2022/Vol.4-N°10 : VARIA

21 |L’ELIMINATION DE LA DRACUNCULOSE OU LA MALADIE DU VER DE GUINEE AU BURKINA FASO (1963-2011)

ELIMINATION OF DRACUNCULIASIS OR GUINEA WORM DISEASE IN BURKINA FASO (1963-2011)

Auteurs

  • ZABSONRE Moussa Assistant zabsmous@yahoo.fr, Université de Fada N’Gourma (Burkina Faso)

Mots-clés:

Dracunculose,| Burkina Faso| Eradication,| maladie| lutte|

Résumé

Lorsque le Burkina Faso (ex Haute-Volta) accédait à l’indépendance le 05 août 1960, son profil sanitaire était dominé par un nombre important de maladies transmissibles (paludisme, onchocercose…). Toutefois, la dracunculose (encore appelée la dracontiase, le dragonneau, le filaire de Médine, le ver de Guinée) n’était pas présente dans ce profil sanitaire. Elle ne s’est déclarée aux nouvelles autorités que dans le premier quinquennat de l’indépendance du pays (Ministère de la santé publique, 1978, p. 42). Avant 1963 il n’avait été signalé de cas dans toute la Haute-Volta. Cette année 1963, un seul cas de la maladie a été relevé par les structures sanitaires du pays. Dès lors les recherches de la section de parasitologie du Centre Muraz de Bobo-Dioulasso, ont mis en évidence la présence du ver de Guinée dans 71 des 147 villages visités soit 48,3% (M. Lamontellerie, 1972., p. 793). De vastes enquêtes menées entre 1971 et 1979 ont permis d’enregistrer environ 500 000 cas soit une moyenne de 3 776 cas déclarés par an. Dès lors, la maladie était considérée comme un grave problème de santé publique. La nécessité de la combattre s’imposait d’où la mise en place en 1992 d’un programme national d’éradication du ver de Guinée (PNEVG) et en 2011, le territoire national était déclaré être libéré de ladite maladie par l’OMS. Comment ce pays est-il parvenu à se libérer de cette maladie en seulement une décennie de lutte ? L’objectif de la présente étude est de retracer les principales étapes dans la lutte contre la dracunculose au Burkina Faso (ex Haute-Volta).

Introduction

Le Burkina Faso (ex Haute-Volta) est un pays tropical sec situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Son climat est très capricieux et la pluviométrie annuelle varie entre moins 500 et 1100 mm (MEF, 2010, p. 26). Il partage ses frontières avec la Côte d’Ivoire au Sud-Ouest, le Ghana et le Togo au Sud, le Bénin au Sud-Est, le Mali au Nord-Ouest et le Niger à l’Est. Le réseau hydrographique y est très diversifié et relativement dense, composé de mares et de nombreux barrages dont les plus importants sont ceux de : Kompienga, Bagré, Ziga, Sourou, Kou... Les vocations de ces constructions étaient entre autres la production de denrées alimentaires (riz et maïs) et la production d’électricité (M. W. Bantenga, 2016, p. 21). Depuis la période coloniale de nombreuses populations restent exposées aux risques sanitaires car elles ont toujours été confrontées au problème crucial de l’approvisionnement en eau potable. Or, nous savons que l’eau est à la fois véhicule de nombreux agents pathogènes (comme les bactéries, les virus et les vers intestinaux) mais aussi facteur de reproduction d’insectes vecteurs de maladies. La qualité de l’eau de consommation est toujours à l’origine de nombreux problèmes sanitaires. Et c’est dans ce sens que (S) Sanon soutenait que « si d’une manière générale on peut dire que “l’eau c’est la vie“, il n’y a nul doute que cette vérité universelle a une signification toute particulière quand on l’applique à un pays soudano-sahélien comme la Haute-Volta ». L’une des maladies liées à l’eau sinon à la qualité de l’eau de boisson est la dracunculose. Encore appelée dragonneau, filaire de Médine, ver des pharaons, fil d'Avicenne ou ver de Guinée, la dracunculose est due à un ver filiforme dont l’évolution le conduit douloureusement hors du corps de la personne qui l’abrite. Jusqu’en 1963 cette maladie n’était pas connue par les structures de santé voltaïques ; mais à partir de la première décennie post coloniale, son évolution fut inquiétante. Un seul cas de la maladie a été relevé par les structures sanitaires du pays en 1963. C’est alors que les recherches de la section de parasitologie du Centre Muraz de Bobo-Dioulasso, ont mis en évidence la présence du ver de Guinée dans 71 des 147 villages visités soit 48,3% (M. Lamontellerie, 1972, p. 793). Entre 1971 et 1979 le pays a enregistré environ 500 000 cas soit une moyenne de 3 776 cas déclarés par an. Dès lors, la maladie est considérée comme un problème de santé publique. La nécessité de la combattre s’imposait. C’est à partir de 1992, par le canal du programme national d’éradication du ver de Guinée (PNEVG) que le pays est parvenu à des résultats forts probants dont la certification. C’est pourquoi nous avons choisi de nous intéresser à l’histoire de la lutte de cette maladie à travers le thème : « L’élimination de la dracunculose ou la maladie du ver de Guinée au Burkina Faso (1963-2011) ». Il est donc question dans la présente étude de chercher à comprendre comment ce pays hautement endémique est-il parvenu à se libérer de cette maladie en seulement une décennie de lutte ?  Notre objectif dans cette étude est de retracer les principales étapes et actions de lutte contre la dracunculose au Burkina Faso.

