ACTES DE COLLOQUE 2024 : ACTES DE COLLOQUE 2024

5 |EXPLOITATION DES BAS-FONDS DANS LE DEPARTEMEMENT DE BOUAKE (CENTRE DE LA COTE D’IVOIRE) : SOURCES DE RISQUES SANITAIRES ET ENVIRONNEMENTAUX

EXPLOITATION OF LOWLANDS IN THE DEPARTMENT OF BOUAKÉ (CENTRAL CÔTE D'IVOIRE): SOURCES OF HEALTH AND ENVIRONMENTAL RISKS

Auteurs

  • KOUASSI Moyé Annick Esther kouassimoye@retssaci.com,
  • ZOGBO Zady Edouard zadyedouard@retssaci.com,
  • DJAKO Arsène djakoarsene@retssaci.com,

Mots-clés:

Bas-fond| exploitation agricole| environnement| risque sanitaire| Bouaké|

Résumé

L’agriculture dans le département de Bouaké est actuellement marquée par une crise agro-économique. Cette crise est causée par la pression foncière, l’irrégularité de pluie. Cet espace géographique est aussi confronté à des risques alimentaires suite à une croissance démographique et une urbanisation accélérée. Face à cette situation, les bas-fonds autrefois considérés comme des lieux répulsifs et malsains sont aujourd’hui utilisés comme des espaces stratégiques d’adaptation. Par ailleurs, leur exploitation n’est pas sans conséquence sur l’environnement et la santé des exploitants. Cette étude vise à analyser l’impact sanitaire et environnemental de l’exploitation des bas-fonds à l’échelle du département de Bouaké en vue d’apporter des solutions durables. Ce travail repose sur la recherche documentaire, des entretiens et des observations de terrain. Ainsi, 349 exploitants de bas-fonds répartis dans 12 villages ont été interrogés à travers les critères de choix raisonné, faute de l’inexistence de base de données sur la population étudiée. Les résultats ont révélé que l’exploitation des bas-fonds expose les exploitants à des pathologies telles que le paludisme (42,5%), les démangeaisons (29,4%), l’ulcère de buruli (17,5%), la bilharziose (10,6%), sans oublier les morsures de serpents. L’étude a aussi révélé que l’utilisation abusive et non maitrisée des produits phytosanitaires dégrade l’environnement et a des répercussions sur les cultures. Pour pallier cette situation, une sensibilisation sur les systèmes de sécurité à l’utilisation et la gestion des bas-fonds s’impose afin de réduire les risques sanitaires et environnementaux dans un élan du développement durable.

