2022/Vol.4-N°10 : VARIA

1 |LES DIFFICULTÉS D’ACCÈS À L’EAU POTABLE DANS LES QUARTIERS CENTRAUX ET PÉRICENTRAUX DE LIBREVILLE (GABON) : ENTRE VÉTUSTÉ DU RÉSEAU ET RECOURS AUX TRANSPORTS

DIFFICULTIES IN ACCESSING DRINKING WATER IN THE CENTRAL AND PERICENTRAL DISTRICTS OF LIBREVILLE (GABON): BETWEEN THE OBSOLESCENCE OF THE NETWORK AND RECOURSE TO TRANSPORT

Auteurs

  • BIGOUMOU MOUNDOUNGA Guy Obain Chercheur moundoungaguy@yahoo.fr, Centre National de Recherche en Sciences et Technologies, Libreville (Gabon)
  • MOUVONDO Epiphane Assistant filsmouvondo5000@yahoo.fr, Université Omar Bongo de Libreville

Mots-clés:

eau potable| Approvisionnement| transport| ménages| ménages| Libreville|

Résumé

L’étude porte sur les difficultés d’accès à l’eau potable dans les quartiers centraux et péricentraux de Libreville. L’objectif recherché est de montrer l’importance des transports comme moyen alternatif de la défaillance du réseau d’adduction en eau et les conséquences sur le mode de vie quotidien des populations. L’étude induit l’hypothèse selon laquelle les populations des quartiers concernés ont recours aux transports payants ou gratuits pour s’approvisionner en eau potable. La méthodologie retenue dans le cadre de cette étude repose sur l’observation in situ des quartiers retenus, les entretiens semi-directifs auprès de dix agents techniques de la société distributrice d’eau de la ville. Par la suite, un questionnaire administré auprès de 300 personnes et 50 transporteurs ont complété le corpus de notre enquête de terrain. Les résultats montrent que les transports sous diverses formes sont de plus en plus utilisés par ces citadins.

Introduction

L’accès aux services urbains de base est difficilement universalisable dans les villes en développement concernant les réseaux d’adduction en eau potable (S. Jaglin, 2012, p. 51). Cette problématique se pose avec acuité dans les pays d’Afrique subsaharienne qui accusent un déficit criard en matière de connexion à l’eau potable de l’ordre de 44% de la population (J.G. Sackou Kouakou et al, 2012, p.134). Dans ces pays, la dynamique d’urbanisation a accentué les inégalités d’accès à l’eau entre les différents territoires urbains notamment dans les quartiers d’habitat encadré et les quartiers d’habitat spontané.
Regroupant près du tiers de la population du pays (RGPL, 2013), Libreville, capitale du Gabon n’échappe pas à ce phénomène. Héritiers d’une politique d’équipement en eau commencée sous les autorités coloniales dans les quartiers occupés par les Européens, puis renforcée et étendue après les indépendances (1970-1980) par les pouvoirs publics, les quartiers centraux et péricentraux de Libreville connaissent aujourd’hui des problèmes d’accès à l’eau potable sans précédent.
En effet, après près de trois décennies d’intervention publique dans les quartiers centraux et péricentraux, le réseau d’adduction en eau n’a pas connu d’amélioration de manière à s’adapter aux besoins exprimés par les populations des quartiers concernés. En réalité, les installations de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) n’ont pas été renouvelées depuis plusieurs années, au point où l’eau arrive faiblement dans les domiciles à cause de la vétusté du réseau. Par conséquent, les quartiers alimentés connaissent aujourd’hui de sérieux problèmes d’accès de fourniture en eau. Pour continuer à maintenir leur mode de vie quotidien, les populations de ces quartiers se tournent désormais vers les transporteurs comme stratégie alternative pour s’approvisionner en eau.
La problématique de l’accès à l’eau potable a déjà fait l’objet de plusieurs études (S. Jaglin, 2005 ; 2010 a; 2010 b ; G.S. Bignoumba, 2007). Ces travaux mettent en lumière les facteurs explicatifs des défaillances du réseau d’adduction en eau et les difficultés d’accès à cette ressource par la population dans un contexte d’urbanisation anarchique. De ce fait, les modèles alternatifs deviennent le recours des populations pour s’alimenter en eau. La particularité de ces travaux est qu’ils se sont davantage concentrés dans les espaces périphériques (M. Touré, 2000 ; M. Somadjago, et al., 2019 ; G.O. Bigoumou Moundounga, 2021). Toutefois, les difficultés d’accès en eau ne concernent pas uniquement les quartiers périphériques. Depuis près d’une décennie, ce phénomène s’observe également dans les quartiers centraux et péricentraux de Libreville. Se posent alors les interrogations ci-après : qu’est-ce qui explique les problèmes d’accès à l’eau potable dans les quartiers centraux et péricentraux de Libreville ? Comment les populations qui y vivent font-elles pour s’approvisionner en eau ? L’objectif de ce travail est donc de montrer l’importance des transports comme alternative à la défaillance du réseau d’adduction en eau. L’étude induit l’hypothèse selon laquelle les populations des quartiers concernés ont recours aux transports payants ou gratuits pour s’approvisionner en eau potable.

