2022/Vol.4-N°10 : VARIA

18 |LE PARADOXE DES "MEDICAMENTS DE LA RUE" À DOUALA (CAMEROUN)

THE PARADOX OF "STREET DRUGS" IN DOUALA (CAMEROON)

Auteurs

  • TCHEUNTEU SIMO Joël Simplice. Docteur sityjoe@yahoo.fr, Université de Ngaoundéré (Cameroun),

Mots-clés:

Douala| "médicament de la rue"| paradoxe| officines agréées| effets sanitaires|

Résumé

À Douala comme dans la quasi-totalité des centres urbains camerounais, les produits pharmaceutiques se vendent davantage dans les rues et places marchandes que dans les officines agréées. Qualifiées de "médicaments de la rue", ces solutions sont perçues par les pouvoirs publics comme des substances falsifiées et par conséquent dangereuses pour la santé de la population. D’où la prohibition de leur commercialisation sur l’étendue du territoire national. Paradoxalement, ces remèdes issus des trafics illicites sont très prisés des malades qui y trouvent entière satisfaction. De ce fait, les points de vente de ces substances prolifèrent graduellement dans la ville. Les autorités peinent à éradiquer ce fléau du fait de la corruption. L’incertitude sur la qualité et la fiabilité de ces remèdes est préoccupante. Les médicaments vendus dans les marchés et artères de la capitale économique du Cameroun sont-ils thérapeutiques ou nocifs pour la santé ? Cette étude vise dans un premier temps à faire l’état des lieux des "médicaments de la rue" à Douala et à évaluer ensuite la perception des populations sur les effets sanitaires de ces produits. La méthodologie s’appuie sur l’approche participative et la recherche documentaire. Les résultats obtenus vérifient l’hypothèse selon laquelle, les "médicaments de la rue" à l’instar des médicaments vendus en pharmacie, peuvent être soit un remède soit un poison. Tout est fonction de leur origine, leur qualité, la prescription médicale et le respect de la posologie. 

Introduction

La récession économique que connaît le Cameroun depuis la fin de la décennie 1980-1990, a généré une paupérisation d’une frange de la population (ONU-Habitat, 2004, p.7). Selon le Bureau International du Travail (BIT), le taux de chômage en 2005, est de 4,4 % et croît avec le niveau d’instruction au fil des ans. Ce phénomène est principalement urbain (10,7 %) en raison de l’exode rural. Très sollicitées par les populations de l’hinterland (l’arrière-pays), les métropoles Yaoundé et Douala affichent les taux les plus élevés avec respectivement 14,7 % et 12,5 %. Les jeunes (10 à 29 ans) sont les plus touchés avec un taux de chômage de 6,5 %, contre 3,1 % pour les 30 à 49 ans et 1,2 % pour les 50 ans et plus (C.R. Evina, 2009, p. 37). De ce fait, 80% de la population revêt un profil de consommation de pauvre. Cela entraîne une faible capacité de recours aux soins et donc des dépenses de santé effectives très faibles (P. Pouhe Nkoma, 2015, p. 12). La décision de consulter un médecin dès l'apparition de la maladie est largement tributaire des moyens financiers disponibles (G. Etame Loe et al., 2017, p. 1463-63). Plus grave, le ratio de pharmacien par habitant varie de 01 pour 6920 à 01 pour 177051 habitants avec répartition inégale entre le milieu rural et urbain (MINSANTE, 2016, p. 73).
À Douala, cette conjoncture contraint les jeunes à se tourner vers des activités informelles parfois répréhensibles dans le cadre de la lutte pour la survie (ONU-Habitat, op. cit.). C’est dans ce contexte que les équipements marchands et les axes de circulation de cette ville d’affaires sont pris d’assaut par d’innombrables vendeurs de remèdes vulgairement appelés "médicaments de la rue".
Les "médicaments de la rue" sont tout produit pharmaceutique vendu en dehors d’une pharmacie agréée (J. S. Tcheunteu, 2021, p.157). Il n’est pas aisé de vérifier l’authenticité de ces médicaments à l’œil nu, car leurs étiquetages et emballages sont identiques à ceux des produits que l’on trouve dans les officines (J. Sambira, 2013, p. 4).
Ces produits sont très prisés par les malades, pourtant, leur commercialisation est prohibée par les pouvoirs publics, qui les perçoivent comme des médicaments falsifiés c’est-à-dire ne garantissant pas les critères de qualité, d’efficacité et de sécurité et sont susceptibles de causer des torts à la santé humaine (J. Robert, 2013, p. 18). Sauf qu’avec cette prohibition, la vente de ces médicaments prend de l’ampleur dans la ville du fait de la forte demande de la population. Les agents en charge de la répression sont confrontés à la corruption. Ils préfèrent percevoir la prébende et laisser faire. De ce fait, le fléau perdure, les autorités s’inquiètent, alors qu’une importante frange de la population se réjouit.
De cet imbroglio se dégage la problématique de l’ambiguïté de la qualité et de l’efficacité des "médicaments de la rue". La question qui en découle est celle de savoir si les médicaments vendus hors des officines agréées à Douala sont de bons ou de faux remèdes ? Autrement dit, ces substances sont-elles thérapeutiques ou nocives pour la santé humaine ? 
Il s’agira dans cette recherche, de faire un état des lieux du trafic illicite des "médicaments de la rue" à Douala et d’évaluer la perception des effets sanitaires de ces produits pharmaceutiques informels.

