2022/Vol.4-N°10 : VARIA

12 |CONFIANCE INSTITUTIONNELLE DANS LA GESTION DE LA COVID-19 ET RESPECT DES MESURES BARRIÈRES DANS LA VILLE DE SOKODE AU TOGO

INSTITUTIONAL CONFIDENCE IN THE MANAGEMENT OF COVID-19 AND COMPLIANCE WITH BARRIER MEASURES IN THE CITY OF SOKODE IN TOGO

Auteurs

  • KANATI Lardja Docteur en sociologie kanlardja@yahoo.fr, Université de Kara, Togo

Mots-clés:

Sokodé| Confiance| Gestion| COVID-19| Mesures barrières|

Résumé

Dès l’apparition des premiers cas de Covid-19 au Togo, le gouvernement a adopté des mesures visant à endiguer la propagation du virus. Nonobstant, ces mesures sont loin d’être observées à Sokodé suite à une crise de confiance en des autorités centrales, locales et scientifiques liée au contexte socio-politique qu’a connu cette ville. L’article part de l’hypothèse que le respect des mesures barrières dépend de la confiance en des leaders politiques. Il s’agit donc d’analyser l’impact de la crise de confiance politique sur le respect des mesures barrières dans cette ville. Une enquête est faite auprès de 120 personnes âgées de 18 ans et plus choisies au hasard dans huit quartiers de Sokodé. La recherche combine les méthodes quantitative et qualitative. Les données quantitatives ont été analysées à travers les logiciels Excel et Google Form version 2021 et celles qualitatives ont été regroupées en thèmes semblables. Les résultats montrent que l’échantillon est majoritairement masculin, l’âge moyen se situe à 35 ans. La population enquêtée est moyennement scolarisée et majoritairement musulmane puis commerçante (n=45). 51,66% des enquêtés ne font pas confiance au préfet et 48,3% ne le font pas au maire de la ville. 51,67% se méfient de la force FOSAP et 63,34% des enquêtés n’ont pas confiance au comité scientifique. Au total, 94,1% des enquêtés connaissent les mesures barrières édictées mais elles sont jugées très excessives (34,2%). Toutefois, ces mesures sont respectées à l’exception du port régulier des masques (83,2%).