Méthodologie

1. MATÉRIEL ET MÉTHODES

1.1.  Présentation de la zone d’étude

Notre zone d’étude couvre deux ensembles urbains de la commune de Libreville. Il s’agit des quartiers centraux et péricentraux (cf. carte n°1). Ces délimitations de la ville de Libreville ont été évoquées dans d’autres travaux (R-M. Nguema, 2007, p.89 ; J-M.V. Bouyou, 1988, p.401). Circonscrit à la côte, le centre est le premier espace développé par la colonisation française dont hérite le pouvoir postcolonial dans les années 1960.
Longeant le boulevard du bord de mer, le centre-ville part de Batterie IV jusqu’à Rénovation.  Du fort d’Aumale au Mont-Bouët, le centre englobe les quartiers comme Montagne sainte, Sainte Marie et Batterie IV. Quant à la zone péricentrale, elle s’étend du quartier GuéGué jusqu’à Lalala sur 8,5 km longeant la voie express (A. Beka Beka, 2013, p.87). Ces deux entités spatiales (centre et péricentre) sont mieux dotées en réseau d’adduction en eau potable contrairement aux quartiers périphériques.
Carte n°1 : Localisation des quartiers centraux et péricentraux de la commune de Libreville

Localisation des quartiers centraux et péricentraux de la commune de Libreville

Source : Ndong Mba, J.C, 2004, p. 61, Conception et réalisation : Mouvondo, E., UOB, CERGEP, août 2022

1.2. Collecte et traitement des données

La période d’enquête a duré deux mois (juillet-août 2022). La population cible de notre étude a concerné deux catégories. La première catégorie est la population des quartiers centraux et péricentraux touchée par les difficultés d’approvisionnement en eau potable. 300 personnes ont constitué ce premier échantillon (Tableau n°1). La seconde catégorie est constituée de 50 transporteurs.
Tableau n°1 : Répartition de l’échantillon par quartier et sites d’enquêteRépartition de l’échantillon par quartier et sites d’enquête
Source : Enquêtes de terrain, juillet-août 2022                       
Le tableau n°1 précise les lieux et les sites d’enquête (Carte n°2) ainsi que l’effectif des populations interrogées sur ces lieux. Cette répartition des enquêtés et des lieux s’est faite de manière aléatoire.
Carte n°2 : Localisation des quartiers et sites d’enquête

