2022/Vol.4-N°10 : VARIA

15 |DEVELOPPEMENT DE RELAIS INFORMELS A LA COLLECTE ET AU RECYCLAGE DES DECHETS SOLIDES A DOUALA (CAMEROUN) : L’EXEMPLE DES WASTE COLLECTORS DE MAKEPE MISSOKE

DEVELOPMENT OF INFORMAL SOLID WASTE COLLECTION AND RECYCLING RELAYS IN DOUALA (CAMEROON): THE EXAMPLE OF THE WASTE COLLECTORS OF MAKEPE MISSOKE

Auteurs

  • NSEGBE Antoine de Padoue Chargé de Cours ansegbe2001@gmail.com, Université de Dschang

Mots-clés:

Recyclage| déchets| Relais informels| Filière| Makepè-Missokè|

Résumé

La croissance démographique doualaise est responsable de l’augmentation de la production des déchets. Seulement moins de 50 % de ces derniers sont enlevés, ce qui exacerbe la problématique de leur gestion. A Makèpe-Missoke, un secteur informel du recyclage s’est développé, le détritus ayant acquis une valeur économique. Face aux difficultés des municipalités à les gérer efficacement, et en raison de la recréation d’une valeur marchande autour du déchet, quelles plus-values peuvent découler de ce secteur en développement ? Pour y répondre, nous positionnons les acteurs de ce secteur comme des relais à la gestion des déchets, à travers une analyse fonctionnelle des filières et une mise en exergue des chaines de valeur de chaque branche. Il s’agit de montrer que par le développement de ces activités, les plus pauvres sont plus résilients face à leurs difficiles conditions de vie. Nous y parvenons à travers une enquête qualitative effectuée auprès des acteurs du recyclage. L’analyse qui en découle montre que l’enlèvement des détritus n’est plus simplement une activité liée à l’hygiène. La récupération à des fins lucratives connait une croissance du nombre d’acteurs et du nombre d’unités de recyclage. Les filières constituées connaissent une expansion et les déchets récupérés une diversification. Ces derniers renforcent les segments industriels qui s’orientent vers les déchets comme alternative d’approvisionnement en matières premières. Enfin, en récupérant et en triant le déchet, les pickers assurent leur survie, tout comme ils participent à la soustraction dans l’espace urbain des détritus qui auraient dû être enlevés par la municipalité.

Introduction

La gestion des déchets représente un défi à la fois environnemental, social et économique pour tous les pays du monde. Dans les métropoles d’Afrique sub-saharienne, ce défi est d’autant plus important que les moyens sont limités et les quantités de déchets produites s’accroissent de plus en plus rapidement. D’après le rapport de la Banque Mondiale sur les déchets solides (2018, p. 20), l’Afrique sub-saharienne a généré 174 millions de tonnes de déchets en 2016 et cette production devrait tripler pour 2050. Cette croissance, la plus rapide à l’échelle planétaire, est alimentée par la croissance démographique, l’urbanisation, l’augmentation des niveaux de vie et la transformation des habitudes de consommation.
En effet au Cameroun, la taille des villes qui le composent s'est fortement accrue et certaines sont devenues de véritables agglomérations dans lesquelles le développement urbain se fait à un rythme rapide (A. de P. Nsegbe, 2021, p. 11). A Douala singulièrement, cette croissance démographique rapide s’accompagne d’une part par un étalement qui rend difficile la gestion de l’environnement urbain. D’autre part, elle stimule les changements dans les modes de consommation, augmente la production des déchets et aggrave le problème de leur collecte et de leur élimination. Face à de telles contraintes, la ville s’est engagée dans la mise en place de services de gestion des déchets. Ces services sont construits sur la base de modèles hygiénistes importés des villes du Nord, et visent en priorité leur collecte ainsi que leur évacuation vers une décharge finale souvent mal organisée et en très rapide dépassement de ses capacités. En effet, dans le cadre d’un marché passé en 2007 par la Communauté Urbaine de Douala (CUD), il est attendu du prestataire, la Société Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM), la collecte de 1.100 Tonnes/jour de déchets sur une production totale estimée à environ 2.625 tonnes T/jour (L. B. Tchuikoua, 2010, p. 13). Ce volume contractuel ne correspond qu’à 42 % de déchets à enlever tous les jours, les 58 % restant devant se retrouver soit sous forme de dépôts sauvages dans les espaces publics, dans les cours d’eau, les décharges sauvages créées au sein des quartiers, soit encore dans les canaux de drainage des eaux usées (L. B. Tchuikoua, 2010, p. 13). De plus, seules les grandes artères, les voies les plus accessibles et les quartiers résidentiels sont desservis par les services de collecte. Les quartiers précaires, les moins tramés et par ailleurs les plus pauvres ne bénéficient pas de ces services.
Cette situation a amené les pouvoirs publics à envisager une diversification de l’offre de services de ramassage des ordures ménagères. Cette offre s’est avérée infructueuse en raison du faible intérêt porté par les opérateurs économiques à ce secteur. De plus, la décentralisation longtemps évoquée comme solution tarde à se concrétiser, ce qui tend à compliquer d’avantage le problème plus global de la gestion des déchets solides à Douala. Face aux difficultés des pouvoirs publics et des collectivités territoriales décentralisées à adresser efficacement cette question des ordures ménagères, quel est l’apport des relais informels dans le processus de soustraction de l’espace public de ces détritus ?  L’échec des administrations à faire face à la gestion intégrée des ordures dans la ville a permis un développement parallèle d’une multitude d’activités plus ou moins informelles (de la pré-collecte au recyclage en passant par la récupération) autour du déchet dans le quartier MakepèMissokè. Ainsi, contribuant au ramassage des déchets ménagers, ces nouveaux intervenants considérés comme des relais informels de la collecte et du recyclage des ordures ménagères participent avec les municipalités au nettoyage de la ville (E. Phillipot, 1998, p.105). Ces relais informels assurent tout aussi des revenus aux acteurs essentiellement issus de la population démunie. En raison de leur capacité à redonner de la valeur aux déchets, quelles plus-values peuvent découler de ce secteur en développement ? Qu’ils soient appelés Waste collectors, rag pickers ou waste pickers, ils possèdent leur propre fonctionnement et s’insèrent dans l’économie urbaine en répondant à une véritable logique de marché (F. Todor, 1996, p. 15). En outre, ces gens qui font partie de ce que E. Phillipot (1998, p. 105) appelle l’énorme armée de pauvres urbains, font ce que les agents gouvernementaux n’ont pas fait jusqu’ici en réussissant à créer toute une chaine d’activité basée sur le recyclage.
L’exemple de ces relais à la collecte et au recyclage des déchets est particulièrement intéressant pour rendre compte de ce qu’ils parviennent à débarrasser des détritus dont l’enlèvement relève de la compétence des collectivités. Nous proposons par ailleurs une analyse fonctionnelle des activités développées, à partir d’une approche filière qui met en exergue la chaine de valeurs de chacune des branches, En récupérant et en triant les vêtements usagés, les déchets plastiques et la ferraille, les Waste collectors ils redonnent une valeur économique à des détritus qui n’en avaient plus pour leurs utilisateurs, permettant ainsi à de nombreuses familles de se soustraire du cercle vicieux de la pauvreté.

