3 |GESTION DES DECHETS MENAGERS SOLIDES A OYEM AU NORD DU GABON
MANAGEMENT OF HOUSEHOLD SOLID WASTE IN OYEM, NORTHERN GABON
Mots-clés:
Gestion| Déchets ménagers solides| quartiers sous-intégrés| Oyem| Hotel de ville|Résumé
La collecte des déchets municipaux solides au Gabon constitue l’une des préoccupations des municipalités. La ville d’Oyem est confrontée à de sérieuses difficultés de gestion des déchets surtout dans ses quartiers sous-intégrés. Les principales causes de cette prolifération des ordures sont l’augmentation de la population, une urbanisation mal maitrisée, un recul majeur des politiques publiques en matière de production de la ville avec en son corollaire une demande sans cesse croissante des biens de consommation qui ont favorisé l’augmentation de la production des ordures par habitant. Les principaux résultats montrent qu’en l’absence d’une collecte des ordures ménagères dans ces quartiers, les populations ont recours à la « débrouille » pour évacuer et éliminer les ordures qu’ils produisent. Or, ces méthodes qui sont l’enfouissement, le brûlage ou l’abandon des ordures menacent le cadre de vie des populations. De ce fait, pour mener à bien cette recherche, notre travail s’appuie sur l’exploitation des documents qui traite de la question des déchets solides au Gabon en particulier et à l’échelle mondiale en générale, l’usage d’un questionnaire auprès 300 ménages dans la ville et enfin des entretiens semi-dirigés auprès des acteurs locaux en charge de la question de la gestion des déchets, en tête desquels la Municipalité d’Oyem.
Introduction
La croissance de la population urbaine dans le monde constitue à l’évidence, un défi majeur du XXIème siècle. Selon, l’ONU habitat, on estime qu’en 2030 le monde comptera 5 milliards de citadin, soit 60% de la population. Les conséquences liées à cette dynamique démographique sont nombreuses, par exemple dans les pays en voie de développement la question de gestion des déchets se pose avec beaucoup d’acuité. Depuis l’accession du Gabon à l’indépendance, sa population n’a cessé de croître. Elle est passée de 447. 864 habitants en 1960 à 1. 014. 976 habitants en 1993, puis à 1. 811. 079 habitants en 2013 (RGPL, 2013, p. 50). L’effectif de la population a ainsi été multiplié par 4 en 53 ans (RGPL, 2013, p.50). Cette augmentation démographique tient au double effet de sa natalité et de l’immigration qui a fait suite au boom pétrolier. Sur le plan démographique, Oyem est la quatrième ville du Gabon par sa taille et les activités qu’elle abrite. Depuis l’ascension à l’indépendance du Gabon, la ville a connu une augmentation rapide de sa population qui est passé de 22. 404 habitants en 1993 à 60. 685 habitants en 2013 (RGPL, 2013). Avec une extension du tissu urbain qui se manifeste par l’augmentation des quartiers, au début des années 1990 la ville comptait 17 quartiers et en 2013 elle en compte 28 soit une augmentation de 11 quartiers en 20 ans. En 2023 la banque mondiale estimait sa population à 80.000 habitants soit 4 fois la population au début des années 1990, alors qu’elle compte désormais 34 quartiers selon les autorités en charges de la municipalité. Corolairement à la croissance de sa population, la ville connait depuis quelques années une croissance galopante incontrôlée qui se manifeste par la multiplication des constructions irrégulières avec la création des quartiers sous-intégrés dépourvu des services urbains de base. Ainsi, ces deux phénomènes sont à l’origine de certaines difficultés que font face les ménages de la ville, dont la collecte des ordures ménagères qui demeure le service urbain le plus emblématique de la municipalité.
De ce fait, l’objet de notre étude est la gestion des ordures ménagères dans les quartiers sous-intégrés de la ville avec une prolongation sur les quartiers urbanisés pendant la phase d’aménagement de 1978. Notre réflexion s’intéresse aux quartiers du fait de leur accès difficiles, ainsi que la forte densité des habitations et de l’insuffisance des équipements de collecte des ordures qui les caractérisent, et qui se manifeste par, la multiplication des décharges sauvages le long des routes, les rejets d'ordures ménagères dans les ruisseaux, dans la broussaille et le long des routes ce qui crée un environnement malsain et insalubre. En 2019, par exemple la ville produisait près de 42 tonnes de déchets solides par jour, soit 1.260 tonnes par mois ce qui équivaut à 52. 920 tonnes de déchets par an (A. Bivegue, 2020, p. 65), or, la municipalité ne transfère que 30m³ des déchets solides par jour soit 900m³ par mois. En d’autres termes seulement 2% de la production des déchets solides issus des ménages vont à la décharge municipale à ciel ouvert de la ville.
