2021/Vol.4-N°7 : Mutations environnementales et risques sanitaires en Afrique

|INFLUENCE DU CONTEXTE D’HABITATION SUR LA DISTRIBUTION SPATIO-TEMPORELLE DES CAS DE MENINGITE DANS LA REGION DE LA BOUCLE DU MOUHOUN, BURKINA FASO

INFLUENCE OF HOUSING CONTEXT ON THE SPATIO-TEMPORAL DISTRIBUTION OF MENINGITIS CASES IN THE BOUCLE DU MOUHOUN REGION, BURKINA FASO

Auteurs

  • BADOLO Alain Master en Ingénierie begalathi@gmail.com, Université Thomas SANKARA
  • TRAORE Issouf Maitre-Assistant t_issouf2000@yahoo.fr, Université Thomas SANKARA
  • MALO Sadouanouan Informatique sadouanouan@yahoo.fr, Université Nazi BONI
  • OUÉDRAOGO François de Charles Professeur Titulaire resabo2000@yahoo.fr, Université Joseph KI-ZERBO

Mots-clés:

Résumé

La présente étude vise à proposer une description et l’analyse de facteurs de risque environnementaux et climatiques liés à la distribution spatio-temporelle des cas de méningite dans la région de la Boucle du Mouhoun, Burkina Faso. La démarche méthodologique intègre des données de nosologie de la méningite agrégées à l’échelle communale, des données climatiques issues de stations météorologiques et des données environnementales acquis par l’approche de la télédétection. L’estimation de l’association entre les variations géographiques de l’incidence de méningite et celles de variables d’exposition, fait appel aux modèles de régression écologique. Les cas de méningite sont quasi nuls pour des taux d’humidité supérieurs à 70%. On observe une distribution saisonnière des cas, avec une augmentation de 17.07% du nombre de cas de la saison sèche et froide à la saison sèche et chaude, une baisse de 51.23% en saison humide et chaude. La structuration spatiale des variables environnementales montre une distribution hétérogène, avec des agrégations d’entités spatiales dans des zones ayant des caractéristiques environnementales similaires et des cas spatialement atypiques. Les coefficients de régression estimés pour la variable explicative « humidité » et un impact total de -17,828  pour les températures, révèlent une dépendance spatiale dans la distribution des incidences et un impact significatif des températures et de l’humidité sur l’hétérogénéité des incidences de méningite.