Méthodologie

1. MATERIELS ET METHODES

A travers leur activité, les Waste collectors sont parvenus à s’insérer dans l’économie urbaine en développant leur propre fonctionnement pour répondre à une véritable logique de marché (F. Todor, 1996, p. 15). Le suivi de leurs activités a orienté notre choix de démarche vers l’enquête transversale ou « cross sectional survey » qui étudie à un moment donné le groupe de population auquel on s’intéresse dans un environnement donné (A. De P. Nsegbe, 2021, p. 6). Pour se faire, trois parcours ont été retenus : la caractérisation de la zone d’étude, une enquête qualitative effectuée auprès des acteurs intervenant dans le processus de recyclage des vêtements usagés et de la ferraille, une approche filière qui permet de mettre l’accent sur une analyse fonctionnelle de l’activité et la chaine de valeurs développée par ces relais de la collecte et du recyclage des déchets.

1.1. Caractérisation de la zone d’étude

Douala est une ville dont le développement urbain est de loin le plus important du Cameroun, avec des surfaces urbanisées estimées en 1983 à 6.500 ha contre 25. 700 ha en 2021 (A. de P. Nsegbe, 2021, p. 21). L’urbanisation de la ville se caractérise par le développement de nouveaux quartiers, très souvent dans les zones hostiles à l’implantation humaine (A. de P. Nsegbe, 2021, p.11). Au rang des zones identifiées comme telles, il y a les bas-fonds marécageux, les anciennes décharges et les zones inondables (A. de P. Nsegbe, 2019, p.47). Ces trois caractéristiques traduisent à suffisance l’identité du quartier Makèpe-Missoke situé dans le bassin versant de la rivière Tongo Bassa. Le relief est assez monotone et marqué par des pentes très douces de part et d’autre de la vallée dessinée par la rivière Ngongue, principal cours d’eau du sous bassin qui porte son nom (Carte n°1). Ce cours d’eau est mis à contribution pour le lavage et la désinfection des vêtements à recycler essentiellement récupérés dans la décharge du Génie militaire
Le réseau hydrographique très dense est constitué de plusieurs cours d’eau dont les débits sont très variables annuellement en fonction des saisons. Ces cours d’eau servent aussi au charriage des déchets issus du fonctionnement de la ville, déchets très souvent déversés à l’occasion d’averses. La production des déchets à Douala est consécutive à une croissance démographique dont le taux moyen annuel est de 5,8 %, soit plus de deux fois la moyenne nationale (J. M. Olinga Olinga, 2021, p. 6). En quarante ans, sa population a été multipliée par 100, passant de 26 000 habitants en 1970 à près de 2 500 000 habitants en 2011. Aujourd’hui, cette population est constituée d’environ 436 500 ménages (RGPH, 2010). Elle représente 76 % de la population de la Région du Littoral, 20 % de la population urbaine nationale, et 11 % de la population nationale.
Carte n°1 : Présentation de la zone d’étudePrésentation de la zone d’étude
Source des couches de base : CUD, 2018 ; mises à jours, septembre 2022
De par sa position géographique, le quartier Makepe-Missoke est devenu un lieu d’interactions multiples. Il s’agit d’abord d’un réceptacle (R. J. Assako Assako, 2004, p.77) vers lequel sont drainés les déchets issus du fonctionnement d’infrastructures situées en amont du bassin versant auquel il appartient. Il s’agit ensuite d’un lieu de résidence de 27 508 habitants répartis dans environ 6 494 ménages (RGPH, 2010). Ce quartier se caractérise par un déficit de services de base, en l’occurrence le service de ramassage des ordures ménagères. La population y est dans l’ensemble pauvre et exerce essentiellement dans l’informel. La plupart des activités qui s’y pratiquent tournent autour de l’agriculture maraichère, l’élevage porcin et de la volaille, les activités de récupération et de recyclage des déchets, en particulier la ferraille, les déchets plastiques et les déchets vestimentaires.

