2021/Vol.4-N°8 : Mobilité, transport et santé en Afrique

9 |CAUSES ET OCCURRENCES DES ACCIDENTS DE LA ROUTE EN 2019 DANS LA COMMUNE DE PORT-BOUËT (CÔTE D’IVOIRE)

CAUSES AND OCCURRENCES OF ROAD ACCIDENTS IN 2019 IN THE MUNICIPALITY OF PORT-BOUËT (CÔTE D’IVOIRE)

Auteurs

  • N’GUESSAN Anselme Kouassi Doctorant kanselme007@gmail.com, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d'Ivoire
  • KASSI-DJODJO Irène Maître de Conférences irenekassi@yahoo.fr, Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d'Ivoire

Mots-clés:

Port-Bouët| sécurité routière| accident de la voie publique| cause| transport| occurrence|

Résumé

Les accidents de la circulation sont à l’origine de nombreux tués et blessés sur les routes. Les pays les plus touchés sont les pays à revenus faibles ou intermédiaires (OMS, 2020). Pour lutter contre ce fléau, il est nécessaire de connaitre les causes qui sont en amont. Cette étude dans la commune de Port-Bouët a permis d’identifier et d’évaluer les trois causes à l’origine des accidents de la circulation routière. Ce sont les causes humaines, mécaniques et environnementales. Une enquête auprès des services de constats de la police, de la gendarmerie et l’Office de Sécurité Routière (OSER) a été effectuée pour constituer une base de données fiables. Les enquêtes de terrains ont permis de géolocaliser les accidents de la route et de collecter des données sémantiques qui ont fait l’objet d’un traitement à partir du logiciel « Le sphinx ». Les résultats de l’étude montrent que les hommes sont impliqués dans les accidents à plus de 95% et les personnes âgées de 24 à 45 ans sont les plus nombreuses. Au niveau environnemental, les causes des accidents sont : la dégradation de la chaussée, la défaillance de la signalisation, la défaillance de l’éclairage public et les activités informelles le long des voies publiques. Au niveau mécanique, les défauts sur les pneus, les freins et les problèmes liés au système de direction des véhicules sont les causes d’accident. Ces trois facteurs doivent être pris en compte dans les politiques de lutte contre l’insécurité routière pour avoir une réduction significative du nombre d’accidents.

Introduction

Les accidents de la route causent chaque année 1,3 millions de morts et 20 à 50 millions de blessés dans le monde, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2020). Elle indique également dans son rapport de 2020 que les accidents constituent la première cause de décès chez les enfants et les jeunes âgés de 15 à 29 ans. Le niveau de vie des pays est aussi identifié par l’organisation comme un facteur déterminant dans la survenue des accidents de la circulation, car plus de 93% des décès liés aux accidents de la route sont enregistrés dans les pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires. En Afrique, ce sont 26,6 personnes sur 100.000 qui sont tuées dans des accidents de la route tandis qu’en Europe l’on dénombre 9,3 tués sur 100 000 personnes.
Les accidents de la circulation routière suscitent de nombreuses études à travers le monde. Cependant, il se pose le problème de la fiabilité des données en Afrique notamment en Afrique subsaharienne (E. Bonnet et al, 2016, P 4). La littérature de façon générale aborde les questions de sécurité routière à diverses échelles spatiales. Elle montre une plus grande survenue des accidents en milieu urbain comparativement au milieu rural à cause du trafic automobile important (M. Azzeddine et T Ghiat, 2015, p169). Les politiques d’urbanisme font de la sécurité un axe de réflexion. En effet, en milieu urbain, l’aménagement est un facteur de risque d’accident (S. Gardon., 2005, p 79-97 ; l’INRETS, 1998). Ce qui a engendré la judiciarisation voire la responsabilisation des concepteurs et des gestionnaires de l’infrastructure urbaine (voirie et bâti), et qui contraint les managers des villes à prendre en compte la sécurité des citadins à travers leur responsabilisation pénale en cas de défaillance de l’infrastructure dans la survenue des accidents de la route (M. Guilbot, 2005, pp 167-197).
Au plan mondial, le coût des accidents est estimé à environ 518 milliards de dollars chaque année (OMS, 2020). Devant, ce coût important auquel font face les États, l’OMS incite à prendre des mesures visant à réduire le phénomène notamment en produisant des données fiables. Ces données statistiques présentent des enjeux sociaux, économiques et politiques (S. Bernardin, 2005, p 53). Elles permettent surtout de conduire avec précision les politiques de lutte contre l’insécurité routière. La prévention des accidents suppose une bonne connaissance du phénomène, notamment ses causes. Dans la recherche de la causalité, l’approche systémique des accidents permet d’étudier les éléments du système circulatoire. Par opposition à une approche qui considère que l’homme est entièrement responsable des accidents, l’approche systémique préconisée par Van Elslande en 2003 a permis d’isoler les éléments à l’origine des accidents et d’établir la cause du dysfonctionnement à partir des défaillances de chaque élément du système. Le système des accidents de la route est constitué de trois éléments : véhicule- homme -environnement (système VHE). Cette étude a pour objectif d’évaluer les causes des accidents dans la commune de Port-Bouët en se basant sur les éléments constitutifs du modèle de Van Elslande (2003). Ces causes sont évaluées à trois niveaux : au niveau humain, au niveau des véhicules et au niveau de l’environnement.