Méthodologie

1. Données et méthodes

L’analyse de ce paradoxe est basée sur l’approche participative à travers la collecte des données effectuée sous diverses formes à savoir : la recherche documentaire et les techniques vivantes (les sondages, les entretiens et les interviews).
La recherche documentaire a consisté à explorer différents travaux portant sur le trafic des médicaments dans le monde en général et au Cameroun en particulier. Pour ce faire plusieurs Revues, 0uvrages, Rapports, Journaux et Sites internet ont été consultés.
Des méthodes quantitatives et qualitatives ont été appliquées pour tenter d’apprécier la qualité et la fiabilité des "médicaments de la rue" à Douala. Pour ce faire, un sondage aléatoire simple a été mené auprès de 250 vendeurs de ces médicaments dont 150 dans 11 équipements marchands de la ville répartis comme suit : Marché de "Lagos" ou Marché central et assimilés (Kassalafam, Gazon, Ngonsoa) (40), Marché Mbopi (15), Marchés de Ndokoti (15) Marché de New-Déido (10), Marché de "Madagascar" (10), Marché de la Cité des palmiers (10), Marché de Bonamoussadi (10), Marché de Logbessou ou PK 14 (10), Marché de Ndogpati III (10), Marché du lieu-dit Grand hangar-Bonabéri (10), Marché de Bépanda Double-balle (10). Cet échantillonnage assure une couverture géographique de la ville et repose sur le fait que ces plates-formes commerciales sont les plus importantes de Douala. Les différents quotas attribués prennent en compte l’étendue de l’espace marchand et l’ampleur de la vente des médicaments dans cette enclave. 100 autres vendeurs dont 5 par quartier choisi en fonction des aires de santé ont fait l’objet de ce sondage au niveau de chaque Arrondissement continental : Douala I (New-Déido, Akwa-nord, Bessengué, Bonadibong) ; Douala II (New-bell, Bonaloka, lieu-dit "Bois des singes", Makéa) ; Douala III (Logbaba, Yassa, Songbikako, Ndogpati II), Douala IV, Ngwèlé, Sodiko, Manbanda, Ndobo), Douala V (Mbanguè, Cité-SIC, Makèpè, Ndogbong). Le critère d’éligibilité des marchands reposait essentiellement sur l’achalandage de leur point de vente.
Les informations glanées auprès de ces vendeurs renseignaient sur l’origine de leurs marchandises ; les produits les plus demandés ou vendus ; la comparaison de leurs médicaments et ceux livrés en pharmacie ; le mode de conservation adopté ; leurs qualifications professionnelles, les rapports avec les autorités notamment, les Ministères de la santé publique, du Commerce, des Finances, de l’Industrie et du Développement Technologique et la Mairie ; la relation avec la clientèle ; les risques du métier et le sentiment qui les anime dans l’exercice de cette activité illicite qualifiée de "crime pharmaceutique"
1000 personnes, soit 100 abordées dans la rue et 900 patients rencontrés dans les  centres sanitaires publics de la ville ont été interviewées au sujet de ces médicaments suivant la répartition ci-après : Hôpital Laquintinie (300), Hôpital Général (100), Hôpital Gynéco-obstétrique (50), Hôpital de District de Déido (50), Hôpital de District de Bonassama (50), Hôpital de District de Logbaba (50), Hôpital de District de la Cité des palmiers (50), Hôpital de District de New-bell (50), Hôpital de District de Nylon (50), Hôpital de District de Mbanguè (50), Centre médical d’Arrondissement de Kotto (25), Centre Médical d’Arrondissement de Bonamoussadi (25), Centre Médical d’Arrondissement de la Cité-SIC (25), Centre Médical d’Arrondissement de "Congo" (25). L’objet de ces échanges portait essentiellement sur la perception et les expériences qu’ils ont des "médicaments de la rue".
Une autre partie des données est issue des entretiens avec les acteurs en charge de la répression ou de la lutte contre la vente de ces remèdes au niveau de l’Administration et avec l’Ordre National des Pharmaciens du Cameroun (ONPC).
Quelques responsables des établissements pharmaceutiques de fabrication (Africure Pharmaceutical Cameroon S.A. et Cinpharm) et des structures de distribution des produits pharmaceutiques (Laborex S.A., Pharmacam S.A) ainsi que de la Centrale Nationale d’Approvisionnement en Médicaments Essentiels et Consommables Médicaux (CENAME) et du Laboratoire National de Contrôle de Qualité des Médicaments et d’Expertise (LANACOME) ont été abordés.
Enfin les données raster acquises par extraction des couches d’informations des images satellitaires (Landsat ETM+ multispectral, 2006), ont servi à la spatialisation des différents lieux d’enquêtes (Carte n°1).
Toutes les données fournies par ces investigations sont loin d’être exhaustives. Néanmoins, elles sont assez significatives.
Carte n°1 : Spatialisation des lieux de collecte des donnéesCarte 1
Réalisateur : Clément Mbeugang, Septembre 2022
Fond de carte : Communauté Urbaine de Douala (CUD)

Résultats

2. Résultats

Le paradoxe des "médicaments de la rue" à Douala s’articule autour de quatre facteurs ambivalents : l’approvisionnement du marché en bons et faux médicaments ; les mauvaises conditions de la conservation et d’exposition-vente ; la dualité entre la répression et la prolifération des points de vente, et la perception controversée des effets sanitaires de ces médicaments.