Introduction

Préservée pendant un temps plutôt court, l’Afrique est à son tour touchée. Avec environ 85% de pays atteints (OMS, 2020), le COVID-19 a dépassé le stade de menace pour devenir une triste réalité dans le continent. A la date du 21 avril 2020, quinze mil cinq cent cinquante-cinq (15 555) cas confirmés, 795 nouvelles contaminations et 704 morts sont enregistrés (OMS, 20201). Toutefois, contrairement aux prévisions "alarmistes" en début de pandémie, l’Afrique semble tirer son épingle du jeu, narguant ainsi les experts des pays développés et leurs prévisions (G. D. Lankoandé, 2020, p. 13).
Au Togo, un premier cas concret de covid-19 a été enregistré le 07 mars 2020. Une dame qui aurait séjourné en France et transité par la Turquie et le Bénin avant de regagner la Capitale Lomé. On passe de l’imaginaire à la réalité. Depuis lors, les cas de contamination à la Covid-19 ont évolué passant de 422 cas confirmés le 27 mai 2020 à 13 167 cas confirmés le 11 mai 2021 pour atteindre 37 000 cas de contamination le 5 mai 2022 (A. A. Koffi, 2022, p.1.). Sokodé, ville située à 346 km de Lomé, connaît ses premiers cas de covid-19, le 25 mai 2020, avec 13 cas identifiés dans le village de Kouvon, situé à 15 km de Sokodé (Gouv Togo, 2020)
Le gouvernement togolais avait rapidement décrété l’état d’urgence sanitaire. Cet état habilite le gouvernement à prendre par ordonnance toutes les mesures relevant du domaine de la loi, mettant ainsi en berne le fonctionnement ordinaire de l’Assemblée Nationale. L’une des mesures phares est l’instauration des couvre-feux nocturnes de 20 heures à 6 heures après le bouclage de certaines villes (Lomé, Sokodé, Dapaong, Cinkassé) suivie de la fermeture des écoles et universités, des bars, des restaurants et des lieux de culte.
L'État a oublié que le bien-fondé de son action se mesure au degré de confiance des populations au nom desquelles les mesures sont prises. L'expérience d'ebola informe qu'il est difficile de gagner la bataille contre le virus sans l'engagement, la responsabilisation et la confiance communautaires. Le respect des mesures gouvernementales ne saurait se faire sans une confiance du public envers les institutions impliquées. En effet, la confiance envers les institutions publiques reste l’une des ressources les plus essentielles pour élaborer les réponses sociétales efficaces, mais elle fait défaut dans de nombreux pays africains (E. Gyimah-Boadi & C. Logan, 2020 ; S. Roché, 2016 cités par Afrobarometer, 2021, p. 1).
La confiance des citoyens envers les autorités togolaises reste assez mitigée, même si elle s’est améliorée depuis 2017 : la moitié (50%) des citoyens affirment qu’ils font « partiellement » ou « beaucoup » confiance en le Président de la République, la police, la gendarmerie et les forces de défense. Les leaders religieux (66%) et les chefs traditionnels (58%) bénéficient de plus de confiance publique (Afrobarometer, 2020, p.2). Certains événements ont contribué aux doutes du public sur la fiabilité des institutions impliquées dans la gestion de la réponse au COVID-19. Togbui Dagban Ayivon IV, un chef traditionnel de l’un des quartiers de Lomé, a sorti une note rendue publique dans laquelle, il fustige les mesures barrières du gouvernement contre la COVID-19 (Togo Infos, 2020, cité par Afrobarometer, idem). Du coté des médias, les actes supposés de corruption ne cessent d’être dénoncés en cette période de Covid-19. En effet, la riposte contre la pandémie a débouché sur des scandales de corruption liés à l’achat de respirateurs artificiels dont la qualité est douteuse. En plus, un projet de cinq millions de masques chirurgicaux aurait été détourné dans le cadre de la reprise partielle des cours dans les établissements scolaires (Afrobarometer, idem).
Les résultats de l'enquête d'Afrobarometer au Togo révèlent que les autorités publiques sont impliquées dans des affaires de corruption. La perception que « toutes » ou « la plupart d’entre elles » sont corrompues concerne surtout les policiers/gendarmes (51%), suivis des officiels de la Présidence (45%) et des chefs traditionnels (30%). Les leaders religieux sont moins perçus comme étant corrompus (18%). En particulier, la majorité des Togolais (62%) manquent de confiance envers le gouvernement de publier des statistiques fiables sur la Covid-19 et d’assurer l’innocuité du vaccin (Afrobarometer, 2020, p.2).
Il faut remarquer que les couvre-feux instaurés avaient entraîné sur toute l’étendue du territoire, des bavures policières avec la mort de plusieurs personnes (Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, 2020). Ces couvre-feux en temps de crise sanitaire ont été introduits au Togo en général et à Sokodé en particulier, sans communication claire à l'endroit des populations, comme si tout le monde savait de quoi il allait s'agir. Elles ne savaient pas ce que c'est, pourquoi on le fait, comment ça se passe et combien de temps cela peut durer.
Peu avant la crise sanitaire liée à la covid-19, le Parti National Panafricain (PNP), parti de l’opposition avec à sa tête un fils de Sokodé organisait des marches de contestation du pouvoir.
Face à la crise de la COVID, les mesures barrières concernaient toute la population togolaise en vue de réduire l’impact sanitaire. Dans toutes les villes du pays, des hommes ont été forcés à respecter les mesures barrières (couvre-feu, interdiction de voyager, la mise en quarantaine, etc.). Mais force est de constater que les populations de Sokodé ont à tort ou à raison, interprété les couvre-feux comme des mesures de représailles. On pouvait constater la défiance des jeunes face aux forces de l’ordre et de la sécurité. Or, cette jeunesse qui défie les forces de l'ordre expérimente le couvre-feu en crise sanitaire pour la première fois.
Cet article a pour but d’analyser l’impact de la crise de confiance politique sur le respect des mesures barrières dans la ville de Sokodé. Il s’agit plus spécifiquement de décrire entre autres la situation sociopolitique et la crise de confiance en les autorités, de tester la connaissance des populations sur la pandémie et les mesures édictées par le gouvernement afin de faire ressortir leurs opinions sur la gestion de la COVID.

Méthodologie

1. METHODOLOGIE

La présentation d’un matériel et d’une méthodologie est une dimension incontournable. Il convient donc de présenter le cadre de la recherche avant d’aborder la méthode.