1. Présentation de l'espace de l'étude

Située au sud-est du district d’Abidjan, la commune de Port-Bouët est une presqu’île localisée entre l’océan Atlantique et la lagune Ebrié (Carte n°1). Elle s’étale d’ouest en est le long de la façade maritime sur environ 30 kilomètres. Elle couvre une surface de 111 km² avec un relief fait de plaine littorale. La commune se subdivise en trois grandes parties qui sont : Port-Bouët centre, Vridi et Route de Bassam. Selon l’Institut National de la Statistique (INS), la population communale était estimée à 371 486 habitants en 2018. La commune de Port-Bouët dispose d’un certain nombre d’infrastructures qu’on ne retrouve pas dans les autres communes du district d’Abidjan. Ce sont : le port autonome d’Abidjan, l’aéroport international Félix Houphouët Boigny, une zone industrielle et une voie express internationale. La présence de ces infrastructures occasionne un trafic routier très important dans lequel les accidents sont fréquents.
Carte n°1 : présentation de la zone d’étude
présentation de la zone d’étude

Méthodologie

2. Méthodes et Matériels

2.1. Collecte des données de terrain

Cette étude sur les accidents de la circulation dans la commune de Port-Bouët s’est déroulée sur la période allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019. Elle a consisté à collecter des données auprès des services compétents que sont la police nationale et la gendarmerie nationale et l’Office de Sécurité Routière (OSER) à travers un inventaire, des entretiens et des observations. Le service des constats de la police nationale a vocation à constater tous les accidents de la route sauf ceux impliquant au moins un véhicule militaire. Ces derniers sont exclusivement du ressort de la gendarmerie nationale. Dans la commune de Port-Bouët, la gendarmerie nationale a aussi vocation à constater les accidents civils ayant lieu dans un périmètre bien défini autour d’une brigade de gendarmerie, lorsqu’elle est informée avant la police. C’est le cas de la zone de l’aéroport international Félix Houphouët Boigny et du quartier « Vridi-cité » qui dispose chacun d’une brigade de gendarmerie.

2.2. L’inventaire des accidents dans les registres des constats

Des fiches d’inventaire, comportant 62 points chacune, ont été élaborées dans le but de faire le dépouillement des registres des constats de la police et de la gendarmerie. Elles ont permis d’identifier, localiser à partir des indications des lieux, dénombrer et catégoriser les accidents et les victimes sur la période allant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019. Cette étape a été suivie des entretiens auprès des structures en charge des questions de sécurité routière.