2.1. L’approvisionnement du marché en médicaments

2.1.1. Le trafic des médicaments falsifiés
À l’échelle de Douala, une importante part de produits pharmaceutiques disponibles sur le marché provient du Nigéria. 83% de vendeurs de "médicaments de la rue", avouent se ravitailler aussi au Nigeria ou auprès des importateurs s’approvisionnant dans ce pays voisin. La carte ci-dessous illustre à suffisance ce flux transfrontalier (Carte n°2).
Carte n°2 : Illustration des flux transfrontaliers illicites des médicamentsCarte 2
Source : Journal LACroix, janvier, 2020
Après chaque voyage, certains importateurs viennent parfois faire des livraisons auprès de leurs clients qui les attendent à leurs points de vente respectifs. L’essentiel des remèdes en provenance de cette puissance économique sont réputés falsifiés. Les notices écrites en français démontrent à qui veut en douter que la fabrication est bel et bien d'un pays anglo-saxon. À côté de ce constat, il y a également celui de la composition du produit : un même produit peut avoir six ou sept copies différentes et chacune ayant un prix spécifique. Ceci est sans doute la preuve d'une concurrence assez rude entre les contrefacteurs pour qui cette activité criminelle est très florissante[1].
La carte n°2 montre également qu’en plus du Nigéria, les médicaments falsifiés commercialisés à Douala proviennent également du Gabon et de la Guinée Équatoriale.
En fait, les échanges commerciaux illicites entre le Cameroun et les pays voisins sont un phénomène très ancien qui perdure malgré le fait que l’impérialisme européen est venu modifier les relations d’antan entre les peuples de ces États. Longtemps avant la colonisation les différents groupes ethniques qui peuplaient ces vastes territoires se mouvaient librement et entretenaient diverses relations sans aucun contrôle. (D. ABWA et A.P. TEMGOUA, p. 243).  Les voies de désenclavement et routes informelles facilitent aujourd’hui encore ces échanges commerciaux transfrontaliers illicites (K. Bennafla, 2003, p. 41). (Photo n°1).
  Photo n°1 :    Débarquement des produits manufacturés nigerians à l’arrivée d’Ekondo-titi beachPhoto 1
Crédit photo : J. Herrera, 1998
De façon générale, le Cameroun contrôle difficilement les importations de médicaments via les ports ou ses 4 600 km de frontières terrestres (L. Soustras et S. Charon, 2020, p.1). La porosité de ses frontières favorise la contrebande des produits manufacturés au rang desquels les médicaments. Lorsque les marchandises passent par le bureau de Douane, il arrive que de faux médicaments se frayent un chemin.
Selon Nana Franck, le Président du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Cameroun (CNOPC), le circuit illicite pèse plus de 25 % du marché du médicament national. Tandis que 40 % des médicaments de la rue proviennent de la contrebande.
2.1.2. Le trafic illicite du bon médicament
À Douala, le point focal d’approvisionnement en "médicaments de la rue" est le Marché Kassalafam, un prolongement par continuité du Marché Central. Cette place marchande, vulgairement appelée Marché de la Gare, compte plusieurs dizaines de boutiques spécialisées dans la vente en gros et détails des produits pharmaceutiques (Photos n° 2&3).
Photo n°2 : Secteur de vente en gros des        Photo n°3 : Vue intérieure d’une  médicaments au Marché Kassalafam                  boutique de médicaments                                                 N°2                                     N°3                                                                             Photo 2&3
Planche photographique n°1 : Le point focal d’approvisionnement de "médicaments de la rue" à Douala
Crédit photo : SIMO Anicet
Dans cet espace commercial, il est rare qu’un client ne trouve pas son compte. Les circuits d’approvisionnement sont variés. Chaque grossiste a plusieurs fournisseurs. Ce qui évite d’avoir des ruptures de stocks. Les origines de ces médicaments sont multiples, variées et connues des vendeurs et de quelques consommateurs. Il s’agit pour la plupart des produits "made in" Cameroon, Nigéria, China, France, India, Canada, England etc. identiques aux remèdes vendus en officine. Plusieurs entreprises pharmaceutiques spécialisées soit dans la fabrique soit dans la distribution des médicaments sont implantées à Douala. Il est cependant difficile de leur faire endosser la responsabilité de cette informalité. Toutefois, deux vendeurs[2] de médicaments interrogés dans cet équipement marchand évoquent sans commentaire un approvisionnement par ces filiales via leurs grossistes et délégués médicaux. Ils se lient de complicité avec certains personnels des firmes pharmaceutiques et c’est auprès de ces derniers qu’ils se ravitaillent en médicaments à des prix relativement bas pour ensuite les revendre à des prix raisonnables. Les responsables des sociétés pharmaceutiques abordés dans le cadre de cette étude avouent pourtant exercer leur mission dans le strict respect de la règlementation en vigueur. Ils ignorent le trafic illicite de leurs produits, lesquels pullulent pourtant sur le marché.
Cette pratique est la conséquence de la corruption qui mine le secteur de santé au Cameroun et du faible traitement salarial du personnel des entreprises de fabrication ou des structures de distribution des produits pharmaceutiques, ce qui les incite à avoir une inclination pour l’informalité.
Les échantillons de médicaments gratuits, que les délégués médicaux remettent, ou sont censés remettre aux médecins, sont aussi commercialisés dans ce Marché. Ce qui suppose que le personnel médical participe aussi à cette informalité.
Par ailleurs, 15% de vendeurs de médicaments interrogés ont souvent été ravitaillés par des familles endeuillées. À la suite du décès d’un malade soumis aux soins médicaux appropriés, les proches du défunt optent parfois pour la revente auprès de ces marchands du reste de remèdes de la personne décédée.