1.2. Données mobilisées dans le cadre de l’enquête qualitative

Les données disponibles sur le secteur informel de la récupération des déchets sont rares, partielles et souvent peu fiables. Elles le sont d’autant plus que le secteur est en constante évolution. En effet, les opérateurs sont en perpétuelle adaptation à l’évolution du marché des matériaux de récupération, changent de lieux de travail en fonction de l’évolution de la pression foncière et des mesures de répression envers leurs activités.
La première étape a consisté en l’identification des acteurs de la filière, leurs rôles et responsabilités, leurs interactions, leurs intérêts, leurs rapports de force. Pour cette étape, nous avons privilégié les lieux de dépôt pour la ferraille et les déchets plastiques, les lieux de récupération, de lavage et/ou de séchage pour les vêtements usagés au sein du quartier, afin d’identifier et rencontrer les différents acteurs. La deuxième étape a porté sur leur tracking, l’idée étant de les suivre afin de comprendre leur organisation ainsi que les segments de l’activité. Ce processus nous a conduits à la décharge du Génie militaire à Pk 12, principal pôle d’approvisionnement, notamment pour le recyclage des vêtements usagés. Ces deux catégories de lieux (centres de stockage et décharges) peuvent réunir ou être le point de passage d’un grand nombre d’acteurs. C’est au sein de chacun de ces pôles que les entretiens ont été menés avec les différentes parties prenantes. Réaliser les enquêtes sur ces lieux permet d’une part de discuter autour d’éléments concrets, et d’autre part de contribuer à libérer la parole. De plus, cela permet de s’adapter aux emplois du temps des enquêtés, qui bien souvent ne peuvent se permettre de manquer une journée de travail.

1.3. L’approche filière pour l’analyse fonctionnelle et l’identification des flux

L’exigence d’intégrer l’identification et l’organisation dans l’analyse des activités informelles de recyclage des déchets a fort logiquement conduit au choix de l’approche filière, un outil neutre d’analyse mettant en évidence l’existence de circuits de distribution pour différentes catégories de biens. Plus précisément, on entend par filière de production « l’ensemble des agents (ou fractions d’agent) économiques qui contribuent directement à la production, puis à la transformation et à l’acheminement jusqu’au marché de réalisation d’un même produit » (L. Bockel et F. Tallec, 2005, p. 5). La filière dans le cas d’espèce est composée d’une suite d’opérations, d’une suite d’agents et donc d’une suite de marchés, à la fois en termes de flux physiques et de leur contrepartie monétaire. L’étape suivante a consisté en l’analyse de la chaine de valeur pour inventorier les activités inhérentes à la filière. En effet, l’analyse de la chaîne de valeur a permis de décrire l’ensemble des activités nécessaires pour mener les déchets, de leur récupération à travers différentes phases, à leur distribution aux consommateurs finaux (M. Porter, 1986, p. 52). La « production », en tant que telle, est seulement l’une des étapes permettant de créer de la valeur ajoutée. Il existe un ensemble d’activités dans la chaîne, toutes liées les unes aux autres (L. Bockel et F. Tallec, 2005, p. 5). L’intérêt de cette approche est de décomposer l’activité en séquences d’opérations élémentaires et d’identifier les sources d’avantages concurrentiels potentiels.
L’identification de la nature des flux physiques et des agents impliqués conduit ainsi à une analyse fonctionnelle de la filière qu’il a été possible de formaliser, à la fois sous la forme de tableaux et de modèles faisant correspondre:
  • les principales fonctions, c’est-à-dire les étapes de la transformation et de l’acheminement ;
  • les agents (ou fractions d’agents) conduisant ces fonctions ;
  • les produits de la filière concernée: c’est-à-dire le produit principal sous les diverses formes en lesquelles il est progressivement transformé.
Enfin, le repérage des contours a permis d’identifier les flux et les opérations. L’exemple du linge usagé montre que le produit récupéré servant souvent à dénommer la filière (filière linge usagé), indique de partir de la production primaire via la récupération au niveau des récupérateurs. Elle suggère ensuite de suivre le produit en aval au travers des divers circuits de commercialisation et des divers stades de transformation jusqu’aux marchés de réalisation. Enfin, l’idée directrice qui oriente l’analyse économique des filières est de « mettre à plat » l’ensemble des activités de tous les acteurs qui concourent à la production et/ou à la transformation du déchet. Pour ce travail de « mise à plat », il a fallu repérer les flux qui relient les agents entre eux, ce qui a permis de dresser les comptes économiques correspondants aux activités des agents au sein de la filière.
Une fois la structure de la filière dessinée et l’instrument acquis, il a fallu raisonner en valeur monétaire c’est-à-dire, tenter tant bien que mal d’avoir une idée des revenus engrangés par ces activités. L’essentiel du travail de préparation à l’analyse a consisté à quantifier les opérations observées, c’est-à-dire réduire des faits et opérations à leur valeur monétaire.