Méthodologie
1. METHODOLOGIE
1.1. Domaine d’étude
Le Gabon est situé en Afrique centrale et traversé par l’équateur. Au nord, il a comme voisins la République du Cameroun et de Guinée Equatoriale. A l’Est et au Sud, le pays a une limite commune avec le Congo Brazzaville et toute sa façade ouest est baignée par l’océan Atlantique. Dans la partie Nord du Gabon, se trouve Oyem, chef-lieu et capitale administrative de la province du Woleu-Ntem. Erigée en commune de plein exercice depuis 1963 (par décret Nᵒ 2444/PR/MI-TC du 23 Avril 1963). Oyem a une superficie de 6. 594 ha comprise entre 1ᵒ37’00’’ de latitude Nord et 11ᵒ33’00’’de longitude Est, et limitée au Nord par le village Akok, au Sud par Ewormekok et à l’Ouest par Andome-Odzip. La ville oscille à une altitude moyenne de 600m et se subdivisé en 2 arrondissements (carte n°1).
Carte n° 1: Localisation de la ville d’Oyem
1.2. Données et Méthodes
Pour traiter ce sujet, nous avons suivi les principales phases méthodologiques de la recherche (H. Gumuchian et C. Marois, 2000, p. 97). Il s’agit d’un modèle opérationnel qui se compose d’une phase de collecte des informations et des données, puis du choix des outils des techniques d’analyse des éléments recueillis sur le terrain et de leur interprétation (D.D.Madebe, 2020, p.20). Pour la recherche documentaire, nous avons eu recours aux articles disponibles en ligne, ces documents ont été complétés par la consultation d’ouvrage à la bibliothèque universitaire, à l’Institut Français de Libreville et les archives des directions du cadastre et de l’hôtel de ville d’Oyem. Pour la collecte des données de terrain, ce travail s’appuie sur l’exploitation d’une base de données recueillis auprès de 300 ménages de la ville et des entretiens semi dirigés auprès des acteurs locaux en charge de la question des déchets solides dans la ville d’Oyem. Enfin, ce travail de terrain a été finalisé par une synthèse des informations relevées et une analyse des données. Pour ces phases, quelques outils d’analyse en géographie ont été utilisés notamment QGIS pour cartographier certaines informations.
Résultats
2. RESULTATS
2.1. Evolution de la gestion des ordures à Oyem
Gérer les déchets, c'est chercher à en produire moins ; ensuite c'est valoriser les matières qu'ils contiennent, et enfin, c'est les éliminer de manière sûre pour l'environnement. La gestion des déchets solides comprend selon le (PNUE, 1990), les étapes suivantes : 1. le conditionnement ; 2. la collecte ; 3. le transport ; 4. l'évacuation ; 5. la mise en décharge (contrôlée ou sauvage). Ce sous-point met en évidence les différentes phases de l’évolution de l’activité de collecte à Oyem.
2.1.1. Des débuts laborieux
Le service de collecte des déchets a été relativement institué au Gabon par les autorités coloniales vers la fin des années 1950. Comme dans l’ensemble des villes du Gabon, pendant la période coloniale l’activité de collecte des déchets solides ne concernait uniquement que les quartiers occupés par les européens. Dès 1960, l’administration post-coloniale fait de la collecte des déchets une priorité d’abord à Libreville et dans les grandes villes du pays comme Port-Gentil. À Oyem, jusqu’à la fin des années 1990, ce sont les méthodes d’auto-évaluation des déchets solides ancrées dans les pratiques culturelles ancestrales (fumoir à l’arrière-cours des habitations) qui prédominent. La collecte formelle des déchets solides ne concerne que la cité administrative, c’est à dire la ville blanche. Cette activité de collecte consistait à rendre le centre administratif propre à travers le nettoyage des rues, mais pas de collecte dans les quartiers d’habitations. Jusqu’à présent le fonctionnement de la collecte des déchets est assuré par l’Etat par le biais du ministère des Travaux publics.
Dès 1996, avec la loi 96 portant sur la décentralisation des pouvoirs, les communes sont dotées de pouvoirs plus grands sur le plan administratif, économique, financier et social (A. Nzoughe, 2006, p. 3.). Oyem commune de plein exercice peut désormais organiser l’activité de collecte des déchets que ces habitants produisent.