1.1. Présentation de la zone de l’étude

La ville de Sokodé se situe au centre du pays à 346 km de Lomé et couvre officiellement une superficie de 87 km². Selon les résultats du RGPH-4, elle reste toujours la deuxième ville du Togo après la capitale Lomé. Sokodé est situé au carrefour d’importants axes de communication tels que la route nationale N°1 (Lomé-Cinkassé), l’axe Tchamba - Bassar qui relie le Togo à la République du Benin à l’Est et à celle du Ghana à l’Ouest. Cette ouverture de la commune vers l’extérieur a fait de Sokodé un carrefour commercial dynamique. Situé avant la colonisation sur la route du cola, la position de carrefour commercial a été renforcée pendant la colonisation avec l’ouverture des différentes routes. La ville de Sokodé s’est étalée au fil du temps et ses limites sont : au Nord par le village de Tchalanidè ; au Sud par la rivière Nâ-Fo (village de Kassena-Pont) ; à l’Est par la rivière Nâ (village de Kparatao) ; et à l’Ouest par le village de Sagbadeï.
Sur le plan administratif, la ville de Sokodé qui est le noyau urbain de la préfecture de Tchaoudjo a été très tôt érigé en commune. Servant de chef-lieu aussi bien de la Région Centrale que de la préfecture de Tchaoudjo, elle fut la première commune de plein exercice des trois que compte la Région Centrale et même de tout le nord du Togo. Elle est constituée de 22 quartiers officiels et plusieurs sous-quartiers appartenant aux cantons de Komah et de Kpangalam. La ville de Sokodé, selon le recensement général de la population et de l’habitat de novembre 2010, compte 95 070 habitants alors qu’elle était de 46 660 en 1981.
Carte no1 : Localisation de la ville de Sokodé
Source : Agbamaro, 2022

1.2. Données

Cette étude repose sur une revue de littérature, la collecte de données in situ dans la ville de Sokodé auprès des populations de huit quartiers (Didaouré, Komah, Kpalo-Kpalo, Kpangalam, Kouloundè, Salimdè, Tchawanda et Zongo), à travers des enquêtes par questionnaires semi- structurés, guides d’entretien semi-directif et grille d’observation. Trois variables de confiance institutionnelle ont été pris en compte dans le questionnaire qui porte sur la confiance institutionnelle à savoir : la confiance en l’autorité centrale (Président, membres de la majorité, préfets, membres de forces anti-covid ou forces de sécurité ; la confiance en l’autorité locale (les conseillers municipaux, maire, chefs de quartiers et chefs religieux) et la confiance en les experts (scientifiques et médecins). Le questionnaire sur le respect des mesures barrières portait sur les rubriques suivantes : caractéristiques sociodémographiques des répondants, leur connaissance sur la Covid-19, leur opinion quant aux diverses mesures prises par le gouvernement.
Lors de la pré-enquête en novembre 2020, l’absence de dénombrement de la population par quartier nous a amené à choisir aléatoirement un échantillon de 120 enquêtés. L’enquête proprement dite a été menée de février à mars 2021. L’échantillonnage aléatoire stratifié est constitué et chaque quartier de la ville de Sokodé définit une strate. Pour faire partie de l’échantillon, l’enquêté doit avoir au moins 18 ans et résider dans l’un des huit quartiers de la ville retenus pour l’enquête. Le questionnaire a été administré de façon indirecte (par l’intermédiaire d’un enquêteur) aux enquêtés qui ne pouvaient pas le remplir eux-mêmes et de façon directe à ceux qui n’avaient pas de difficulté à le remplir.
Dans la même foulée, huit focus group hétérogènes ont été animés avec les populations desdits quartiers. Les participants sont au nombre de huit  à savoir des chefs de quartiers, présidents des Comités de Développement des Quartiers (CDQ), des responsables politiques et religieux, des leaders des jeunes et des femmes et des Forces de Défenses et de Sécurité. Une analyse documentaire spécifique des rapports, articles, et mémoires sur le Covid-19 a été faite en vue d’apprécier la valeur scientifique des déclarations faites par les enquêtés.