Résultats

2. RESULTATS

2.1. Une montée en puissance du secteur informel du recyclage des déchets

Comme dans tous les pays d’Afrique, la récupération et la valorisation des déchets divers constituent des activités corrélées à la pauvreté des acteurs qui les pratiquent. Pourtant, la valorisation des déchets a commencé par prospérer dans le domaine de la culture. En effet, dans plusieurs pays d’Afrique notamment, les artisans sont parvenus à développer une forme d’art basée sur la récupération et la valorisation d’objets récupérés dont le recyclage conduit à la fabrication de monuments dont certains font l’identité de grandes métropoles africaines. Des exemples existent à profusion. C’est le cas du monument de la « Nouvelle liberté » situé à la Place de la jeunesse, au lieu-dit « rond-point Déido » à Douala. Ce monument réalisé par l’artiste plasticien Joseph-Francis Sumégné en 1996, est devenue aujourd’hui le symbole de la Ville.
Rappelons aussi que la récupération des déchets à des fins lucratives est très tardive au Cameroun. Mais depuis les années 1990, cette pratique a connu une montée en puissance à travers un processus de diversification des déchets récupérés, processus qui s’est récemment renforcé à la faveur du développement de certains segments industriels qui se sont orientés vers les déchets comme alternatives en matière d’approvisionnement en matières premières. De plus, les problématiques relatives à la protection de l’environnement restent l’un des catalyseurs majeurs de ces transformations. Cette conjoncture a donc fait passer les objets récupérés du stade de déchet à celui de bien économique, faisant par voie de conséquence de la récupération de ces déchets, un véritable métier qui nourrit des familles. Le cas de Missoke Missokè est illustratif avec en bonne place des activités de récupération et de recyclage très spécifiques (Carte n° 2) dont la pratique a développé de nombreuses filières qu’il est important d’étudier ici.
Carte n° 2 : Localisation des unités de recyclage des déchets à Makepè-MissokèLocalisation des unités de recyclage des déchets à Makepè-Missokè
Source des couches de base : CUD, 2018 ; données, enquêtes de terrain, 2022
Il s’agit notamment du développement d’ateliers de réparation des parasols, des ateliers de recyclage du linge usagé qui se développement essentiellement le long des cours d’eau. Il s’agit aussi des ateliers de stockage de la ferraille dont les activités s’étendent au delà du quartier.

