2022/Vol.4-N°9 : Méthodes et outils géospatiaux dans l’analyse des problèmes de santé

7 |CARTOGRAPHIE DES MENACES ANTHROPIQUES SUR LA CONSERVATION DE LA FAUNE DANS LA FORÊT SACRÉE KOUVIZOUN-ADAKPLAMÉ-EWÉ (COMMUNE DE KÉTOU AU BÉNIN)

MAPPING OF ANTHROPOGENIC THREATS TO WILDLIFE CONSERVATION IN THE KOUVIZOUN-ADAKPLAMÉ-EWÉ SACRED FOREST (KÉTOU COMMUNE, BENIN)

Auteurs

  • AGBON Apollinaire Cyriaque Maître-assistant cyrtou_74@yahoo.fr, CU-Adjarra/FASHS de l’Université d’Abomey-Calavi

Mots-clés:

Cartographie| Interpolation| pression| espèce animale| Kétou|

Résumé

La forêt sacrée Kouvizoun Adakplamè-Ewè possède de petites et moyennes faunes qui subissent des pressions anthropiques. Cette recherche cartographie la densité de la faune en lien avec les pressions et menaces des activités humaines dans la forêt classée.
La méthode utilisée a consisté à interroger 20 chasseurs, pris aléatoirement, sur la diversité des animaux, leur abondance ou rareté dans la forêt. Des prospections pédestres ont été faites suivant un échantillonnage stratifié dans 79 grilles, afin de quantifier les espèces animales. Un plan du zonage s’inspirant du zonage de la forêt existant et de la densité de la faune a été proposé.
Au total 520 points d’occurrences des animaux catégorisés en 53 espèces animales dont 17 mammifères, 8 reptiles et 28 oiseaux ont été recensés. 460 points d’observations des menaces ont également été identifiées. La principale pression est la chasse au piégeage (88 %) et aux fusils (12 %). La cartographie a montré que le Nord-Est et le Sud-Ouest de la forêt ont une forte concentration avec une distribution agrégative et sympatrique de la faune. Par contre le Nord-Ouest est considéré comme une lacune écologique (vide). L’ancien plan de zonage a été corrigé et mis à jour pour réduire la pression et les menaces, afin de gérer efficacement et durablement la faune de la forêt.

