VOL.6-N° 11, Juil. 2023 : Villes, activités économiques et santé en Afrique

5 |ACCÈS Á L’EAU POTABLE DANS DEUX QUARTIERS SOUS-INTEGRES DE LIBREVILLE : IMPACTS SUR LA SANTÉ DES ENFANTS

ACCESS TO DRINKING WATER IN TWO SUB-INTEGRATED NEIGHBOURHOODS OF LIBREVILLE: IMPACTS ON CHILDREN’S HEALTH

Auteurs

  • NZOUGHE ADA Corine épouse OBOUNOU statut omegatrois@yahoo.com, Ecole Normale Supérieure
  • LONGO Armande statut armandemoulingui@yahoo.com, Ecole Normale Supérieure

Mots-clés:

Résumé

Libreville, la capitale connait une forte croissance démographique et spatiale. Malgré l’importance de la pluviométrie du fait du climat équatorial dont jouit le pays depuis les années 2000, plusieurs quartiers font face à des pénuries d’eau potable et la situation peine à s’améliorer. Certains ménages mettent en œuvre tout ce qui est en leur possible pour s’approvisionner en eau potable. Quelles sont les conséquences sanitaires de cette situation chez les enfants ? Cette étude examine les liens entre la santé des enfants de moins de cinq ans et l’accès des ménages à l’eau potable dans deux quartiers sous-intégrés de la commune de Libreville.  L’analyse menée repose sur des sources écrites, une enquête et des observations réalisées dans les quartiers Sotéga et Cocotier du 2e arrondissement.  Les résultats obtenus montrent que les affections qui touchent les enfants de moins de cinq ans ont un rapport avec la qualité de l’eau.

Introduction

Aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes. D’ici 2050, cette proportion devrait atteindre les deux tiers (OMS, 2018). Lorsque les villes sont construites selon de bons principes de planification, elles peuvent aussi être des communautés qui favorisent la santé et le bien-être. En effet, l’accès à l’eau potable constitue un indicateur de bien-être dans les sociétés contemporaines. Il renseigne globalement sur la part de la population d’un territoire disposant raisonnablement d’une quantité adéquate d’eau potable par jour (E. Elamé et A. Beka Beka, 2020, p. 14).
Le monde a connu des réductions spectaculaires de 60 % de la mortalité des enfants de moins de cinq ans, passant de 93 décès pour 1000 naissances vivantes en 1990 à 38 en 2019. Rien qu’en 2019, 7,4 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes (0-14 ans) sont morts principalement de causes évitables ou de maladies que l’on pouvait traiter (OMS, 2018). La mortalité infantile est inégalement répartie. Le taux de mortalité des moins de cinq ans le plus élevé se trouve en Afrique selon l’OMS (74 décès pour 1000 naissances vivantes), soit environ 9 fois plus qu’en Europe (8 pour 1000 naissances vivantes) d’où l’intérêt que nous portons à cette tranche d’âge.
Les villes d’Afrique subsaharienne connaissent une forte croissance démographique. Cette population est majoritairement très jeune. Dans le même temps, la forte concentration des populations et de leurs activités ne sont pas toujours maîtrisés par la mise en œuvre des équipements de base proportionnellement à cette croissance et aux besoins des populations.
Libreville, la capitale du Gabon connait une forte croissance démographique et spatiale. Malgré l’importance de la pluviométrie du fait du climat équatorial dont jouit le pays, depuis les années 2000, plusieurs quartiers font face à des pénuries d’eau potable et la situation peine à s’améliorer. Certains ménages mettent en œuvre tout ce qui est en leur possible pour s’approvisionner en eau potable. C’est dans ce contexte que nous nous intéressons aux liens entre l’accès à l’eau potable dans deux quartiers sous-intégrés du 2e arrondissement de la commune de Libreville et la santé des enfants. Quel est l’impact des contraintes d’accès à l’eau potable sur la santé des enfants de moins de cinq ans ?
Pour mener cette étude, l’hypothèse suivante a guidé l’analyse : les conditions d’accès à l’eau potable impactent négativement la santé des enfants de moins de cinq ans.
L’objectif de cette étude est de montrer l’interdépendance entre les diverses sources d’approvisionnement en eau dans les quartiers sous-intégrés et les questions sanitaires chez les enfants. L’ODD 3, « Bonne santé et bien-être », appelle les pays à assurer une vie saine et à promouvoir le bien-être de tous, à tout âge.