Introduction

Dès son accession à l’indépendance en 1960, les autorités ivoiriennes ont fait de l’agriculture le fondement du développement économique de la Côte d’Ivoire. L’agriculture représente 22,3% du PIB et 47% des exportations nationales en 2023 (ministère de l’Agriculture, 2002, p.18). Elle représente, en moyenne, 70 % de l'emploi total, 40 % des marchandises à l'exportation et un tiers du PIB (L.J. Esso, 2009, p.2). A ce titre, elle fournit les devises (provenant de l’exportation de produits agricoles) nécessaires à la création d’infrastructures et reste à la fois une source quasi incontournable de création de revenus et d’emplois pour les unités familiales rurales (A. A. Fall, 2006, p.298). Mais, cette bonne santé économique de la Côte d’Ivoire, cachait des irrégularités et des déséquilibres intérieurs qui furent davantage révélés par des vagues de crises dont la crise agricole des années 1980 à la première décennie des années 2000. Toutes ces années de crises ont favorisé des difficultés d’équilibre économique et social qui sont plus marquées en milieu rural (Z. E. ZOGBO, 2019, p.490). Pour faire face à ces crises agricoles, les populations rurales intègrent désormais les bas-fonds dans leur système de production. Dans de nombreuses régions ivoiriennes, et notamment dans le centre, les populations ont, en général, une conception communautaire des bas-fonds. Lorsqu’ils n’étaient pas abandonnés, les bas-fonds étaient utilisés pour la chasse, la cueillette de certains fruits, le ramassage du fagot ou comme dépotoir pour les ordures ménagères (J. P. Assi-Kaudjhis, 2005, p 184). Ainsi, les bas-fonds jadis marginalisés pour l’agriculture sont de plus en plus utilisés à des fins agricoles par plusieurs catégories d’acteurs en milieu rural. Grâce à la fertilité de leurs sols, ces milieux favorisent le développement de plusieurs spéculations et l’accroissement de la production (Kombieni et al, p.4). Aussi, le développement et l’intensification des ressources agricoles des bas-fonds sont devenus un enjeu important pour l’économie nationale rurale en général et celle du département de Bouaké en particulier. Pour promouvoir le développement de l’agriculture dans ces espaces humides, l’Etat ivoirien va piloter l’aménagement des parcelles relativement vastes et la construction de barrages à vocation rizicole capable d’assurer en moyenne, deux cycles de productions par an (K. T. S. U. Yéboué, 2016, p. 29). Bien que ces milieux présentent de bonnes potentialités économiques et que leur mise en valeur, leurs aménagements et la diversification des cultures constituent de grandes opportunités économiques, leur exploitation n’est sans conséquence sur la santé des usagers et sur l’environnement. L’impact sanitaire de ces espaces sur les exploitants et les risques environnementaux sont non négligeables (G. J. Agbodjogbe, 2008, p.4). Ces pratiques culturales utilisées par les exploitants, l’utilisation non contrôlée des produits phytosanitaires et l’approche quasi-rudimentaire de ces espaces par les exploitants du Département leur créent des pathologies et des impacts négatifs sur l’environnement. Cette situation soulève non seulement un certain nombre de questions qui sont les suivantes : Comment les bas-fonds sont-ils exploités dans le département de Bouaké ? Quels sont les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké ? Et enfin quelles sont les stratégies à adopter dans la mise en valeur des bas-fonds pour atteindre le développement durable ?
Cette étude vise à montrer d’une part les modes d’exploitations des bas-fonds à l’échelle du département de Bouaké. D’autre part, elle analyse les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké. Cette étude admet en hypothèse que :
-Les activités de production dans les bas-fonds sont dominées par des travaux manuels ;
-La pathologie du paludisme est la principale maladie liée à l’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké ;
-L’utilisation des techniques de protection est à la base d’une exploitation durable des bas-fonds.

Méthodologie

1. DONNEES ET METHODES

1.1. Présentation de la zone d’étude

Le département de Bouaké est situé à environ 100 km de la capitale politique Yamoussoukro. Il est distant de 310 km d’Abidjan, la capitale économique. La circonscription du Département de Bouaké fait partie de la région du Gbêkê. Le département de Bouaké est chef-lieu de département homonyme et de région du Gbêkê. Il se trouve en plein centre de la Côte d’Ivoire et représente un véritable carrefour de rencontre des peuples. Plusieurs vagues de populations en provenance du Nord du pays, des pays frontaliers (Mali, Burkina Faso, Guinée) et même du Niger transitent par le département de Bouaké avant de se rendre dans les autres parties du pays. Ce département est un passage obligatoire pour ces populations qui sont à la recherche de bien-être social (A. Konaté, 2023, P.177). Il est limité au Sud par les départements de Tiébissou et de Didiévi ; à l’Est par les départements de Dabakala et M’Bahiakro ; à l’ouest par les Départements de Botro et de Sakassou et au nord par le département de Katiola. Sa superficie est de 4651,2 km². Il est la porte d’entrée Sud de la région du Gbèkè. Sa population est estimée à 931851 habitants (RGPH, 2021, p.30). La population qui réside dans cette localité depuis l’ère coloniale est le groupe baoulé avec 94,08% selon le recensement général de 2021.On y trouve les autres peuples de la Côte d’Ivoire et de la CEDEAO. La carte 1 ci-dessous présente la localisation du département de Bouaké.

Carte no 1 : Localisation de département de Bouaké

 

 

 

Source : BNETD/CCT, 2010       Réalisation : KOUASSI Moyé A., 2024

Le relief du département de Bouaké est dominé par les plateaux. Ces derniers permettent d’avoir d’importantes vallées peu drainées. Le lit de ces vallées offre de vastes bas-fonds pour la mise en valeur agricole. Le couvert végétal est formé de savanes arborées.