Introduction

La forêt reste un bien commun universel et un écosystème complexe qui sert d'habitat à un grand nombre d'espèces animales (D. J. Kabulu et al., 2008, p.1). Cet écosystème subit de fortes dégradations liées aux activités humaines. L’importance de conserver la diversité biologique pour l’avenir de l’humanité est désormais reconnue au niveau mondial et largement médiatisée (O. I. Amahowé et al., 2012, p.1). Pendant longtemps, les structures chargées de la protection et de la gestion de la faune au Bénin se sont toujours intéressées aux parcs nationaux. Peu d’attention a été accordée aux espèces animales vivantes dans les zones libres (G. K. Amoussou et al., 2006, p.2) et dans des forêts sacrées. Il est temps que le regard soit tourné vers les écosystèmes libres qui sont gérés par les peuples autochtones.
En Afrique, en Asie et en Amérique latine, les forêts sacrées constituent une forme endogène de conservation de la diversité biologique. Elles jouent un rôle important dans la gestion des ressources naturelles et la conservation de la biodiversité dans les pays en développement. PIFSAP (2013, p.9), estime que les sociétés traditionnelles de par leur rapport avec la nature ont contribué de manière significative à la protection des ressources naturelles.
Le Bénin a élaboré en 2002 une grille nationale d’indicateur de diversité biologique. Ainsi, il dispose des indicateurs d’état, des indicateurs de pressions et ceux de réponses en ce qui concerne le suivi de la biodiversité biologique. Mais le constat est qu’en dépit des efforts louables que font les ONG, les chercheurs et les autorités à divers niveaux, il n’existe, sur le plan national, aucun mécanisme rigoureux d’évaluation de ces indicateurs de diversité biologique qui sont fixé. Parmi les nombreuses menaces auxquelles la faune sauvage est confrontée, ce sont la dégradation de l’habitat et la chasse non réglementée et souvent illégale (surtout le piégeage d’espèces destinées aux besoins commerciaux) qui ont eu plus d’impacts (F. Kidjo, 2001, p.11).
Le choix de notre zone d’étude s’est porté sur la forêt sacrée Kouvizoun Adakplamè-Ewè pour 2 raisons spécifiques : elle est la plus grande superficie de forêt sacrée dans la commune de Kétou au Bénin. En outre, il n’existe pas encore de carte de densité de la faune de cette forêt, bien qu’elle soit dotée d’un plan d’aménagement. Cette forêt est grignotée chaque année, dans ses périphéries, par des activités agricoles, l’extension urbaine, l’exploitation forestière et les feux de végétation de la saison sèche. Il est alors très important voire urgent de disposer des zones de protection dans ladite forêt pour soustraire les espèces animales des différentes menaces auxquelles elles sont confrontées. Comme l’a souligné I. O. Amahowé (2009, p.2), une meilleure connaissance des populations fauniques s’avère indispensable pour continuer à jouer le double rôle de conservation de la biodiversité et de génération de revenus aux communautés locales. C’est dans ce sens que pour L. Mathot et J. L. Doucet (2006, p.9), la cartographie des zones de concentration de la faune est une approche importante pour orienter les activités d’exploitation forestière. T. Rabeil (2004, p.14) conforte cette thèse que le Système d’Informations Géographiques et la télédétection sont utiles pour la compréhension de l’occupation de l’espace par les mammifères. Ces outils d’analyse spatiaux sont également nécessaires à la gestion et l’aménagement des aires protégées. Ils sont utilisés dans cette étude pour analyser les menaces sur la faune de la forêt. Pour ce faire, deux questions de recherche sont posées : quels sont les menaces anthropiques que subit la faune de la forêt ? et quelles sont les zones de conservation de la forêt ? De ces deux questions de recherche découlent deux hypothèses qui structurent ce travail de recherche. La première est que la faune de la forêt sacrée subit de forte pression liée aux activités anthropiques. La deuxième est qu’il existe des zones de forte densité de la faune qu’il faut conserver. Ainsi, les objectifs fixés à partir de ces hypothèses sont d’une part de faire l’analyse cartographique des menaces anthropiques que subit la faune de la forêt sacrée, et d’autre part, de dégager les zones de conservation de cette forêt.

Méthodologie

1. Matériels et méthodes

1.1. Description du milieu d’étude

La forêt sacrée Kouvizoun Adakplamè-Ewè a un climat de type tropical à régime pluviométrique bimodal marqué par deux saisons de pluies et deux saisons sèches. Elle est une relique de forêt dense humide semi décidue de la zone tropicale. D’une superficie de 558 ha, cette forêt sacrée est localisée dans le village Adakplamè entre 7°27’00’’ et 7°28’30’’ de latitude Nord et entre 2°33’30’’ et 2°35’30’’de longitude Est. Elle est limitée au Nord par le village Houezounvi, au Sud par les villages Médédjro, Dohounmè, Mitandji, à l’Est par le village Ewè, au Nord-Ouest par le village Essèyito et au Sud-Ouest par le village Houvènanmèdé (Carte n°1).
Carte n°1 : Situation géographique de la forêt sacrée Kouvizoun Adakplamè-EwèAGBON
La localité d’Adakplamè, au Sud de la forêt, a le volume de population la plus importante (INSAE, 2016). Le principal groupe socioculturel est le Mahi. Les populations pratiquent l’agriculture et la chasse qui n’est pas bénéfique pour la conservation de la forêt. L’enjeu culturel de la forêt, est qu’elle représente un lieu sacré et regorge de nombreuses divinités, dont Oro, Sakpata, Atingali, Hèvioso. Elle sert aux pratiques rituelles et est le lieu de résidence des dieux et ancêtres auxquels la population assigne un rôle protecteur.