Introduction

La méningite à méningocoque est une forme bactérienne de méningite, qui produit une infection grave des méninges (membranes enveloppant le cerveau et la moelle épinière), et est à l’origine de lésions cérébrales sévères et entraîner la mort dans 50 % des cas en l’absence de traitement (OMS, 2018, p.1 ; OAAS, 2019, p.1-3). Quoiqu’observable partout dans le monde, les épidémies de méningite semblent localisées dans une zone particulière qualifiée comme étant la « ceinture de la méningite ». La cartographie de cette zone, entre les latitudes 4 et 16° Nord, s’étend en Afrique subsaharienne du Sénégal à l’ouest jusqu’à l’Éthiopie à l’est (L. Lapeysonnie, 1963, p.39-44 ; A. M. Molesworth et al., 2003, p.1289 ; OMS, 2018, p.1 ; OOAS, 2019, p.1-3). Evidemment, c’est à l’intérieur de cette bande que le fardeau de la maladie pèse le plus lourd. On y dénombre environ 30 000 cas de méningite chaque année (OMS, 2018, p.1). La plus grande épidémie de méningite de l'histoire a eu lieu en 1996-1997, avec plus de 250 000 cas et 25 000 décès rapportés sur le continent africain (OOAS, 2019, p.3). Situé entre 10 et 15° de latitude Nord, le Burkina Faso, se trouve au cœur même de la ceinture et reste l’un des pays les plus affectés par des recrudescences saisonnières de méningites avec parfois des ampleurs épidémiques. En une décennie (1988 et 1997), on a dénombré plus de 700 000 cas et 70 000 décès, sans compter les personnes victimes de séquelles neurologiques (F. B. Bationo, 2012, p.2 ; E. Fluck, 2012, p.11).
Au plan de l’épidémiologie géographique (A. Fromageot et al., 2005, p.398-401 ; R.S. Ostfeld et al., 2005, p.332-333), la méningite reste un bel exemple de maladie révélatrice des interrelations complexes entre l’environnement, le climat et la santé. Les liens entre ces trois éléments demeurent très forts et presqu’indissociables (A. M. Molesworth et al., 2003, p.1288-1291 ; B. Sultan, 2005, p.46-48 ; N. Martiny et al., 2007, p.36-37 ; P. Yaka et al., 2008, p.8-10 ; N. Martiny et al., 2012, p.76-79 ; J. Paireau et al., 2012, p.3-4), d’où l’utilisation ici du terme « contexte d’habitation », à visée systémique. La climatonosologie de la méningite indique clairement un profil endémo-épidémique. L’endémicité renvoie à un dénominateur spatial et environnemental (A. M. Molesworth et al., 2003, p.1288-1291 ; N. Martiny et al., 2007, p.36-37 ; A. Adde, 2013, p.10-13). Les épidémies quant à elles sont toujours influencées par le climat, la succession des saisons (I. Mbaye et al., 2004, p.222-224 ; B. Sultan, 2005, p.46-48 ; P. Yaka et al., 2008, p.8-10 ; E. Fluck, 2012, p.28-40 ; N. Martiny et al., 2012, p.76-79 ; A. Adde, 2013, p.24-32 ; L. Agier et al., 2013, p.5-6 ; A. Deroubaix, 2013, p.46-49 ; J. Paireau et al., 2014, p.4-7). A l’échelle d’une région, c’est la conjonction principalement des facteurs environnementaux et climatiques qui détermine la propagation de la méningite. L’essor récent des outils informatiques, et notamment des systèmes d’informations géographiques (SIG), et de la télédétection a grandement simplifié la manipulation de données géospatiales (acquisition, stockage, analyse, visualisation, etc.) (L.R. Beck et al., 2000, p.219-223 ; R.S. Ostfeld et al., 2005, p.332-333 ; J. Paireau et al., 2012, p.3-7). Cela permet de prendre en compte plus facilement la dimension spatiale dans l’étude des maladies. De nombreux paramètres environnementaux et climatiques (indice de végétation, température, humidité relative, types de sols, etc.) peuvent ainsi être extraits à partir des imageries satellitaires et reliés à la distribution des cas ou vecteurs de maladies (S. I. Hay, 2000, p.10-14). Depuis 1970, l’utilisation des SIG et des images satellites dans les problèmes de santé publique a suscité un intérêt croissant (S. I. Hay 2000, p.10-14 ; G. A. AvRuskin et al., 2004, p.5-10 ; J. Paireau et al., 2012, p.3).
Bien qu’un intérêt particulier soit accordé à l’analyse des problèmes de santé publique au Burkina Faso ; les méthodes d’épidémiologie spatiale n’ont pas fait l’objet d’un grand intérêt dans la documentation de la méningite dans la région sanitaire de la Boucle du Mouhoun au Burkina Faso. Très peu d’information porte particulièrement sur la spatialisation de cas de méningite à l’échelle fine communale, reliant les données climatiques et environnementales, à l’aide des outils SIG et de télédétection. L’objectif de ce travail est d’analyser, à l’échelle fine communale, le risque écologique des facteurs environnementaux et climatiques sur la distribution spatio-temporelle des cas de méningite dans la région sanitaire de la Boucle du Mouhoun au Burkina Faso, à l’aide de méthodes de statistique spatiale. Avec la décentralisation intégrale, les formations sanitaires sont placées sous l’autorité des communes. Ce travail permettra à ces collectivités de disposer d’information sanitaire levier de développement socio-économique.