2.2. Les mauvaises conditions de conservation et d’exposition-vente des médicaments

Les médicaments vendus dans les rues et places marchandes de Douala ne bénéficient pas de mode de conservation et d’exposition-vente approprié. Au contraire, ils sont exposés aux intempéries. Les points de vente sont des kiosques ou boutiques dépourvus pour l’essentiel des voies d’aération. Les étals installés sur la voie publique disposent d’un parasol dont le rôle est davantage de protéger le vendeur de l’ensoleillement plutôt que les médicaments des radiations lumineuses (Photo 4 & 5). Il est pourtant mentionné sur l’essentiel des notices et emballages de ces remèdes : "doit être conservé dans un endroit frais et sec. Protéger de la lumière et de l’humidité… ". Dommage, c’est tout le contraire chez les détaillants de Douala.Photo 4 & 5Planche photographique n° 2 : Mode d’exposition-vente des "médicaments de la rue" à Douala
Les médicaments vendus dans de telles conditions, qu’ils soient authentiques ou falsifiés, connaitront à coup sûr une altération de leur qualité. La lumière du soleil, la température, l’humidité et l’air ne font l’objet d’aucune surveillance. Pourtant, ces paramètres climatiques sont susceptibles d’altérer le médicament. Selon l’OMS, les médicaments ne doivent pas être exposés à la lumière directe, en particulier les solutions. Lors d’une exposition à la lumière du soleil, une décomposition des médicaments peut survenir. La photodégradation d’un médicament peut conduire à une diminution de l’efficacité thérapeutique et parfois à la formation de corpuscules à l’origine d’effets indésirables ou toxiques[3]. La conséquence principale de la dégradation est une diminution de l'activité thérapeutique, ce qui entraîne des conséquences plus ou moins graves à l'échelle individuelle ou collective[4].
En fin de journée, les marchands ambulants se servent des cantines ou caisses hermétiquement closes pour conserver le reste de médicaments. Ce mode de conservation des produits pharmaceutiques n’est pas commode au vue des lignes directrices de conservation de médicaments édictées par les laboratoires pharmaceutiques.

