2018/Vol.1-N°1 : Dynamiques, spatiales,territoriales et santé en milieu urbain

9 |Etude de l'impact des nuisances sonores sur la santé des acteurs éducatifs des établissements scolaires de la commune d'Adjamé

Study of the impact of noise pollution on the health of educational actors in schools in the commune of Adjam

Auteurs

  • KONE Tintcho Assétou Doctorante ka_tintcho@yahoo.fr, Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire)
  • ANOH Kouassi Paul Professeur Titulaire de Géographie anohpaul@yahoo.fr, Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire)

Mots-clés:

Adjamé| établissements scolaires| activités commerciales| nuisances sonores| impacts sanitaires|

Résumé

L’environnement sonore autour des établissements scolaires de la commune d’Adjamé, située au cœur du district d’Abidjan, est inadéquat. Cette commune qui revêt à la fois le statut de nœud de circulation et de pôle commercial, abrite plusieurs infrastructures scolaires. Les alentours de ces écoles sont pris d’assaut de jours en jours par les activités commerciales, qui sont des sources de bruit. Les nuisances sonores qui accompagnent l’accroissement constant de ces activités commerciales, ont un impact sur la santé des acteurs du système éducatif. L’étude menée a pour objectif de déterminer à travers une étude empirique, l’impact sanitaire des nuisances sonores générées par la présence des activités commerciales autour des écoles sur les acteurs éducatifs. La méthodologie utilisée pour collecter les données, s’est appuyée sur une recherche documentaire, une enquête de terrain. La recherche documentaire nous a permis de faire l’inventaire des acquis sur les questions de nuisances sonores et les impacts sanitaires qui y sont rattachés. L’enquête de terrain a consisté à une observation de terrain, à des entretiens avec les autorités de la commune, les responsables des écoles et ceux chargés des questions sanitaires, à la soumission d’un questionnaire aux enseignants et élèves, à la mesure des niveaux acoustiques autour des établissements scolaires et surtout à des analyses médicales sur les acteurs éducatifs. Les résultats de cette étude montrent une abondance d’activités commerciales autour des écoles, aboutissant à des niveaux acoustiques très  élevés qui ont des répercussions sur la santé des acteurs éducatifs.

Introduction

Le secteur éducatif apparaît de nos jours comme une priorité pour les Etats africains. La Côte d’Ivoire a amorcé une réforme de son système éducatif. Malheureusement, ces efforts de perfectionnement ne sont pas toujours élargis à la gestion de l’environnement extérieur des écoles qui peut impacter négativement la santé des acteurs éducatifs. La question de la gestion de l’environnement des établissements scolaires est très peu évoquée dans les pays du sud et principalement en Côte d’Ivoire. En effet, les pays en voie de développement, dont la Côte d’Ivoire sont de plus en plus exposé aux nuisances sonores, n’épargnant donc pas les écoles.  Les métropoles africaines, en plein essor comme Abidjan qui compte 4 707 000 d’habitants (RGPH, 2014), n’échappent pas à cette exposition aux pollutions sonores. Selon A.R. Diomandé (2012, p. 34), « une grande partie de la population urbaine dans nos villes est confrontée à des nuisances sonores, et en particulier les riverains de routes, de voies ferrées, d'aéroports, de ports et de certaines usines ou zones industrielles tout comme les voisins de discothèques, de maquis, de carrefours fréquentés ». Les risques sanitaires liés au bruit, très peu évoqués, sont encore méconnus sous nos tropiques.
La commune d’Adjamé située au cœur du District d’Abidjan, est marquée par l’intensité des flux économiques et démographiques. Les établissements scolaires qui sont des infrastructures indispensables dans une localité se retrouvent phagocytés par les activités commerciales qui se déroulent dans cette commune. A ce propos, A. M. Kouassi-Koffi (2012, p. 69) affirme que les « établissements scolaires sont ceinturés par les activités commerciales informelles de grande ampleur ». Ces activités commerciales sont émettrices de bruit. L’abondance de ces activités commerciales avec son corollaire de bruit autour des écoles, augmente les risques de pollution sonore et les risques de maladies chez les acteurs éducatifs. L’adoption par le gouvernement ivoirien du décret n°2016-791 du 12 octobre 2016 portant réglementation des émissions de bruits de voisinage n’a pas véritablement d’impact sur les habitudes des populations dans la commune d’Adjamé. Les alentours des écoles sont toujours pris d’assauts pour l’installation d’étals commerciaux, au grand dam des acteurs éducatifs.
Le bruit émis par ces activités économiques engendre des conséquences notamment des risques de maladies chez les populations qui y sont constamment exposées. Selon E. Atcholé (2016, p. 27), « le bruit constitue une pollution sonore qui crée des malaises dans les zones urbaines à travers ses effets néfastes sur la population. Le bruit est également source de beaucoup de maux qui nuisent à la santé de l’homme ». Cette étude rappelle donc l’utilité de mettre l’accent sur l’impact du bruit sur la santé des acteurs éducatifs. L’objectif général de cet article est donc de connaître l’impact sanitaire des nuisances sonores générées par la présence des activités économiques autour des écoles sur les acteurs éducatifs.
De façon spécifique, cette étude veut premièrement inventorier les activités économiques autour des établissements scolaires ; ensuite, révéler les nuisances sonores liées à l’abondance des activités commerciales autour des établissements scolaires d’Adjamé ; et enfin déterminer les impacts sanitaires des nuisances sonores générées par la présence des activités économiques autour des écoles sur les acteurs éducatifs.

