2022/Vol.4-N°10 : VARIA

5 |APPROCHE COMMUNAUTAIRE DE LA LUTTE CONTRE L’ONCHOCERCOSE A KAFOLO (FRONTIERE IVOIRO-BURKINABE, REGION DU TCHOLOGO EN COTE D’IVOIRE)

COMMUNITY APPROACH TO THE FIGHT AGAINST ONCHOCERCIASIS IN KAFOLO (IVORIAN-BURKINABE BORDER, TCHOLOGO REGION IN COTE D’IVOIRE)

Auteurs

  • COULIBALY Fatoumata Docteur drcoulfat@yahoo.fr, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
  • N'GUESSAN Gnagoran Kouakou Daniel Docteur gnagoran05@gmail.com, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
  • DOUDOU Dimi Théodore Docteur ddimi_faith@yahoo.fr, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
  • KADJO Kouamé Alphonse Docteur kadjokouame@yahoo.fr, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
  • YAPI Yapi Grégoire Docteur yapigrec@yahoo.fr, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire
  • DOANNIO Julien Marie Christian Docteur juliendoannio@gmail.com, Université Péléforo Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire

Mots-clés:

Onchocercose| approche communautaire| lutte| ivermectine| Côte d’Ivoire|

Résumé

L’article rapporte les résultats d’une étude transversale dont le but était d’évaluer le niveau d’appropriation du Traitement à l’ivermectine sous Directives communautaires (TIDC) des communautés vivant à Kafolo. Une étude qualitative à visée descriptive et analytique d’un échantillon de 54 enquêtés avec un âge moyen de 45 ans résidents permanent à Kafolo et ayant été traités par l’ivermectine au moins une fois. Les résultats indiquent que les enquêtés sont informés sur l’onchocercose et bénéficient de campagnes de sensibilisations sur la prise de l’ivermectine par les agents de santé. L’on note une bonne collaboration entre les autorités coutumières et les agents de santé impliqués dans la distribution de l’ivermectine. Les enquêtés sont favorables à la prise de l’ivermectine pour se soigner et se protéger contre la maladie même si les effets secondaires suscitent souvent des résistances. Cependant, le choix d’un lieu unique pour la distribution de l’ivermectine à toute la population semble poser problème. En outre, des plaintes relatives à l’utilisation d’un même verre servant à la prise des comprimés pour tous a été relevé et l’option de la distribution de l’ivermectine au porte-à-porte s’en trouve être le choix de distribution suggéré par les enquêtés.