2.3. Les entretiens auprès des structures compétentes

Les entretiens effectués dans le cadre de cette étude ont concerné trois structures. D’abord un entretien direct a été effectué avec les autorités de la voie publique à la préfecture de police d’Abidjan (PPA), qui est en charge du service des constats dans le District d’Abidjan. Le second entretien a été réalisé au Commandement Supérieur de la Gendarmerie, au Bureau des observations et études (BOE). Le troisième a été fait avec des responsables de la sous-direction des statistiques de l’Office de Sécurité Routière (OSER). Ces entretiens ont permis de faire une seconde série d’entretiens avec les chefs des groupes de constats de la police et les commandants des deux brigades de gendarmerie de Port-Bouët. Il faut signaler que les registres de la police et de la gendarmerie n’indiquent pas les causes des accidents. Les causes sont établies par les officiers de zone après analyse des documents fournis par les services de constat. Puis, les dossiers d’accidents entièrement renseignés sont transmis à la préfecture de police, pour ce qui concerne la police, et au commandement supérieur de la gendarmerie, pour les accidents enregistrés par les gendarmes. Seuls les dossiers d’accidents achevés (comportant tous les documents nécessaires fournis par les personnes impliquées dans les accidents) sont acheminés auprès des structures susmentionnées. Ces dossiers établissant les causes des accidents sont compilés et traités par le service des statistiques de l’OSER. Ces données ont été mises à notre disposition par l’OSER sous la forme d’un tableau mentionnant le lieu de l’accident, le type de collision, la cause de l’accident, les bilans humains et matériels. Un croisement de ces données a été fait avec celles que nous avons collectées sur le terrain. Ce croisement a permis d’associer chaque accident à sa cause.

2.4. L’observation de terrain

Les autorisations obtenues auprès de la préfecture de police d’Abidjan et du commandement supérieur de la gendarmerie et le stage effectué au service des constats du District 5 de la police, nous ont permis d’être en immersion dans l’environnement de travail des agents de constat et de participer ainsi à plusieurs missions de terrain avec les agents de police. Cela n’a pas été possible avec la gendarmerie compétente sur les accidents militaires, ceux survenus sur le boulevard de l’aéroport et sur quelques rares accidents civils. Outre les missions avec les agents de constat, nous avons opté pour une collecte a posteriori des données. Cette méthodologie a nécessité le dépouillement des registres des services concernés, sur toute la période des enquêtes (du 1er janvier au 31 décembre 2019), suivie de la reconnaissance des lieux sur le terrain. À partir de la localisation mentionnée dans le registre et à l’aide d’un GPS nous avons pu réaliser la localisation des accidents, leur géoréférencement ainsi que l’étude de l’environnement immédiat.

2.5. Les matériels utilisés

Cette recherche a nécessité l’utilisation de guides d’entretien, de fiches d’inventaire, d’un GPS, d’un appareil photo et de logiciels de traitement de données numériques et cartographiques. Ainsi les coordonnées des accidents ont été levées à partir de l’application OSM tracker (GPS) et les cartes réalisées avec le logiciel Qgis. Le traitement et l’analyse des informations issues des entretiens et du questionnaire ont été effectués par le biais des logiciels Sphinx et Excel, qui ont permis d’obtenir des tableaux et graphiques.

Résultats

3. Le dysfonctionnement du système véhicule-homme-environnement (VHE): une source d'insécurité routière 

Le système accidentologique est constitué de trois éléments qui sont : l’homme, le véhicule et l’environnement. Le dysfonctionnement d’un ou plusieurs éléments du système peut constituer une cause d’accident de la circulation.