Ainsi, dès 1998, la municipalité d’Oyem lance ses premières opérations de collecte des déchets solides dans quelques quartiers du centre-ville. Mais, faute de moyen financier et matériel pour satisfaire une population urbaine de plus en plus grande additionnée à un réseau de voirie lâche. Elle ne se contente que de rendre la ville emphase sur la beauté esthétique. Notamment avec une collecte des déchets qui ne touche que le centre-ville et les principales artères de la ville comme les quartiers Vallée-sud, Adzougou et Akouakam. Les débuts de l’activité de collecte des ordures ménagères à Oyem sont laborieux en ce sens où elle n’était pas effective sur l’ensemble du périmètre urbain et même dans les quartiers ou l’activité était présente, elle ne touchait que les ménages en bordure de route bitumée.
2.1.2. L’apport de la coopération internationale
Quatre (4) ans après le début de la collecte des déchets par la Municipalité, cela ne se fait pas ressentir par l’ensemble de la population de la ville. En d’autres termes, elle n’observe aucune évolution dans l’enlèvement des déchets produit quotidiennement. La municipalité ne parvient toujours pas à satisfaire une population désormais à 40 000 Habitants (Rgpl, 2003).
Ainsi, grâce à la coopération internationale décentralisée, en 2002 la ville d’Oyem signe un partenariat de coopération avec la ville de Clermont-Ferrand. Grâce à ce partenariat, la collecte des déchets prend une autre dimension. D’abord, elle s’étend désormais sur plusieurs quartiers de la ville avec le renforcement de plusieurs points d’apports volontaires et des moyens roulants adaptés à l’activité de collecte des ordures. Dans les détails, le partenariat permet à Oyem de bénéficier de 5 bennes usagées, plusieurs bacs à ordures et des camions bennes spécialisés dans la collecte des ordures. Avec ces nouveaux équipements, la municipalité met en place un dispositif de 86 bacs en 16 points d’apport volontaire qui a permis jusqu’en 2008 une bonne organisation de la collecte des déchets bien que circonscrit sur les voies accessibles en toutes saisons. Mais, avec des moyens toujours pas suffisants de la municipalité et une coopération qui n’est plus effective du fait de la mauvaise gestion des biens par certains responsables municipaux, les dons de la coopération sont devenus défectueux et les bacs à ordures ont disparu peu à peu dans la ville à travers également les comportements inciviques des populations de la ville. Ainsi, en 2009, la ville d’Oyem replonge dans la tourmente avec des ordures ménagères que l’on peut observer le long des voies carrossables et dans les parties reculées de la ville.
2.1. La gestion des ordures sous le prisme de la décentralisation
Avec le changement de gouvernance que le Gabon va connaitre en 2009, la Municipalité cède à nouveau l’activité de collecte des ordures à l’Etat Gabonais qui confie l’activité à Gabon Propre Service (GPS). Désormais la collectivité a pour mission l’accompagnement de GPS dans son activité de collecte des déchets. Or, la décision de privatiser la gestion des déchets solides à Oyem, n’est pas à la hauteur de l’attente des populations, l’espoir d’une collecte des déchets ménagers solides sur l’ensemble du périmètre urbain d’Oyem ne dure que quelques années.
En effet, dès sa prise d’activité, GPS utilise le même circuit de collecte des déchets de la municipalité qui était désormais à huit PAV et ne l’améliore pas. Bien au contraire, avec les grèves continuelles de GPS dues au retard de payement de la location allouée par l’Etat et son matériel technique très limité des années passent mais le constat est le même, Oyem croupi dans l’ordure comme en témoigne une coupure de presse du quotidien gabonais l’Union. La question de la collecte des déchets dans la ville devient de plus en plus préoccupante. En 2020, l’Etat annonce la fin des prestations de GPS et cède à nouveau la collecte des ordures ménagères à la Municipalité. Mais comme dans ces débuts, aujourd’hui elle peine à satisfaire les populations et à couvrir l’ensemble du périmètre urbain. Le sous point qui suit révèle le niveau de gestion des déchets de nos jours.
2.1.1. Fréquence et réseau de collecte des ordures ménagères : deux déterminants de l’inefficacité du service municipal de collecte des ordures à Oyem
La fréquence de collecte est le baromètre qui permet de ressortir l’efficacité ou l’inefficacité des acteurs en charge de la collecte. Une collecte régulière des ordures est égale à un cadre de vie propre et un paysage urbain sain, l’inverse donne lieu à la prolifération des ordures et à rendre la ville insalubre. De plus il témoigne de l’absence du service et de son inefficacité à répondre aux besoins sans cesse croissante de la population.