Méthodologie

1. Méthodologie

 1.1. Justification des bornes chronologiques 

Dans cette étude, nous identifions deux dates importantes qui balisent nos axes de recherche et d’analyses. La borne chronologique inférieure est 1963 qui indique la première identification de cas dans le pays depuis son indépendance en août 1960. Celle supérieure qui est 2011 correspond à l’année de la certification du Burkina Faso par l’OMS. Il est considéré désormais comme un pays libéré totalement de cette maladie. Toutefois, il est inapproprié de penser ou dire que le pays a éradiqué cette maladie.

  1.2. Collecte des données

La collecte des données constitue la cheville-ouvrière dans toute activité de recherche. Il s’agit ici d’une étude rétrospective qualitative. Elle fait appel certes, à quelques chiffres pour soutenir les analyses. Dans notre démarche méthodologique nous avons eu recours à plusieurs techniques et outils de collecte des données. A cette étape, nous sommes d’avis que « la recherche est une démarche de fourmi, amassant inlassablement, pour l’avenir » (S. Dreyfus et L. Nicolas-Vullierme, 2000, p. 23). Elle a constitué en l’exploitation d’une revue documentaire, des données d’archives et des entretiens individuels. En effet, cette maladie est assez documentée car de nombreux auteurs en ont fait leur sujet de recherche. A ces productions scientifiques s’ajoutent la littérature grise et de nombreux rapports sur la thématique ici abordée. L’ensemble de ces ressources est disponible dans les différents centres de documentation et les bibliothèques de l’Université Joseph KI-ZERBO, de la Direction des études et de la planification du ministère de la santé, du centre des archives nationales, du centre Muraz de Bobo-Dioulasso ainsi que sur le site de l’OMS etc. Un guide de revue documentaire, des fiches de lecture et un questionnaire individuel ont permis l’atteinte de l’objectif énoncé. 