1.2. matériels et techniques de collecte des données

La collecte des données a débuté par une enquête auprès de 20 chasseurs, afin d’avoir la liste des animaux observés dans la forêt. Cette enquête a été soutenue par la recherche documentaire. L’inventaire systématique de la faune sauvage a été faite à l’aide d’une méthode de quadrillage de la forêt mise en place à cet effet (Carte n°2).
Carte n°2 : Quadrillage de la forêt pour les inventaires fauniquesAGBON
Soixante-dix-neuf 79 grilles de dimension 250 m x 250 m ont été mises en place. Les coordonnées géographiques du centroïde de chaque grille ont été insérées dans le GPS avec pour repérer chaque point. Les données sont collectées à l’intérieur de chaque grille. Sur une fiche appropriée, les contacts directs (présence physique de l’espèce) et indirects (crottes, cris, restes des aliments, terriers etc.) d’animaux ont été notés. Toutes les grilles (62) régulières ont été systématiquement parcourues. Les grilles irrégulières situant aux abords de la forêt n’ont pas été prises en compte, compte tenu de leur proximité aux agglomérations et aux champs. Afin de bien identifier les indices et la présence des espèces rencontrées, le service de deux chasseurs ayant connaissance des espèces a été sollicité.

1.3. Techniques de traitement des données

L’approche cartographique est utilisée pour analyser les points chauds (hotspot) de la faune et les menaces anthropiques. Elle consiste à enregistrer les points d’occurrence des abondances des espèces animales. Ces points ont été utilisés pour analyser la répartition de la densité de la faune. Les résultats obtenus ont permis de faire une classification des zones de pressions et de menaces en deux catégories. Les zones à faible concentration et les zones de forte concentration des animaux. Les zones de faible densité sont considérées comme les lacunes de la forêt à abriter les animaux. En tenant compte de la carte de la densité de la faune et de l’ancien plan de zonage, un plan de zonage (zones de protection, zones tampon et zones de transition) a été fait en s’inspirant du modèle MAB-UNESCO (UNESCO, 2015, pp 17-18). Les différentes superficies de chaque zone ont été déterminées.