Ainsi, selon les acteurs en charge de la collecte des déchets ménagers dans la ville, la qualité de la route est le principal critère pris en compte, pour installer à un endroit de la ville les points d’apports volontaires. Il est évident que la proximité de ces points est déterminante pour qu’un ménage évacue aisément les déchets qu’il produit. De ce fait, la cartographie des lieux où sont installés les différents points d’apport volontaire de la ville révèle une répartition déséquilibrée des différents équipements dans l’espace étudié, en d’autres termes la ville ne dispose que de sept (7) sites où la municipalité collecte les ordures ménagères. Les quartiers où sont installés ces équipements sont entre autres : Akouakam 1 au lieu-dit carrefour Manguier, Vallée-Sud au lieu-dit centre-ville, à Monaco près du carrefour la Foire, à Eyenassi, à Adzougou, à la Cité économique et enfin à Ngouema près du Marché et de la cité résidentielle. Tous ces quartiers ont soit subit les rénovations de 1978 ou ont été créé avant 1990. Ainsi, la fréquence de collecte des ordures concerne les quartiers installés à proximité de ces points d’apport volontaire. Dans le détail, seulement 10 quartiers sur 32 de la ville sont concernés par l’activité de collecte. Ce qui équivaut à un taux de couverture de 31% à l’échelle du total général des quartiers de la ville. Sachant que la population de la ville d’Oyem est estimée à 80 mille habitants, nous pouvons déduire que (1) PAV couvre une population de 11 428 habitants et au km² nous avons un (1) pour une superficie de 8,57 km² ce qui équivaut à un (1) PAV pour cinq (5) quartiers en moyenne. Ce chiffre montre l’insuffisance du réseau des équipements de collecte des ordures à Oyem. La carte n°2 ci-dessous présente les différents points d’apports volontaires à Oyem.
Carte n°2 : Spatialisation des Points d’apports volontaires dans la ville d’Oyem
Par ailleurs, la fréquence de collecte des ordures ménagères dans notre analyse est la combinaison de nos observations pendant un (1) mois sur les différents PAV et la fréquence déduit par les ménages de ces quartiers. Ainsi, dans ce sous point, nous mettons en évidence la fréquence de collecte des déchets à travers ces (2) deux indicateurs. La figure (1) ci-dessous met en relief la fréquence de collecte des déchets d’après les ménages dans les différents points d’apport volontaire de la ville.
Figure n° 1 : Fréquence de collecte des déchets dans les différents points d’apports volontaires
Source : enquête de terrain, Mai 2023, réalisation : André Géraud Bivegue, 2024.
Selon la figure 1 ci-contre, la fréquence de collecte des déchets, est plus régulière dans les points de collecte des quartiers Monaco et Akouakam. Elles représentent 55,56% pour Akouakam 1 et 81,82% pour Monaco. C’est à dire que ces points bénéficient d’une collecte régulière des déchets solides. A l’inverse, pour la catégorie « ramassage inexistant », elle prédomine dans les points d’apport volontaire des quartiers Cité-économique (83%), Adzougou (81%), Ngouema (77%), Eyenassi (83%) et Vallée-Sud (66,67%). Ainsi, les ménages de ces quartiers ont le plus recours à des pratiques informelles d’élimination des ordures ménagères (dans un cours d’eau, brûlé, enfouir). Dans ces quartiers, nous pouvons observer un entassement des déchets le long des voies de circulation et dans les différents points d’apport volontaires. Le constat est également le même dans les points d’apport volontaire d’Eyenassi et de la Cité-économique. L’une des particularités des PAV non desservies est qu’ils se trouvent à l’intérieur des quartiers sur des voies non carrossables. Ce qui montre que la municipalité accorde plus d’intérêt à la voirie bitumée. Dans l’ensemble, la fréquence de collecte des déchets dans les différents points d’apport volontaire de la ville est irrégulière c’est-à-dire que ces différents points ne bénéficient que d’un ramassage par semaine.
Par ailleurs, l’analyse de l’état de saturation des ordures ménagères dans les différents points d’apport volontaire permet de faire une corrélation entre les résultats obtenus d’après les enquêtes de terrains et nos observations. Rappelons que nous avons fait une observation dans ces points durant (1) mois. La planche 1, présente l’état de saturation des PAV de la ville à la dernière semaine de nos observations.
Planche n° 1: Etat de saturation dans les différents PAV de la ville
Source : enquête de terrain, Mai-Décembre2023, cliché : André Géraud Bivegue.