Méthodologie

1.   Matériels et méthode

1.1. Présentation de la zone d’étude

Adjamé est l’une des dix communes du District d’Abidjan. Elle se situe entre 5°21 de latitude nord et 4°1 de longitude ouest et compte 19 quartiers répartis sur une superficie de 1210 ha. Située au nord de la ville d’Abidjan, Adjamé est limitée au nord par Abobo, au sud par le plateau, à l’est par Cocody et à l’ouest par Attécoubé. La population d’Adjamé varie considérablement du fait de la présence d’infrastructures socio-économiques et de services tels que les marchés, les gares routières et les établissements scolaires ; cette variation se traduit donc par la présence de plus de 2 millions de personnes le jour, pour ne rester que 372 978 habitants la nuit avec 77 362 ménages (RGPH, 2014). La commune bénéficie de nombreuses infrastructures dont plusieurs établissements scolaires. Les quatre établissements scolaires enquêtés sont situés dans les différentes zones géographiques de la commune (Carte n°1).
Carte n°1 : Localisation de la commune d’Adjamé et des écoles enquêtées
carte 1

1.2. Matériels et méthode

Afin de mener à bien cette étude, nous avons utilisé un appareil photographique numérique, pour la prise de vue afin d’illustrer les différentes situations sur le terrain et un magnétophone pour les séances d’interview.
Pour mesurer les niveaux sonores autour et sein des écoles, nous avons recouru à un sonomètre de type SDA KIM-17017. Les enregistrements se sont déroulés sur quatre jours, à raison d’un établissement par jour. Les mesures ont été réalisées  pendant neuf heures, c’est à dire de huit heures à 17 heures, soit toute une journée d’enseignement. Les mesures pendant une journée par établissement, a été suffisant pour nous afin de mesurer le niveau acoustique au niveau des écoles. En effet, notre enquête de terrain a montré que la même atmosphère régnait tous les jours autour des établissements scolaires dans la commune d’Adjamé.
Les données ont été enregistrées dans les salles de classes avec l’autorisation des chefs d’établissements et autour des établissements scolaires enquêtés. Pour le choix de notre échantillonnage, nous avons fait un choix raisonné compte tenu du fait que notre enquête de terrain montre que tous les établissements scolaires sont ceinturés par des activités commerciales dans la commune d’Adjamé.  Nous avons choisi pour nos enquêtes quatre établissements scolaires. Le choix d’une école dans chaque zone géographique de la commune sera largement représentatif du niveau de pollution sonore autour des établissements scolaires. Ces écoles sont celles qui ont le plus grand effectif d’acteurs éducatifs dans leurs zones respectives. Le Lycée Municipal se situe dans le quartier de Williamsville 3, au nord de la commune. Au sud, le Lycée Moderne Adjamé Harris a été choisi au quartier Adjamé Village. L’enquête a été effectuée à l’est au Groupe Scolaire Liberté Ebrié, localisé au quartier Ebrié. Le Collège Djassaye Niangoran qui est abrité par le quartier Adjamé Nord est situé à l’ouest de la commune. Les quatre établissements scolaires enquêtés ont été géoréférencés avec un GPS GARMIN ETREX 10.
Les données enregistrées avec le sonomètre ont été reportées dans Microsoft Excel pour traitement. Les données traitées ont permis d’obtenir des courbes de variations des niveaux acoustiques enregistrés durant toute la journée d’enseignement, puis interprétés dans Microsoft Word.