3.1. Les causes humaines des accidents de la route à Port-Bouët

Les causes des accidents de la circulation sont liées tant à des facteurs humains qu’à des comportements sur la voie publique.
3.1.1. Les facteurs humains dans les accidents de la route
Selon l’âge et le sexe, il est possible d’établir des tendances pouvant permettre de comprendre les accidents. Le graphique n°1 présente l’évolution du nombre de conducteurs impliqués dans les accidents de la route en fonction de l’âge. Le nombre de conducteurs impliqués dans les accidents augmente régulièrement pour les conducteurs dont l’âge se situe entre 21 et 24 ans. De 24 à 45 ans, le nombre de conducteurs impliqués atteint 129 soit 7% des conducteurs impliqués. À partir de 45 ans, ce nombre diminue jusqu’à 73 ans. Les conducteurs âgés de 21 à 24 ans sont supposés conduire avec prudence et se conformer aux règles de conduite récemment apprises dans les auto-écoles. Cependant, leur nombre dans la survenue des accidents augmente du fait des erreurs de débutant dues à leur inexpérience (CEMT-OCDE, 2006, p3). Entre 24 et 45 ans, les conducteurs seraient plus expérimentés, mais ils sont enclins à commettre un nombre important d’infractions au Code de la route. Il s’agit des excès de vitesse, de dépassements dangereux, de franchissements des lignes continues, etc. (C. Charbit,1997, p25). À partir de 45 ans, le nombre de conducteurs impliqués dans les accidents diminue. Cela pourrait s’expliquer par une augmentation de la prudence liée à l’expérience de conduite ou à la diminution du nombre de conducteurs de plus en plus âgés sur les routes.
Graphique n°1 : Répartition des conducteurs impliqués dans des accidents en fonction de l'âge