2.2.2. L’avènement d’une gestion informelle des ordures : le résultat d’une fréquence de collecte irrégulière
Le Rapport de diagnostic préliminaire de la ville d’Oyem (2019) affirme, que près de la moitié de la quantité des déchets ménagers solides produite par les citadins sont difficilement ramassés par le service public en place, est-ce parce que les citadins ne les déposent pas aux endroits indiqués ? De ce fait, il est question dans ce sous point, de savoir si les ménages enquêtés au cours de nos enquêtes de terrain se débarrassent des déchets ménagers solides en ayant recours à un point d’apport volontaire ou s'ils procèdent à une évacuation par auto-élimination. Ainsi, la planche 2, révèle les pratiques utilisées pour évacuer les déchets qu’ils produisent dans les quartiers du groupe 1 et 2 (secteur urbain).
Planche n° 2 : Différenciation spatiale des modes d’évacuation des déchets par les ménages à Oyem selon les quartiers du secteur urbain 1
Source : Enquête de terrain, mars-mai, 2023, réalisation : André Géraud Bivegue, 2023.
A la lecture de la planche 2, la faible disponibilité des PAV dans la ville, selon les précédentes illustrations et les conclusions du SDAU (2021), ont exercé une influence sur le choix dominant du mode d’évacuation des déchets solides chez les ménages. En effet, les quartiers où il y a au moins un équipement sont ces quartiers où le mode d’évacuation formel est dominant. C’est le cas du quartier Monaco où plus de la moitié des ménages interrogés ont recours à l’usage formel soit 64%, même constat pour le quartier Akouakam 1 avec plus de 60% des ménages qui évacuent par le mode d’usage formel. A l’inverse, le quartier Mekom Nkodjè est l’unique quartier où l’ensemble des habitations enquêtées utilisent l’usage informel d’évacuation des déchets. Cette situation conforte notre hypothèse car ce quartier est dépourvu d’équipements de collecte des ordures ménagères. Autre fait le quartier Adzougou qui bénéficie d’un point d’apport volontaire dans sa partie commercial à une population qui a recours à 91% à l’usage informel des déchets ménagers solides. Cette situation se justifie du fait que ce quartier est l’un des quartiers de la ville ou nous avons des habitations avec un accès limité à la route de plus il est le quartier du centre-ville qui n’a connu aucune rénovation urbaine. Quand est-il du secteur urbains 2 qui regroupe les quartiers mitoyens du groupe 1 ? La planche photographique qui suit met en évidence le mode d’évacuation des ordures ménagères dominant dans ce secteur.
Contrairement au groupe 1, le groupe 2 ne présente aucun quartier où la pratique formelle d’évacuation des ordures est supérieure à 30%. En effet, la part des ménages qui évacue les déchets par la pratique de l’usage formel soit 9% dans le groupe 2, est plus petite que le pourcentage obtenu dans le secteur 1 soit 24%. Mieux, dans le groupe 2 la pratique de l’usage informel est la plus répandue soit 81% du total général du secteur. Deux quartiers dans le groupe 2 ont des valeurs supérieures à 95% c’est le cas de la Cité Economique et Eyenassi où quasiment la totalité des ménages enquêtés évacuent les déchets par l’usage informel. Mais contrairement à la tendance générale, nous avons des quartiers où la pratique de l’usage formel est supérieure à 15%. C’est le cas du quartier Ngouema (25%) et Mekaga (17%). Contrairement au pourcentage obtenu dans les quartiers du premier secteur, dans ce secteur, les taux ne varient quasiment pas. La pratique de l’usage informel est prédominante à plus de 75% dans ces quartiers du groupe 2. C’est le cas d’Essong (89%) et Mekaga (83%).
En conclusion, que nous soyons dans le groupe 1 ou dans le groupe 2, l’usage qui prédomine est la pratique informelle. L’essentiel des ordures ménagères issues des habitations est évacué dans la nature. La planche (3) ci-dessous illustre les différentes pratiques d’auto-élimination des déchets à Oyem.
Planche n°3 : Les différentes pratiques d’auto-élimination des déchets ménagers à Oyem
Source : Enquête de terrain novembre, 2023, cliché : André Géraud Bivegue, 2023.
2. Facteurs d’aggravation et solutions pour une gestion concertée des déchets ménagers à Oyem
Ce sous point met en évidence les facteurs d’aggravations de la mauvaise gestion des déchets ménagers à Oyem et propose par la suite des pistes de solutions pour une sortie de crise.
2.1. Les difficultés autour de la gestion des déchets solides à Oyem
La collecte des déchets solides à Oyem souffre des difficultés d’ordre technique notamment, les équipements et le personnel, mais également financier avec un budget jugé parfois insuffisant face à l’accroissement de la population qui contraint la municipalité à plus d’investissement. Ce sous point met en évidence le niveau d’équipements, les moyens roulant et la fréquence de collecte dans les différents points d’apport volontaire de la ville.