2.3. La dualité entre la répression et le développement de ce secteur d’activités

2.3.1. La lutte contre la vente des "médicaments de la rue"
Dans la capitale économique du Cameroun, les produits pharmaceutiques échappent encore à la réglementation censée restreindre leur vente libre et sont vendus comme des marchandises banales par des personnes non assermentées. Pourtant, selon la législation fixant les conditions de commercialisation des produits pharmaceutiques, la vente des médicaments au Cameroun est du ressort des pharmaciens. En tant que professionnel de la santé, le pharmacien est garant de la qualité des produits qu'il remet aux patients dans le cadre de la vente de médicaments avec ordonnance. Cette réglementation est encadrée par la Loi n°90-035 du 10 août 1990, portant exercice et organisation de la profession de pharmacien. Elle dispose en son Article 13 que :
 "Sont réservées aux pharmaciens la préparation
  • Des objets et médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine ;
  • Des objets de pansements et tous articles présentés comme conformes à la pharmacopée ;
  • Des insecticides et acarides destinés à être appliqués sur l'homme ;
  • Des produits destinés à l'entretien ou à l'application des lentilles oculaires de contacts ;
  • Des produits et réactifs conditionnés en vue de la vente au public et qui, sans être visés à l'article 15, sont cependant destinés au diagnostic médical ;
La vente en gros, la vente au détail et toute délivrance au public des produits et objets énumérés au précédent paragraphe {...}". Et,
son article 53 dispose : " Tout délit, d’étalage ou de distribution de médicaments est interdit sur la voie publique, dans les foires et marchés à toute personne même titulaire du diplôme de pharmacien".
En fait, la vente de médicaments sans autorisation est sévèrement punie par l’alinéa 1 de l’Article 16 de la Loi suscitée qui dispose : " Quiconque se sera livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens sans respecter les conditions prévues par la présente loi sera passible d’une amende de cinq cent mille (500 000) à deux millions (2 000 000) de FCFA et d’un emprisonnement de six (06) jours à six (06) mois ou l’une de ces deux peines seulement ".
Dans le cadre de la lutte contre ce crime pharmaceutique, le Cameroun a adhéré à quelques initiatives dont "l’impact de l’OMS", "l’Appel de Cotonou de la Fondation Chirac", "la convention Médicrime", sur la lutte contre la contrefaçon des produits de santé et s’est doté d’un plan national de lutte contre la vente illicite des médicaments. Suite à la décision n° 0050/MINDIC/MSP, du 19 août 1996 portant modalités pratiques de lutte contre la vente illicite des médicaments et produits pharmaceutiques, 10 comités de lutte présidés par les Gouverneurs de régions et cordonnés par l’Inspection Générale des Services pharmaceutiques (IGSP) ont été mis sur pied et reçoivent l’appui du Gouvernement (ONPC, 2013, p. 28).
Chaque année après son congrès annuel, l’ONPC appelle l’État à assainir le secteur de vente des médicaments. Plusieurs départements ministériels sont impliqués dans cette opération, notamment le Ministère de la santé publique (MINSANTE), le Ministère des finances (MINFI), le Ministère de l’industrie, des mines et du développement technologique (MINMIDT) et le Ministère du commerce (MINCOMMERCE).
Le MINSANTE a rendu opérationnelle aussi bien au niveau central que de chaque Région, une Brigade chargée spécialement de sillonner les villes et localités, en vue de procéder, avec l’appui d’autres administrations concernées, à la saisie et la destruction systématique de ces médicaments et produits.
À Douala, la lutte contre le trafic des médicaments est plus accentuée au niveau de la Douane  (Ministère des finances) à travers l’opération Halcomi[5]. Selon un Communiqué de presse de Manaouda Malachie, Ministre de la Santé publique du 21 octobre 2021, au mois de juin 2020, 40 cartons contenant chacun 300 paquets de faux comprimés de Paracétamol et d’Aspirine ont été saisis à Douala. En octobre 2021, 1156 cartons de médicaments périmés soit 320 292 comprimés importés sans déclaration ni autorisation du MINSANTE ont été saisis par le bureau principal des Douanes hors classe de Douala port V. C’était au terme d’une visite à quai d’un conteneur censé contenir de la brocante en provenance de Suisse.
Par ailleurs, en 2017, le Ministère de l’Industrie, des Mines, et du Développement Technologique (MINMIDT) a saisi et détruit d’importants stocks de remèdes mis sur le marché de Douala (photo n°6).
Photo n°6 : Stock de médicaments saisis à Douala par le MINMIDT en Avril 2017Photo 6
                                Source : MINMIDT, 2017
Par contre, au niveau des équipements marchands, les opérations de saisie-destruction de médicaments sont irrégulières. Les interpellations et poursuites judiciaires sont rares. Les pratiques de corruption dans les services publics font que les marchands de médicaments sont informés en temps réel du calendrier de la campagne contre la vente illicite des médicaments. De ce fait, ils développent la stratégie de la ruse. Les produits exposés ne sont généralement que le tiers de la marchandise totale ou simplement des emballages vides. À Kassalafam ou à Ngonsoa, lorsque la commande du client est importante, il est servi au magasin et non à la boutique. Cette méthode permet aux vendeurs de ne pas perdre l’intégralité de leurs marchandises lors d’une descente des membres du comité de lutte accompagnés des forces de l’ordre. Quand bien même, cette équipe arrive sur le terrain, les marchands ne manquent pas d’astuces pour leur donner le "Tchoko" ou pourboire, les empêchant d’accomplir leur mission. C’est cette pratique permanente de corruption qui fait que ce fléau perdure et se vulgarise à Douala plutôt que de reculer avec les multiples campagnes de sensibilisation conduites par le Ministère de la Santé Publique et les différentes brigades de l’Ordre des pharmaciens du Cameroun.
Par ailleurs, le MINCOMMERCE, s’est doté d’un logiciel pour la traçabilité des produits commercialisés dans sa mission de contrôle de l’authenticité des produits mis sur le marché camerounais. Cette initiative est le fruit d’une convention signée entre ce département ministériel et la Société AMLA Metrics[6] pour vérifier l’origine et le circuit des produits de grande consommation. Il s’agit d’une application numérique, à partir de l’installation d’un serveur au MINCOMMERCE et de certains éléments d’identification du produit comme le code-barres et la vignette pour s’assurer de la traçabilité depuis son origine jusqu’à sur les étals, conformément à la nouvelle Loi régissant le commerce au Cameroun[7]. À partir de ce mécanisme, tous les produits qui entrent sur le marché faisant l’objet de la présente Convention, sont systématiquement enregistrés par le serveur central installé au Ministère du commerce. Lequel renseigne sur leurs origines, leurs fabricants et leurs fournisseurs.