1.3. Méthodes

Après la collecte des données sur le terrain, nous avons procédé au dépouillement des réponses. Les données ont été analysées à travers les logiciels Excel et Google Form version 2021. En vue de confronter l’hypothèse de départ à l’épreuve des faits, le tableau (tri à plat) et les graphiques (diagrammes circulaires et en histogrammes) retenus ont été analysés sur la base des pourcentages dans un commentaire suivant les résultats qu’ils présentent. Pour l’analyse qualitative, les idées principales ont été regroupées en thèmes semblables.
Pour l’analyse des données empiriques, nous nous appuyons sur l’individualisme méthodologique. C’est le postulat de l’individualisme méthodologique que d’aller aussi loin que possible dans cette direction, dans l’étude de comportements, des choix, des prises de risque, pour en suivre la composition, l’agrégation et les émergences. Un tel postulat conduit à une tout autre attitude épistémologique en face des conflits sociaux. On peut reconnaître l’existence d’organisations ou d’institutions susceptibles de prendre des décisions collectives. En de tels cas, l’assimilation d’un groupe à un individu est justifiable.  C’est le cas, par exemple, dans les conflits politico-militaires où l’on peut dire que l’État togolais prend telle décision, entendant par là un acteur  non individuel mais polycéphale muni d’un instrument de décision qu’est son gouvernement. Il reste alors à comprendre comment un tel acteur recourt à une stratégie dans une situation particulière.

Résultats

2. RÉSULTATS

2.1. Caractéristiques des répondants

La proportion d’hommes dans l’échantillon est de 57% (n=68) et 43% de femmes (n=52) ; l’âge moyen se situe à 35 ans. Les enquêtés qui ont respectivement l’âge compris entre 24 et 29 ans et 42 à 47 ans représentent 14% soit un cumul de 28%. Ceux qui ont l’âge compris entre 30 et 35 ans puis entre 36 et 41 ans font 19% (n=23). Ces résultats montrent que la population enquêtée sans distinction de sexe, est majoritairement jeune. Les musulmans sont les plus nombreux (n=88) soit 73% de répondants, les enquêtés adeptes du christianisme représentent 23% (n=27) et les animistes font seulement 04%. Il ressort de ces données que la ville de Sokodé est fortement islamisée.
Les enquêtés qui sont sans instruction se comptent parmi les musulmans et représentent 20% de la population enquêtée et 28% de ce groupe religieux, 34% des répondants ont le niveau secondaire contre 26% qui ont fait le niveau primaire et seulement 09% ont le niveau études supérieures. La population enquêtée est moyennement scolarisée.
La majorité des enquêtés (n=45) est commerçante avec une large prédominance de résidence dans les quartiers Kpangalam et Zongo. Les artisans viennent en deuxième position avec 38%. Parmi les 25% qui sont sans activité professionnelle, 06% sont élèves et étudiants et seulement 10% sont fonctionnaires des deux secteurs (publics et privés). Le commerce est l’activité dominante au sein de la population enquêtée.

2.2. Situation sociopolitique dans la ville de Sokodé avant Covid-19

Un des événements politiques majeurs dans la ville de Sokodé a été la création du parti politique PNP par un des fils de cette ville. 59,2% des enquêtés mentionnent cette création. La ville de Sokodé était en proie à des manifestations politiques. Ainsi, 83,3% des interviewés citent les manifestations quotidiennes contre le régime de Faure Gnassingbé peu avant le covid-19.   60,8% de la population enquêtée soulignent que ces manifestations se dégénèrent en affrontements violents entre population et forces de l’ordre et de la sécurité. 58,3% évoquent la répression quasi-quotidienne des manifestants à Sokodé. Les statistiques ci-dessus montrent qu’il a prévalu dans la ville de Sokodé, une crise sociopolitique peu avant la pandémie de coronavirus comme l’indique le graphique 1 ci-dessous.
Graphique no1 : Situation sociopolitique avant la Covid-19 dans la ville de Sokodé
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
Cette crise politique a marqué les esprits de la population à travers les conséquences qu’elle a eu aussi bien sur le plan social, physique, sécuritaire qu’économique. Au cours cette crise, il y a eu mort d’hommes comme l’affirment 82,5% ; près de 33% des interviewés parlent de vandalisme ; 72.5% évoquent l’interdiction de tout rassemblement dans la ville de Sokodé ;  74,2%  (n=89) mentionnent l’exil forcé des populations suites aux représailles contre la population ; 66,7%  (n=80) citent le bouclage de la ville de Sokodé décrété par les pouvoirs publiques suite aux manifestations politiques et 58,3 pointent du doigt des difficultés de mener  les activités commerciales. Telles sont les données contenues dans le graphique 2. 
Graphique no2 : Conséquences de la crise sociopolitique sur la ville de Sokodé
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
Il faut rappeler que la crise sociopolitique dans cette ville a impacté la confiance que la population accorde à ses leaders politiques que ce l’autorité centrale ou l’autorité locale.