Localisation des quartiers et sites d’enquête

Source : Ndong Mba, J.C, 2004, p. 61, Conception et réalisation : Mouvondo, E., UOB, CERGEP, août 2022
Pour collecter les données nécessaires, 30 étudiants préalablement formés et répartis en trois équipes ont été déployés sur l’ensemble de notre zone d’étude. L’objectif était donc d’interroger 300 personnes dans les quartiers retenus et 50 transporteurs de manière aléatoire à l’aide d’un questionnaire. L’enquête a mis un accent sur la variable socioprofessionnelle : cadre, agent de maîtrise, employé, ouvrier et chômeur (Graphique n°1).
Graphique n°1 : Répartition de la population par catégorie socio-professionnelleRépartition de la population par catégorie socio-professionnelle
Source : Calcul des auteurs à partir des données d’enquêtes de terrain, juillet-août 2022
Sur les 300 personnes interrogées, les employés représentent l’effectif le plus important de l’échantillon (36%). Ils sont suivis par les agents de maîtrise (25%) et les cadres (22%) alors que les autres catégories (ouvrier et chômeur) ont été moins rencontrées sur le terrain. Par la suite, 50 transporteurs ont été interrogés (Tableau n°3). 
S’agissant des transporteurs, ils ont été questionnés selon leurs moyens de transport (camion canter, moto tricycle, véhicule personnel et brouettier).
Tableau n°3 : Échantillon des transporteurs enquêtés par moyenÉchantillon des transporteurs enquêtés par moyen
               Source : Enquêtes de terrain, juillet-août 2022
Le tableau laisse observer que les camions canter sont plus utilisés (50%) par les transporteurs pour approvisionner les ménages en eau potable. Ensuite viennent les motos tricycles (20%) et les brouettes (20%) alors que les véhicules personnels n’interviennent que faiblement (10%). A l’issue de la collecte des données, il s’en est suivi le traitement.
Le traitement des données collectées a nécessité l’usage d’Excel 2007. Ce logiciel a permis de réaliser des graphiques (n°1 et n°2) sur la répartition de la population par catégorie socio professionnelle et sur la répartition par moyens de transport utilisés pour l’approvisionnement des populations en eau.

Résultats

2. RÉSULTATS

2.1. Les quartiers centraux et péricentraux de la commune de Libreville : des territoires connectés aux installations vétustes

À la lecture des données du terrain, la majorité de la population enquêtée dans les quartiers centraux et péricentraux de la commune de Libreville est connectée au réseau d’adduction de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG). Car, 70,33% disposent d’un compteur à domicile contre 12,67% qui n’en disposent pas, mais s’alimentent auprès du voisinage. Sur un total de 300 individus enquêtés, seulement 17% s’approvisionnent à la fontaine publique (Tableau n°4).
Tableau n°4 : Mode d’accès à l’eau potable des populations des quartiers centraux et péricentrauxMode d’accès à l’eau potable des populations des quartiers centraux et péricentrauxSource : Enquêtes de terrain, juillet-août 2022
Toutefois, il faut noter qu’en dépit du fait que ces populations soient branchées au réseau d’adduction en eau, la vétusté des installations est source de pénurie dans ces quartiers. En effet, depuis près d’une décennie, les équipements de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) n’ont pas fait l’objet de modernisation. Autrement dit, le réseau d’adduction qui alimentait naguère les quartiers centraux et péricentraux a subi des dommages importants notamment les ruptures de canalisations sources de fuites d’eau, mais aussi le phénomène de branchements pirates à l’origine de la densification de certains quartiers (Nkembo 26 hbts/km2 ou Sotéga 18 hbts/km2), ont vu la qualité de service se réduire progressivement. En 2022, avoir un compteur d’eau à domicile dans les quartiers connectés ne garantit plus l’accès régulier à la ressource. Pour le comprendre, nous nous sommes rapprochés des habitants de quelques quartiers.
Christian, chef d’un ménage de six enfants, abonné au réseau de la SEEG depuis 1980, a laissé entendre qu’à Nkembo :
« Euhh…l’eau se fait rare à plusieurs heures de la journée, vous pouvez rester toute une matinée sans une goute, pareil en soirée. Lorsque vous ouvrez votre robinet, il n’y a que de l’air… ».
Paule, une autre consommatrice de l’eau courante, montre que la situation n’est pas enviable à Belle-vue, où elle y vit depuis un peu plus de trente ans.
« On ne compte plus les années, l’eau ne coule plus comme avant dans nos maisons, oui comme avant où l’eau coulait abondamment. Les vêtements…On a du mal à laver nos assiettes, ne parlons même pas des vêtements pour aller au boulot … Mais les factures d’eau de la SEEG continuent à sortir ».
On peut multiplier les exemples à souhait, la question de l’eau est préoccupante à plus d’un titre dans les quartiers où nous avons enquêtés.
Face aux difficultés d’accès à l’eau potable qui affectent les quartiers centraux et péricentraux, les populations ont recours aux transporteurs comme solutions alternatives. 