Méthodologie

 1. METHODOLOGIE

La démarche méthodologique s’articule comme suit : les sources documentaires sont constituées des ouvrages, articles scientifiques et autres documents sur l’urbanisation de Libreville. Nous avons également les travaux des organisations non gouvernementales et des Institutions étatiques sur la question de l’accès à l’eau potable au Gabon en général et dans l’agglomération de Libreville en particulier. L’analyse descriptive des données du recensement général de la population réalisée au Gabon en 2013 a permis une exploitation des données sur les sources d’approvisionnement en eau potable.
L’observation et les enquêtes dans les quartiers Sotéga et Cocotiers (2e arrondissement de la commune de Libreville) nous ont permis de connaitre les sources d’approvisionnement en eau et d’avoir les données sur les conditions réelles d’accès à l’eau potable. Les données sur la santé des enfants de moins de cinq ans sont tirées de l’Annuaire Statistique du Ministère de la Santé pour l’année 2020, des études menées dans le cadre des deux enquêtes démographique et santé (EDS) de 2000 et 2012.

1.1 Présentation du cadre de l’étude

Située au Nord-ouest du Gabon dans la province de l’Estuaire, Libreville la capitale est une commune de plein exercice depuis 1963. L’appellation « Grand Libreville » a été utilisée pour la première fois au début des années 1980 par un géographe gabonais dans l’objectif de décrire et expliquer les dynamiques démographiques et spatiales de la capitale, à travers un étalement vers le sud et le nord de la commune (P. C. Nziengui Mabila, 1981, p. 54). L’expression a été reprise par les politiques en mars 2020 au début de la crise du COVID 19 au Gabon. D’un point de vue géopolitique, le grand Libreville dépasse les limites de la commune de Libreville et englobe également les communes d’Akanda au Nord, d’Owendo au Sud et de Ntoum à l’Est comme l’indique la carte n°1.
Carte n°1 Situation géographique de la commune de Libreville
 Carte1
La commune de Libreville qui est composée de six arrondissements est représentée en rose claire sur la carte ci-dessus. Elle est limitée au Nord par la commune d’Akanda et au Sud par celle d’Owendo.
A Libreville, l’on distingue, d’une part, les quartiers intégrés (quartiers résidentiels et certains lotissements planifiés) qui possèdent les équipements de base indispensables au bien-être des populations tels que l’électricité, l’eau potable, des routes d’accès en bon état, et d’autre part, les quartiers sous-intégrés où vivent 80% des librevillois. L’agglomération de Libreville se caractérise par une urbanisation principalement spontanée qui a donné naissance à un habitat à dominance précaire où les classes moyennes et les plus pauvres cohabitent. On parle de quartiers précaires ou sous-intégrés. Ces quartiers fractionnés à l’extrême et dispersés sont localisés près du centre et  à la périphérie. Ils se distinguent des autres par plusieurs aspects :
- L’accessibilité à l’intérieur est possible seulement à pied ;
- Les densités de populations sont très élevées (souvent supérieures à 250 habitants à l’hectare);
- Toutes les catégories sociales de la ville y sont représentées ;
- Leur population est caractérisée par son extrême jeunesse.
Nous avons relevé trois formes de précarités dans les quartiers sous-intégrés de Libreville : la précarité liée aux difficultés du site, la précarité technique et la précarité socio-économique. Les quartiers sous-intégrés de Sotéga et Cocotier sont les cadres géographiques de notre étude. Ils sont situés dans le 2e arrondissement de la commune de Libreville.  La population totale de cet arrondissement est de 75 779 habitants. Ces deux quartiers ont été choisis du fait de leur proximité avec le centre-ville. Il est question de voir si les quartiers du centre (Cocotier) et péricentraux (Sotéga) sont épargnés des problèmes d’approvisionnement en eau potable.