Méthodologie

1.1. Présentation de la zone d’étude

La région de la Boucle du Mouhoun est localisable au Nord-ouest du Burkina Faso entre 10°6’0’’ et 14°10’0’’ de latitude Nord et entre 5° 16’17’’et 1°80’10’’ de longitude Ouest. Elle couvre ainsi une superficie de 34 497 km2, soit 12% du territoire national. Sur le plan climatique, la région est sous l’influence d’un climat tropical de type soudano-sahélien marqué par l’alternance de deux saisons contrastées. Une courte saison pluvieuse (juin-septembre) où souffle la mousson et une longue saison sèche où souffle l’harmattan. L’humidité est fonction du vent : l’harmattan est pauvre en humidité et la mousson chargée en humidité et apporte les précipitations. La région est irriguée en sa moitié sud par le plus important cours d’eau pays, le fleuve Mouhoun, formant une boucle dans la Commune de Dédougou. Administrativement, la région comprend en six provinces subdivisées en 47 communes (Carte n°1). Dans le système de santé, l’offre de soins s’organise suivant les rôles administratifs des localités (A. Meunier, 2000, p.14). Chacune des six provinces de la région est érigée en district sanitaire. Le Centre Hospitalier Régional (CHR) est implanté à Dédougou (Chef-lieu de la région), qui est le centre de référence pour les cinq Centres Médicaux avec Antenne chirurgicale (CMA) localisés à Boromo, Nouna, Toma, Tougan et Solenzo (chefs-lieux de provinces). Au niveau périphérique, on a six Centres Médicaux (CM) dans certains chefs-lieux de communes et 150 Centres de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) dans les villages. Ces centres périphériques ont comme référence leur CMA respectif.
Carte n°1 : Les 47 communes de la région de la Boucle du Mouhoun

1.2. Collecte de données

1.2.1. Données sanitaires
Les données sanitaires sont collectées au niveau des CSPS, CM et CMA et acheminées au niveau des Centres d’Information de Surveillance Sanitaire et épidémiologique (CISSE) des différents districts pour agrégation. Les CISSE de districts à leur tour communiquent les informations au CISSE à la direction régionale de la santé pour centralisation. Ces rapports sanitaires sont électroniquement hébergés à l’aide d’une plate-forme dénommée Entrepôt National de Données Sanitaires (ENDOS). Les cas de méningite de l’ensemble des districts sanitaires de la région ont été extraits d’ENDOS par les soins du Responsable du CISSE régional. La série temporelle, à une résolution mensuelle, couvre cinq ans de 2014 à 2018.
1.2.2.    Données climatiques et environnementales
Ces données portent sur le couvert végétal, l’humidité relative de l’air et la température de l’air.  Etant donné que nous avons choisi de travailler à l’échelle de la commune et que ces données ne sont pas disponibles pour toutes les communes, les données ont donc été extraites par télédétection (S. I. Hay 2000, p.10-14). Ainsi, les indices de végétation (NDVI), d’humidité (NDMI) et de températures (LST) sont obtenus à partir d’imageries satellitaires comme illustré à la figure n°1. Au total quatre images multispectrales LANDSAT8 (196-51 ; 196-52 ; 197-51 et 197-52) de la deuxième semaine du mois de Décembre 2013 et couvrant la zone d’étude sont acquises des archives du Service de Surveillance Géologique des Etats-Unis (USGS) (https://ers.cr.usgs.gov). Ces images sont traitées à l’aide du logiciel ArcGIS 10.4. L’extraction de l’information contenue dans l’image s’est fait à partir de la création de néo-canaux en utilisant des bandes correspondant à l’information que l’on veut extraire. La carte n°2 montre par exemple l’indice de températures par la mosaïque. Chaque Commune de la zone d’étude a été extraite de la mosaïque, puis le modèle raster a été converti au modèle vectoriel, en fichier de forme SHP. Le fichier d’extension est utilisé pour calculer la moyenne des pixels, qui représente la valeur moyenne de la variable dans une Commune donnée.
Figure n°1:Schéma conceptuel de la démarche
Carte n°2 : Distribution des pixels de température de l’air dans la région de la Boucle du Mouhoun

1.3.Traitement des données

Les données nosologiques et populationnelles ont été agrégées à l’échelle des unités spatiales (US) qui sont les limites administratives des communes. Après agrégation, l’incidence annuelle de méningite a été calculée pour 100 000 habitants. Pour mettre en évidence le caractère saisonnier de la maladie, les données nosologiques ont étés organiser sur la base d’identification des variations de cas de méningite et du climat. Ainsi, trois périodes ont été définies : une saison sèche et froide qui va de novembre à févier, une saison sèche et chaude de mars à mai et une saison chaude et humide de juin à octobre. Pour l’analyse spatiale, un fichier de forme SHP composé des polygones des 47 communes a été préparé sous ArcGIS, a importé sur R. A la table des attributs de ce fichier a été joint le jeu de données sur les variables nosologiques, climatiques et environnementales. Ce nouveau fichier dont la table attributaire comporte l’ensemble de nos variables d’intérêt, est utilisé pour l’analyse de la distribution spatio-temporelle de la méningite.