Par ailleurs, nous avons eu recours à la recherche documentaire, à l’observation  de terrain et aux analyses médicales. La recherche documentaire a permis d’approfondir nos connaissances en matière de nuisance sonore et de ses conséquences sur la santé. L’observation directe de terrain a été utilisée pour apprécier le phénomène d’occupation des alentours des établissements scolaires. Les analyses médicales ont permis de déterminer l’impact des nuisances sonores sur la santé des acteurs éducatifs.
Les analyses médicales  effectuées avec un cardiologue et un spécialiste ORL (oto-rhino-laryngologiste), ont consistés à la mesure des tensions artérielles et des tests audiométriques respectivement chez 20 enseignants et 20 élèves. Ces enseignants et élèves sont ceux qui ont accepté volontairement de se soumettre aux analyses médicales. L’enquête de terrain a été parachevée par des entretiens et l’administration d’un questionnaire. Des entretiens directifs ont eu lieu avec deux autorités de la commune, quatre responsables des écoles et deux chargés des questions sanitaires. Quant au questionnaire, il a été soumis  à 50 enseignants et 50 élèves, à raison de 25 personnes par établissement scolaire. Les items abordés dans le questionnaire sont essentiellement, la gestion des alentours des écoles, l’avis des acteurs éducatifs sur la présence des activités socio-économiques autour des écoles, les nuisances générées par la présence des activités socio-économiques et le lien entre la présence des activités socio-économiques et la santé des acteurs éducatifs. Le traitement statistique a été réalisé avec le logiciel Sphinx et nous a permis de faire une analyse univariée.

Résultats

2.   Résultats et discussion

2.1.  L’abondance des activités commerciales autour des établissements scolaires dans la commune d’Adjamé

Dans la commune d’Adjamé, le commerce se retrouve à tous les coins de rues. Les abords des établissements scolaires n’échappent pas à ce phénomène de commerce. En effet, dans cette commune, les écoles sont généralement ceinturées par les activités commerciales.
Ainsi nous avons pu inventorier diverses activités économiques autour des établissements scolaires enquêtés que nous avons classées en quatre catégories : les magasins, les étals, les débits de nourriture, et enfin les autres qui regroupent (les librairies, les photocopieuses, les cabines cellulaires, les cybercafés…) (Tableau n°1).

Le tableau ci-dessus présente la typologie et le nombre des activités socio-économiques autour des établissements scolaires. Le Lycée Moderne Adjamé Harris enregistre le plus grand nombre d’activités commerciales soit 44,8%. On dénombre autour du Collège Djassaye Niangoran, 37,4% des activités économiques inventoriées. Le groupe Scolaire Liberté Ebrié compte le plus faible taux d’activités commerciales avec 7,1%. Le nombre d’activités commerciales dénombré autour des établissements scolaires montre l’abondance de celles-ci. A cet effet, A. M. Kouassi-Koffi (2012, p. 70) abonde dans le même sens que nous en affirmant que « les activités économiques se multiplient d’année en année et s’implantent de manière anarchique à telle enseigne que les établissements scolaires présents y sont totalement «noyés» ». Les activités socio-économiques autour des écoles sont pour la plupart des activités informelles comme on peut le constater car les étals sont les plus nombreux (Graphique n° 1).