Résultats

2. Résultats

2.1. Biodiversité de la faune sauvage de la forêt

Au total 520 points d’occurrences catégorisés en 53 espèces animales, dont 17 mammifères, 8 reptiles et 28 oiseaux, sont identifiés dans la forêt. Le tableau n°1 présente la liste des mammifères et des reptiles identifiés dans la forêt et leur statut de conservation.
Tableau n°1 : Liste des mammifères et reptiles recensés dans la forêt sacrée
Légende : ++ = Présence très abondante ; espèces moyennement abondance et - = espèce rare
Source : Enquêtes de terrain, novembre 2021 à février 2022
L’analyse du tableau n°1 révèle 14 mammifères identifiés par l’inventaire et la confirmation par les chasseurs. Parmi eux, 7 sont encore présents et abondants dans la forêt, 6 sont devenus rares. Il y’a 6 espèces animales qui ont été signalés disparus à cause de la chasse. Ce sont : la mangouste ichneumon Herpestes ichneumon (LC), l’hyène tachetée Crocuta crocuta (NT), le babouin olive Papio anubis (LC), le buffle d'Afrique Syncerus caffer (LC) et l’antilope cheval Hippotragus equinus (VU). Sélon le statut de UICN, 3 espèces présentes sont Vulnérables (VU), 4 sont quasi-menacés (NT) et 7 ont une préoccupation mineure (LC). Ceci montre que les mammifères de cette forêt ont besoin d’une protection soutenue des autorités et des ONG. Les mammifères caractéristiques de la forêt sont : Thryonoys swinderianus, Genetta genatta, Pataginus tricuspis, cricetomys gambianus et Xerus erythropus.
Au niveau des reptiles, seulement python sebae est quasi menacé (NT). Les autres ont une préoccupation Mineure. Le cobra cracheur à cou noir, le python royal, la vipère heurtante, la couleuvre et le varan du Nil sont les reptiles très abondants. Le varan des savanes et le python de seba sont moyennement abondants tandis que le mamba vert de l'Ouest est rare. Le tableau n°2 présente la liste des oiseaux recensés dans la forêt.
  Tableau n°2 : Liste des espèces aviaire recensées dans la forêt
Légende : ++ = espèce très abondante ; + espèce moyennement abondante et - = espèce rare
 Source : Enquêtes de terrain, novembre 2021 à février 2022
Il montre que parmi les 28 oiseaux recensés, 14 sont présents et très abondants dans la forêt, 7 sont présents et moyennement abondants et 7 ne sont pas communs à la forêt. Les espèces d’oiseaux caractéristiques de cette forêt sont : Tockus nasutus, Tockus erythrorhynchus, Tockus fasciatus, Tybo alba, Strix woodfordii, Francolinus bicalcaratus, Mesopicos goertae, Crinifer piscator, Turtur afer et Streptopelia semitorquata. Il ressort de l’analyse de ces deux tableaux que la forêt Kouvizoun est riche en espèce de faune surtout en avifaune.
Selon PIFSAP (2013, p.29), la forêt sacrée Kouvizoun Adakplamè-Ewè est caractérisée par des espèces végétales telles que Ceiba pentandra, Milicia excelsa, Antiaris toxicaria, Trichilia prieuriana, Rothmania longiflora, Diospyros abyssinica, Gardenia imperialis, Hippocratea africana, Zanthoxylum leprieuri, Mansonia altissima, qui font d’elle un lieu de pitance, de reproduction, de cachette et de repos pour la faune. Ces espèces sont menacées. C’est le cas particulier de Mansonia atissima, une espèce endémique de cette forêt, qui est en Danger Critique d’Extinction (CR) (P. Neuenschwander et al., 2011, p.132). Elle est l’une des forêts qui gardent encore une riche biodiversité de la faune.

2.2. Cartographie de la faune de la forêt sacrée

L’analyse de la répartition spatiale des animaux dans un écosystème est un outil indispensable pour définir les densités d’espèce animal et les menaces auxquelles elles sont confrontées. Cela permet d’affiner les stratégies de conservation. Dans cette forêt sacrée, 520 contacts et indices de présence des espèces ont été enregistrés (Carte n°3).
Carte n°3 : Répartition spatiale de la faune de la forêt
La carte n°3 montre la répartition spatiale des différentes espèces sur un fond de photographie aérienne multispectrale de 50 cm de résolution en RVB et PIR. Les espèces animales sont beaucoup plus observées au Nord-Est, au centre et au Sud de la forêt. Cette carte permet aussi de remarquer d’une part que les zones de cultures jouxtent la forêt, et d’autre part les agglomérations sont concentrées au Sud-Ouest ; la limite de la forêt constitue pour le moment une barrière pour l’avancée des zones agricoles et d’habitation. Les zones de conservation de la forêt sont le Nord-Est et le Sud-Ouest où les espèces animales sont concentrées. La concentration de ces animaux à ces endroits est due aux différentes actions anthropiques comme l’agriculture, la chasse, les feux de végétation et la densité. La planche n° présente quelques indices de présence de quelques espèces animales.
Planche n°1 : Indices de présence de quelques animaux dans la forêt
Source : prise de vues Chaffra, février 2022
La photo a est le reste d’aliments de Thryonoys swinderianus (aulacode) ; la photo b est la trace de Cricetomys gambianus (Rat de Gambie) ; la photo c’est le terrier de Pataginus tricuspis (Pangolins) et la photo d est la crotte de Philantomba Walteri (Céphalophe de Walter).
A partir de ces zones de concentration, les hotspot de la biodiversité sont identifiés (Carte n°4).
Carte n°4 : Répartition spatiale des densités fauniques de la forêt sacrée de Kouvizoun Adakplamè-Ewè
Deux grands hotspots (219-378) de la biodiversité animale sont observés dans la forêt : le Nord-Est et le Sud-Ouest (Carte n°4). Une concentration intermédiaire (135-219) est observée au Sud-Est et au Centre de la forêt. Ce sont des espaces à prioriser dans les stratégies pour la conservation de la faune. Ces zones n’ont pas subi beaucoup de dégradation à cause de la présence des divinités (Sud-Ouest) et leur difficiles accès (Nord-Est). Les animaux de cette forêt se concentrent dans les zones de quiétudes. Le Nord-Ouest est quasiment vide (0-23). Cette partie est considérée comme la zone de lacune écologique, car elle n’abrite pratiquement pas d’animaux en permanence, ceux-ci l’utilisant comme zone de nourrissage. Le statut de cette forêt (sacrée) permet de la conserver dans son entièreté. Aucune activité agricole n’est pratiquée à l’intérieur et personne ne peut y construire. De même, les exploitations forestières y sont proscrites. Malgré cela, les individus mal intentionnés continuent d’exploiter illégalement cette forêt.
Cependant, les activités de chasse, alimentées par la demande soutenue de consommation de gibier, sont à la base de la disparition progressive d’un grand nombre de ces espèces.
  • Cartographie des zones de menaces de la faune sauvage de la forêt
Quatre cent soixante (460) menaces ont été recensées dans la forêt et superposées à la distribution de la faune et de l’occupation du sol en périphérie de la forêt (Carte n°5).
Carte n° 5: Répartition spatiale des menaces et de la faune dans la forêt sacrée
L’analyse de la carte n°5 montre que les pièges et les autres indices de chasse sont beaucoup plus observés au Nord-Est et au Sud-Ouest où la densité de la faune est très élevée. Les feux de forêt et les exploitations forestières sont bien observés au Nord-Ouest et au Sud à la lisière de la forêt et des agglomérations. A ces endroits, la densité de la faune est très faible. En conclusion, la densité de la faune est guidée par l’exploitation forestière et les feux de brousse. La population connait bien les lieux de forte concentration de la faune où elle pose les pièges.