Résultats

2. RÉSULTATS

L’eau, en raison de ses multiples usages (consommation domestique, irrigation, production d’énergie, activités industrielles, etc.), est une ressource naturelle essentielle à l’homme et à l’économie (E. Elamé et A. Beka Beka, 2020, p. 13).
L’eau potable doit avoir des caractéristiques microbiennes, chimiques et physiques conformes aux directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et aux normes nationales fixées par chaque pays sur la qualité de l’eau de boisson. Selon l’OMS (2017), cette eau répond à des normes relatives aux paramètres organoleptiques (couleur, turbidité, odeur, saveur), physico-chimiques (température, pH, etc.), microbiologiques (coliformes fécaux, streptocoques, etc.) et à des substances indésirables et toxiques (nitrates, nitrites, arsenic, plomb, hydrocarbures, etc.). (E. Elamé et A. Beka Beka, 2020, p. 14)
L’accès à l’eau potable regroupe les techniques mises en place dans un territoire donné pour amener le liquide depuis sa source à travers un réseau de conduites et/ou d’ouvrages hydrauliques (aqueduc, etc.) vers les lieux de consommation (E. Elamé et A. Beka Beka, 2020, p. 14)

2.1 Situation dans la commune de Libreville

Depuis les années 1970, la capitale Libreville a connu une croissance démographique et spatiale sans précédent. Elle représente 45% de la population urbaine du pays et 39% de la population totale du Gabon (DGS, 2015, p. 4). Cette croissance continue depuis les années 1970 n’a pas été maitrisée à tous les niveaux par les gouvernants entrainant de ce fait des crises multiformes qui sont visibles dans de nombreux quartiers dits sous-intégrés du fait de l’insuffisance des services de base.
Malgré les avancées notables en matière d’alimentation en eau potable, d’importants efforts restent à consentir par le Gabon pour réaliser, à bonne échéance l’OMD 7 « Assurer un environnement durable ».
Dans le cadre de la mise en œuvre du Programme Ville-Santé de Libreville, le Ministère de la Santé, le Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat et la municipalité de Libreville, avec l’appui de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ont préparé, de manière concertée, un plan d’action triennal dont le but est de promouvoir les politiques municipales conformément aux principes de la Charte d’Ottawa pour la Promotion de la Santé pour Tous (PVS). Ainsi, ce plan vise entre autres à créer un environnement favorable à la santé, à renforcer les actions communautaires qui améliorent le milieu, etc. Le PVS a identifié des problématiques récurrentes dans les espaces urbains du pays notamment dans les aspects suivants : l’habitat, l’approvisionnement en eau potable, l’évacuation des déchets, etc.