Le graphique n°1 nous montre que les étals sont les plus nombreux autour des établissements scolaires avec 65 % de part des activités présentes autour des écoles. Même si les magasins représentent 20 % des activités, ce taux est inférieur à celui des étals dont ils font le tiers (1/3). Les autres activités dont font partie les librairies et les photocopieuses représentent à peine 7 %, alors qu’elles sont censées être les plus nombreuses vu leur utilité pour le milieu éducatif. Les débits de nourriture qui sont aussi importants n’occupent que 8 % du volume total des activités commerciales présentes autour des établissements scolaires. Cette abondance des activités commerciales peut s’expliquer par le fait que la commune d’Adjamé est avant tout une commune commerciale. Rappelons que cette commune très peu spacieuse (1210 ha) avec moins de 500 000 habitants, reçoit plus de 2 millions de personnes le jour (service socioculturel de la mairie d’Adjamé, 2017). Cette municipalité exigüe présente la plus forte densité (210 hbts/ha) du District d’Abidjan et abrite le plus grand marché du pays avec une capacité de 13 milles places. Certains commerçants refusant d’occuper les places dans ce marché forum, évoquant des prix trop élevés,  se retrouvent à squatter les alentours des établissements scolaires (photos 1a et 1b). La cohabitation entre les écoles et les activités commerciales sont très peu évoqués dans les écrits scientifiques.  Pourtant, ces activités commerciales phagocytent parfois complètement les établissements scolaires (Photos n°1 et n°2).

2.1. Mesures des niveaux acoustiques autour des établissements scolaires dans la commune d’Adjamé

La nuisance sonore dont il s’agit autour des établissements scolaires à Adjamé est l’ensemble des bruits occasionnés par les activités commerciales qui s’y déroulent. L’atmosphère bruyante autour des établissements scolaires est essentiellement due aux échanges commerciaux entres les clients qui recherchent l’article idéal et les commerçants qui sont en perpétuelle quête de clientèle. Pour les écoles proches des voies de circulation, les bruits sont issus des passages et des klaxons stridents des véhicules. A cela s’ajoutent les appels incessants des apprentis chauffeurs qui sont en perpétuelle recherche de clients. Tous ces bruits sont audibles dans les enceintes des établissements scolaires et les salles de classes. Dans la même veine, (A. M.  Kouassi-Koffi, 2012, p. 69) affirme qu’en ce qui concerne les établissements scolaires situés à proximité des marchés, les bruits proviennent bien souvent des cris stridents des marchands mais également des ventes promotionnelles accompagnées de mégaphone et de musique. Par conséquent, les niveaux acoustiques enregistrés autour et au sein des établissements scolaires, nous ont révélés des valeurs élevées (Graphique n°2).

L’observation des graphiques montre que toutes les valeurs maximales relevées excèdent la norme recommandée par l’OMS qui est de 35 dB à toutes les heures de la journée de travail scolaire. En observant les valeurs maximales enregistrées, on peut se rendre compte que les niveaux acoustiques maximums enregistrés excèdent les seuils réglementaires. En effet, les niveaux acoustiques réglementaires fixés sont de 35 dB pour l’OMS et de 40 dB pour la législation ivoirienne au sein et autour des établissements scolaires enquêtés. Les heures d’atteinte du pic varient entre 10 heures et 11 heures. Même si les valeurs enregistrées autour des établissements scolaires sont les plus excessives, le constat le plus pertinent est que dans l’enceinte des écoles, les niveaux acoustiques sont élevés, et cela est remarquable même durant les enseignements. Pendant nos prélèvements des niveaux acoustiques, nous avons pu constater que les bruits provenant des alentours des établissements scolaires sont audibles au sein de ceux-ci. Le groupe scolaire Liberté Ebrié présente les valeurs les plus faibles avec une valeur maximale de 63 dB au sein de l’école et une valeur maximale de 75 dB autour de l’école, des valeurs qui restent néanmoins supérieures à 35 dB, la norme OMS. Le niveau sonore le plus élevé, 94 dB, a été relevé autour du Lycée Moderne Harris, ce qui représente presque le triple de la norme OMS. Ces niveaux acoustiques élevés peuvent s’expliquer par le fait que le Lycée Moderne Harris qui enregistre le niveau sonore le plus élevé (94dB) est celui qui compte le plus activités commerciales à ses alentours soit 44,8%. Le groupe scolaire Liberté Ebrié qui présente la valeur la plus faible (75 dB) autour de l’école, compte également le plus faible taux d’activités commerciales (7,1%). Nous pouvons donc en déduire que plus les activités sont nombreuses autour des écoles, plus le niveau acoustique est élevé. Convergeant dans le même sens que nos résultats, l’Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement (2014) affirme qu’une campagne de mesures menée en France en 2009 a montré qu’un élève sur deux et qu’un membre du personnel sur trois sont soumis, au cours de leur journée au lycée, à une exposition individuelle (aussi appelée dose de bruit) supérieure à 80 dB(A). Les conséquences de ces nuisances sonores sont également perceptibles sur la santé des acteurs éducatifs.