1.4. Analyse de données

Pour l’analyse de la structuration globale de nos variables d’intérêt, il a été procédé comme illustré à la figure n°2. Une matrice de contigüité spatiale a été construite à partir des 47 communes de notre zone d’étude. Dans le but de comparer la distribution de l’incidence de méningite à celle des variables environnementale, les valeurs observées par variable ont été cartographiées en définissant six classes par la méthode de discrétisation de « Jenks » sous ArcGIS. Les indices d’autocorrélation spatiale de Moran pour chaque variable ont étés calculés dans l’objectif de connaître le type de structuration spatiale et de quantifier le niveau de structuration spatiale pour chacune des variables dans la zone d’étude. Un vecteur comportant des valeurs spatialement décalées des incidences de méningite a été construit afin de comparer la distribution de l’incidence observée à celle d’une distribution des incidences dans un processus de propagation de la maladie. Dans l’objectif de mesurer la robustesse de la statistique de Moran, un test de significativité fondé sur une randomisation par un processus de type Monté Carlo a été réalisé (S. Oliveau, 2011 ; J. Paireau et al., 2012, p.3). Le modèle de régression spatiale de Durbin (SDM) sous expression :  a été construit et les paramètres estimés par ce modèle ont été interprétés.
Figure n°2: Schéma conceptuel de l'analyse des données

Résultats

2. Résultats

2.1. Profils statistiques des variables d’intérêt dans la zone d’étude

La figure n°3 montre des distributions asymétriques de l’ensemble des variables d’intérêt. Ce défaut de normalité dans la distribution reste typique des données à caractère environnemental. Aussi, les résultats montrent une grande variation des valeurs de l’incidence de la méningite eu égard à la large plage de valeurs (0-259) qu’affiche son profil. Les autres variables affichent une faible variation de leurs valeurs, avec une borne supérieure ne dépassant pas 60. En se référant à la distribution des valeurs par rapport à médiane, on remarque que plus de 60% des communes affichent des valeurs d’incidence de la méningite supérieures à la médiane (36 cas pour 100 000 habitants). Cela indique une grande fréquence des valeurs fortes, avec des valeurs atypiques (queues lourdes). Avec des bornes supérieures de 36oC et 49%, les profils de la température et de l’humidité, indiquent que 75% des communes ont des valeurs situées au-dessus des médianes (33 oC et 47%). Toutefois, la température laisse voir des valeurs atypiques (queues légères). Contrairement à l’humidité, le profil de la végétation indique que 75% des communes ont des valeurs inférieures à la médiane (59%). Les profils de végétation et d’humidité n’affichent aucune valeur atypique. Cela indique des valeurs presque similaires.
Figure n°3 : Profils statistiques des quatre variables d’étude
Source : CISSE, 2019, Landsat 8

2.2. Distribution spatiale des variables d’intérêt à l’échelle de la commune

La carte n°3 représente la distribution spatiale des valeurs des variables d’intérêt à l’échelle des communes. Le nombre élevé de classes pour l’indice de méningite et de la température dénote d’une forte hétérogénéité spatiale dans la distribution des valeurs. Cette sensibilité spatiale reste difficilement observée pour la végétation et l’humidité. Aussi, la carte n°3 laisse voir des situations de distribution spatialement atypique. C’est l’exemple des communes de faibles valeurs entourées de voisines ayant de fortes valeurs et vice-versa.
La figure n°4 montre la structure spatiale des variables d’intérêt. Les résultats indiquent que l’incidence de méningite et la température on grosso modo la même structure spatiale. La projection des communes forme un nuage de points dispersés. Cela exprime de grands écarts de valeurs entre les communes. A l’opposé, l’alignement vertical des points dans les structures spatiales de l’humidité et la végétation, indique de très faibles écarts de valeurs entre les communes. Cela laisse voir une homogénéité (cluster) spatiale entre communes (carte n°3).
Carte n°3 : Distribution spatiale des valeurs des quatre variables à l’échelle des communes de la région de la Boucle du Mouhoun
Figure n°4: Classification des communes en fonction de la structuration spatiale des variables d’intérêt
Source: CISSE, 2019, Landsat 8