2.2. Analyse de la filière du linge usagé

2.2.1. Identification des flux et analyse fonctionnelle de l’activité du recyclage de linge usagé
La décharge HYSACAM de Pk 12 (Génie militaire) est le point de départ de l’activité de recyclage du linge qui s’est développée au quartier Makèpè-Missokè autour de deux sites prioritaires, le lieu-dit Pont cassé et le Bloc 10. L’activité est organisée autour d’acteurs dont le rôle et les niveaux d’intervention s’intègrent dans l’approche filière envisagée, en raison de la segmentation des processus et de la diversité des intervenants.
La récupération ou chiffonnage sur décharge est la première opération de la filière. Elle se présente en effet souvent comme un édifice pyramidal, avec des regroupements successifs de lots de matières et une cascade d'intermédiaires. Tout part des opérations de collecte des déchets par les camions qui sillonnent les quartiers de la ville et qui viennent dépoter à la décharge de Pk 12 (planche photographique n° 1). Ainsi, en amont de la chaine, les ramasseurs marginaux ou de base (tukang mulung ou le pamulung en indonésien) qui vendent le produit de leur collecte à des intermédiaire semi-grossistes (penampung ou tukang loak). L’on dénombre environ 50 récupérateurs (des hommes pour la plupart) de linge usagé sur la décharge. La décharge est en effet le lieu de travail de ce groupe d’acteurs répertoriés par les responsables d’HYSACAM desquels ils ont reçus l’autorisation d’exercer sur le site.
Planche photographique n°1: dépotage des déchets par les camions dans la décharge de Pk 12épotage des déchets par les camions dans la décharge de Pk 12
Les semi-grossistes revendent à leur tour à des grossistes ou à des négociants (bandar ou bandar besar dans la même langue). Il arrive que les ramasseurs se retrouvent à la fois en amont et en aval du processus lorsque ces derniers ne disposent pas d’un capital conséquent. Des employés de la société HYSACAM chargés de la collecte ordinaire récupèrent eux aussi, soit à leur compte, soit en tant que ramasseurs marginaux. La récupération est organisée en spécialités en fonction des centres d’intérêt de chaque acteur. Le tri est donc simultané et rythmé au gré du ballet incessant des camions. Aussitôt dépoté, les camions cèdent la place aux collecteurs qui fouillent à la recherche de tout déchets qu’ils pourraient rendre utile (planche photographique n° 2). A la suite de la collecte, le linge dans sa diversité (pantalons, chemises, Tee-shirt et polo, culottes, robes, etc.) est conditionné en ballots et sécurisé dans des espaces dédiés (planche photographique n° 2) qui feront office de marché, zone où s’effectuent les ventes aux enchères entre ramasseurs marginaux, intermédiaires et grossistes. Le linge récupéré est donc mis en vente dans la décharge. C’est la deuxième étape du processus. Nous recensons trois groupes venant de Makèpè-Missokè. Le premier est composé de 05 acheteurs organisés au sein du bloc 10 du quartier. Il s’agit en effet de 05 chefs de famille engagés dans l’activité depuis une dizaine d’années. En fonction de l’article récupéré, ces « opérateurs économiques » déboursent en moyenne entre 100 et 600 FCFA par pièce lors de la transaction à la décharge, en fonction de l’état de l’article.
Le deuxième groupe, le plus important en effectif et en volume de marchandises compte une quinzaine d’acteurs basés au lieu-dit « Pont cassé ». Cette activité s’y est mise en place et s’est développée au fil des temps, avant de connaitre cet éclatement qui se justifie par son caractère lucratif. Rappelons par ailleurs que l’activité connait un développement ces dernières années avec l’entrée en scène des pré-collecteurs.
Planche photographique n°2: Scènes de tri et conditionnement des déchets récupérésScènes de tri et conditionnement des déchets récupérés
Ceux-ci assurent la collecte auprès des ménages et des récupérateurs – acheteurs. Ces derniers achètent aux ménages des déchets de valeur déjà triés. Cette catégorie dont les actions prennent de l’envergure collecte, trie et vend à un groupe récemment constitué d’une quinzaine de jeunes qui sont approvisionnés directement dans le quartier, le long des berges de la rivière Ngongue utilisée pour la lessive. Mais à la différence de ceux qui s’approvisionnent à la décharge, ces jeunes doivent parfois payer deux fois plus cher les articles de même valeur obtenus à moitié prix à la décharge. De plus, le chiffre d’affaire qu’ils mobilisent ne leur permet pas encore de constituer des quantités comparables à celles vendues par les « opérateurs économiques » mieux organisés et plus anciens dans la profession.
La lessive est la troisième étape du processus. La marchandise achetée à la décharge est conditionnée en ballots, puis transportée vers Makèpè-Missokè où elle était jadis confiée aux « laveurs ». Cette catégorie d’acteurs a quasiment disparue en raison des couts supplémentaires engendrés, mais surtout à cause de leur incapacité à faire convenablement la lessive. C’est la raison pour laquelle plusieurs acteurs ont fait de l’activité une affaire de famille, impliquant les différentes unités de consommation du ménage dans la lessive et le conditionnement des vêtements. La lessive est faite sur site (planche photographique n° 3). Les vêtements ainsi lavés sont séchés par catégorie (planche photographique n° 4), repassés pour certains, mis en sachet par petits paquets et l’ensemble mis en ballot.
La dernière étape est la commercialisation du linge lavé. Le linge conditionné est transporté soit vers les marchés de la ville, très souvent vers les marchés de la région de l’Ouest-Cameroun via les agences de voyages. Il s’agit prioritairement des départements de la Menoua (Dschang, Baleveng) et des Bamboutos (Bafounda, Mbouda, Babadjou) où les marchés sont périodiques et programmés suivant un principe de rotation des jours de vente hebdomadaire.
Planche photographique n°3: Scènes de lessive sur les berges de la rivière NgongueScènes de lessive sur les berges de la rivière NgongueLa vente est spéculative et se fait très souvent au détail, les principaux clients étant les populations résidentes, mais aussi celles des villages environnants. La vente se fait aussi en gros. En effet, les grossistes sont des vendeurs à la sauvette, mais aussi des commerçants venant des villages voisins dans lesquels ils assurent la distribution, soit en vendant directement aux populations, soit en vendant eux aussi en gros aux détaillants. La préparation du voyage dure un mois, le temps de mobiliser en moyenne 750 Kg de linge (lorsque le marché a été fructueux), 500 Kg à l’inverse, ce qui représente respectivement des dépenses (achat des vêtements récupérés et frais de blanchisserie) d’environ 60 000 à 300 000 FCFA. De la maison au marché à l’Ouest, le transport, tous frais confondus, très variable coute en moyenne entre 9 000 et 45 000 FCFA. Le prix de vente des vêtements est quant à lui évalué à environ 650 000 pour 700 Kg contre environ 450 000 pour 500 Kg.
Planche photographique n°4 : Modalités de séchage des vêtements lavés au bloc 10 et au lieu-dit « Pont cassé »Modalités de séchage des vêtements lavés au bloc 10 et au lieu-dit « Pont cassé »
L’organisation de la filière garantie un profil de carrière aux différents acteurs dans les différents corps de métier. Ainsi, tous les « opérateurs économiques » du bloc 10 ont commencé comme récupérateurs à la décharge. Ce changement de grade se fait cependant par cooptation.
2.2.2. Analyse fonctionnelle de l’activité du recyclage du linge usagé
L’identification de la nature des flux physiques et des agents impliqués conduit à une analyse fonctionnelle de la filière qu’il est souhaitable de formaliser sous la forme d’un tableau. Ce dernier doit faire correspondre les étapes de la transformation et de l’acheminement, les activités retenus comme faisant partie de la filière, les agents (ou fractions d’agents) conduisant ces fonctions ainsi que les produits de la filière. Le tableau d’analyse fonctionnelle (Tableau n° 1) de la filière permet d’établir une distinction entre deux types de récupérateurs/ramasseurs : ceux exerçant en groupe organisé à la décharge, mais aussi ceux qui collectent auprès des ménages, les pré-collecteurs. De la même manière, la distribution des revenus des autres segments ou sous-ensemble diffère de celle des autres acheteurs. De plus, les marchés du linge usagé sont différents. Cette distinction permet d’évaluer plus précisément ce qui peut changer dans l’augmentation des revenus entre les différents marchés, puisqu’ils sont sur différents segments distincts de la filière.
 Tableau n°1 : Analyse fonctionnelle de la filière récupération et recyclage du linge usagéAnalyse fonctionnelle de la filière récupération et recyclage du linge usagé
Source : Enquête de terrain, Juillet 2022
Une fois les agents concernés identifiés, la présentation sous forme de modèle de la figure n°1 permet d’une part de mettre en évidence la complexité du tissu économique qu’implique cette activité. D’autre part, elle permet de visualiser la structure économique induite par l’activité.
Figure n°1 : Mise en évidence de la complexité du tissu économique induit par la filièreMise en évidence de la complexité du tissu économique induit par la filière
Source : Enquêtes de terrain, Juillet 2022