2.4. Facteurs de pressions et de menaces de la faune dans la forêt

Les pressions et menaces que subit la faune sont d’ordre anthropique. Elles sont liées aux activités d’exploitation des ressources de la forêt, à savoir : la chasse, l’agriculture, et l’exploitation des ligneux (Graphique n°1).
Graphique n°1 : Facteurs de pressions et de menaces sur la faune
Source : Enquêtes de terrain, novembre 2021 à février 2022
Il ressort de l’observation du graphique n°1 que les feux de forêt sont le facteur dominant de menaces sur les espèces animales, avec une proportion de 37 %. Les autres facteurs ont des proportions de 33 % pour la chasse, 19 % pour l’agriculture et 11 % pour l’exploitation forestière. Ces impacts négatifs ont pour conséquences le recul et la dégradation du couvert végétal, la réduction et la disparition des ressources floristiques (support et aliments pour les animaux), et par conséquence, la réduction et la disparition des espèces fauniques. Les feux de forêts sont souvent d’origine criminelle, alimentés par les conflits entre villages voisins.
Les graphiques n°2 et n°3 présentent respectivement les domaines d’utilisation des espèces par catégorie de besoin et les facteurs de dépendance des populations.
Source : Enquêtes de terrain, novembre 2021 à février 2022
De l’analyse du graphique n°2, la chasse des animaux se fait dans le milieu à cause de la demande alimentaire. C’est le principal facteur de la chasse des animaux dans la forêt (57,33 %). Dans le milieu d’étude, en dehors de la consommation de la viande de brousse, 27,66 % de la population commercialisent cette viande et 15 % l’utilisent dans les pratiques médico-magiques et médicinales. Le graphique n°2 complète l’information que la pauvreté (60%) est le principal facteur de la dépendance de la population à la viande de brousse. Pour elle, le manque d’argent les contraint à chasser les animaux de la forêt, car leur capture est facile et gratuite. Les autres facteurs sont la recherche de la viande de brousse (25 %) et les habitudes alimentaires (15 %). De ces deux figures, il faut retenir que, pour sauvegarder les espèces animales de cette forêt, il faut que les ONG et les autorités locales et nationales ainsi que le comité de gestion de la forêt mènent des actions en faveur de la réduction de la pauvreté, en encadrant les populations dans les activités génératrices de revenus. La planche n°2 présente quelques menaces photographiées dans la forêt.
Planche n°2 : Quelques menaces de la forêt liées aux feux de végétation
Source : Prise de vues Chaffra, février 2022
Les photos a et b présentent le passage du feu dans les savanes arbustives et des forêts claires. Le feu a tout brulé sur son passage à cet endroit. Certains animaux coincés dans les arbres ou dans les terriers peu profonds ont été brulés par le feu. C’est le cas du serpent et du céphalophe de la photo c (Psammophis elegans) et d (Philantomba Walteri, Céphalophe de Walter).