Cependant, ce ministère tarde encore à rendre opérationnelle cette application, du moins en ce qui concerne la traçabilité des médicaments.
2.3.2. Les facteurs d’existence des points de vente des médicaments de la rue à Douala
À Douala, les points de vente des "médicaments de la rue" prolifèrent à mesure que le gouvernement multiplie les stratégies de lutte contre ce fléau. Ce secteur d’activités attire un nombre croissant de commerçants en raison de sa flexibilité et de sa rentabilité.
Il ne nécessite pas une formation en lien avec la médecine ou la pharmacie, ni de grands fonds pour débuter cette carrière de "pharmacien-médecin-traitant" improvisé. Un détaillant rencontré au marché Mbopi (Douala III) relate à ce sujet :
" Avant de vendre, je consulte d’abord oralement, puis prescris les médicaments en fonction des symptômes que présente le client […] A moins que le client ne soit à la recherche d’un remède précis ". J’ai appris tout ça ici sur le tas. Je lis régulièrement les notices des médicaments et dialogue en permanence avec mes compères ayant quelques notions en soins infirmiers […] J’ai débuté sans capital.  À mes débuts, j’étais juste un courtier au lieu-dit "Gazon" marché central. C’est avec le temps que j’ai pu gagner la confiance d’un fournisseur qui me ravitaille sans percevoir l’argent à l’immédiat.  Je vends et fais le versement à chaque livraison de marchandises.  
Seulement 63% de vendeurs interrogés dans le cadre de cette étude ont tout au plus le niveau BEPC, ou diplôme équivalent ; 20% avouent n’avoir pas eu le moindre CEP et 17% ont un niveau d’étude supérieur ou égal au Bac. Seulement 15% affirment avoir suivi une formation en infirmerie et soins médicaux dans une école d’infirmerie agréée ou un Institut Privé d’Enseignement supérieur (IPES). Plus grave, 85% de ces marchands font du diagnostic médical, prescrivent une ordonnance et administrent les soins exactement comme ferait un médecin. C’est ce qui fait qu’on les appelle vulgairement " Docta de la rue" ou "Docta" tout simplement. Certains sont ambulants, d'autres se sont trouvé un espace d'exposition-vente, soit dans un coin de la rue, soit dans un marché public. Chaque équipement marchand de la ville dispose d’un secteur où abonde la vente des médicaments. Dans une volonté de maximiser les bénéfices afin de développer davantage leur commerce, 80% de vendeurs rencontrés gèrent individuellement leur commerce. Ils n’emploient pas. En cas d’empêchement, soit ils se font suppléer par leur conjointe ou conjoint, soit ils ferment boutique.
Leur principal challenge consiste à fidéliser la clientèle par un service de qualité, un accueil chaleureux et cordial, une mise à disposition permanente des produits, notamment les plus demandés à savoir les antipaludéens, les antiinflammatoires, les antibiotiques et les "déparasitants". Très attentionnés ils accordent toujours un temps de dialogue au client. C’est l’occasion pour le détaillant de faire valoir son expérience et son expertise en termes de diagnostic médical, de connaissance des différents médicaments et équivalents capables de soigner la pathologie suspectée. Il joue ainsi à la fois le rôle du médecin, du pharmacien et du délégué médical.
Un patient rencontré chez un "Docta"  au quartier Sodiko témoigne à ce sujet :
"Chaque fois que j’ai un souci de santé, j’aime d’abord venir voir ce monsieur. Il est très attentionné et sincère. Lorsqu’il trouve mon état un peu délicat il me suggère d’aller d’abord me faire consulter par un médecin avant de revenir. Et chaque fois que je reviens avec mon ordonnance, il me vend toujours des médicaments qui me soulagent"
Cette attitude flatteuse est de loin différente du comportement de quelques médecins et infirmiers véreux en service dans les hôpitaux publics de la ville qui au quotidien déroge à la déontologie de leur métier. Ils brillent par l’arrogance, le mépris, le favoritisme, la langueur et parfois le manque d’expérience, voire de professionnalisme. Quant aux pharmacies, elles connaissent les ruptures de stocks de façon permanente. Ce qui contraint le client ou le patient à visiter 03 à 05 pharmacies pour avoir le médicament prescrit. Cette navette est incertaine, onéreuse, et stressante car rien ne rassure de la disponibilité du produit recherché dans une officine donnée. Une maman rencontrée au CMA de Bépanda relate à cet effet :
" Mon fils, j’ai deux jeunes dans mon quartier qui vendent les remèdes au marché de la Gare depuis des années. Chaque fois que j’ai besoin d’un médicament, je passe ma commande à l’un d’eux et le soir en revenant, il me garde mes produits. Si je veux n’importe quel remède ils vont me servir à très bon prix. Ça m’évite de faire des navettes dans des pharmacies de Douala où les remèdes sont chers et pas toujours disponibles…"
Le coût du médicament en pharmacie est nettement supérieur à celui de la rue. Il intègre les charges fixes : le salaire des employés, le loyer, les factures d’eau et d’électricité sans faire litière des différentes taxes. A l’inverse, le marché informel des produits pharmaceutiques facilite l’accès aux médicaments pour toute classe sociale à la recherche des remèdes qui ne sont pas disponibles ou qui présentent une charge financière trop lourde dans les secteurs formels. La proximité des pharmaciens de la rue et le coût raisonnable de leurs produits sont aussi les facteurs qui justifient la ruée vers les "médicaments de la rue" à Douala.
Dans les quartiers de nombreux points de vente se transforment progressivement en infirmerie clandestine où le malade après achat du médicament peut être immédiatement pris en charge (Photo 7 & 8). Les pseudo-pharmaciens-traitants, responsables de ces points de vente, avouent avoir suivi une formation en lien avec la médecine, mais n’ont pas pu bénéficier d’une intégration à un emploi formel.
Photo n° 7 : Point de vente avec soins         Photo n° 8 : Point de vente avec soins
photo 7 & 8
Cliché : Tcheunteu Joël, septembre 2022
Ces dispensaires de fortune fragilisent les Centres Médicaux d’Arrondissement créés par l’Etat dans le but d’assurer une médecine de proximité dans les quartiers. Ces centres de santé étatiques reçoivent de moins en moins de patients malgré les efforts déployés dans la communication (Photo 9 et 10). Phot 9 & 10
                                                             Cliché : Tcheunteu Joël, Août 2022