2.3. Flux et analyse fonctionnelle des filières ferraille et déchets plastiques

2.3.1. Le déchet plastique : entre alternative et stabilisation des revenus
Lorsque l’on aborde la question de la récupération de la ferraille, il demeure constant que le recyclage de tels déchets tend à être dissocié d’avec celui des déchets plastiques, et même d’avec le linge usagé. Rappelons ici que ces différentes activités sont intimement liées. En effet, les activités de récupération et de recyclage des déchets intègrent aussi la notion de diversification, une option envisagée pour rendre les acteurs de la filière plus résilients, en raison des difficultés à mobiliser régulièrement les quantités souhaitées de ferraille pour répondre à la fois à la demande des entreprises de transformation locale et aux exportateurs de ces « produits ». La récupération des déchets plastiques est donc, en général, une activité secondaire pour les acteurs de la récupération du linge, autant qu’elle l’est pour les spécialistes de la ferraille. Il s’agit en règle générale pour les premiers, de diversifier, de stabiliser et d’« arrondir » leurs revenus. Pour les seconds en revanche, il s’agit de mobiliser en permanence les financements nécessaires pour l’approvisionnement en ferraille. En raison du caractère secondaire de l’activité pour ces deux catégories d’acteurs, ces déchets achetés au jour le jour sont tout aussi vendus au jour le jour.
Dans le segment du déchet plastique, Makèpe-Missoke constitue un marché pour le réseau de récupérateurs qui se densifie tous les jours. Dans l’ensemble, le bloc 10 constitue pour cette catégorie d’acheteurs le principal marché des seaux, chaises en plastique, casiers, bouteilles d’eau minérale vides, bouteille de produits cosmétiques, etc. Y sont aussi associées les bouteilles en verre dont les principaux pourvoyeurs sont les agents de la société HYSACAM qui opèrent un tri systématique et qui ont développé à Makèpè-cité un point de vente en gros de bouteilles en verre. Le tableau ci-dessous ainsi que la planche photographique n° 7 présentent les catégories de produits, les prix à l’achat ainsi que leur prix de vente.
Tableau n°2 : Typologie des bouteilles vendues par les « opérateurs économiques » du secteur du linge récupéréTypologie des bouteilles vendues par les « opérateurs économiques » du secteur du linge récupéré
Source : Enquêtes de terrain, juillet 2022
Planche photographique n°5 : Bidons et bouteilles en matière plastique récupérés et réinsérés dans le circuit de consommation par le recyclageBidons et bouteilles en matière plastique récupérés et réinsérés dans le circuit de consommation par le recyclage
Des acheteurs se recrutent aussi par-delà les détaillants d’huile de table. Il y a des intermédiaires entre entreprises spécialisées dans la fabrication d’ustensiles en matières plastiques et les vendeurs qui achètent en Kg. Certains d’entre eux disposeraient d’unités de pré conditionnement, notamment des broyeurs de la matière première. Mais à ce stade, il est difficile d’en dire plus, en raison de la difficulté à accéder à plus d’informations.
2.3.2.    Récupération de la ferraille, une activité en plein essor
La récupération de la ferraille est l’une, sinon l’activité de recyclage la mieux structurée, la mieux traçable et la plus rentable de toutes les activités de recyclage à Makèpè-Missokè. En effet, nous avons dénombré et identifier sept (07) unités de stockage de la ferraille dont la taille est très variable (Figure n° 1). L’unité de récupération la plus importante est située près du « pont cassé ». Il s’agit d’une sorte de Groupe d’Initiative Commune (GIC) qui emploie 16 personnes, toutes travaillant dans la récupération, première opération de l’activité. Il s’agit de jeunes qui opèrent avec des portes-tout, les « attaquants » qui entrent dans le capital du GIC moyennant une contribution de 10 000 FCFA. Cette contribution s’apparente à une prise d’action dans le capital, mais en réalité le système est plus complexe. Il s’agit simplement d’une condition à remplir pour être recruté. Après le versement de cette somme, le responsable du groupement met à la disposition du récupérateur (deuxième niveau de collecte) un porte-tout ainsi que la somme correspondant à sa contribution. Ce capital dédié à l’achat de la ferraille doit être restitué en fin de journée. Ce fonds de commerce est renouvelé tous les jours et permet au collecteur de s’approvisionner auprès des petits collecteurs, premier niveau de collecte et des « ramasseurs » qui se recrutent dans toutes les catégories : enfants de tous âges, jeunes scolarisés ou non, employés d’HYSACAM qui se mobilisent pour créer des micro-points de collecte dans l’ensemble des quartiers de la ville de Douala. Au-delà de ces micros-points de collecte, les ménages constituent aussi des points de pré-collecte au porte à porte privilégiés qui vendent le Kg de ferraille à 150 FCFA environ.
