvre au monde. Nous sommes en présence de deux logiques apparemment  différentes mais qui sont complémentaires. Dans le cadre du développement endogène, il est intéressant d’identifier davantage de méthodes traditionnelles de contraception, d’étudier le mode de transmission de ce savoir local afin d’inciter les dépositaires à une large ouverture à l’extérieur à travers la sensibilisation. Egalement, la collaboration est plus que nécessaire entre les deux types de savoirs, cela, dans un souci de trouver des méthodes de contraception qui soient  plus efficaces avec quasiment pas d’effets secondaires. 

Références

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Publié

31 Decembre 2020

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2020,, mis en ligne le 31 Decembre 2020. Consulté le . URL: https://retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=127

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