2.2 Accès à l’eau potable  

L’accès à l’eau potable en milieu urbain est avec d’autre un indicateur majeur des conditions de vie des populations car en cas de défaillance, ils ont un impact certain sur la santé de tous et des enfants en particulier.
La politique de l’Etat gabonais en matière d’Eau, est de garantir un accès universel à l’eau potable à l’horizon 2025. Cela implique outre le maintien de l’effort d’investissement public à un niveau élevé dans les grands centres urbains pour l’accès à l’eau potable. Cela nécessite par ailleurs, la mise à niveau du réseau de distribution et de stockage de l’eau notamment dans les communes de Libreville, Akanda, Owendo et Ntoum. L’eau et l’assainissement ont été intégrés aux Objectifs de développement durable (ODD) visant à faire passer le taux de la population ayant accès à l’eau potable de 89% à 95 % à l’horizon 2020 (Ministère de l’Energie et de l’Eau et Banque Africaine du Développement, 2018, p. 16).
Deux acteurs étatiques sont impliqués dans l’approvisionnement en eau potable, à savoir : le Ministère de l’Eau et de l’Energie et la Société du Patrimoine. Elles sont relayées par la Société d’Energie et d’Eau du Gabon (SEEG) qui assure la production, la distribution et la commercialisation de l’eau potable. Le Ministère de l’Eau et de l’Energie est chargé de mettre en œuvre la politique du Gouvernement en matière de production, de stockage, de transport, de transformation, de distribution et de commercialisation de l’eau. La société du Patrimoine est chargée de la gestion des ouvrages dédiés à la production et à la distribution de l’eau. La Société de Patrimoine est l’instrument de la mise en œuvre de la politique d’exploitation et de conservation de l’ensemble des équipements en matière d’eau potable.
D’après de récents travaux, 88,8% de la population du pays à accès à l’eau potable (ONU Gabon, 2021, p. 92). Le Gabon est ainsi, le 3ᵉ pays africain ayant l’un des taux les plus élevés d’approvisionnement en eau potable. Le pays occupe cette position derrière l’Égypte et le Botswana. Le classement a été établi sur la base de dix critères, à savoir : l’accès à l’eau potable, à l’assainissement, l’hygiène, la santé, la disponibilité de l’eau, l’efficacité et la qualité de l’utilisation de l’eau. Le classement se base également sur les infrastructures de l’eau, la gouvernance de l’eau et les risques de catastrophes liées à l’eau.
Si aujourd’hui, le Gabon grâce à ses nombreuses ressources en eau du fait notamment de son climat équatorial a pu atteindre ce classement, en Afrique, cela met en lumière les efforts consentis par les politiques de l’eau depuis 1960. Le Ministère de l’Énergie et des ressources hydrauliques a en charge la production de l’électricité sur l’ensemble du territoire gabonais à travers sa direction générale de l’énergie. La Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) a le monopole de la production, du transport et de la distribution de l’eau et de l’électricité sur l’ensemble du territoire.
Au niveau national, la principale source d’approvisionnement en eau est le robinet, situé soit dans la concession (29 %), soit dans le logement (21 %), soit chez le voisin (18 %). Ces trois sources sont suivies de loin par la Pompe publique/Borne fontaine (9 %) et le cours d’eau (8 %). Bien que 74 % des ménages gabonais utilisent le robinet comme principal source d’approvisionnement en eau, seul 34 % de l’ensemble des ménages dispose de son propre compteur, avec de fortes variations selon le milieu de résidence et la province (DGS, 2015, p. 168). Le tableau n°1 est un condensé de la situation de l’accès à l’eau potable dans les villes gabonaises. Libreville étant la principale ville avec près de 50% de la population totale du pays, cette description est très représentative de la situation qui prévaut dans la capitale.
Tableau n°1 Approvisionnement en eau potable dans les villes du GabonTableau 1
Source : Recensement Général de la population et des logements (RGPL), 2013 