Répartition des conducteurs impliqués dans des accidents en fonction de l'âge

Source: Nos enquêtes, 2019
Le graphique n°2 présente la répartition des conducteurs impliqués dans les accidents matériels, corporels et mortels. En ce qui concerne les accidents matériels, l’on note une augmentation rapide et régulière du nombre de conducteurs dont l’âge se situe entre 21 et 24 ans. De 24 à 45 ans, ce nombre connait une évolution en dents de scie avec des pics à 33 et 36 ans. À partir de 45 ans, le nombre de conducteurs impliqués diminue et s’annule à 73 ans. Pour les accidents corporels, de 21 à 51 ans, le nombre des conducteurs impliqués évolue aussi en dents de scie avec des pics à 29, 33 et 42 ans. Cela représente respectivement 33, 36 et 35 conducteurs impliqués. À partir 51 ans, le nombre de conducteurs impliqués dans les accidents corporels diminue. Dans les accidents mortels, ce nombre est plus important chez les conducteurs de 27 ans.
Graphique n°2 : Répartition des conducteurs impliqués dans des accidents selon l’âge et le type d’accidentRépartition des conducteurs impliqués dans des accidents selon l’âge et le type d’accident.
Source: Nos enquêtes, 2019
Les hommes et les femmes ne sont pas impliqués de la même manière dans les accidents de la route. Dans la commune de Port-Bouët, les conducteurs sont plus impliqués dans les accidents de la circulation que les conductrices. Il y a une surreprésentation des hommes conducteurs impliqués dans les accidents de la circulation à Port-Bouët. Ils représentent 95% des conducteurs tandis que les femmes ne représentent que 5%. Cette répartition reflète la réalité sociale selon laquelle les hommes sont plus impliqués dans les accidents que les femmes à cause de leur propension à prendre des risques au volant (C. Charbit, 1997, p34). Mais cela est aussi dû au fait que les conducteurs sont plus nombreux que les conductrices, par ailleurs bien plus prudentes.
L’implication des conducteurs et des conductrices dans les accidents de la route est présentée dans le tableau n°1. En fonction du type d’accident, leur implication varie. Cette répartition montre que 93,33% des personnes impliquées dans des accidents matériels de la route, dans la commune de Port-Bouët, sont des hommes. Ils représentent aussi 96,62% des impliqués dans des accidents corporels. En ce qui concerne les accidents mortels, ils ont tous été causés par des conducteurs. L’implication des conductrices est de 6,66% dans les accidents matériels et de 3,38% dans les accidents corporels. La forte implication des hommes s’explique par la prise de risques démesurés au cours de la conduite, le non-respect des règles de conduite et la consommation d’alcool et de drogues sont bien plus importants chez ces derniers que chez les femmes.
Tableau n°1 : Répartition des conducteurs selon le sexe et les types d’accidents 
Répartition des conducteurs selon le sexe et les types d’accidents
Source : Nos enquêtes 2019
3.1.2. Les infractions au code de la route
Les mauvais comportements sur la voie publique constituent des facteurs importants d’accident. Les infractions au code de la route sont réparties en fonction des conducteurs et des piétons. Ils se regroupent en deux types d’infractions qui sont : le non-respect de la signalisation et la conduite dangereuse.
- Le non-respect de la signalisation : une infraction récurrente à Port-Bouët
Le non-respect de la signalisation regroupe les infractions telles que : le non-respect des feux tricolores ; des panneaux « stop » ; des règles de priorité et le chevauchement de la ligne continue.
Tableau n°2 : Répartition des accidents en fonction du non-respect de la signalisation à Port-Bouët
Répartition des accidents en fonction du non-respect de la signalisation à Port-Bouët
Source Office de SÉcurité Routière, (2019)
En 2019, le non-respect des feux tricolores a été la cause de 20 accidents de la circulation à Port-Bouët. Elle a occasionné 28 victimes dont 12 blessés graves et 1 tué. Le non-respect des panneaux « STOP » est la cause de 40 accidents de la circulation, dont 2 mortels. Cette infraction a occasionné 27 victimes dont 2 tuées et 11 blessées graves. Le non-respect des règles de priorités est l’infraction la plus fréquente sur la voie publique dans la commune de Port-Bouët. Elle est à l’origine de 105 accidents dont 6 ont été mortels avec un bilan de 46 victimes, dont 6 tués et 19 blessés graves. Le chevauchement de la ligne continue est à l’origine de la plupart des chocs frontaux des véhicules circulant sur la voie publique dans cette commune. Il est la cause de 22 accidents, dont 1 mortel.