2.2. Le recours aux transporteurs comme moyen alternatif pour accéder à l’eau potable dans les quartiers centraux et péricentraux

Deux filières essentielles de transport sont apparues pour répondre à la demande des quartiers centraux et péricentraux. D’une part, une filière lucrative contrôlée par des privés dont les services à la population sont payants. D’autre part, une moins organisée que la première, détenue par les familles, en l’occurrence les jeunes pour approvisionner les domiciles. Autrement dit, les camions canters, la voiture personnelle, les motos tricycles et les brouettes constituent les composantes de transport (Graphique n°2) sur lesquelles, il est opportun de revenir.
Graphique n°2 : Répartition par moyens de transport utilisés pour l’approvisionnement des populations Répartition par moyens de transport utilisés pour l’approvisionnement des populations
Source : Calcul des auteurs à partir des données d’enquêtes de terrain, juillet-août 2022
A la lecture du graphique n°2, l’approvisionnement en eau des quartiers centraux et péricentraux de Libreville repose sur l’usage des transports sous divers moyens (camions canters, motos tricycles, brouettes et voiture personnelle). Ces moyens de transport sont des solutions alternatives aux problèmes d’eau rencontrés par les populations.
2.2.1. Les camions canters, un moyen de transport en eau au bénéfice des catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+)
Il ressort des données du terrain que 45 % de la population des quartiers centraux et péricentraux sollicitent les services des camions canter pour s’approvisionner en eau. Il s’agit des catégories socio-professionnelles supérieures (cadres et agents de maîtrise) qui peuvent aisément louer les services proposés par ces opérateurs parce qu’elles sont solvables. Fixé à partir de 12 000 FCFA, le remplissage d’une cuve de 1 000 litres (1 m3) peut atteindre jusqu’à 18 000FCFA. Un camion canter peut remplir en moyenne une trentaine de cuves par jour, des tarifs largement à la portée des cadres et des agents de maîtrise.
Deux raisons expliquent le recours des catégories socio-professionnelles supérieures aux camions canter. La première réside dans la régularité des livraisons vers les ménages. À Libreville, ils desservent les quartiers centraux comme Montagne Sainte et Sainte Marie notamment certains ministères. Mais on les retrouve aussi dans les quartiers péricentraux (Sainte-Anne) quand les ménages en font la demande. Seuls modes qui s’adaptent aux routes goudronnées rencontrées dans ces zones, les camions canter y sont à cet effet très sollicités.
La seconde raison est la qualité de l’eau livrée par les camions canter. Un élément sur lequel les CSP+ fondent aussi leur demande. Ainsi, l’opérateur X, localisé dans la périphérie nord de Libreville et qui fait aussi dans l’entretien et la maintenance des cuves, nous a dit à propos de ses carnets de commandes que :
« L’eau que nous livrons aux ménages est 100% potable. Elle nous est ravitaillée 24/24h par la SEEG à Okala. Certifiée ISO, notre société est reconnue et enregistrée comme une société entièrement constituée auprès de l’ANPI-Gabon. La propreté et la santé de l’eau que nous commercialisons sont une priorité pour notre clientèle ».
Si les camions canter permettent la desserte en au potable aux catégories socioprofessionnelles supérieures à partir des cuves, les motos tricycles sont appréciés des couches les plus nombreuses parce qu’ils utilisent des bidons (Photo n°1).
Photo n°1 : Un camion canter transportant des cuves d’eau dans le quartier Sainte-Anne (Libreville)Un camion canter transportant des cuves d’eau dans le quartier Sainte-Anne (Libreville)
Cliché : Mouvondo, E., août  2022
Un camion canter circulant dans une rue bitumée pour l’approvisionnement d’un ménage de catégorie CSP+. Ce camion contient deux cuves de 1000 litres chacune (2000 litres au total pour cette livraison). Ces capacités de cuve sont souvent sollicitées par ces ménages.
2.2.2. Les motos tricycles, un moyen de transport nécessaire aux catégories socio-professionnelles inférieures pour l’approvisionnement à partir des bidons
Des données recueillies, 27% de la population des quartiers connectés ont recours aux motos tricycles pour avoir de l’eau courante. Pour garantir la qualité de la ressource aux populations les plus nombreuses, les motos tricycles vont chercher l’eau dans les lieux publics (écoles, université, ministères) où l’eau potable est disponible et gratuite. Une embarcation de moto tricycle peut contenir 25 bidons de dix litres (cf. photos n°2 et n°3).