2.1.1. Les moyens roulants
La municipalité a prévu pour la collecte et l’élimination des déchets un budget de trois millions (3.000.000 FCFA) pour l’exercice de l’année 2023, soit 0, 40% de son budget total pour une ville qui comprend trente quartiers et un peu plus de 80 mille habitants (Banque mondiale, 2020). Or, pour la collecte des déchets municipaux solides, la municipalité ne dispose que de deux camions bennes en bon état. Le reste des engins roulants est, soit complètement détruit, soit en attente d’un possible entretien mécanique. Ce problème entraîne une conséquence immédiate sur l’efficacité de la collecte des déchets ménagers solides dans la ville. Pour les agents municipaux, c’est la principale cause de l’entassement des déchets dans les différents PAV de la ville. Par ailleurs, ces engins ne sont pas adaptés à la collecte des ordures ménagères. En d’autres termes, les camions utilisés pour la collecte des ordures à Oyem ne sont pas des camions bennes spécialisés dans l’activité de collecte des ordures ménagères comme nous pouvons l’observer dans les grandes villes.
2.1.2. Les contraintes urbanistiques
Outre les difficultés techniques et financières auxquelles font face la municipalité d’Oyem, nous avons des contraintes urbanistiques qui relèvent de la puissance de l’Etat central. Ce sous point met en évidence ces contraintes urbanistiques qui pèsent sur l’activité de collecte des ordures ménagères à Oyem.
-
Les voiries de la ville
Le réseau de voirie de la ville d’Oyem est estimé à 58 km dont 37 km de route bitumée soit 64% et 21 km soit 36% de route non bitumée, il est rattaché à plusieurs pistes inondables et des sentiers tortus. Cette réalité fait que la moitié des logements de la ville n’ont pas un accès direct à la route. D’après le Direction de l’Observatoire urbaine en 2020, seul 15% des ménages ont ce privilège. Les 37 km de route bitumée ne concernent que la couronne de quelques quartiers du centre-ville (Akouakam, Monaco, Mont-Myélé) alors que la périphérie qui représente la cité dortoir de la ville n’a aucun quartier avec une route revêtue de bitume.
-
L’occupation anarchique des terres
Les contraintes qui pèsent sur la collecte des déchets ménagers solides à Oyem sont aussi dues à une politique de planification urbaine mal maitrisée qui se traduit par une sorte de « laisser-faire » dans l’installation des populations, lesquelles procèdent à des constructions anarchiques dans des zones non aménagées par les acteurs en charge de politique de production urbaine. Dans une ville où règne la complaisance entre population et autorité municipale. Plusieurs populations se sont installées dans des zones difficiles d’accès d’abord au centre-ville. Puis dans les anciens villages mitoyens à la ville devenue des nouveaux quartiers par décision du conseil municipal d’abord en 1996 puis en 2018 et qui n’ont pas été préparé à accueillir une population urbaine.
Or, ces nouvelles zones d’habitation ne bénéficient d’aucun équipement de collecte des déchets. En réalité, elles ne correspondent guère à la programmation de collecte des ordures élaborée par la municipalité. Ainsi, dans ces conditions, les habitants de ces quartiers sont contraints de trouver des méthodes alternatives d’évacuation et d’élimination des déchets qu’ils produisent. En définitive, l’essor d’un habitat spontané à Oyem pose deux types de problèmes. Le premier est d’ordre technique et financier, car l’absence de voirie et de lotissement empêche toute réalisation matérielle d’un réseau de collecte des ordures ménagères. Le second renvoie à la santé publique, car la multiplication des dépôts sauvages crée la promiscuité et contribue à la propagation des maladies telles que le paludisme et les maux de ventre.
2.2. Vers une gestion concertée des déchets ménagers à Oyem
Pour une gestion cohérente de la collecte des ordures ménagères à Oyem, il est urgent de prendre une série de décisions qui peut entrainer à une amélioration de l’activité de collecte et réduire par la même occasion les dégradations sur de l’environnement. Elle passe notamment par la réorganisation des différents intervenants, du renforcement du matériel roulant et du dispositif de collecte des ordures.
2.2.1. Les parties prenantes et la stratégie d’intervention
-
Les parties prenantes
Pour une meilleure organisation de la gestion des ordures ménagères à Oyem, il est plus qu’urgent de réduire la chaine de décision. Premièrement, nous pensons que l’Etat gabonais doit entièrement céder la gestion des déchets à la municipalité et garder uniquement les prérogatives d’organe de contrôle et dans le cas échéant de subventionner l’activité. De ce fait, comme partie prenante, nous proposons l’échelle de décision suivante :
Tableau n° 1: Proposition des intervenants dans la gestion des déchets ménagers solides
Réalisation : André Géraud Bivegue, 2024.