Résultats

2. Résultats

 2.1. Faisons connaissance de la dracunculose

Avec ses multiples appellations déjà énoncées en introduction, la dracunculose est exclusivement liée à la qualité de l’eau de boisson. Au Burkina Faso, elle n’est signalée dans les services de santé qu’à partir de 1963. Par ailleurs, sa présence était signalée dans les documents coloniaux.
L’eau occupe une place importante dans la transmission de beaucoup de maladies dont la dracunculose. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 80 % de toutes les maladies peuvent être attribuées au manque d'eau salubre, à l'inadaptation des systèmes d'assainissement[1]. Au Burkina Faso, cette problématique de l’eau se posait et se pose toujours avec acuité. La couverture des besoins en eau des populations, en particulier celles rurales est très faible. Elle était de 30% en 1976 pour l’ensemble du pays (Ministère de la santé publique de la Haute-Volta, 1978, p. 89). Les populations sont alors contraintes de se contenter des seuls points d’eau accessibles géographiquement que financièrement comme les mares, les rivières et les puits sans margelle ; ce qui les expose à de nombreuses maladies comme la dracunculose. En 1982, Michel Van Ulten[2] soutenait que : « la dracunculose pouvait-elle être supprimée par la seule consommation d’eau potable »[3].
En rappel, la dracunculose est une maladie connue depuis la période ancienne. Selon J-P. Chippaux :
« l'affection est mentionnée dans la littérature antique simultanément en Égypte et en Inde vers le XVe siècle avant J-C. La maladie et son traitement par extraction du ver sont décrits dans le papyrus d'Ebers (1500 ans avant J-C) » (J-P. Chippaux, 1994, p. 9).
Appelée dragonneau dans l’antiquité, elle est aussi signalée en 1785 et 1826 en Sénégambie et l’explorateur Barth l’observa dans le sahel voltaïque en juillet 1851 (J-P. Bado, 1995, p. 402). Elle est exclusivement transmise par l’ingestion d’eau contaminée par un micro crustacé du genre cyclope (F. Richards, 1987, p. 31). Les cyclopes se retrouvent généralement dans les puits, les étangs, et les étendues d’eau stagnante. Le Dracunculus medinensis est l’agent causal de cette maladie. En effet, dans le circuit de la digestion, le cyclope est tué provoquant une libération de larves dites « larves de premier stade ». Ces derniers migrent jusqu’à atteindre les cavités abdominales et thoraciques où ils commencent leur maturation. Le ver femelle devient porteur de larves après trois mois et le mâle qui a une durée de vie assez réduite, meurt après six mois (OMS, 1984, p. 4). Plus tard, la femelle dont l’utérus est rempli de larves se dirige vers les membres inférieurs. Elle est alors prête à émerger et à émettre ses embryons comme l’indique la photo n°1. Ces douleurs se calment au contact de l’eau. C’est pourquoi les malades se plaisent à tremper leur pied concerné dans l’eau afin de réduire la douleur. Ce geste est un important facteur de propagation de la maladie par la contamination d’autres points d’eau et de personnes.
Photo n°1 : Le ver de Guinée sortant du pied d’un maladeLe ver de Guinée sortant du pied d’un malade
Source : Photo de sensibilisation sur le ver de Guinée de l’OMS, in www.commons.wikimedia.org/Dracunculus medinensis.jpg, consultée le 27/03/2013
Cette photo illustre l’un des procédés utilisé par les malades pour accélérer l’extraction du ver de Guinée. Il s’agit d’enrouler soigneusement le ver au fur et à mesure que celui-ci se retire. Cet exercice requiert une prudence et une patience de la part du malade qui doit veiller à protéger le ver jusqu’à sa sortie. Toute section ou mort de ce dernier pose un énorme risque d’infection du pied malade.
La dracunculose était aussi connue des populations locales. Toutefois, les explications que celles-ci attribuaient aux causes de cette maladie, laissent percevoir une méconnaissance de ses causes réelles. Pour certaines populations la dracunculose est une maladie propre à leur zone et les « dignes fils » se reconnaissent qu’après avoir fait la maladie. Selon Larba Ouédraogo, habitant du village de Goanga dans le Bam, « on croyait que c’était une maladie ordinaire que tous les habitants du village devraient faire ». Il poursuit en soutenant que : « cette maladie est propre à notre région. Dans les villages développés et dans les grandes villes on ne la trouve pas »[4]. On peut ici s’apercevoir que ce dernier, en évoquant les villages développés, fait allusion aux villages disposant d’au moins un point d’eau potable. C’est pourquoi il ajoute que les grandes villes ne connaissent pas non plus la maladie car on n’y souffre pas trop pour cette question d’eau. Un rapport sur la perception traditionnelle des maladies d’origine hydrique produit en 1997 montre que pour les Peuls, le mburutu, appellation locale de la maladie du ver de Guinée, est une maladie liée à l’eau. Pour ces derniers, les eaux des mares, des surfaces creuses, des puits mal ou non protégés, l’eau du chelchelde c’est-à-dire l’eau de la première pluie sont autant de causes qui sont à l’origine de la dracunculose[5].
On en conclut alors que les problèmes d’approvisionnement en eau potable doublé de la perception traditionnelle de la maladie ont contribué à accentuer l’endémicité de la maladie dans les pays endémiques en général et au Burkina Faso en particulier.