2.3. Distribution des incidences de méningite dans le temps et dans l’espace

À l’échelle de la région sanitaire de la Boucle du Mouhoun, l’incidence moyenne globale sur la période des cinq ans atteint 13,96 cas pour 100 000 habitants. La figure n°5a montre la distribution spatiale des incidences moyenne à l’échelle des districts sanitaires. Les valeurs extrêmes varient entre 21 (à Tougan) et 4,40 (à Toma). Ainsi, trois (50%) des districts ont des incidences supérieures à la moyenne régionale. La figure n°5b montre la distribution temporelle des incidences annuelles dont les valeurs extrêmes vont de 27 (en 2014) et 6,83 (en 2018). On observe globalement une baisse de l’incidence d’une année à une autre sur la période d’étude. La figure n°5c montre la distribution saisonnière des cas de méningite. Les résultats indiquent que 95% des cas sont concentrés en saison sèche. Le pic épidémique est observé pendant la période de mars-mai qui concentre à elle seule plus 56% des cas de méningite.
La figure n°6 montre la distribution saisonnière de l’incidence de méningite à l’échelle des communes. On observe la quasi prédominance des cas pour la période de mars-mai dans toutes les communes qui ont enregistré des cas sur la période d’étude. Les deux plus grands pics de cette période sont localisés dans la commune de Bondokuy (district de Dédougou) et de Solenzo (Solenzo). Pour la période novembre-février, Bondokuy et Solenzo enregistre encore des pics majeurs et s’ajoute cette fois-ci la commune de Tougan (district de Tougan). La figure n°6 indique par ailleurs que deux (4%) des communes, Pompoï (district de Boromo) et Madouba (Nouna), n’ont enregistré aucun cas de méningite sur l’ensemble de la période d’étude. Cela signifie que sur la période des cinq ans, 45 (96%) des communes ont été touchées par la méningite. La majorité des communes affiche une incidence inférieure à six cas pour 100 000 habitants.
Figure n°5 : Distributions globales des incidences de méningite a) par districts sanitaires, b) par années et c) par saisons
Source: CISSE, 2019
Figure n°6 : Distribution spatio-temporelle des incidences de méningite par communes de la zone d’étude
Source: CISSE, 2019

2.4. Liens entre le contexte d’habitation et l’incidence de la méningite

La figure n°7 montre le croisement entre les variables climatiques et environnementales avec l’incidence de la méningite. Ainsi, les résultats indiquent une parfaite corrélation entre méningite et température à 33 oC. Les valeurs sont de 49% pour l’humidité et 58-59% pour la végétation. Lorsqu’une commune présente ces conditions climatiques et environnementales, sa vulnérables à la méningite augmente.
La figure n°8 démontre un lien fort entre les variables climatiques et méningite. La figure n°8a montre la distribution mensuelle des cas de méningite couplée avec celle des maximas d’humidité pour le district de Boromo. Ainsi, les résultats montrent qu’aux taux d’humidité inférieurs à 40% sont associés des pics de cas de méningite tandis que, au-delà d’un taux d’humidité de 60%, on n’observe pas de cas de méningite. La figure n°8b montre la distribution mensuelle des cas de méningite comparée aux maximas de température pour le district de Dédougou. Les pics de cas de méningite sont observables pour des températures maximales comprises entre 32 et 40 °C. aucun cas de méningite n’est observé pour des températures en deca de 32 °C et au-delà de 40 °C.
Figure n°7 : Relations entre les variables climatiques et environnementales et l’incidence de la méningite
Source: CISSE, 2019, Landsat 8
Figure n°8 : Liens entre incidence de méningite et maximas a) d’humidité à Boromo et b) de température à Dédougou
Source: CISSE, 2019, Landsat 8

2.5. Influence du contexte d’habitation inter-communes

Le tableau n°1 donne la mesure de la dépendance spatiale globale de la commune vis à vis de ces voisines. Les résultats montrent une rejection de l’hypothèse d’absence d’autocorrélation spatiale (H0) pour l’ensemble des variables d’intérêt. Ainsi, pour chaque variable les valeurs prises par une commune dépendent des valeurs des communes voisines. Les communes dépendent les unes des autres dans un voisinage de type Queen. La force de la dépendance spatiale est observée à l’ordre un (k = 1). La valeur du I de Moran mesure la force de cette agrégation. Ainsi, l’agrégation de communes observées dans la structure spatiale de la distribution des cas de méningite, est probable à 18%. Après 999 permutations aléatoires des valeurs de l’échantillon parmi les 47 unités spatiales, nous observons toujours la même valeur de I de Moran comme dans le cas de la distribution observé. Ce qui traduit la force de la significativité des indices de Moran obtenus pour les distributions observées.
Tableau n°1 : Indices d’autocorrélation spatiale (de Moran) des variables d’intérêt
Source: CISSE, 2019, Landsat 8