Introduction

L’onchocercose ou cécité des rivières est cette endémie parasitaire qui sévit dans une trentaine de pays en Afrique dont 11 en Afrique de Ouest. C’est une maladie qui était, par le passé, un problème de santé publique en Afrique, avec plus de 37 millions des personnes infectées et des millions souffrant de manifestations cutanées débilitantes, de terribles démangeaisons, de troubles de la vision et de la cécité (OMS, 2010). Elle entraine des conséquences humaines et économiques considérables dans les communautés (Verin et Comte, 1990).
Avant 1974 les régions hyper-endémiques se situaient au Burkina-Faso, en Côte d'Ivoire et au Ghana. Au Burkina Faso, les foyers de concentration se situaient autour des cours d'eau (Volta, Comoé-Léraba), zone frontalière avec la Côte d’Ivoire. Ceci a motivé la mise en place d’un important programme de lutte contre cette endémie. En 2002, l’OMS a mis fin au Programme de Lutte contre l’Onchocercose (Onchocerciasis Control Programme ou OCP) en Afrique de l’Ouest après 28 ans d’activités car le risque de transmission était circonscrit dans les pays concernés par le programme (OMS-OCP, 2002).
Néanmoins, les activités de lutte ont été poursuivies par les Programmes Nationaux de Lutte contre l’onchocercose (PNLO) des pays ex-OCP. En effet, on distingue deux stratégies de lutte contre l’onchocercose : la lutte anti-vectorielle basée sur l’épandage aérien de larvicide a débuté en 1975 dans l’aire initiale puis s’est étendue au Sud du pays à partir de 1979 d’une part et le traitement à l’ivermectine, introduite depuis 1988 d’autre part. Ces deux stratégies ont permis la formation des nationaux sur le plan académique et sur les stratégies de lutte de façon pratique. En effet, les activités des programmes sont basées sur l’Information, l’Education et la Communication (IEC), la surveillance épidémiologique et entomologique. Le conflit armé de septembre 2002 en Côte d’Ivoire a entraîné la destruction des infrastructures de surveillance et de contrôle épidémiologique de l’onchocercose. Ainsi, pendant 5 ans, la distribution de l’ivermectine aux populations et la surveillance entomologique ont été interrompues (OMS-OCP, 2002).
Une évaluation épidémiologique réalisée entre juillet et septembre 2007 à la suite de quelques cas d’onchocercose enregistrés dans les zones forestières de l’Ouest de la Côte d’Ivoire, a révélé que la prévalence chez les enfants de moins de 5 ans était de 14,29 %. Selon le Programme National de la Santé Oculaire et de la Lutte contre l’Onchocercose, l’on note également à la frontière ivoiro-burkinabée des prévalences de 25% à Temisseré, de 19,4 % à Kafolo, de 12.8 % à Ninclinvogo. Ces taux sont tous supérieurs au seuil de tolérance admis qui est de 5%.
La reprise des activités en 2008, a été marquée par une discontinuité des campagnes de traitement. Or, le contrôle de l’onchocercose requiert une couverture géographique de 100% et une couverture thérapeutique d’au moins 80%. En Côte d’Ivoire sur les 82 districts sanitaires que compte le pays, l’onchocercose est endémique dans 59[1]. Les 47 autres districts sont co-endémiques à la filariose lymphatique et à l’Onchocercose (Koudou et al, 2018).
Selon le Programme Africain de lutte contre l’onchocercose (2002), l’onchocercose peut être éliminé par le traitement annuel de masse à I'ivermectine, à condition qu'une couverture élevée du traitement soit maintenue pendant une période d’au moins 15 à 20 ans. L’efficacité, la durabilité et l’appropriation par les communautés du processus de distribution de l’ivermectine sont essentielles pour le succès de la lutte contre la maladie. Ainsi, l’objectif du programme devrait se baser sur un système efficace et autonome de Traitement à l’Ivermectime sous Directives Communautaires (TIDC) dans toutes les zones d’endémie de l’aire géographique du programme.
En effet, le TIDC, donne le plein pouvoir aux communautés dans la planification, la mise en œuvre et l’évaluation de la stratégie. Cela nécessite la mobilisation de ressources supplémentaires et complémentaires telles que le rôle traditionnel des femmes dans la vie des communautés (Vouking et al, 2014), les écoles, les leaders religieux et traditionnels dans la distribution annuelle ou biannuelle de l’ivermectine afin de réaliser la bonne couverture de traitement (APOC, 2014). Cependant, la préoccupation concernant divers indicateurs de durabilité du TIDC demeure. Il s’agit entre autres de la prise de conscience publique, de problèmes d’abandon des directives communautaires avec le temps, des frais de transport pour aller chercher les médicaments, de la nécessité de trouver des formes de motivations appropriées pour retenir les communautés, soit sous forme d’avantages, soit sous forme de récompenses (GTNOs, 2002).
L’élimination de l’onchocercose par le traitement à l’ivermectine est une question complexe et l’on a encore beaucoup à apprendre à ce sujet (OMS-OCP, 2002). Cilundika et al. (2014), en République Démocratique du Congo, ont montré dans une étude CAP en rapport avec le TIDC, qu’une proportion de 55% des populations enquêtées utilisaient les plantes comme médicament contre l’onchocercose. Aussi, leur étude a montré qu’il y avait une association significative entre le niveau d'instruction et l’observance thérapeutique contre l'onchocercose (p : 0,008).
Avec une prévalence de 19,4 % à Kafolo, largement au-dessus du seuil de tolérance admis par l’OMS qui est de 5%, on note une résurgence de la maladie dans cette zone. Ainsi, depuis 2012 le programme a instauré les activités de lutte basées sur le Traitement à l’Ivermectime sous Directives Communautaires (TIDC). Cette étude a pour but d’évaluer la performance du système de distribution de l’ivermectine aux communautés vivant à Kafolo. En d’autres termes, elle cherche à connaître le niveau d’appropriation des communautés du TIDC à Kafolo.
Les questions spécifiques de ce travail sont :
  • quel est le niveau de connaissance des populations de Kafolo sur l’onchocercose et l’ivermectine ?
  • Comment les populations de Kafolo formulent-elles leurs opinions sur le système de distribution de l’ivermectine dans leur localité ?
Les objectifs spécifiques qui orientent ce travail sont :
  • déterminer le niveau de connaissance des populations de Kafolo sur l’onchocercose et l’ivermectine
  • analyser les opinions des populations de Kafolo sur le système de distribution de l’ivermectine dans leur localité
 
[1] Atelier sur les maladies tropicales négligées (MTN) tenu le lundi 16 juin 2014 au Bureau de la Représentation de l’OMS à Abidjan.