Dans les quartiers Sotéga et Cocotiers, les principales sources d’approvisionnement en eau sont au nombre de cinq. Nous distinguons comme l’indique le tableau n°2 : le robinet dans la maison qui est en tête avec 58% des ménages, suivi des bornes fontaines ou pompes publiques (34%), puis nous avons le cas des ménages qui s’approvisionnent chez le voisin avec 6%. Les vendeurs ambulants d’eau sont également un moyen pour avoir de l’eau soit 1% des ménages comme nous pouvons le voir sur la photographie n°1. 
Tableau n°2 Les différentes sources d’approvisionnement en eau dans les quartiers Sotéga et Cocotier
Tableau 2
Source : enquête 2023, Ministère de l’Energie, de l’Eau et Banque Africaine de Développement, 2018
Photo n°1 Revendeur d’eau à Cocotier en train de remplir des récipients pour ses clients
Photo 1
Source : ADA et LONGO, 2023
A Sotéga comme au quartier Cocotier, nous avons des pompes publiques accessibles aux populations à toute heure de la journée (Photo n°2).
  Photo n°2  Pompe publique à Sotéga
Photo 2
Source : ADA ET LONGO, 2023
Dans les différents quartiers, les ménages utilisent différents types de récipients pour puiser l’eau et la stocker. Nous avons : des bidons de 5, 10, ou 20 litres ; des fûts en plastique ou métal de 100 litres, des cuves plastiques de 1000 litres (Photo n°3).
Planche photographique  Types de récipients utilisés pour le stockage de l’eau à Sotéga et Cocotier
        Photo n°3                       Photo n°4                 Photo n°5
Photo
SOURCE : ADA et LONGO, 2023
Depuis le début des années 2000, dans différents quartiers de la commune de Libreville (autant dans certains quartiers sous-intégrés que dans des quartiers dits planifiés) les populations doivent faire face à des contraintes énormes pour accéder aux sources d’eau potable. C’est particulièrement le cas dans le 2e arrondissement et dans les quartiers Sotéga et Cocotiers. Jusqu’en 2005, le quartier Sotéga ou est aménagé le château d’eau qui alimente plusieurs quartiers du 2e arrondissement, il n’y avait pas de problème d’accès à l’eau potable. C’est depuis l’année 2010 que nous avons commencé à enregistrer des coupures d’eau jusqu’à ne plus en avoir du tout selon certains riverains. Cela s’explique notamment par le fait que le château d’eau n’est plus fonctionnel (Photo n°6).
Photo n°6  Château d’eau de Sotéga dans le 2e arrondissement
Photo 6
Source : ADA et LONGO, 2023
Coupures permanentes ou intempestives, approvisionnement en eau dans d’autres quartiers, impossibilité de se fournir en eau potable faute de pression, voilà la dure réalité qui s’offre aux populations des quartiers Sotéga et Cocotiers. Des familles viennent s’approvisionner en eau dans des espaces équipés de borne fontaines comme c’est le cas ici à Cocotier sur la photographie suivante. Pour faciliter le transport jusqu’au domicile, l’usage de la brouette est très fréquent comme l’indique la photo n°7.
Photo  n°7 Ravitaillement en eau dans une pompe publique au quartier Cocotier
Photo 7
Source : ADA et LONGO, 2023
Il n’est pas rare d’apercevoir des véhicules chargés de bidons ou des familles entières avec des récipients allant à la recherche du précieux liquide. Certains ménages sont obligés de se lever tard dans la nuit afin de remplir les tonneaux, bidons et autres récipients, à des heures où ils devraient être couchés car l’eau arrive seulement à ces heures-là (entre minuit et 5h du matin.  La force physique des populations est sollicitée lors des corvées et lorsque les véhicules individuels sont sollicités, les frais de réparation de véhicules augmentent considérablement les dépenses des ménages. Les ménages non connectés au réseau et n’ayant pas un accès à une borne fontaine se ravitaillent en eau potable avec des bidons de 20 litres, des futs de 100 l et des cuves d’eau de 1000 litres auprès des revendeurs (Photo n°8).
Photo n°8 : Cuve de 1000 litres servant au stockage de l’eau à Cocotier
Photo 8
Source : ADA et LONGO, 2023
Face aux difficultés quotidiennes d’accès à l’eau potable des populations du Grand-Libreville, le gouvernement et ses partenaires recherchent des solutions appropriées. C’est dans ce contexte que le ministère de l’Énergie et des Ressources hydrauliques a indiqué, le 26 janvier, que 77 milliards de francs CFA ont été mobilisés pour apporter des solutions viables à l’approvisionnement en eau du Grand-Libreville. Cette mesure impactera 350.000 ménages dans l’ensemble du Grand Libreville, à court et moyen termes (www.gabonreview.com/gabon).