Pour éviter des chevauchements sur le terrain, la stratégie d’intervention est définie d’après le sous point suivant :
-
La stratégie d’intervention
L’analyse faite dans le cadre de notre recherche montre que les quartiers d’habitat spontané sont ceux où les populations ont le plus de mal à évacuer les ordures quelles produisent. Bien qu’il ne soit pas mis en évidence dans les propos précédents. Nous avons également fait le constat d’un savoir-faire local. Qui malgré les contraints urbanistiques et physiques qui se heurtent à lui arrive néanmoins, à satisfaire certains ménages de ces quartiers difficiles d’accès et oublier par le service de collecte des ordures ménagères de la municipalité. Ainsi, pour une gestion concertée de la collecte des ordures à Oyem, nous proposons une stratégie qui est le fruit de la combinaison de ces facteurs et qui cherche le plus possible à s’adapter au contexte local comme l’exige l’un des objectifs de la ville durable. La stratégie obéit donc à deux échelles d’intervention selon les parties prenantes susmentionnées dans le sous point précédent. La première échelle fera intervenir les pré-collecteurs, les communautés de quartiers et les volontaires.
Les prés collecteurs auront principalement la charge de la collecte des ordures dans les secteurs et les zones difficiles, ou les PAV sont absents et les routes impraticables. Ils iront directement collecter les ordures dans les points d’apport volontaire sectoriels mis en place par les communautés ou faire du porte à porte en cas d’absence de point d’apport sectoriel non permanent. Ensuite, ils achemineront les ordures collectées vers les grands points d’apports volontaires les plus proches qui eux sont à la charge de la municipalité. Dans une moindre mesure, ils pourront faire du porte à porte chez les ménages nanti et qui n’ont pas forcément le temps pour sortir les poubelles. Cette deuxième tâche n’incombe directement qu’au pré collecteur et le ménage peut importer le niveau d’accessibilité de son logement et le coût du service est à 100% à la charge du ménage. Alors que dans le premier cas la municipalité supporterait 30% du coût à travers les dons en outils et logistiques adaptés qu’ils fourniront aux collecteurs. Les prés collecteurs représentent ainsi la partie amont de la chaîne de collecte des ordures à Oyem.
Pour les communautés, ils auront la charge de la cellule de veille de la salubrité du quartier ou du secteur. Ils veilleront aux actes insalubres des populations qui ont recourt à la broussaille, au terrain vague et à un cours d’eau pour l’évacuation des ordures. Ils devront également constituer la partie amont de la chaine de la valorisation des déchets, qu’ils céderont par la suite aux collecteurs artisanaux. Les coûts de l’activité seront à la charge du collecteur artisanal.
La seconde échelle est constituée des services déconcentrés de l’état et la municipalité d’Oyem. La municipalité aura la charge de la collecte des ordures dans les points d’apports volontaire formels de rang 2 installés dans l’ensemble des carrefours de la ville. Ils auront la charge de l’évacuation des ordures jusqu’à la décharge de la ville qui elle est interdite d’accès aux prés collecteurs.
Enfin, le troisième niveau est celui qui concerne directement l’Etat centrale. Ici, elle aura pour mission de venir en appui à la municipalité en cas de manquement préalablement constater dans la collecte à travers les services provinciaux des travaux publics. L’Etat central aura enfin la gestion intégrale de la décharge de la ville. Elle devra dans le cas échéant crée une direction en charge des décharges au sein du ministère de l’Environnement.
2.1.1. Les moyens de mise en œuvre
Ainsi, pour atteindre ces objectifs nous dévons préalablement :
-
Réglementer le secteur informel dans l’organisation de la gestion des déchets ménagers solides ; Les collecteurs artisanaux participent à la gestion des déchets dans la ville. Dans un premier temps, ils récupèrent les ordures ménagères dans les zones difficiles d’accès, mais également ils récupèrent les ordures abandonnées dans les terrains vagues pour les valoriser. Ainsi, dans cette optique, une règlementation qui permettra de reconnaitre et d’intégrer les récupérateurs informels dans la gestion des déchets aura un impact bénéfique sur la qualité de notre environnement et sur la santé publique.
-
Le retour de la coopération internationale décentralisée/ Elle a été le fer de lance de l’activité de collecte des ordures ménagères à Oyem, par l’expérience des grandes métropoles, nous militons pour un retour de cette coopération pour accompagner les municipalités dans la gestion des déchets ménagers solides.