2.1. Impacts sanitaires des nuisances sonores sur les acteurs éducatifs

La nuisance sonore n’est pas toujours considérée en Côte d’Ivoire comme pouvant constituer un risque pour la santé des individus qui y sont exposés. Cependant, les enseignants et les élèves nous ont signifié des maux résultant de leurs expositions au bruit. Les enseignants nous ont notifié diverses gênes liées à l’environnement bruyant de travail, dont la nécessité de hausser la voix, l’irritabilité, l’anxiété et l’inconfort. Les maux qui ont régulièrement été cités par ces derniers sont les maux de tête, les angines, les troubles du sommeil, les troubles de l’audition. Nous avons, à partir de ces informations, rencontré un médecin qui nous a signifié que ces maux peuvent être sources de maladies cardio-vasculaires. Selon un rapport de l’OMS présenté en 2010 à l’occasion d’un congrès à Parme, le bruit est la 3e source de maladies dites environnementales après la pollution de l’air et le tabagisme passif. Afin de vérifier l’effectivité des conséquences du bruit sur la santé des enseignants, des mesures de la tension artérielle ont été effectués sur des individus en service depuis moins de 5 ans et des individus en service depuis plus de 5 ans. Les effets du bruit sur la santé sont perceptibles après 5 ans d’exposition environ. Selon L. Perrot et A. Clabaut (2015, p. 16), « les mesures de bruit sont effectuées au minimum tous les 5 ans ». Cela permet de mieux apprécier son impact sanitaire. Le graphique ci-dessous correspond à la moyenne hebdomadaire des variations de la tension artérielle de deux individus, l’un en service depuis plus de 5 ans et l’autre en service depuis moins de 5 ans (Graphique n°3).