Méthodologie

1. Méthodologie

1.1. Site de l’étude

Le site de l’étude est Kafolo. C’est une localité située à la frontière ivoiro-burkinabé dans la région du Tchologo en Côte d’Ivoire. Kafolo bénéficie d’un Dispensaire Rural en 2010. Depuis de 2013, un infirmier d’Etat y est en fonction. Le centre de santé couvre Kafolo qui héberge le centre, Mapina situé à 21 Km de Kafolo sur la voie principale et Tchambé qui est un vaste village situé à soixante-cinq (65) Km de Kafolo et proche de la frontière avec le Burkina-Faso.
Carte n°1 : Carte de la zone d’étudeCarte de la zone d’étude
Source : Coulibaly Bamoro (2020)

1.2. Cibles 

Les populations cibles de l’étude sont les ménages vivant à Kafolo, l’Infirmier Diplômé d’Etat, les Agents de Santé Communautaire (ASC).

1.3. Échantillon 

L’échantillon compte 54 individus retenus par choix raisonné. Ont été retenus pour l’étude : l’infirmier du Dispensaire Rural de Kafolo, coordonnateur des activités sanitaires et représentant les autorités sanitaires de la localité. Sur les six ASC que compte la localité de Kafolo, trois ASC présents lors de l’enquête, ont été interrogés. Les critères de sélection des ménages sont : résider à Kafolo de façon permanente et ayant été traités à l’ivermectine au moins une fois. La participation à l’étude est entièrement volontaire. Enfin, 50 ménages ont été interrogés. Cet effectif a été arrêté sur la base de la saturation des informations recueillis (Mongeau, 2008).

1.4. Technique et instruments de collecte de données 

L’enquête par interrogation directe (enquêteur face à l’enquêté) a été retenue pour la collecte des données. Au niveau des ménages, les données ont été collectées à l’aide d’un questionnaire structuré autour des caractéristiques sociodémographiques, des connaissances sur l’onchocercose, des moyens de lutte.
Au cours d’entretiens individuels, l’infirmier et les ASC, ont été interrogés à l’aide d’un guide d’entretien semi-directif. Les points suivants ont été abordés : les responsabilités des agents de santé, des ASC et des communautés dans le programme du TIDC, leurs opinions sur les forces et faiblesses du système de distribution mis en place, les opportunités et les menaces ainsi que les suggestions pour son amélioration.

1.5. Traitement des données

Le logiciel Excel a permis de calculer les fréquences relatives aux caractéristiques sociodémographiques, aux connaissances sur l’onchocercose et aux effets secondaires de l’ivermectine. Au niveau des données qualitatives, les extraits d’entretiens issus des questions ouvertes ont été présentés sous forme de listes organisées par catégories de réponses. L’analyse de contenu a ensuite servi à synthétiser les informations apportées et à leur donner du sens par rapport au contexte de l’étude.

1.6. Position théorique

La position théorique retenue pour cette étude est la représentation sociale qui est un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation. Elles sont des formes de connaissances socialement élaborées et partagées, ayant une visée pratique et concourante à la construction d’une réalité commune à un ensemble social (Jodelet, 1989). Elles sous-tendent les attitudes et orientent les comportements (Rouquette et Rateau, 1998). Dans cette perspective, elles peuvent permettre de saisir les différents aspects sous lesquels se placent les populations de Kafolo pour examiner le système de distribution de l’ivermectine dans leur communauté. La méthode de recueil des représentations sociales privilégiée dans cette étude est la production discursive (Valence, 2010).

1.7. Considérations éthiques

Des dispositions ont été prises pour conduire cette recherche dans le respect de la dimension éthique. La recherche, son but, son déroulement, ses aboutissements ainsi que ses principes de liberté de participer ou non, liberté d’interrompre sa participation et de confidentialité, ont été expliqué(e)s aux personnes avant le recueil de leur consentement (pour les adultes). Quand il s’agissait d’une personne de moins de 18 ans (16 à 17), le consentement d’un des parents était d’abord recuilli, puis l’assentiment du concerné. 

Résultats

2. Résultats

2.1. Caractéristiques socio-démographiques des enquêtés

L’âge des enquêtés évoluait entre 16 ans minimum et de 80 ans maximum avec une moyenne de 45 ans. Les enquêtés sont en majorité des cultivateurs (48%), suivis de 14% des pêcheurs, 12% des commerçants et 10% des ménagères. Les 16% restants sont sans activités (Graphique n°1). La majorité 82% est non scolarisée, 12% ont le niveau primaire et 6% le niveau secondaire.
Graphique n°1 : Activités socioprofessionnelles des enquêtésActivités socioprofessionnelles des enquêtés
Source : Données d’enquête 2020
Selon les enquêtés, les adultes et les vieillards sont les plus atteints 37,71% par la maladie. Les jeunes (12,90%), les adolescents (4,03%) viennent respectivement en deuxième et troisième position. Ensuite, suivent les femmes enceintes 2,42% et les enfants de moins de 5 ans 2,81%.