Par jour, les transporteurs effectuent jusqu’à dix tours de livraison. Sachant qu’un bidon de dix litres d’eau coûte 100 FCFA à un ménage qui en fait la demande. Une famille peut commander un moto tricycle (2 500 FCFA). Mais il est important de relever que le ravitaillement des quartiers péricentraux par moto tricycle ne s’effectue pas toujours sans dommages pour le conducteur et son aide. Les accidents de la circulation surviennent lors de l’approvisionnement des ménages mettant en cause ce moyen de transport. À Nkembo par exemple, un moto tricycle guidé par l’appât du gain (rappelons qu’il est le seul moyen qui peut effectuer plusieurs voyages) a pris à vive allure un tournant perdant toute sa cargaison. Si des pertes en vie humaine n’ont pas été enregistrées, des fractures, des traumatismes crâniens sont survenus.
Planche : Un moto tricycle en plein approvisionnement à l’UOB et près pour une livraison
Un moto tricycle en plein approvisionnement à l’UOB et près pour une livraison
Clichés : Mouvondo E., août 2022
2.2.3. La voiture personnelle, un moyen de transport d’eau
21% des 300 personnes interrogées utilisent leur véhicule pour s’approvisionner en eau. 
Il s’agit des personnes qui disposent d’un véhicule personnel. À défaut de s’assurer les services du livreur à domicile, ces citadins optent pour l’usage de leurs véhicules pour faire le plein de leurs récipients. Les points d’approvisionnement des véhicules personnels sont soit un ministère, une école, un lycée ou une université où l’eau est abondante et gratuite.
François, résidant le quartier Ancien Sobraga, rencontré lors de nos enquêtes de terrain nous a relaté ce qui suit :
      « Je réside à l’Ancien Sobraga, pas loin de l’Université Omar Bongo, je prends mon véhicule chaque deux jours avec mes enfants pour faire le plein des bidons d’eau à l’UOB où l’eau est toujours disponible et gratuite ».
Benoit, chef de service au Ministère des Travaux Publics, profite de la disponibilité de l’eau dans son lieu de travail pour s’approvisionner en eau. Face à la pénurie qui affecte les quartiers centraux et péricentraux, il nous a confié :
      « Grâce à mon véhicule, je transporte des bidons d’eau de mon ministère jusqu’à mon domicile sis Akébé-ville ».
2.2.4. La brouette, un moyen de transport adapté aux pistes et sentiers
Utilisée à 7% par la population, la brouette est un moyen de transport de l’eau qui s’adapte aux pistes et sentiers des quartiers péricentraux de Libreville. Apanage en majorité des familles les plus modestes, la brouette exempte des contraintes financières qu’imposent les services de transport payants. Les populations qui en usent, résident généralement dans les quartiers mitoyens aux sources d’eau. Il s’agit de l’Ancien Sobraga, Derrière l’ENS pour le point d’eau de l’Université ; Venez-voir, Akébé, Avéa pour le point d’eau de l’école de Belle vue 1 ; Cosmopark, Dragon, pour l’école de Kinguélé. Toutefois, la satisfaction des besoins en eau mobilise les jeunes dans les ménages. Favorisée par une répartition sociale des tâches, la division du travail commande aux enfants les activités liées à la quête de l’eau dans le ménage (Photo n°4).
Photo n°4 : Un enfant s'approvisionnant à un robinet d'eau potable à Bellevue 1n enfant s'approvisionnant à un robinet d'eau potable à Bellevue 1
Cliché : Mouvondo E., août 2022
Dépourvu en eau à son domicile, ce jeune garçon s’approvisionne dans une source publique au quartier Bellevue 1. Il se sert de la brouette familiale pour transporter les récipients d’eau. 
Dans ces quartiers surtout d’urbanisation sommaire, les maisons presque collées les unes aux autres, sont séparées par les pistes et sentiers sinueux servant de « voies de circulation ». Obtenue au terme de nombreux voyages, la quête d’eau potable affecte l’éducation des enfants. Occupant des moments importants, entre 5h 30-6h 30 en matinée et 16h -19h en après-midi, la recherche de l’eau correspond aux périodes de révision des leçons des élèves. Avec des créneaux horaires très serrés, la quête de l’eau accapare les jeunes. Or, pour être attentifs en classe, les enfants ont besoin de repos. Dans les circonstances que nous venons de décrire, les résultats scolaires ne peuvent pas suivre. Certes, nous n’avons pas approfondi la question des absences et retards en classe dans les cycles primaires et secondaires des établissements des quartiers péricentraux et quête de l’eau dans les mêmes quartiers, tout porte à penser que les liens sont étroits.  