En fait, au-delà de la prise de part du collecteur, il s’agit simplement d’un commissionnaire qui tire son revenu de sa capacité à collecter la ferraille. A titre d’exemple, lorsqu’un collecteur rentre à la base, sa cargaison est pesée et répertoriée. Il restitue alors la somme de 10.000 FCFA encaissée, somme qui lui sera restituée le lendemain pour une nouvelle journée de travail. Il tire donc son revenu de sa capacité à négocier sur le terrain pour espérer tirer des marges de cette négociation ; et c’est le montant des excédents qui fait son salaire de la journée, un salaire journalier très variable et difficile à estimer (3 000 FCFA, parfois moins, très souvent plus).  Les collecteurs développent des réseaux d’approvisionnement à travers des contacts noués dans l’ensemble de la ville. Il est donc courant qu’un collecteur de premier ordre appelle celui de second ordre lorsqu’une certaine quantité de marchandise est disponible.
Ce schéma d’approvisionnement/distribution s’applique aux déchets plastiques qu’il est une fois encore impossible de dissocier d’avec la ferraille, quoi que les prix et les clients potentiels soient différents. S’agissant de la ferraille, certaines unités de collecte et de stockage traitent, en règle générale, directement avec les entreprises de transformation basées à Douala. D’autres par contre privilégient l’exportation de la ferraille via les négociants chinois. Dans ce cas, les transactions ne sont envisagées que lorsque les quantités stockées tournent autour de huit tonnes de ferraille. Ainsi à l’achat, la tonne qui coûte la somme de 75 000 FCFA est revendue à environ 120 000 FCFA. Une dernière catégorie de collecteurs appelés « creuseurs »  intervient dans l’approvisionnement.
Makèpè-Missokè est en effet une ancienne décharge, et à ce titre, les fouilles effectuées par ces jeunes permettent de découvrir des métaux enfouis qu’ils se chargent de nettoyer. Cette forme de mobilisation de la ferraille est la spécialité de « Père Black », acteur du secteur depuis 25 ans et basé au bloc 10. Son réseau de creuseurs est estimé à 25 jeunes qui font la collecte exclusivement par fouille de la ferraille sur le site de l’ancienne décharge. Ce réseau s’étend à un autre groupe de 11 collecteurs qui sillonnent la ville à la recherche de la ferraille. Mais ce dernier groupe travaille plutôt à la décharge de Pk 12. Le tableau n° 3 présente les volumes collectés par mois ainsi que les prix pratiqués à la tonne dans les principales unités de recyclage de Makèpè-Missokè.
Tableau n°3: Typologie des produits collectés par mois par les acteurs les plus importants du secteur de la récupération de la ferrailleTypologie des produits collectés par mois par les acteurs les plus importants du secteur de la récupération de la ferrailleSource : Enquêtes de terrain, juillet 2022
Comme nous l’avons relevé plus haut, la filière plastique constitue un instrument de diversification de l’activité qui garantit au secteur de la ferraille une certaine résilience. Elle présente cependant quelques particularités en aval. La première est qu’elle semble plus fragmentée que la filière ferraille dans ce sens que les entreprises, destinataires finaux de la filière ne sont en contact avec les vendeurs qu’indirectement. Ce sont les démarcheurs recrutés par ces entreprises qui sont chargés par ces dernières d’acheter les déchets plastiques. Chaque entreprise dispose ainsi d’un réseau d’intermédiaires. Cette fragmentation de la filière plastique s’explique aussi par la diversité des produits collectés. En effet, l’essai d’une typologie des déchets plastiques a permis d’en identifier deux grandes catégories, les Polypropylènes et les  Polyéthylènes (Planche photographique n°6). La ferraille est tout aussi diversifiée dans sa composition (Planche photographique n°7).
Planche photographique n°6 : Catégories de déchets plastiques recyclés à Makepè-MissokeCatégories de déchets plastiques recyclés à Makepè-Missoke
Planche photographique n°7 : Déchets de ferraille stockés dans quelques entrepôts du quartier Makèpe-MissokeDéchets de ferraille stockés dans quelques entrepôts du quartier Makèpe-Missoke
A la différence de la ferraille dont les charges de transport, du dépôt à l’entreprise cliente sont à la charge du vendeur, les déchets plastiques sont achetés sur site par les démarcheurs, avant dernier maillon de la filière.
Deux autres produits phares sont collectés et vendus, l’aluminium et le cuivre, même si les quantités à mobilier dans ces deux cas sont plus difficiles à collecter. C’est la raison pour laquelle il est plus difficile pour les vendeurs de reconstituer les gains, et donc les quantités vendues. Toujours est-il que, s’agissant de l’aluminium, les sommes à débourser sont plus importantes : 300.000 FCFA la tonne achetée, 350.000 à 375.000 FCFA la tonne revendue, essentiellement sur site aux fabricants de marmites. Mais la mobilisation de la tonne d’aluminium reste difficile, c’est la raison pour laquelle la vente au détail reste privilégiée, ce qui rend par ailleurs difficiles à tracer les revenus ainsi générés.
2.3.3.    Conception d’un graphe de la filière
Une fois les agents concernés identifiés, une présentation sous forme d’organigramme permet de visualiser la structure économique induite par l’activité (Figure n°2). La complexité du tissu économique impliqué est alors bien mise en évidence. Outre sa fonction d’élément de présentation synthétique, le graphe de la filière se révèle être un véritable outil de réflexion et d’analyse au cours des étapes du travail.
Figure n°2 : Mise en évidence de la complexité du tissu économique induit par la filière ferraille et déchets plastiquesMise en évidence de la complexité du tissu économique induit par la filière ferraille et déchets plastiques
Source : Enquêtes de terrain, Juillet 2022