2.2. Le problème de la dracunculose au Burkina Faso de 1963 à 1992

C’est en 1963 que Y. Pyrame de l’Hôpital Yalgado Ouédraogo, première structure de référence de la Haute-Volta construit depuis 1958, rapporta le premier cas de ver de Guinée (M.Y. Zida, 2010, p. 54). S’agissait-il vraiment d’un cas alerte d’une forte endémie ou d’un réel début de propagation de la maladie ? Cette notification du premier cas en 1963 ne doit pas faire perdre de vue que cette maladie est bien plus ancienne au Burkina Faso que la date indiquée. En l’absence d’une étude claire sur cette maladie pendant la période coloniale, on ne peut douter de sa présence. L’explorateur anglais Heinrich Barth avait déjà signalé la présence de cette maladie dans le sahel voltaïque. Aussi, l’inexistence d’installations adéquates pour un approvisionnement en eau potable constatée par les autorités coloniales a fait prendre une mesure à cet effet. La circulaire du 12 septembre 1923 instruisait au creusage de puits avec margelles dans les villages. Cette mesure selon J-P. Bado visait la suppression du ver de Guinée et des anophèles (J-P. Bado, 1995, p. 411). Alors, les premières enquêtes épidémiologiques ont permis de lever l’équivoque. En 1967, sous la houlette de la section de parasitologie du Centre Muraz de Bobo-Dioulasso, une enquête menée par M. Lamontellerie dans les localités de Banfora et de Niangoloko, a montré que parmi les filarioses endémiques dans la zone il y avait la dracunculose. Au cours de cette enquête, la présence du ver de Guinée a été relevée dans 71 des 147 villages visités soit 48,3% (M. Lamontellerie, 1972., p. 793). De 1971 à 1979 le pays a enregistré au total environ 500 000 cas soit une moyenne de 3 776 cas déclarés par an (J-P. Chippaux, 1994, p. 75). Les rapports du ministère de la santé relevaient en 1986 la présence de la maladie dans la quasi-totalité des trente provinces que compte le pays. Seules les provinces du Bazèga, de la Gnagna, du Gourma, de la Kossi et du Nahouri n'avaient pas notifié de cas. Les vingt-cinq restantes ont notifié des cas allant de 01 à 157 selon les provinces. On peut mieux cerner l’ampleur de la maladie à travers le tableau n°1.
Tableau n°1 : La dracunculose au Burkina Faso de 1971 à 1992La dracunculose au Burkina Faso de 1971 à 1992
Sources :
Richards F, 1987, La dracunculose au Burkina Faso : rapport final du consultant épidémiologiste des centres pour le contrôle des maladies, Arlington, Vector Biology and Control Project, p.72.
Ministère de la santé, 2010, Rapport national sur les activités d’éradication du ver de Guinée au Burkina Faso, Ouagadougou, Ministère de la santé, pp.17-24.