Conclusion

Bien que connectées au réseau d’adduction en eau potable, les populations des quartiers centraux et péricentraux connaissent de sérieuses difficultés d’approvisionnement de leurs habitations en eau courante. Cette situation a pour conséquence une désorganisation de leurs modes de vie au quotidien. Au regard de la vétusté des installations de la SEEG, les populations développent des stratégies alternatives. Elles ont recours aux moyens de transport sous diverses formes, soit payant, soit gratuit. Outre le fait que ces moyens alternatifs soulagent les ménages, ils constituent un coût pour ces derniers, mais ils ont également des conséquences sur la santé des populations fragiles. Conscients des problèmes que rencontrent ces populations, les pouvoirs publics via le Ministère de l’Eau et de l’Énergie ont lancé des travaux de construction de château d’eau dans la ville (PK6). Ces équipements permettront-ils résoudre les difficultés d’accès à l’eau potable à Libreville ?

Références

Références bibliographiques

BEKA BEKA Annie, 2013, « Libreville : le « laisser-faire » urbain de la période coloniale à nos jours », ALLOGHE NKOGHE, F. (Dir.), Libreville, la ville et sa région, 50 ans après Guy Lasserre. Enjeux et perspectives d’une ville en mutation, Paris, Connaissance et Savoirs, pp. 85-104.
BIGNOUMBA Guy-Serge, 2007, « L’approvisionnement en eau à Libreville et Dakar », Villes en parallèle, n°40-41, Villes du Gabon, pp.180-195.
BIGOUMOU MOUNDOUNGA Guy Obain, 2021, « Mobilité et accès à l’eau potable dans les quartiers périphériques de Libreville (Gabon) : de la défaillance du réseau d’adduction d’eau à l’importance des transports ? », Djiboul, N°002, Vol.4, pp.482-495.
BOUYOU Jean-Marie Vianney, 1988, « Les enjeux urbains au Gabon, analyse sociologique de l’espace urbain à Libreville », LUTO, Université Omar Bongo, Libreville, pp 375-413.
Direction Générale de la Statistique, 2015, Résultats globaux du Recensement Général de la Population et des Logements de 2013 du Gabon (RGPL 2013), Libreville, 97 p.
JAGLIN Sylvy, 2012, « Services en réseaux et villes africaines : l’universalité par d'autres voies ? », L’Espace géographique, Tom 41, pp. 51-67.
LASSERRE Guy, 1958, Libreville, la ville et sa région (Gabon, A.E.F.) : étude de géographie humaine, Paris, Armand Colin, 346 p.
MOMBO Jean-Bernard, MAKITA-IKOUAYA Euloge, 2007, « Risques sanitaires liés à la consommation des eaux dans la zone périurbaine nord de Libreville (Gabon) », Revue Gabonaise de Géographie, n°2, pp. 19 35.
NDONG MBA Jean-Claude, 2004, « Libreville, Owendo », Atlas du Gabon, Paris, Les Éditions du Jaguar, pp. 60-61.
NGUEMA Rano Michel, 2007, « Rénovation urbaine et dynamique démo-spatiale de la ville de Libreville », Revue Gabonaise de Géographie, n°2, pp.78-94.
SACKOU KOUAKOU Julie Ghislaine et al., 2012, « Conditions d’accès et de stockage de l’eau : enquête dans les ménages en zone périurbaine à Abidjan en 2010 », Santé Publique, Volume 24, n°2, pp.133-142.
SOMADJAGO, CISSOKHO et SUKA, 2019, « Difficulté d’accès de la zone périphérique de Lomé à l’eau du réseau public de distribution et solutions alternatives », Larhyss Journal,
n° 38, pp.35-48.
TOURE, 2000, Adduction d’eau potable dans les quartiers défavorisés de Pikine, Enda-Eau Populaire.

Downloads

Publié

31 Décembre 2022

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2022,, mis en ligne le 31 Décembre 2022. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=270

Numéro

Rubrique

Qui sommes-nous ?