2.3. Confiance en l’autorité locale et scientifique

A la question faites-vous confiance en vos autorités locales et scientifiques dans la gestion de la crise sanitaire ? Il apparaît globalement que la population de Sokodé est moins disposée à suivre les recommandations des autorités. Les données de terrain laissent apparaître que 51,66% des enquêtés ne font pas confiance au préfet contre seulement 23,33%. Or, ce dernier est le président du comité de gestion de la crise au niveau préfectoral. De même, 48,3% des enquêtés n’ont pas confiance en le maire de la ville dans la gestion du covid-19 (n=58) contre 24,2%. De faibles taux de confiance sont également enregistrés concernant la force FOSAP (18,33% de confiance contre 51,67% de méfiance à son égard). En ce qui concerne la confiance placée en le comité scientifique dans la publication des chiffres sur le Covid-19, le score est aussi faible que celui de la FOSAP. Ainsi, 63,34% n’ont pas confiance en le comité scientifique surtout dans la publication des chiffres sur le Covid-19 contre 19,16% car ce comité est supposé corrompu comme le dit un interviewé abordé dans le quartier Zongo : « walahi, les gens qui font partie du comité de gestion de covid-19 sont corrompus. Ils déclarent parfois des chiffres qui ne sont pas réels ».

2.4. Connaissances des mesures prises par le gouvernement

Les données contenues dans le tableau 1 nous renseignent que les enquêtés dans leur large majorité des enquêtés quel que soit leur niveau d’instruction, a connaissance des mesures prises par le gouvernement afin de lutter contre la pandémie. Au total, 94,1% des enquêtés ont connaissance de ces mesures comme le présente le tableau n°1.
Tableau nᵒ1 : Croisement entre niveau d’instruction et connaissance des mesures barrières
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
2.4.1. Liste des mesures édictées par le gouvernement
Les données collectées présentent les informations sur la connaissance que la population a sur les mesures prises par les autorités politiques afin de lutter contre le Covid-19.  Ainsi, 94,2% citent le couvre-feu, 93,3% la fermeture des frontières, 59, 2% la fermeture des écoles et universités, 67,5% le port de masque, 50% la distanciation sociale, 69,2% le bouclage des villes, 10% la limitation des déplacements non utiles%, 25% citent la mise en quarantaine des malades, 32,5% la mise en place de la force FOSAP, 50,8% l’isolement des malades et 78,3% la fermeture des lieux de culte comme le montre le graphique 3.
Graphique no3 : Connaissances des mesures prises par le gouvernement dans la ville de Sokodé
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
2.4.2. Moyens de communication sur les mesures barrières
La confiance en l’autorité dépend en grande partie de la manière dont les populations accèdent à l’information sur les mesures barrières. 95,84% des enquêtés disent connaître les mesures prises par le gouvernement pour endiguer la pandémie. Au moment de l’enquête, près de 87% des enquêtés ont été informés via les réseaux sociaux, 79,2% via la radio, 56,7% à la télévision et 10,8% au marché. Le constat qui se dégage est que les enquêtés sont plus informés à travers les réseaux comme l’indique le graphique 4.
Graphique no4 : Distribution des enquêtés selon les moyens par lesquels l’information sur la Covid-19 est reçueKANATI
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
Si les populations de Sokodé ont accès aux informations sur le covid-19 via les canaux ci-dessus cités, comment apprécient-elles la gestion de cette pandémie par les autorités togolaises ? 
2.4.3. Opinions sur la gestion de la pandémie par les autorités
L’appréciation des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le covid-19 reste mitigée : 34,2% des enquêtés trouvent ces mesures très excessives ; 20,8% pensent qu’elles sont excessives. 20% les qualifient de peu excessives, 10,8% des enquêtés pensent que ces mesures prises sont une répression contre la population de Sokodé et 10,8% trouvent ces mesures normales contre seulement 3,3% qui estiment qu’elles sont très normales comme le montre le graphique 5.
Graphique no5 : Distribution des enquêtés suivant leur appréciation des mesures prises par le gouvernementDistribution des enquêtés suivant leur appréciation des mesures prises par le gouvernement
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
L’opinion des enquêtés sur les mesures barrières est en lien avec les exactions commises par les forces de l’ordre et de la défense impliquées dans la gestion de la crise sanitaire. 23,3% des répondants ont été arrêtés pour non-respect de couvre-feux, 71,1% pour non-port de masques, 18,4 ont été bastonnés et 5,3% ont été obligés d’acheter auprès des militaires, les masques au double du prix d’achat comme le présente la graphique 6.