1.2. Méthode de collecte des données

La méthodologie adoptée repose sur la recherche documentaire ; l’enquête de terrain ; l’analyse des résultats ; la rédaction. La recherche documentaire a permis de mieux élaborer l’introduction et de rédiger la discussion. Quant à l’enquête de terrain, elle a permis de collecter des informations aussi bien quantitatives que qualitatives par le biais de l’administration des fiches d’enquête. Ainsi, 349 exploitants de bas-fonds répartis dans 12 localités de la zone d’étude ont été interrogés. Les entretiens ont porté sur les caractéristiques sociales démographiques des acteurs, les modes d’exploitations, et les externalités liés à l’exploitation des bas-fonds. Le tableau 1 présente le plan d’échantillonnage.

Tableau n° 1 : Les effectifs d’exploitants enquêtés

 

Source : Enquête de terrain

 

Résultats

2. ANALYSE DES RESULTATS

2.1. Les modes d’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké

L’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké est caractérisée par une diversité d’acteurs et les techniques agricoles utilisées varient d’un exploitant à un autre.
2.1.1. Les caractéristiques sociodémographiques des exploitants de bas-fonds
2.1.1.1-L’exploitation des bas-fonds : une activité dominée par les nationaux
L’origine des exploitants révèle que les bas-fonds sont aussi mis en valeur par les nationaux que les non-nationaux (Burkinabés, Maliens). Les Ivoiriens représentent 93% contre 7% des non-ivoiriens (figure 1)
 Figure n ° 1 : Répartition des exploitants de bas-fond selon la nationalité

 

 Source : Nos enquêtes de terrain, juillet 2022

La figure 1 montre que l’exploitation des bas-fonds est grandement dominée par les nationaux soit 93 % contre 7 % des étrangers. La forte domination des nationaux souligne que dans le département de Bouaké, la terre n’a pas de valeur vénale. Ainsi, il est difficile pour les étrangers d’avoir accès à la terre. En effet, les bas-fonds étant inclus dans les terroirs des villages, chaque famille est le garant de la gestion de ses bas-fonds.
2.1.1.2. Une présence massive des hommes dans les activités des bas-fonds
L’exploitation des bas-fonds ne laisse personne indifférente dans le département de Bouaké. Il ressort de nos investigations que l’activité rizicole et le maraîcher dans la zone d’étude sont pratiqués majoritairement par les hommes. C’est d’ailleurs ce qu’indique la carte 2.
Carte n ° 2 : La répartition spatiale des exploitants selon le sexe

 

Source : OCHA ,2016      Réalisation : KOUASSI Moyé A., Août 2023

A l’échelle du département de Bouaké, les activités des bas-fonds sont fortement dominées par les hommes, 303 sur un total de 349 exploitants soit 87 % tandis que les femmes représentent 13%. A l’échelle des sous-préfectures, cette activité reste dominée toujours par les hommes. Mais dans les sous-préfectures de Djébonoua et de Bounda, les femmes occupent une part importante dans les activités de bas-fond, contrairement aux autres sous-préfectures du département de Bouaké. Cet important taux de femmes dans ces deux sous-préfectures montre que les cultures maraichères sont mieux développées et constituent l’une des sources de revenus pour ces habitants aussi bien pour les hommes que les femmes.
2.1.1.3. L’exploitation des bas-fonds : une activité aux mains des adultes
Il ressort de nos investigations que l’exploitation agricole des bas-fonds dans le département de Bouaké est pratiquée par toutes les classes d’âge. Dans cette activité, on rencontre en effet des jeunes, des adultes et des personnes âgées comme chefs d’exploitation (tableau 2).
Tableau n°2 : Répartition des exploitants de bas-fonds par classes d’âge

 

Source : Enquêtes de terrain, 2022

L’analyse du tableau 2 nous montre que l’activité dans le bas-fond est dominée par les adultes dont 58 % ont l’âge compris entre 35 et 50 ans. Cela se justifierait par le fait que c’est une activité qui nécessite une certaine aptitude physique. Les jeunes de moins de 35 ans représentent 24% des exploitants. La migration touche cette frange de la population. Par contre, la faible proportion des vieillards (18%) se justifierait par un désintéressement en milieu rural, et la difficulté d’exploitation de ces bas-fonds.
2.1.2. Une inégale distribution spatiale des modes d’acquisition des bas-fonds par les exploitants à l’échelle du département de Bouaké
  Le mode d’acquisition des bas-fonds par les exploitants est diversifié. Cette acquisition se fait à travers les achats, dons, prêts, héritages et locations. Elle diffère d’une localité à une autre comme présentée dans le tableau 3.