-
Le renforcement du matériel roulant et le dispositif des PAV de la ville
L’audit sur les équipements de collecte des déchets solides à Oyem a révélé un fort déficit d’équipements et un déséquilibre du nombre de PAV installé dans la ville. Il est donc urgent de proposer un réseau de PAV pour l’ensemble de la ville et l’achat de moyens roulants de qualités et spécialisés dans la collecte des déchets. La municipalité doit donc installer un PAV à chaque intersection des quartiers. Nous proposons un PAV tous les 150 m. Ensuite, pour éradiquer le phénomène de l’incivisme des populations, la municipalité devra construire des abris bac sous formes d’enclos avec un dispositif qui ne permet pas de les déplacer.
Conclusion
CONCLUSION
Dans le cadre de cette recherche, nous avons pu observer que la prolifération des ordures ménagères dans la ville est la combinaison de plusieurs facteurs. Elle est d’abord technique et financière, mais également urbanistique liée à la prolifération d’un habitat précaire dans la ville. Le réseau de voirie qui constitue un support important de l’offre du service de collecte des déchets est lacunaire et déficitaire dans l’ensemble des quartiers de la ville.
Ainsi, nous proposons une réorganisation du circuit de collecte des déchets, un renforcement des équipements, mais également l’utilisation des savoirs endogènes dans l’exercice de la collecte des ordures à Oyem.
Références
Bibliographie
ADA NZOUGHE Corine, 2006, Réseaux sociaux et déchets solides dans les villes gabonaises. In: NETCOM : Réseaux, communication et territoires / Networks and Communication Studies, vol. 20 n°3-4, p 183-193. https://www.persee.fr/doc/netco_0987-6014_2006_num_20_3_1652
ALLOGHO NKOGHE Ferdinand, 2006, Politique de la ville et logiques d’acteurs. A la recherche d’alternatives d’aménagement pour les quartiers informels de Libreville (Gabon). Thèse de doctorat : Géographie et aménagement de l’espace, université Montpellier III- Paul Valéry, pp. 143-172.
BEFENE BIBANG Félix., 1987, Etude des mutations urbaines à Oyem exemple des
Quartiers Sud et Sud-Ouest : Mekaga-Adzougou-Mont Myélé-Monaco-Rond-point, Nkomayat et Eyenassi. Libreville : Université Omar Bongo, Mémoire de maitrise, 133p.
BIVEGUE-BIVEGUE André Géraud Le Brun, 2020, Croissance urbaine et inégalités environnementales, l’exemple de la ville d’Oyem. Libreville : Université Omar Bongo, Mémoire de master 140p.
Conseil municipal d’Oyem, 2014, Art gold Gabon, appuis aux réseaux territoriaux pour la gouvernance locale et le développement du Gabon : Plan de développement communal, Oyem, 57p.
Direction Général de la Statistique, 2015, Recensement général de la population et des
Logements de 2013 au Gabon : résultats globaux du recensement général de la population et des logements de2013 du Gabon (rgpl-2013), Libreville, 247p.119.
DJEKI Jules, 2003, Politiques urbaines et dynamiques spatiales au Gabon le cas de Port-Gentil. Québec : Université Laval Québec. Thèse doctorale, 402p.
DJONABANA Doffin Amour, 2018, Gestion des déchets ménagers solides dans les
Quartiers sous-intégrés de Libreville : cas des bas-fonds du bassin versant de Batavéa. Libreville, Université Omar Bongo, Mémoire de master, 122p.
DURAND Mathieu, 2010, Gestion des déchets et inégalités environnementales et écologiques à Lima, Entre vulnérabilité et durabilité, Rennes, Université de Rennes 2, Thèse de doctorat, 298p.
MADEBE Dieu-Donné, 2020, Les hétérogénéités spatiales et la question de l’aménagement du territoire au Gabon. Libreville, Université Omar Bongo, Thèse de géographie, 351p.
MADEBE Dieudonné, 2007, Libreville et les problèmes environnementaux, Libreville, Revue Gabonaise de Géographie LANASPET, 2ème année, pp 95-108.
MBOUMBA Anicet, 2007, gestion urbaine équité socio-spatiale : les inégalités dans les Services de base à Libreville (Gabon). L’espace géographique, (Tome 36), P 131-140. https://www.cairn.info/revue-espace-geographie-2007-2-page-131.htm
MOMBO Jean-Bernard et EDOU Mesmin, 2005, La gestion des déchets solides urbains au Gabon. Géo-Eco-Trop, pp 89-100.
Downloads
Publié
Comment citer
Numéro
Rubrique
Licence
Copyright (c) 2023 André Géraud Le Brun BIVEGUE-BIVEGUE, Guy-Serge BIGNOUMBA