Graphique no 6 : Distribution des enquêtés en fonction des exactions commises par la FOSAP dans la gestion du Covid-19Distribution des enquêtés en fonction des exactions commises par la FOSAP dans la gestion du Covid-19
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
En dehors des exactions commises, il nous semble aussi que l’appartenance politique structure  l’opinion des enquêtés en matière de la gestion de covid-19 par les autorités comme nous le montre le tableau n°2.
Tableau no2 : Répartition des enquêtés en fonction de l’appartenance politique et l’appréciation des mesures barrièresRépartition des enquêtés en fonction de l’appartenance politique et l’appréciation des mesures barrières
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
Il ressort du tableau n°2 que les mesures prises par les autorités politiques dans la gestion de la pandémie sont jugées excessives à 75% (n=90). Parmi les 90 personnes qui estiment ces mesures dans l’ensemble excessives, 41 les trouvent très excessives, 21 les qualifient de peu excessives et 25 les trouvent simplement excessives. Environ 11% de personnes interrogées pensent que les mesures adoptées par le gouvernement ne sont que des représailles contre la ville de Sokodé. Dans la répartition des réponses à la question en fonction des partis politiques, il ressort que se sont majoritairement les partisans de PNP à 48% (n=58) qui trouvent ces mesures excessives et répressives à 6%. Ils sont suivis par ceux qui n’adhèrent à aucun parti politique (excessives =14%, répression=05%). Les autres partis de l’opposition (ANC, UFC) et le parti au pouvoir (UNIR) se montrent moins critiques vis-à-vis des mesures prises. On comprend bien qu’on est dans le fief du PNP.
2.4.4. Attitudes vis-à-vis des mesures barrières
Le graphique n° 7 présente les difficultés que rencontrent les enquêtés dans l’observance des mesures barrières. 83,2% des interviewés ne respectent pas le port régulier des masques, 32,7% n’évitent pas de se serrer les mains lors des salutations, 27,4 % n’observent pas la distanciation physique et 19, 5% ont de la peine à se laver régulièrement les mains. De tels comportements laissent voir l’inobservance partielle des mesures barrières surtout celles du port de masques dans la ville de Sokodé.  
Graphique no7 : Distribution des enquêtés en fonction des difficultés de  respect des mesures barrièresDistribution des enquêtés en fonction des difficultés de  respect des mesures barrières
Source : Enquête de terrain, novembre 2021
A la question « Quelle attitude adoptez-vous lorsque vous soupçonnez que vous ou votre proche avez été en contact avec le virus de corona ? », le graphique 8 montre que 52% boivent de la tisane ; 29% disent se rendre dans une structure de prise en charge pour le diagnostic et éventuellement la prise en charge si la contamination est confirmée ; 12% boivent du jus de gingembre lorsque le doute de l’infection à coronavirus s’installe et 7% déclarent s’adonner à la prière. Ces attitudes ne permettent pas de signaler les cas suspects ou de référer les malades vers les structures de prise en charge.
Graphique no 8 : Répartition des enquêtés en fonction de leur réaction face au soupçon de contamination à coronavirusRépartition des enquêtés en fonction de leur réaction face au soupçon de contamination à coronavirusSource : Enquête de terrain, novembre 2021

Conclusion

La question de la Covid vient en tête des problèmes les plus importants pour le gouvernement togolais. Il ressort de l’étude que les mesures barrières adoptées par les autorités togolaises pour limiter la propagation de la pandémie sont partiellement respectées dans la ville de Sokodé. La plupart des mesures prises paraissent avoir été dans l’ensemble acceptées à l’exception du port de masques. Mais les membres des partis politiques sont partagés en trois groupes s’agissant du caractère des mesures prises par le gouvernement. Rappelons ici que l’enquête a été réalisée en novembre 2021, alors que les cas avérés de Covid étaient présents dans la ville de Sokodé. La grande majorité des répondants du PNP pensent que les mesures sont excessives voire répressives. Toutefois, cette perception n’est pas partagée par les autres partis politiques de l’opposition et le parti au pouvoir. L’enquête montre également qu’une grande partie des répondants connaît bien les mesures anti covid-19 mais qu’en l’absence d’une confiance institutionnelle créée par la crise sociopolitique qu’a traversée la ville de Sokodé, ces mesures sont contestées en l’occurrence le port du masque.

Références

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Publié

31 Décembre 2022

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2022,, mis en ligne le 31 Décembre 2022. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=269

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