Tableau n°3 : Le mode d’acquisition des bas-fonds par les exploitants à l’échelle du département de Boua

 

Source : Nos enquêtes de terrain, Juillet 2022

Dans ce tableau l’acquisition des bas-fonds est largement dominée par l’héritage dans les localités visitées avec 57,60 % contrairement à l’achat des bas-fonds soit 3,15 %. Si l’héritage est le pilier de transmission des bas-fonds, cela est dû au fait que les terres se transmettent au pays baoulé de père en fils.
2.1.3. Des exploitations agricoles caractérisées par de petites tailles
La mise en valeur des bas-fonds est une opportunité pour augmenter les productions grâce au potentiel productif des bas-fonds ((T. C. Soro, 2019, p.206). A cet effet, les exploitations agricoles de bas-fonds du département de Bouaké englobent toutes les unités de production qui oscillent entre 0,5 et 3 ha. Ces superficies varient d’un exploitant à un autre. Le tableau 4 présente la répartition des exploitants de riz et de maraîchers selon les superficies emblavées.
Tableau n°4 : La répartition des exploitants en fonction des superficies

 

Source : Nos enquêtes de terrain, juin 2022

Il ressort du tableau 4 que les superficies totales des exploitations agricoles des bas-fonds du département de Bouaké enquêtés sont de 413 ha. Les superficies des cultures maraîchères dominent celles des cultures du riz soit de 223,5 ha contre 189,5 ha. Ces grandes superficies de cultures maraîchères montrent l’intérêt que les exploitants de bas-fonds ont pour ces cultures. Les petites superficies des exploitations s’expliquent par le fait de la dureté du travail couplée à la raréfaction de la main-d’œuvre et le coût élevé des facteurs de productions en dehors du capital foncier.
2.1.4. Une diversité de cultures dans les bas-fonds du département de Bouaké
Les cultures produites dans les bas-fonds sont constituées de maraîchers et céréales comme le présente le tableau 5.

Tableau n ° 5 : Typologie des cultures dans les bas-fonds

 

 

Source : Nos enquêtes de terrain, juin 2022

L’analyse du tableau 5 présente plusieurs productions issues des bas-fonds des différentes sous-préfectures du département de Bouaké. La tomate apparait comme la première culture avec 2855,1 tonnes, suivie de l’aubergine avec 703,9 tonnes, le poivron avec 175,6 tonnes, le chou avec 56,3 tonnes, le concombre avec 27,3 tonnes, la courgette avec 23,7 tonnes et enfin le riz avec 858,7 tonnes. Une diversité de culture est donc développée dans les bas-fonds.
2.1.4. Les techniques d’exploitation des bas-fonds majoritairement artisanales
Plusieurs moyens sont utilisés par les exploitants dans la pratique de leur activité dans le département de Bouaké. Ces moyens sont modernes, traditionnels et semi-modernes comme l’indique le tableau 6 ci-dessous.
Tableau n°6 : Les techniques utilisées dans l’exploitation des bas-fonds
 
Source : enquête de terrain, 2022
Il ressort de ce tableau 6 que 74 % des exploitants de bas-fonds utilisent l’outillage traditionnel dans leurs exploitations. Les outils modernes sont utilisés par 16% des exploitants et Les outils semi-modernes sont très rares et représentent 10 % de l’outillage. L’utilisation des outils usuels rendent les travaux champêtres très pénibles et limitent parfois la superficie à exploiter dans les localités enquêtées. L’inégale réparation des techniques culturales dans l’espace géographique du département de Bouaké est observée à travers la carte 3.
Carte n ° 3 : Des techniques culturales dans l’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké

 

Source : OCHA ,2016       Réalisation : KOUASSI Moyé A., Août 2023

 

De façon générale on observe une prédominance de technique traditionnelle dans toutes les localités lors de l’exploitation des bas-fonds à l’exception de Lengbré où une proportion importante de producteurs (38%) utilise les techniques modernes. Ainsi 74% des producteurs ont recours aux techniques et moyens traditionnels comme les outils et les intrants. Il s’agit entre autres des dabas, machettes, arrosoirs. Concernant les procédés modernes, une faible proportion de 16% des producteurs l’utilise. Ce sont les motoculteurs, les motopompes, l’engrais et des produits phytosanitaires. Quant aux techniques semi-modernes perçues chez 10% des producteurs, elles sont constituées de pulvérisateurs manuels, de la traction animale pour le labour. La forte utilisation des méthodes traditionnelles est due aux manques de moyens des producteurs pour acquérir des méthodes modernes.