2.2. Connaissances des enquêtés sur l'onchocercose

Nombreux sont les enquêtés (78%) qui décrivent l’onchocercose comme une maladie « des non-voyants », « une maladie qui rend aveugle », « une maladie de la vue ». La majorité des populations (92%) pensent que l’onchocercose est transmise par les piqûres de moucherons, tandis que 2% des enquêtés pense que c’est une maladie qui se contracte en buvant de l’eau sale. Les symptômes associés à l’onchocercose les plus cités par les enquêtés sont la baisse de la vue (40%), la cécité (30%) et les démangeaisons (23,33%). Les symptômes tels que les maux de tête, les taches blanches sur la peau, les lésions de la peau et les nodules sont également évoqués (Graphique n°2). 
Graphique n°2 : Symptômes de l’onchocercose selon les enquêtésSymptômes de l’onchocercose selon les enquêtés
Source : Données d’enquête 2020

2.3. Moyens de protection contre les piqûres des simulies utilisés par les communautés

Pour se protéger contre les piqûres de simulies, 42,86% des enquêtés ont mentionné le port de pantalon, 41,07% le port de chemise manches longues et 9,82% des bottes. La pulvérisation d’insecticides 6,25 % est également utilisée (Graphique n°3). Pour lutter efficacement contre les simulies, les enquêtés préconisent tous la pulvérisation à l’insecticide des cours d’eau, des rivières et du fleuve Comoé.
Graphique n°3 : Moyens de protection contre les piqûres de simulies selon les   enquêtés

Moyens de protection contre les piqûres de simulies selon les   enquêtés

Source : Données d’enquête 2020

2.4. Information et sensibilisation des communautés sur l’onchocercose et l’ivermectine

Les enquêtés (88%) ont mentionné que les communautés sont informées sur la maladie. Avant les campagnes, les autorités sanitaires informent les autorités coutumières des communautés concernées.
« Ces derniers à leur tour à travers les griots, passe l’information à la communauté toute entière. Les communautés à travers les griots, les ASC et l’infirmier sont informées sur la maladie, sensibilisées sur pourquoi prendre les comprimés d’ivermectine et sur leurs effets secondaires (Infirmier) ».
Lors de ces campagnes, des comprimés d’ivermectine sont distribués aux populations. On note à ce niveau une collaboration entre les acteurs du système de santé et les communautés « les communautés adhèrent totalement au projet. Une fois les autorités coutumières ont donné leur accord, il n’y a plus d’obstacles (Infirmier) ».

2.5. Ivermectine comme moyen de traitement et de prévention de l’onchocercose

Trois opinions sur le rôle de l’ivermectine chez les enquêtés se dégagent. La majorité (96%) mentionne l’ivermectine comme le remède approprié pour guérir une personne souffrant de l’onchocercose. Cependant, la notion de guérison reste nuancée chez les enquêtés. Pour certains (54%), l’ivermectine permet de soigner la maladie. D’autres (36%) pensent qu’il sert à prévenir la maladie tandis que pour d’autres (6%), l’ivermectine permet d’éradiquer l’onchocercose. Ces différences d’opinions sur le rôle de l’ivermectine se perçoivent dans les extraits de discours des enquêtés ci-dessous : « On prend le médicament pour se soigner contre la maladie », « Le médicament, on le prend pour prévenir la maladie », « C’est pour éradiquer l’onchocercose ».

2.6. Effets indésirables de l’ivermectine selon les communautés

Des effets secondaires sont mentionnés par 46% des enquêtés après la prise de l’ivermectine : démangeaisons du corps et des yeux, boutons, fièvre, affaiblissement, nausée, diarrhée, somnolence, etc. (Graphique n°4). Ils sont 47,83% chez qui ces effets secondaires sont apparus un jour après la prise de l’ivermectine. Les effets gênants peuvent durer cinq jours pour certains.
Graphique n°4 : Effets secondaires de l'ivermectine selon les enquêtésEffets secondaires de l'ivermectine selon les enquêtés
Source : Données d’enquête 2020
Selon nos enquêtés, les effets secondaires surviennent plus chez les adultes et les vieillards (66%), contrairement aux jeunes (44%).  Les effets secondaires apparaissent comme un facteur de réticence de la prise de l’ivermectine pour des enquêtés (40%).