Le graphique nous montre deux éléments pertinents. Dans un premier temps, la tension artérielle de la personne en service depuis plus de 5 ans est plus élevée que celle de l’autre en service depuis moins de 5 ans. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela notamment l’âge. Mais dans le cadre de notre étude, 77 % des enseignants ont déclaré être anxieux à l’idée d’entamer une nouvelle semaine d’enseignements et 64 % ont affirmé être plus nerveux pendant les enseignements qu’à leurs prises de fonction. L’Association Interprofessionnelle des Centres Médicaux et Sociaux de Santé au Travail de la Région Ile-de-France (2017, p. 1) qui a mené une étude sur l’évaluation des nuisances sonores chez les travailleurs, a montré que « sur les 21 travailleurs qui ont une anomalie à l’audiométrie, 76,2 % ont été exposés à une nuisance sonore ≥ 85 dB ». 
La seconde information importante que renvoie le graphique est que, toutes les pressions artérielles relevées sont élevées en milieu de semaine et baissent le week-end et le lundi. La tension artérielle normale définie par l’OMS doit être comprise entre 10/5 et 14/9. Lorsque la tension artérielle de l’individu est inférieure à 10/5, on parle de situation d’hypotension. Lorsqu’elle est supérieure à 14/9, il s’agit d’un cas d’hypertension. La personne en service depuis plus de 5 ans a une tension artérielle plus élevée que la norme OMS pendant les jours d’enseignements. On enregistre une tension artérielle de 16/9 le mardi. Nous pouvons déduire que les enseignants sont exposés à des risques de maladies cardiovasculaires. Une étude dirigée par Jean-Marie Cohen du cabinet Open Rome en 2005 montre également l’impact sanitaire du bruit sur la population. Cette « étude effectuée sur 4 391 patients chez 78 médecins franciliens, a mis en évidence les troubles de la tension artérielle chez les personnes les plus exposées au bruit aérien, c’est-à-dire ceux qui sont survolés à moins de 2 000 mètres » (P. Kruissel, 2010, p. 6).
En ce qui concerne l’audition, 82% des enseignants se plaignent de troubles auditifs. Des tests audiométriques effectués chez ces enseignants ont révélé que 61% souffrent d’acouphènes et 47% sont atteints d’hypoacousie partielle de perception. L’angine, qui est le mal le plus fréquemment signalé, avec 91%, se justifie par le fait que les enseignants sont obligés de hausser la voix pendant les enseignements pour se faire entendre à cause des bruits aux alentours qui distraient également les élèves. « Une étude allemande, réalisée auprès d’enseignants de l’école primaire relève que 81% des enseignants âgés déclarent avoir aujourd’hui beaucoup plus de difficultés à tolérer le bruit que par le passé, en début de carrière » (Eysel-Gosepath et al, 2012 cités par V. Rozec, 2014, p. 31).
Le bruit a également des impacts sanitaires sur les élèves. En effet, 94% des élèves interrogés ont déclaré avoir souffert de maux de tête en fin de journée d’enseignements. La perte de concentration est également fréquente surtout chez les élèves assis à proximité des persiennes comme nous l’ont signifié les enseignants. Stansfeld (2005, p. 1952), dans le cadre de l’étude scientifique RANCH, ont constaté qu’ « un enfant peut avoir jusqu’à deux mois de retard dans l’apprentissage de la lecture pour chaque hausse de cinq décibels de niveau de bruit ». Les tests audiométriques que nous avons effectués par le biais d’un médecin auprès des 20 élèves de notre échantillon, révèlent que 54% souffrent de troubles de l’audition. Ces résultats rejoignent ceux obtenus par Cantrell (1984) cité par Kenda et al (2014, p. 171), dans une autre étude, qui a « soumis un groupe de jeunes à un bruit de 80 à 90 dB(A), 24 heures par jour, toutes les 22 secondes pendant 30 jours. Il a trouvé une augmentation significative du taux des catécholamines et de cortisol plasmatique. » Nous avons pu constater que le travail scolaire dans un environnement bruyant augmente également la nervosité et l’irritabilité chez les élèves qui basculent très vite dans la violence. 42% des élèves nous ont déclaré s’être déjà bagarrés à l’école. Le bruit peut donc être la cause de plusieurs maux et agir signification sur le rendement et la réussite scolaire.

Conclusion

Conclusion

La commune d’Adjamé est caractérisée par le développement sans cesse des activités commerciales. Toutefois, il faut révéler que ce développement croissant des activités commerciales se fait de manière anarchique et n’épargne pas les alentours des établissements scolaires. La conséquence de cette situation est naturellement l’amplification des nuisances sonores qui ne favorisent pas un climat propice à l’enseignement et à l’apprentissage, mais aussi qui peuvent avoir des effets négatifs sur le bien-être des acteurs de ces établissements. En effet, les mesures des niveaux acoustiques ont bien montré que tous les décibels enregistrés au sein et autour des écoles sont majoritairement très élevés excédant parfois 90 dB, le seuil de risque pour la santé. Les résultats médicaux des enseignants et des élèves ont pu montrer les impacts sanitaires du bruit, allant de l’anxiété et le stress à l’hypoacousie partielle de perception. Il serait donc salutaire que les autorités académiques prennent plus de dispositions pour une meilleure gestion de l’environnement extérieur des établissements scolaires, afin de réduire les risques de nuisances sonores et par ricochet les risques sanitaires pour les acteurs de ces établissements. Si les maux évoqués dans notre étude sont la conséquence d’un environnement bruyant, il sera intéressant de mener d’autres études afin d’intégrer d’autres formes de pollution qui peuvent également impacter la santé des acteurs du système éducatif.

Références

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Publié

08 Juillet 2018

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2018,, mis en ligne le 08 Juillet 2018. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=24

Numéro

Rubrique

Espace naturel, Environnement et Santé