2.3 Situation sanitaire des enfants de moins de cinq ans à Libreville dans le contexte urbain actuel

Le Plan National de Développement Sanitaire 2017-2020 est l’unique cadre référentiel des stratégies et interventions. Son objectif général est d’améliorer l’état de santé et le bien-être des populations notamment les plus démunies. Il s’articule autour des 9 axes stratégiques dont entre autre: la promotion de la santé à toutes les étapes de la vie, le renforcement de la lutte contre les maladies transmissibles infectieuses et parasitaires, etc.
La mortalité juvénile estimée à 65 décès pour mille naissances (65‰) et la mortalité néonatale estimée à 26 décès pour mille naissances (26‰), soit 46% de la mortalité des enfants de moins de cinq ans, ont pour premières causes le paludisme (29%), la rougeole (18%) et la prématurité (15%).61% (EDS, 2012, p. 6). Ainsi, de nombreux facteurs contribuent à la mortalité infanto-juvénile au Gabon, notamment des maladies telles que le paludisme, la rougeole, et la malnutrition en raison du faible taux d'allaitement maternel exclusif et un régime alimentaire post-natal faible.
La situation de la mortalité des enfants de moins de 5 ans est en nette amélioration.
Les chiffres les plus récents (Enquête Démographique et de Santé, 2012, p. 7) indiquent une baisse de 31% de la mortalité des enfants de moins de 5 ans qui est passée de 94,4 à 65 décès pour 1000 naissances vivantes entre 1990 et 2012.
La mortalité infanto-juvénile est encore élevée au niveau national. En effet, sur 1 000 naissances vivantes, 43 meurent avant d’atteindre leur premier anniversaire (26 entre 0 et 1 mois exact et 16 entre 1 et 12 mois exacts) et sur 1 000 enfants âgés d’un an, 23 n’atteignent pas leur cinquième anniversaire. Globalement, le risque de décès entre la naissance et le cinquième anniversaire est de 65 pour 1 000 naissances vivantes. La comparaison des résultats avec ceux de l’enquête précédente révèle que les niveaux de mortalité des enfants ont baissé depuis 2000 (EDS, 2012, p. 7).
La mortalité des enfants de moins de cinq ans reste une préoccupation majeure au Gabon où encore 26 enfants sur 1000 meurent durant les 28 premiers jours de la naissance et 43 enfants sur 1000 meurent avant d’avoir atteint 1 an.
D’autres facteurs peuvent également être pris en compte pour expliquer les causes de mortalité infantile dans le grand Libreville. En effet, le manque d’assainissement dans de nombreux pays en développement est un véritable fardeau pour la santé de la population. L’absence d’infrastructures adéquates d’assainissement augmente le risque de contact avec les excréta, qui sont souvent des vecteurs d’organismes pathogènes dangereux pour la santé humaine (M. Seidl, 2016, p. 6).
En effet, les enfants meurent de maladies que l’on peut éviter comme le paludisme, les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires aiguës, les parasitoses (amibiase, helminthiases) et la rougeole. Le Gabon devrait faire davantage d’efforts en mettant en œuvre son Plan National de Développement Sanitaire (2011-2015) pour réduire le poids de ces maladies qui représentent à 90%, les principales causes de mortalité des enfants. (PNUD, 2015).
Les villes du sud présentent un risque élevé de maladies non transmissibles. En effet, les fortes densités de populations associées à une mauvaise hygiène du milieu favorisent le maintien de pathologies non transmissibles. C’est vrai pour les maladies à transmission vectorielle (paludisme, etc.). Ces maladies se répandent en ville selon des modalités spatiotemporelles originales (G. Salem, F. Fournet, 2018, p. 228). Comme l’indique le tableau n°3, à l’échelle nationale, le paludisme, les diarrhées et les gastro-entérites sont en tête des causes d’hospitalisation chez les enfants de moins de 5 ans. Ces affections ont un lien étroit avec la qualité de l’eau consommée et les conditions d’assainissement. En effet, un environnement insalubre (hautes herbes, stagnation des eaux usées, dépôt sauvages d’ordures ménagères) est un terrain favorable au développement du paludisme et des maladies diarrhéiques.
Tableau n°3 Les affections infantiles au niveau national
Tableau 3
Source : Ministère de la Santé, Annuaire statistique, 2020
Le tableau n°3 nous permet de suivre l’évolution des différentes affections infantiles au niveau national dues au problème d’eau. Notons toutefois que le paludisme est en tête de liste suivi des diarrhées aiguës, gastro-entérite et des bronchites.
Par rapport à ce tableau, nous pouvons avancer que le problème lié à la distribution de l’eau potable au Gabon entraîne beaucoup de difficultés parmi lesquelles ; la consommation des eaux précaires non (traitées) par les populations locales avec des graves conséquences sur la santé comme l’indique le tableau ci-dessus. 
Comme le montre le tableau n°4 le paludisme la première cause de décès chez les moins de 5 ans et parallèlement suivi des maladies diarrhéiques principalement causées par une eau insalubre et une mauvaise hygiène sur l’ensemble du territoire gabonais. Les problèmes d’eau amènent les populations à stoker de l’eau dans les futs et les seaux sans couvercles qui deviennent des gîtes larvaires. La création de ces gites influe sur la dynamique de certaines maladies telles que le paludisme et certaines maladies infectieuses et parasitaires en particulier chez les enfants de cette tranche d’âge qui sont les plus vulnérables.
Tableau n°4 Les causes de mortalité infantile au niveau national
Tableau 4
Source : Ministère de la Santé, Annuaire statistique, 2020
Les données nationales se confirment dans la province de l’Estuaire et particulièrement dans le Grand Libreville où l’on peut constater que le paludisme sévit dans la capitale et ses communes périphériques comme l’indique le tableau ci-dessous.
Tableau n°5 : Cas de paludisme déclaré dans la région sanitaire de l’Estuaire
Tableau 5
Source: Ministère de la Santé, Annuaire Statistique, 2020
Le paludisme règne à l’état hyper endémique continu dans le temps et domine toute la pathologie du Gabon. Le plasmodium vivax est le plus fréquent et il parasite surtout les hématies jeunes. Dans cette zone d’endémicité palustre, les enfants de moins de 5 ans sont particulièrement sensibles et peuvent faire des formes graves de paludisme (SNOW et al. , 2001). Par ailleurs, les chiffres sont à relativiser parce que certains parents préfèrent de l’automédication. 
Les principales affections qui touchent les enfants de moins de 5 ans dans la région de l’Estuaire et dans le grand Libreville sont à l’image des tendances nationales comme l’indiquent les tableaux n°5 et 6. Le paludisme et les maladies diarrhéiques sont en tête comme sur le plan national. Nous voyons également apparaitre les maladies cutanées comme la gale qui a un lien très étroit avec les certains problèmes environnementaux qui incluent une eau et un assainissement inadéquats.
Tableau n°6 Les affections des enfants dans le Grand Libreville