A travers ce tableau on décrypte une forte morbidité de la maladie avec une moyenne de 2 327[6] cas déclarés par an. Ces chiffres ne sauraient être exhaustifs. Ils seraient plus alarmants avec une méthodologie de collecte des données plus précise et minutieuse comme ce fut le cas en 1990. Il faut savoir que dans un contexte de pays en développement la fréquentation des centres de santé n’avait pas encore bien intégré les habitudes des populations surtout rurales qui étaient plus attirées vers la médecine traditionnelle. De nombreux cas non déclarés peuvent alors rester non comptabilisés. Toutefois, les données de 1976 et 1990 suscitent quelques analyses. En effet, sans une action concrète de lutte on a enregistré une baisse fulgurante des chiffres. Il s’agirait ici sans doute d’un défaut de collecte des données. Aussi, faut-il le rappeler, dès janvier 1975 le pays a connu une restructuration administrative (le pays compte désormais 10 départements administratifs correspondant aux secteurs sanitaires). Ne peut-on pas lier cette baisse à cette réforme ? Par contre, en 1990, en prélude d’une importante action contre le ver de Guinée une enquête nationale devait permettre de fournir les données plus précises sur la maladie. Cette enquête devait permettre d’élaborer une cartographie du ver de Guinée et les chiffres sont très évocateurs du niveau d’endémicité du pays car 2621 villages sur 8068 étaient touchés par la maladie[7]
Les provinces du Bam et de l’Oubritenga renfermaient les taux d’endémicité les plus élevés du pays selon le tableau n°2.
Tableau n°2 : L’endémicité dans les deux provinces pilotes de 1989 à 1992L’endémicité dans les deux provinces pilotes de 1989 à 1992
Source : Ministère de la santé, 2010, op. cit., p. 15.
Cette maladie a constitué un véritable problème de santé publique à partir des années 1970, au regard du nombre de personnes affectées et de ses multiples conséquences socio-économiques pouvant atteindre un milliard de franc CFA de perte annuelle (T.R. Guiguemdé, 1986, p. 112). En effet, le malade est frappé par son immobilité pendant quelques mois et, le plus souvent, en période des travaux champêtres. Ce qui réduit inéluctablement les rendements agricoles comme le confirme Larba Ouédraogo : « l’année où tu développes la maladie, elle te rend inefficace au champ et tu ne peux rien récolter. Tu n’auras donc qu’un grenier vide »[8]. Cela est lié au fait que le malade est souvent alité pendant quelques semaines par suite des douleurs causées par l’apparition du ver et autres complications. C’est pourquoi certaines populations identifient la dracunculose comme la “maladie qui vide les greniers“. Elle menace plus les populations qui intègrent les plans d’eau de surface dans leur système d’approvisionnement en eau de boisson. Elle est aussi considérée comme une maladie de la pauvreté et de grandes actions devaient être engagées à son encontre.