2.7. Distribution de l’ivermectine aux communautés

Les Agents de Santé Communautaires (ASC), au nombre de 6, sont désignés pour distribuer les comprimés d’ivermectine aux populations à Kafolo. Les ASC jouent un rôle capital dans la distribution des comprimés. En collaboration avec les infirmiers, ils sont les relais entre le système de santé et les communautés.
« Les ASC sont importants car, ils vont distribuer les comprimés aux populations dans les endroits éloignés ou difficiles d’accès. Il y a des parents qui ne peuvent pas se déplacer, l’ASC va vers lui. Quand les populations se plaignent des effets secondaires, l’ASC fait le retour aux agents de santé (ASC) ».  
Les enquêtés (94%) ont bénéficié d’au moins une fois du traitement à l’ivermectine ces 10 dernières années (Graphique n°5).
           Graphique n°5 : Fréquence de la prise annuelle de l’ivermectine par enquêtéFréquence de la prise annuelle de l’ivermectine par enquêté
Source : Données d’enquête 2020
Des interruptions (42%) sont enregistrées dans le processus de distribution. Elles sont souvent le fait des absences des individus (voyage par exemple) au moment des campagnes de distribution. L’interruption dans la prise annuelle des comprimés est un indicateur qui fausse les prévisions d’une éradication totale de la maladie dans les communautés bénéficiaires du programme TIDC.
Dans l’ensemble, l’organisation de la distribution de l’ivermectine est appréciée par les enquêtés. Cependant, ces derniers déplorent tous le fait que, lors des campagnes de distribution de l’ivermectine, les agents utilisent un seul verre à eau pour toute la communauté. « Toute la population se sert d'un seul verre pour boire le médicament (homme chef de ménage) ». Cela, crée des résistances de la part des communautés « Je n'ai pas apprécié que tout le monde se servent d'un seul verre (Ménagère) ». Certains refusent d’utiliser ce seul verre et cela peut conduire au refus de prendre le comprimé.
Pour l’amélioration du système de distribution de l’ivermectine, les enquêtés suggèrent de prendre un verre à eau pour chacun des individus « je souhaite que l'ASC utilise plusieurs verres lors de la prise (ménagère) ». Certains proposent de prendre le comprimé à domicile.
« On peut nous permettre de prendre le médicament à domicile (femme chef de ménage) ».
« Les populations en majorité agriculteur, sont le plus souvent absentes si la distribution coïncide avec les périodes des travaux champêtre. Dans ces conditions, c’est l’ASC qui est charger d’aller vers ces personnes pour recevoir leur traitement » (ASC).  

Conclusion

Cette recherche avait pour objectifs de déterminer le niveau de connaissance des populations de Kafolo sur l’onchocercose et l’ivermectine, puis analyser les opinions des populations de Kafolo sur le système de distribution de l’ivermectine dans leur localité. L’enquête était mixte : le volet quantitatif a concerné les populations des ménages et l’aspect qualitatif l’ant de santé et son relai, l’agent de santé communautaire.
Les résultats révèlent, que les enquêtés sont informés sur l’onchocercose et bénéficient de campagnes de sensibilisations sur la prise de l’ivermectine par les agents de santé. L’on note une bonne collaboration entre les autorités coutumières et les agents de santé impliqués dans la distribution de l’ivermectine. Les enquêtés sont favorables à la prise de l’ivermectine pour se soigner et se protéger contre la maladie même si les effets secondaires suscitent souvent des résistances. Cependant, le choix d’un lieu unique pour la distribution de l’ivermectine à toute la population semble poser problème. En outre, des plaintes relatives à l’utilisation d’un même verre servant à la prise des comprimés pour tous a été relevé et l’option de la distribution de l’ivermectine au porte-à-porte s’en trouve être le choix de distribution suggéré par les enquêtés.
Ces résultats interpellent sur l’information et la sensibilisation des communautés au sujet de l'onchocercose et du traitement à l'ivermectine sous directives communautaires. La stratégie de lutte contre l’onchocercose basée sur le TIDC doit prendre en compte les interruptions dans la prise annuelle des comprimés et la possibilité d’une réorientation de la stratégie en direction de la formule porte-à-porte, de même que le renforcement de la coordination dans la lutte. Le renforcement de la coordination demande de jeter un regard sur les considérations de mise en œuvre du rôle important que les femmes peuvent jouer dans la lutte contre l’onchocercose.

Références

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Publié

31 Décembre 2022

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2022,, mis en ligne le 31 Décembre 2022. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=268

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