2.2. Les risques sanitaires et environnementaux liés à l’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké

Le regain d’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké se heurte à des contraintes. Ces contraintes sont d’ordres sanitaire et environnemental.
2.2.1. De nombreux risques sanitaires liés à l’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké
Plusieurs pathologies sont liées à l’exploitation des bas-fonds. Ces pathologies traduites par la figure 2 touchent la peau et le système immunitaire.
Figure n ° 2 : Etat pathologique des exploitants de bas-fonds

 

Source : enquête de terrain, 2022

L’exploitation des bas-fonds expose les producteurs à différentes maladies. Les maladies liées à l’eau sont l’ulcère de buruli avec 17,50%, la démangeaison avec 29,40% et la bilharziose avec 10,60%. Les eaux de bas-fonds sont porteuses d’agents pathogènes tels que les nids des moustiques pouvant conduire au paludisme, maladie la plus observée avec une proportion de 45,50%, sans oublier les morsures de serpents. Ces espaces sont donc favorables à la prolifération de maladies qui touchent directement les acteurs. 
2.2.2. De nombreux risques environnementaux liés à l’exploitation des bas-fonds dans le département de Bouaké
Les impacts environnementaux sont basés sur les connaissances empiriques des exploitants dans l’exploitation des bas-fonds et les critères sont liés aux expériences vécues dans la pratique agricole de ces bas-fonds. Les exploitants ayant trois ans et plus d’activités pratiquées dans les bas-fonds évoquent mieux les effets environnementaux causés par l’exploitation des bas-fonds.
De plus, les formes d’impacts environnementaux liées à l’exploitation des bas-fonds varient selon les producteurs. Le tableau 7 permet de relever la première incidence environnementale évoquée par les producteurs.
Tableau n°7 : Les risques environnementaux liés à l’exploitation des bas-fonds

 

Source : enquête de terrain, 2022

Les risques environnementaux présentés par le tableau 7 sont multiples. Il y a d’abord une modification de l’écosystème qui se traduit par une apparition de nouveaux végétaux du fait de l’exploitation perçue chez 11% des producteurs, une perte de la fertilité originelle des sols du fait de leur surexploitation et de l’intensification évoquées par 43% des exploitants. Enfin, il y a une rétention de l’eau en saison sèche observée par 21% des producteurs situés en aval des cours d’eau en saison sèche.
2.2.3. La médecine traditionnelle comme choix principale
Comme principale mode de traitement des maladies hydriques. Les enquêtes ont relevé que les exploitants de bas-fonds ont recours aussi bien à la médecine traditionnelle, qu’à la médecine moderne ou aux deux à la fois (figure 3)
Figure n°3 : Répartition des exploitants selon les types de soins utilisés

 

Source : Enquêtes de terrain, 2022.

Comme on peut le constater sur la figure 3, la majorité des exploitants (45 %) a recours à la médecine traditionnelle lorsqu’ils sont malades contre 38% qui ont recours à la médecine moderne et les autres 17% des exploitants ont recourent aux deux types soins à la fois. La priorité accordée à la médecine traditionnelle s’explique par deux raisons. Le premier est d’ordre sociologique. En effet, les exploitants croient plus aux bienfaits de la médecine traditionnelle. Z.E. Zogbo, 2019, p.20). Le choix de cette médecine comme soin ce justifie aussi par le fait que les populations ont pour habitude de se soigner en utilisant les plantes médicinales. Ce qui ne nécessite aucun moyen financier en raison de la connaissance des vertus de certaines plantes médicinales.