2.4. La perception controversée des effets sanitaires des "médicaments de la rue" à Douala

Présentés comme dangereux pour la santé voire pour la vie, les "médicaments de la rue" se présentent aujourd’hui encore comme l’une des solutions idoines aux problèmes de santé à Douala. 95% d’individus rencontrés dans le cadre de cette étude, peu importe le rang social, font de l’automédication avec ces remèdes. Les 5% de personnes hostiles à ces médicaments sont pour la majorité des technocrates bénéficiant d’une assurance maladie ou d’une prise en charge médicale au sein de leurs entreprises. 30% se soignent exclusivement avec ces médicaments même lorsqu’il s’agit d’une prescription médicale. Trois facteurs expliquent l’inclination à ce mode de traitement : la proximité des points de vente avec les domiciles, les coûts des médicaments relativement bas conjugués à la vente au détail, l’aptitude du marchand à diagnostiquer oralement le mal puis à prescrire les premiers soins. Ce diagnostic dans la plupart des cas gravite autour de la suspicion du paludisme, de la typhoïde et de gastro-entérite. Ces pathologies sont considérées comme les plus endémiques à l’échelle de la ville au vue de leur prévalence dans les formations sanitaires. De ce fait, la première prescription médicale des "Docta de la rue" amène le malade à se déparasiter puis à prendre une cure d’antipaludéens ou d’antibiotiques contre la salmonellose. Au cas où la santé s’améliore, le malade suppose s’être soigné avec le "médicament de la rue". Pour les adeptes de ce mode de traitement, c’est quand le mal persiste, qu’ils se font consulter dans un centre hospitalier. 43% de ceux-ci reviennent avec l’ordonnance médicale s’approvisionner auprès du "Docta". Ils estiment que les coûts ici sont relativement plus abordables qu’en pharmacie d’une part et restent convaincus de l’efficacité de ces remèdes d’autre part.  Quelques témoignages glanés lors de la collecte des données illustrent ce point de vue :
" Je vais à l’hôpital en dernier recours. Là-bas, ils sont chers. Au moindre malaise, on te prescrit une pile d'examens à faire. Et quand tu es à court d’argent, personne ne s’occupe de toi ! Or, quand je vais chez "Docta", il me compose rapidement les remèdes à bas prix et de fois à crédit, je bois et me sens soulagé"[8]
"Non loin de mon domicile, il y a un vendeur de médicaments très efficace. Il connaît le remède. Pas de stress lorsqu’un membre de ma famille se plaint de la fièvre, du mal de ventre, du mal de tête, d’une blessure légère, des douleurs abdominales ou du paludisme. Quand tu expliques bien les manifestations de ta maladie à ce monsieur,  avec moins de 2000 Francs CFA, il te vend les médicaments et quand tu les prends convenablement tu guéris "[9]
"Le marché central est ma principale source de ravitaillement en produits pharmaceutiques de toutes sortes. J’ai un centre de santé et je n’ai pas l’autorisation qui me permet de me ravitailler auprès des entreprises pharmaceutiques agréées. Depuis 6 ans que ce centre existe, je soigne mes patients essentiellement avec ces produits et tout se passe plutôt bien jusqu’aujourd’hui"[10].
"Je regrette vraiment d’être venue ici. Je suis déjà à plus de 15000 Francs CFA de dépense seulement pour les examens. Le médecin refuse de me prescrire le moindre médicament sans avoir lu et interprété mes résultats. Si j’avais su que j’allais dépenser autant d’argent pour une petite fièvre, j’aurai dû commencer par le monsieur qui me vend souvent les médicaments au quartier"[11].
" On m’a toujours dit que le remède qu’on achète en route n’est pas bon, mais c’est ce que mes enfants et moi prenons quand nous sommes souffrants et ça nous soulage […] Ma grande sœur qui a ses moyens et ne soigne les membres de sa famille que dans des grandes cliniques ou à l’Hôpital Général a déjà perdu deux de ses enfants alors qu’elle achète ses médicaments toujours en pharmacie[12]".
L’on s’attendrait au vu des incommodités qui régissent le trafic informel des "médicaments de la rue", que les personnes interrogées décrient cette activité et appellent le gouvernement à bannir ce secteur. Dommage, elles y trouvent plutôt leur compte et s’en réjouissent.
Aucune statistique officielle sur les effets néfastes de ces médicaments au niveau de Douala n’est disponible pour l’instant. Toutefois, 8 médecins sur 10 citent les intoxications, la destruction du foie, du cœur et des reins comme les principales conséquences de la consommation des médicaments falsifiés.
 