-La conduite dangereuse : une infraction au lourd bilan
Les comportements dangereux tels que : le défaut de maitrise, la circulation sur la partie gauche de la chaussée, l’excès de vitesse, l’imprudence du conducteur, le stationnement dangereux, l’imprudence des deux-roues ont été à l’origine d’un grand nombre d’accidents à Port-Bouët.
Tableau n°3 : Répartition des accidents en lien avec une conduite dangereuse à Port-Bouët
Répartition des accidents en lien avec une conduite dangereuse à Port-Bouët
Source Office de Sécurité Routière, 2019
Le tableau n°3 montre que le défaut de maitrise du véhicule est une cause importante d’accidents de la circulation à Port-Bouët. Il a entrainé 123 accidents de la circulation avec 452 victimes dont 125 tués, 179 blessés graves et 148 blessés légers. La conduite en sens inverse a causé en 2019, 1 accident de la circulation qui a occasionné 3 victimes dont 1 tué, 1 blessé léger et 1 blessé grave. La pratique excessive de la vitesse, à cause de la grande énergie libérée pendant les chocs, constitue une cause d’accidents violents. Elle a causé 13 accidents avec 56 victimes, dont 13 tués. L’imprudence du conducteur est l’infraction la plus importante en termes d’occurrences et de victimes. Elle a causé 197 accidents avec 657 victimes. Quant aux stationnements dangereux, ils ont occasionné 54 accidents avec 168 victimes dont 60 blessés graves et 54 tués.
Ces infractions ont été enregistrées fréquemment au carrefour Akwaba (carte n°2). Eu égard au volume du trafic routier, ce faible nombre d’accidents liés au non-respect des feux tricolores s’explique par deux raisons principales. La première est la fuite fréquente des conducteurs responsables de ce type d’accident qui faussent les statistiques, parce que non comptabilisés, et la seconde est la présence massive et quotidienne de policiers et/ou de gendarmes à ce carrefour, qui constituent une dissuasion pour les conducteurs malveillants.
Carte n°2 : Répartition des accidents de la route dans la commune Port-Bouët en 2019
Répartition des accidents de la route dans la commune Port-Bouët en 2019
Dans la commune de Port-Bouët, les stationnements dangereux sont récurrents dans la zone industrialo-portuaire (ZIP) de Vridi, où des files de camions stationnés sur le trottoir et sur la chaussée attendent d’être déchargés ou chargés (Photo n°1).
Photo n°1 : stationnement dangereux de véhicules sur la voie publiquestationnement dangereux de véhicules sur la voie publique
L’imprudence des deux roues est une autre source d’insécurité routière dans cette commune. Considérés comme des usagers vulnérables, les deux-roues se livrent parfois à des manœuvres imprudentes et dangereuses pouvant conduire à des accidents (Photo n°2). En 2019, 20 victimes ont été dénombrées au cours de 6 occurrences dans la commune.
Photo n°2 : Accident impliquant un véhicule et un deux-rouesAccident impliquant un véhicule et un deux-roues
Source: Cliché N’GUESSAN K. A. (2016)
- les infractions commises par les piétons
Les plus importants manquements imputables aux piétons sont : la traversée des voies aux feux verts ; la circulation sur la chaussée et la traversée en dehors des passages aménagés. Cela représente 291 accidents, dont 4 matériels (sans blessés), 266 corporels (avec blessés) et 21 mortels (avec tués). Le bilan est de 21 tués et 500 blessés. Les accidents impliquant par les piétons sont dus à l’impatience ou la méconnaissance de certains signaux et symboles ; le manque d’attention pendant la traversée dû à l’utilisation d’objets tels que le téléphone portable ou les écouteurs ; la consommation d’alcool, la non-utilisation des passages aménagés pour les piétons ; le non-respect des signaux pour piétons ; la marche sur la chaussée ou sur l’accotement de façon incorrecte.
- l’implication des passagers dans les accidents
Considéré comme un usager non vulnérable de la circulation routière, le rôle des passagers est très souvent ignoré lors des constats d’accidents. Pourtant leur participation à la distraction des conducteurs est souvent avérée. Au niveau des statistiques des accidents dans la commune de Port-Bouët, aucune donnée chiffrée ne montre leur participation aux accidents. Cependant, dans les transports collectifs (woro-woro et gbaka), il est récurrent de voir des altercations ou des bagarres entre les conducteurs et leurs passagers pour diverses raisons (manque de pièces de monnaie lors du paiement de la course, propos discourtois de l’équipage, etc.) ou entre passagers qui peuvent considérablement distraire le conducteur.