2.3. La mise en oeuvre du PNEVG et ses résultats

Une campagne mondiale d’éradication de la dracunculose a été lancée dans le début des années 1980. L'OMS considérait que la dracunculose touchait 3,5 millions de personnes réparties dans 20 pays[9].  En 1991, l’Assemblée mondiale de la santé a approuvé les efforts en vue de l’éradication de la dracunculose pays par pays et s’est fixé pour objectif l’arrêt de la transmission avant 1995 et la certification de l’éradication à l’échelle mondiale d’ici la fin des années 1990. (OMS, 1996, p. 3). En s’inscrivant dans la dynamique de la communauté internationale d’éliminer cette maladie le plus tôt possible, le Burkina Faso a constitué en 1984, une commission nationale de lutte contre la dracunculose. A cet effet, il a été élaboré un programme de lutte contre le ver de Guinée dont l’objectif final était le contrôle, voire l’élimination de la maladie. Or toute élimination doit être sanctionnée par la certification de l’OMS. Il s’agit d’une reconnaissance des bons résultats du programme d’un pays. C’est ainsi qu’il a été mis en œuvre en 1992 le Programme national d’éradication du ver de Guinée (PNEVG) au Burkina Faso. Ses actions ont permis de mieux contrôler le ver de Guinée et le graphique n°1 nous montre les résultats remarquables des actions entreprises contre la maladie.
Source : Ministère de la santé, 2010, op. cit., p. 24
Ce graphique indique ici les bons résultats engrangés par le PNEVG concernant la maladie. Il présente le nombre de cas et le nombre de villages endémiques par année depuis la mise en œuvre du programme. Avant la mise en œuvre du programme, la situation du ver de Guinée était très alarmante au Burkina Faso. Les villages pouvaient aussi bien héberger des cas autochtones (il s’agit de ceux qui pris la maladie sans avoir quitté leur lieu d’habitation) que des cas importés (des populations qui ont pris la maladie dans un pays étranger avant de rejoindre son village du Burkina Faso).
[1] « L'eau porteuse de maladies », www.sololiya.fr, consulté le 02/10/2011 
[2] Ancien Représentant Résident adjoint du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au Burkina Faso
[3] ANBF, 37V296, Extrait du discours du Représentant Résident du PNUD lors du deuxième atelier national sur la Décennie Internationale d’Approvisionnement en Eau Potable en Haute-Volta prononcé le 17 mai 1982 à Ouagadougou.
[4] Ouédraogo Larba, 62 ans, ménagère, Goanga/Bam, 20/09/2012
[5] Ministère de l’environnement et de l’eau, 1997, Rapport d’étude sur la perception traditionnelle de maladies d’origine hydrique chez les peul, Ouagadougou, Ministère de l’environnement et de l’eau, p. 66.
[6] Ce résultat est ainsi obtenu en considérant la période de 1971 à 1992 (sot 21 ans) et les données du tableau n°1. Il corrobore celui déjà énoncé par J-P. Chippaux qui, sur la période de 1971 à 1979 (soit 10 ans), relève une moyenne de 3 776 cas déclarés par an. 
[7] Ministère de la santé, 2010, Rapport national sur les activités d’éradication du ver de Guinée au Burkina Faso, Ouagadougou, Ministère de la santé, p. Annexe 8.
[8]  Ouédraogo Larba, 62 ans, Ménagère, Goanga/Bam, 20/09/2012
[9] OMS, 2019, Dracunculose (maladie du ver de Guinée), [En ligne]https://www.who.int/fr/news-room/facts-in pictures/detail/dracunculiasis-(guinea-worm-disease)

Conclusion

En 2011, soit près d’un demi-siècle d’action contre la dracunculose (1963-2011), le Burkina Faso a été certifié comme un pays ayant réussi à éliminer la maladie. Ces résultats forts intéressants sont la combinaison de plusieurs facteurs. En effet, au lendemain de l’indépendance du Burkina Faso en 1960, les populations surtout rurales étaient confrontées au problème d’approvisionnement en eau potable. C’est pourquoi le ver de Guinée sévissait de façon endémique dans les zones rurales où les populations intègrent les plans d’eau de surface dans leur système d’approvisionnement en eau de boisson (J.N. Poda et al, 1998, p. 36). Il est évident que de nombreuses actions ont été menées dans le domaine de l’approvisionnement en eau des populations. Elles ont permis de passer à un taux de 30% en 1976 à 74% en 2005. On dira donc que d’une part, ils sont liés à l’amélioration des conditions de vie des populations par leur facile accès à l’eau potable. D’autre part ils sont sous-tendus par la discipline d’hygiène dans la communauté locale en matière de gestion des points d’eau et des personnes atteintes de dracunculose : c’est l’éducation sanitaire qui, si elle est bien menée « constitue la solution la plus économique et la plus rentable à long terme pour l’anéantissement de la maladie » (OMS, 2008, pp. 9-10). En une décennie de lutte dans le cadre d’un programme, le Burkina Faso a pu relever un défi de taille, celui de la victoire contre cette maladie qui continue de menacer de nombreuses populations sous d’autres cieux en Afrique. Alors la garde ne saurait être baissée au risque de replonger dans le cycle infernal de cette maladie.

Références

Références bibliographiques

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Publié

31 Décembre 2022

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2022,, mis en ligne le 31 Décembre 2022. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=280

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