[1] Lire le Journal "Mutation" du 12 février 2004.
[2] Il n’est pas vraiment aisé de mener une enquête dans ce marché. Les commerçants ici sont réfractaires à tout interrogatoire relatif à leur mode d’approvisionnement.
[3] Lire le "CAPP-INFO", Bulletin d’information du CAPP, N°38, Janvier 2006, p.1.
[4] Consulter Interagency Guidelines for Safe Disposal of Unwanted Pharmaceuticals in and after emergencies, OMS/99.2.
[5] Halte au commerce illicite.
[6] Amla Metrics est une entreprise qui distribue via radio, téléphone, internet, des solutions de collecte d'informations à distance auprès des professionnels (industries, collectivités et tertiaire), afin de répondre de façon simple et fiable aux besoins de télémétrie des consommateurs.
[7] La nouvelle loi régissant le commerce au Cameroun promulguée en décembre 2015 lors de la session parlementaire, met l’accent sur la traçabilité des produits mis sur le marché, de son origine jusque sur les étals.
[8] Avis d’une femme de ménage rencontrée à l’hôpital de District deNew-Bell (Douala II).
[9] Déclaration d’une commerçante interrogée à l’hôpital de District de Déido (Douala I).
[10] Propos d’une infirmière, propriétaire d’un centre de santé à Bépanda (Douala V).
[11] Discours une patiente rencontrée à l’hôpital de District de Bonassama (Douala IV).
[12] Allocution d’une bureaucrate interviewée à l’hôpital de District de Logbaba (Douala III).

Conclusion

Les "médicaments de la rue" sont en pleine expansion à Douala, en dépit de multiples croisades de lutte contre ce fléau instiguées par l’Ordre National des Pharmaciens avec l’appui du Gouvernement. Il existe d’innombrables points de vente de ces remèdes dans les marchés et rues de la ville. Plusieurs réseaux d’approvisionnement illicites pérennisent cette activité criminelle. Il s’agit notamment de la contrebande favorisée par la porosité des frontières et la corruption ; du détournement des bons médicaments, des médicaments périmés ou à échéance de péremption issus des établissements sanitaires publics et privés y compris les pharmacies d’officine ; les échantillons de médicaments gratuits servant à la promotion des spécialités pharmaceutiques ; le détournement des dons de médicaments octroyés aux organisations caritatives et aux formations sanitaires.
Par ailleurs, le mode de conservation et d’exposition-vente de ces produits pharmaceutiques laisse à désirer. Aucune ligne directrice régissant cette activité n’est prise en compte. Ils ne sont ni conservés dans un endroit frais et sec, ni protégés de la lumière et de l’humidité comme le recommandent les laboratoires pharmaceutiques. Au contraire, ils sont exposés aux radiations lumineuses et conservés dans des endroits clos sans voie d’aération. Ce qui logiquement provoquerait la détérioration de la qualité de ces produits et les rendrait nocifs pour la santé.
Les données publiées par l’OMS et d’autres Organisations Non Gouvernementales (ONG) à l’instar de la "Fondation Chirac", sur les dangers que génèrent les "médicaments de la rue" sont alarmantes. Ils sont cause d’aggravation de maladie et de nombreux décès anticipés. Ces statistiques sont bien relayées à la population par le Ministre de la santé publique. Mais cela n’empêche pas qu’à Douala, on compte de nombreux individus abonnés à ces médicaments. 95% de personnes interrogées dans le cadre de cette étude font de l’automédication avec ces médicaments au rang desquelles 30% se soignent habituellement avec ces produits et y trouvent entière satisfaction. Aucun individu n’avoue avoir déjà perdu un membre de sa famille des suites d’intoxication ou de complications liées à la consommation des "médicaments de la rue".
Cette statistique va curieusement à l’encontre des données publiées par les ONG. D’où le paradoxe des "médicaments de la rue" à Douala.
 

Références

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Publié

31 Décembre 2022

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2022,, mis en ligne le 31 Décembre 2022. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=266

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