2.6. Impacts du contexte d’habitation sur la survenue de la méningite

Le tableau n°2 montre suivant le modèle SDM (Spatial Durbin Model) l’impact des variables climatiques et environnementales sur l’incidence de la méningite. La variable spatialement décalée montre la distribution du phénomène dans un processus de diffusion spatiale. Le coefficient autorégressif global est . Cela exprime que le contexte d’habitation est responsable à 33% de la survenue de la méningite dans la zone d’étude. Les données du tableau n°2 montrent d’avantage que pris individuellement, c’est l’humidité qui impacte le plus significativement (à un niveau de confiance de 95%) la survenue de la méningite dans la zone d’étude. La significativité des effets marginaux a été vérifiée par la méthode de Monte Carlo avec 999 permutations. Cela traduit que l’augmentation de l’humidité de 1%, a un effet négatif de 28,5532 sur l’incidence de méningite dans une commune donnée lorsque les autres variables exogènes restent constantes. Un accroissement de 1% dans les communes voisines, a un effet positif de 40,9396 sur l’incidence de méningite dans une commune entourée. Un accroissement de 1% pour toutes les communes, à un effet de 12,3863 sur l’incidence de la méningite.
La carte n°4 montre une comparaison entre les incidences de méningite observées et celles spatialement décalées générées à partir du modèle SDM. Dans le cas d’une diffusion spatiale sans aucune influence d’une variable exogène, la distribution spatiale des cas serait moins hétérogène, avec une tendance à l’agrégation un peu plus prononcé. On observe que dans un processus de diffusion des cas de méningite, toutes les communes sont touchées par la méningite et que les communes spatialement atypiques sont les plus touchées. C’est dire que la commune de Gomboro par exemple, si ce n’est à cause de certaines conditions environnementales tel que l’humidité, cette commune enregistrerait une incidence de méningite assez importante comprise entre 104 et 150 cas pour 100 000 habitants tout comme ses voisins.
Tableau n°2 : Quantification de l’influence du contexte d’habitation sur la méningite
Source: CISSE, 2019, Landsat 8
Carte n°4 : Comparaison entre incidences de méningite : incidence observée (à gauche) et incidence spatialement décalée (à droite)

Conclusion

Conclusion

Notre ambition au début de ce travail était d’étudier l’influence des facteurs environnementaux sur la distribution spatio-temporelle des cas de méningite dans la région de la Boucle du Mouhoun. Au terme de notre travail, force est de reconnaître que la méningite est un problème de santé publique. Les contextes environnementaux d’habitation ont un impact sur la distribution spatio-temporelle des cas de méningite dans la région sanitaire de la Boucle du Mouhoun. Les analyses de corrélations écologiques ont permis d’estimer l’association entre les variations géographiques des incidences de méningite et celle des facteurs écologiques tels que les températures, l’humidité et la densité de la végétation dans la zone d’étude. Ce travail démontre le caractère localisé des cas de méningite et la grande variabilité spatiale dans les schémas de diffusion. Les résultats de ce travail peuvent contribuer à améliorer les politiques de santé publiques, notamment en termes d’allocation des ressources, diagnostiques, thérapeutiques et de contrôle des épidémies de méningite. D’une manière générale, ce travail met en évidence la pertinence de l’utilisation de l’échelle communale pour l’étude et la surveillance des méningites à méningocoque au niveau national. Les limites de cette étude sont de plusieurs ordres, notamment la non prise en compte des facteurs socio-économiques qui peuvent varier d’une commune à une autre, mais également certains facteurs de confusion non mesurés ou non identifiés peuvent modifier la relation écologique entre un facteur d’exposition et la distribution des cas de méningite dans la région sanitaire de la Boucle du Mouhoun.

Références

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Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2021,, mis en ligne le . Consulté le . URL: https://retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=211

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