3.2. Les causes des accidents liées à l’environnement

Les causes environnementales prennent en compte : l’état de la voirie, la dégradation de la signalisation, les défaillances de l’éclairage public et les activités en bordure de la voie publique.
3.2.1. L’état de la voirie : une cause non négligeable dans la survenue des accidents
Malgré la rénovation et l’extension, l’état du réseau routier dans la commune de Port-Bouët n’est pas exempt de critiques. La voirie dans la partie Est de la commune qui concentre la plupart des quartiers précaires est non bitumée (Carte n°2). Les voies en plus d’être étroites sont parsemées de crevasses dont les diamètres atteignent souvent trois mètres. Ces crevasses se remplissent d’eau pendant les saisons pluvieuses. Outre les problèmes environnementaux que cela cause, les crevasses rendent ces routes impraticables et l’accès des quartiers s’en trouve affecté. Au centre de la commune, la quasi-totalité des routes est bitumée et en bon état. Cependant, par endroit, il est possible de constater des dégradations dans le bitume.
À l’instar des autres communes de la ville d’Abidjan, celle de Port-Bouët a connu une dégradation préoccupante de son réseau routier. Dans la zone industrialo-portuaire (ZIP) par exemple, la détérioration fréquente des voies résulte du trafic intense des véhicules de très grands gabarits (Photo n°3). Cependant, à partir de 2011, le programme gouvernemental de rénovation et d’extension du réseau de la ville a fait bénéficier à la commune, d’une restauration des principales artères. Ainsi les nombreux nids de poules et crevasses observés sur le réseau routier ont été comblés.
Photo n°3 : Dégradation du bitume sous l’effet du traficDégradation du bitume sous l’effet du trafic
Source: Cliché N’GUESSAN K. A. (2019)
3.2.2. Les défaillances de la signalisation
66,6% des accidents dans la commune de Port-Bouët se sont produits sur des tronçons de route où la signalisation horizontale est invisible. À certains endroits du réseau routier, les bandes n’existent pas ou sont totalement effacées. Trois endroits enregistrant plus de 10 occurrences se dégagent clairement. Il s’agit du rond-point “Tripostal”, du virage du “marché de nuit” et “canal de Vridi”. Ils ont enregistré respectivement 36;12 et 11 accidents de la circulation. Par ailleurs, en 2019, l’on dénombre 803 accidents de la circulation ayant eu lieu à des intersections. La répartition spatiale montre que l’intersection cumulant le plus grand nombre d’accidents est le carrefour « Akwaba » qui dispose pourtant de feux tricolores et de tracés visibles au sol. 104 accidents y ont été enregistrés. Les accidents à ce carrefour s’expliquent par un trafic routier important et une vitesse autorisée élevée (100 km/h). Les accidents sont plus nombreux aux intersections ne disposant pas de panneaux de signalisation. Ils représentent 73% des accidents de la commune. Cela s’explique par une méconnaissance de règles de priorité en l’absence de panneaux de signalisation, une mauvaise interprétation des bandes tracées au sol, et surtout un manque de courtoisie de la part des conducteurs de véhicules de transport en commun dont l’objectif est de réaliser leur recette du jour. Pour cela, ils stationnent, tournent, ou changent de voie en méprisant la signalisation et les règles de priorité.
3.2.3. la défaillance de l’éclairage public
Le manque d’éclairage sur certaines routes de la commune de Port-Bouët est la cause de nombreux accidents. Il est lié à des défaillances électriques, à des ampoules défectueuses, mais aussi à la destruction accidentelle des poteaux électriques par les automobilistes. C’est un phénomène récurrent en soirée et consécutif à la conduite en état d’ébriété de nombreux automobilistes après des tournées nocturnes très arrosées. Au crépuscule, ces zones sombres ainsi créées sont des lieux dangereux pour la circulation routière surtout lorsque certains véhicules en circulation sont pourvus de phares ne respectant pas les normes.
Graphique n°5 : Répartition des accidents en fonction des heures de la journée
Répartition des accidents en fonction des heures de la journée
Les accidents se produisant avant le lever du jour sont moins nombreux. Leur effectif est inférieur à 50. À partir de 6 heure, le nombre d’accidents augmente régulièrement pour atteindre un premier pic à 12 heure. Ainsi le nombre d’accidents passe de 38 à 191. Ce nombre diminue entre 12 heure et 14 heure (la pause de la mi-journée), puis il augmente jusqu’à atteindre un second pic qui est son niveau le plus élevé du jour, entre 16 heure et 18 heure. Cette tranche horaire correspond à la descente des travailleurs, qui entraine une augmentation du trafic routier. Par la suite, le nombre d’accidents diminue régulièrement pour atteindre son niveau le plus bas entre 2 heures et 4 heures. La figure 5 montre que le plus grand nombre d’accidents a lieu pendant la journée. Cependant, au déclin du jour, un nombre important d’accidents est aussi enregistré entre 18 heure et 6 heure. Cela correspond à un total de 494 accidents soit un taux de 32,7%. L’une des causes de ces accidents nocturnes est la défaillance de l’éclairage public.
3.2.4. les activités aux abords de la voie publique
Les gares informelles installées spontanément le long de certaines routes dans la commune de Port-Bouët sont facteurs d’accidents. C’est le fait des taxis communaux (TC) (woro-woro), taxis intercommunaux (TI) et des minicars (gbaka). Ces gares de taxis collectifs « woro-woro » et minicars « gbaka » se localisent à Port-Bouët-centre, sur le bouvard de Bassan et à Vridi. L’occupation des trottoirs, des chaussées et de la zone de sécurité routière par ces gares crée des goulots d’étranglement dans la circulation surtout aux heures de pointe. Outre les activités de transport, celles du commerce informel se développent souvent sur les petites marges de trottoirs faisant office de séparateurs entre la voirie et les habitations. Le mépris de la zone de sécurité conduit certains commerçants et artisans à s’installer sur le trottoir et la chaussée. Pis le petit commerce ambulant se développe globalement sur les carrefours de la ville et spécifiquement dans ceux de la commune de Port-Bouët. Ce commerce informel s’installe durablement sur les carrefours les plus importants (en termes de superficie et de trafic) et le long des voies à grande circulation. Les vendeurs affluent aux heures de pointe où le trafic est très dense avec son corollaire d’embouteillage. Ainsi le ralentissement des véhicules devient pour eux une opportunité d’appâter les automobilistes. Cette activité interdite et réprimée (occasionnellement) s’est généralisée sur toutes les grandes artères de la ville d’Abidjan, les rendant de fait très accidentogènes. La carte n°2 montre une répartition des accidents le long des grandes voies de circulation qui est par ailleurs le siège des activités informelles.