2.3. Stratégies d’exploitation durable des bas-fonds dans le département de Bouaké

2.3.1. Les stratégies endogènes d’exploitation durable des bas-fonds
2.3.1.1. L’utilisation des associations de cultures comme stratégies de développement durable
Face aux divers risques sanitaires et environnementaux liés à l’exploitation des bas-fonds, les exploitants ont mis en place des techniques d’atténuation et de d’éradication. La photo 1 présente la stratégie des associations des cultures.
    Photo n ° 1 : Parcelle de riz mise en association avec le maïs à Lengbré

 

Prise de vue : Kouassi M.A

 Les producteurs ont recours à la fertilisation organique, à la rotation et association des cultures pour améliorer la fertilité des sols, leurs conservations et leurs productivités sur de longs termes.
2.3.1.2. Le port de matériels de protection comme stratégie de développement durable
L’utilisation des matériels de protection comme stratégie de développement durable est nécessaire dans l’exploitation des basfonds. Cela est perçu à travers la photo 2. 
            Photo n° 2 : Un exploitant protégé par un masque à Yapikro

 

Prise de vue : Kouassi M.A, Juillet 2022

A travers la photo 2 principales stratégies ont été adoptées par les populations pour résoudre les problèmes sanitaires et environnementaux. L’utilisation de combinaison et de masque vise à résoudre les problèmes de démangeaisons, de bilharzioses et d’ulcère de burili. Ces mêmes vêtements et masques sont utilisés pour la protection contre les produits phytosanitaires.
2.3.2. Les stratégies mises en place par l’Etat pour résoudre les questions environnementales et sanitaires
Au-delà des stratégies locales, l’Etat met en œuvre des actions sur le territoire national telles que les projets afin d’exploiter de façon durable les ressources productives et préserver la santé des acteurs. La planche 1 illustre ces projets. Ainsi, deux principaux projets ont et identifiés dans le département de Bouaké touchant les exploitants des bas-fonds. D’abords le PRO2M a permis aux exploitants des maraîchers d’être formés aux bonnes pratiques agricoles et à l’utilisation rationnelle des ressources productives. Il a été initié par l’Union Européenne sur la période 2018-2021. Le Projet Riz Centre (programme de développement de la riziculture irriguée dans les régions centre et centre-nord) a été mis en œuvre de janvier 1997 à décembre 2002 avec une période de prolongation jusqu'en décembre 2003. Le projet riz centre marque, le premier projet d’envergure à la fin des années 1990 pour la relance de l’agriculture des bas-fonds. Ce projet a été conjointement financé par l'État de Côte d'Ivoire et par l'Union Européenne. Le projet riz centre notamment qui s’inscrit dans le domaine de la production rizicole et s’est réalisé en prenant en compte le volet de durabilité des systèmes de production et d’aménagement des bas-fonds. La planche montre la présence de projets dans le département de Bouaké.

Planche photographique n°1 : Des pancartes de projets PRO2M dans le   département de Bouaké

 

Prise de vue : Kouassi M.A, Juillet 2022

 

Conclusion

 Conclusion

 En milieu rural, dans le département de Bouaké, l’exploitation agricole des bas-fonds est dominée par les hommes avec une diversification des cultures qui offre des revenus conséquents. C’est d’ailleurs ces derniers qui détiennent l’essentiel des revenus pour le besoin des ménages. Mais, force est de constater que dans ce milieu, les perspectives agricoles sont limitées par des contraintes sanitaires et environnementales liées à la variation pluviométrique et les pressions anthropiques. Cette situation rend instables les productions agricoles. Devant ces risques qui menacent la santé des exploitants et l’environnement du milieu rural du département de Bouaké, diverses stratégies paysannes sont mises en œuvre dans l’exploitation des bas-fonds afin de redynamiser les activités économiques, limiter les risques sanitaires et environnementaux, surtout pour l’agriculture en particulier et sécuriser l’avenir des populations. Il ressort de l’étude que l’espace agricole dans les bas-fonds s’organise autour de la riziculture et du maraîchage. Les rendements de ces cultures sont plus élevés dans ces espaces que sur les plateaux. Ainsi, la mise en valeur des bas-fonds semble jouer un rôle essentiel dans les initiatives de développement de l’espace rural. C’est pourquoi, il serait judicieux de la rendre dynamique à travers l’utilisation des technologies plus appropriées afin d’améliorer les conditions d’exploitation de ces écotones et de mettre en place des programmes de sensibilisation pour protéger les acteurs qui les exploitent et lutter contre les risques environnementaux pour les générations à venir.

Références

Référence bibliographique

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Publié

30 Janvier 2025

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2024,, mis en ligne le 30 Janvier 2025. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/detail_article/310/13

Numéro

Rubrique

ACTES DE COLLOQUE 2024