Conclusion

La problématique de la gestion des déchets dans les villes d’Afrique noire continue de préoccuper à la fois les décideurs et les populations. L’axe prioritaire choisi dans la plupart de ces villes repose sur leur collecte et leur évacuation vers une décharge finale. Ce modèle s’avère inopérant, les municipalités n’étant pas capables d’enlever la moitié des déchets produits tous les jours. Face aux difficultés des municipalités à adresser efficacement cette question des déchets ménagers, un secteur informel du recyclage s’est développé, le prétexte à cette nouvelle forme d’intervention étant économique pour le cas du quartier Makepè-Missokè. En effet, la montée en puissance de ce processus de recréation d’une valeur marchande autour du déchet s’est traduit par la croissance permanente du nombre d’acteurs impliqués dans les opérations de recyclage, du nombre d’unités de recyclage créée, de la diversification des déchets visés, mais aussi de l’étendue des filières constituées autour du linge usagé, de la ferraille et des déchets plastiques, filières pour lesquelles une analyse fonctionnelle a permis d’observer que l’enlèvement des détritus n’est plus simplement une activité liée à l’hygiène. La récupération des déchets à des fins lucratives connait ainsi une montée en puissance à travers la diversification des déchets récupérés. Ces derniers renforcent certains segments industriels qui s’orientent de plus en plus vers les déchets comme alternatives en matière d’approvisionnement en matières premières.
Ainsi en partant du déchet comme bien et des acteurs du secteur comme agents économiques, cette réflexion a choisi une entrée par la filière, en tant que mode de découpage et de représentation de l’appareil productif développé autour du déchet. Il s’agit plus d’un concept d’analyse et non pas nécessairement d’un type d’organisation existant ou que l’on chercherait à promouvoir. Cette entrée a été utilisée pour formaliser dans un premier temps un modèle simple d’explication de l’organisation des flux de déchets et des revenus qui en découlent. Elle a ensuite pris en compte les acteurs centrés sur les relations d’interdépendances et les modes de régulation. Cela a ainsi permis de modéliser la succession des opérations et des agents qui, partant en amont du déchet comme matière première, aboutit en aval, après plusieurs stades de valorisation, à un ou plusieurs produits finis au niveau du consommateur.
Le secteur informel des déchets demeure difficile à appréhender de l’extérieur comme nous l’avons indiqué plus haut. Les acteurs impliqués dans ce secteur sont nombreux et diversifiés. C’est un secteur qui cache une multiplicité de situations qu’il serait intéressant d’approfondir.

Références

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Publié

31 Décembre 2022

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2022,, mis en ligne le 31 Décembre 2022. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=276

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