3.3. Les causes liées aux véhicules

Les causes mécaniques n’apparaissent pas dans les statistiques des accidents enregistrés sur la période de l’étude. Elles sont souvent considérées comme des erreurs humaines et comptabilisées avec des infractions telles que la conduite dangereuse. Les règlements à l’amiable entre automobilistes, en vue d’éviter les tracasseries administratives liées à la procédure de constatation, constituent une des raisons explicatives du manque de données chiffrées sur les causes d’accidents en général et celle des accidents causés par des défaillances mécaniques en particulier. Les accidents causés par des pannes du véhicule sont de plusieurs types et peuvent concerner différentes parties du véhicule : les pneus, les freins et le système directionnel. Cependant, il faut noter que certaines défaillances des véhicules à l’origine d’accidents ne peuvent être identifiées qu’après un examen technique approfondi. Cet examen est considéré comme une dépense inutile par les conducteurs qui préfèrent éviter d’y recourir.

Conclusion

Les trois éléments mis en cause dans les accidents sont l’homme, l’environnement et le véhicule. Les causes humaines prennent en compte des paramètres biologiques et les infractions commises. Les paramètres biologiques considérés ici sont le sexe et l’âge. Au niveau du sexe, les hommes sont plus impliqués dans les accidents que les femmes, car ils prennent plus de risques sur la route. La tranche d’âge la plus impliquée dans les accidents est celle comprise entre 24 et 45 ans. Deux types d’infractions ont été observés. Ce sont : le non-respect de la signalisation et la conduite dangereuse. Le non-respect de la signalisation est dominé par le non-respect des règles de priorités qui est à l’origine de 105 accidents et 46 victimes. La conduite dangereuse est dominée par l’imprudence du conducteur qui a causé 197 accidents et 657 victimes. Les causes environnementales sont les dégradations de la chaussée, les défaillances de la signalisation, les défaillances de l’éclairage et les activités informelles en bordure de la voirie. Au niveau de l’éclairage public, la destruction des poteaux d’éclairage au cours des accidents et les pannes créent des zones noires dans la circulation propice aux accidents. Les défaillances mécaniques peuvent conduire à des accidents. Cependant, il est difficile d’en estimer la proportion, car il est couteux d’établir un diagnostic permettant d’identifier clairement les défaillances mécaniques qui sont invisibles pendant les constats. La réduction des accidents de la route passe par une action sur ces trois éléments du système accidentologique. Au plan environnemental, une réduction des accidents demande une prise en considération de la sécurité routière dans la conception de l’aménagement urbain. Au niveau des véhicules, un renforcement de la visite technique et des contrôles routiers peut permettre de retirer de la circulation les véhicules présentant des défaillances mécaniques. Au plan anthropique, le renforcement de la formation, des contrôles et la rigueur dans la délivrance des permis de conduire peut contribuer à induire un changement de comportements des usagers de la voie publique.

Références

Références bibliographiques

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Publié

30/12/2021

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2021,, mis en ligne le 30/12/2021. Consulté le . URL: https://retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=226

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