2.5. Perspectives de durabilité de la faune sauvage de la forêt

Le zonage existant propose trois séries pour la gestion de la forêt. Ce sont la série de protection (590 hectares), la série de production (13 hectares) et celle d’agroforesterie (08 hectares). Des solutions durables ont été identifiées. Il faut sensibiliser la population du milieu à mieux lutter contre ces fléaux qui menacent énormément cette forêt sacrée. Pour ce faire, un nouveau plan de zonage a été proposé pour faciliter la lutte anti-braconnage, les feux de brousse et conserver la faune de cette forêt. Ce plan de zonage est en harmonie avec celui proposé par MAB-UNESCO en zone centrale ou de protection intégrale, zone tampon et zone de transition (zone de culture, agglomération etc) compte tenu du statut (sacré) de la forêt. La carte n°6 présente ce plan de zonage dans la perspective de la durabilité de la forêt.
Carte n°6 : Plan de zonage de la forêt pour la conservation de la faune

 

L’analyse de la carte montre 6 que la zone centrale ou de protection intégrale définie, fait environ 300 ha. Elle est localisée du nord vers le centre et tend vers le sud-est et sud-ouest. Dans cette zone, aucune activité ne doit être menée. La zone de transition également doit être un espace où toute activité anthropique doit être proscrite à cause du statut sacré de la forêt. Mais l’on peut autoriser le ramassage des bois morts, la collecte des Produit Forestier Non Ligneux. Cette zone fait environ 228 ha. Dans les deux zones, les rituels et les activités culturelles sont autorisés. Il faut qu’il y ait une sensibilisation des agriculteurs dont les champs ceinturent la forêt, pour limiter l’expansion des zones de culture.

Conclusion

Toute exploitation rationnelle et durable de la faune de la forêt de Kouvizoun passe nécessairement par une meilleure connaissance des animaux dans leur habitat. Cette étude a montré que cet écosystème constitue un réservoir pour la conservation de la biodiversité.  A cet effet, 17 mammifères, 8 reptiles et 28 oiseaux ont été recensés. 460 points d’observations de pressions ont été identifiés. La principale pression est la chasse aux piégeages (88 %) et aux fusils. Cette chasse s’opère toute l’année, mais plus intense en saison sèche. La cartographie a montré que les zones de forte concentration de la faune avec une distribution agrégative et sympatrique sont le Nord-Est et le Sud-Ouest de la zone d’étude et les lacunes écologiques en sont au Nord-Ouest. Ce qui a permis de mettre à jour l’ancien plan de zonage qui doit être strictement appliqué.  Par ailleurs, l’implication de la population est souhaitée dans les prises de décision. La cartographie prospective est un outil indispensable pour le suivi et la conservation de la biodiversité de la forêt. Elle doit être mise en œuvre pour analyser la dynamique des écosystèmes de la forêt en lien aux défaillances des modes de gouvernances. Ce qui permettra de disposer des données nécessaires à la prise de décision de conservation.

Références

Références bibliographiques

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Publié

30/06/2022

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2022,, mis en ligne le 30/06/2022. Consulté le . URL: https://retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=256

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