Tableau 6

Source : Ministère de la santé, Annuaire Statistique, 2020

Conclusion

A l’échelle nationale comme dans la commune de Libreville, les enfants de moins de cinq (5) sont touchés par trois types d’affections, à savoir : le paludisme, les diarrhées et gastro-entérites, les bronchites. Ces affections sont les principales causes de mortalités chez les moins de 5 ans.  Ces maladies infantiles ont un lien étroit avec la qualité de l’eau consommée. Dans les quartiers sous-intégrés de la commune de Libreville et notamment dans ceux du 2e arrondissement, les enfants sont les premières victimes des défaillances observées dans l’approvisionnement et le stockage de l’eau potable. Face à la croissance constante de la population et à l’étalement de la ville, une meilleure maitrise de l’urbanisation par les pouvoirs publics associés à l’action des ONG et association est nécessaire. Les résultats obtenus montrent que les affections qui touchent les enfants de moins de cinq ans ont un lien avec la qualité de l’eau, mais il serait également pertinent d’examiner dans nos prochains travaux, les liens avec les conditions d’assainissement pour que l’étude soit complète.

Références

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TUO Péga, COULIBALY Moussa, AKE Djaliah Florence Epse Awomon, TAMBOURA Awa Timité, ANOH Kouassi Paul, 2016, « Ordures ménagères, eaux usées et santé de la population dans la ville de Daloa (Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire) », REGARDSUDS, Revue de Géographie, d'Aménagement Régional et de Développement des Suds, pp 192-213.
https://www.gabonreview.com/gabonGabon : 77 milliards pour l’amélioration de l’accès à l’eau potable dans le Grand-Libreville | Consulté le 12 septembre 2022. |

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Publié

31 Juillet 2023

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2023,, mis en ligne le 31 Juillet 2023. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=295

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