Introduction

En Côte d’Ivoire, la filière porcine occupe une place stratégique dans l’économie au regard de la problématique de la sécurité alimentaire. Selon la Politique Agricole de l’UEMOA (PAU, 2001), les secteurs porteurs de croissance au niveau de l’élevage où la Côte d’Ivoire a une meilleure valeur ajoutée sont l’aviculture et l’élevage de porcins. La production totale de viande et abats de porcs est de 8 592 tonnes équivalentes carcasses, et ne couvre que 16,10 % de la consommation nationale (PSDEPA, 2014). Selon le rapport du FIRCA 2019 (Y. L. ATSIN, 2019, P.4), la croissance de la Filière Porcine est considérée en Côte d’Ivoire comme l'un des axes centraux de la stratégie en vue d’améliorer de façon significative et durable la couverture de la demande nationale en protéines animales. De 1990 à 1996, la Filière Porcine ivoirienne a connu un réel développement. Cependant, en mai 1996, cette filière a été gravement affectée par l’épidémie de Peste Porcine Africaine (PPA) qui a provoqué une baisse drastique des effectifs de porcs modernes de 64 %. Selon (ANADER, 2009) La politique de relance de la filière initiée par le Gouvernement après la crise de la peste porcine africaine de mai 1996 a été fortement perturbée par les crises successives qu’a connues la Côte d’Ivoire de 1999 à 2011. La commune de Bingerville se caractérise par la pratique de l’élevage de porcins qui reste certainement le plus important (M. H. COULIBALY, 2016, P.50). La plupart de ces fermes sont situées non loin des eaux des lagunes et rivières qui est un atout dans l’activité. Cependant, la non-maitrise des techniques de bonnes pratiques et la zootechnique en élevage porcine par les acteurs du milieu est un fait réel. Alors que les normes de pratique de l’activité d’élevage de porcins selon l’ANADER exigent le respect des règles d’hygiène (nettoyage, désinfection, assainissement, évacuation des eaux souillées) et que prophylaxie (ensemble des méthodes visant à protéger les animaux contre l’apparition d’une maladie) est nécessaire pour une bonne couverture sanitaire de l’élevage porcin, la mauvaise gestion de l’environnement des sites fermiers et le rejet à proximité des déchets et lisiers des porcins entraînes des odeurs nauséabondes qui perturbe le cadre de vie immédiat des populations vivant à proximité de ces porcheries est observée. L’étude soulève le problème fondamental des risques sanitaires liés à la pratique de l’activité. Comment l’activité d’élevage de porcins peut-elle engendrer des risques sanitaires dans la commune de Bingerville ? l’objectif est de montrer la survenue des risques sanitaires liés à l’activité d’élevage de porcins dans la commune de Bingerville.

Méthodologie

1. PRÉSENTATION DE LA ZONE D'ÉTUDE

Bingerville est une commune située au sud de la Côte d'Ivoire au bord de la lagune Ébrié avec les coordonnées 5° 21′ nord, 3° 54′ ouest. Elle est limitée au sud par les communes de Port-Bouët et de Grand-Bassam, à l'est par la préfecture d'Alépé, au nord par la commune d'Anyama et à l'ouest par la commune de Cocody (Carte n°1). Avec une superficie de plus 100 km² et une population estimée à 204 656 habitants selon le RGPH 2021, depuis 2001, c'est une sous-préfecture faisant partie du district d'Abidjan dans la région des lagunes. Située à 18 kilomètres à l’est du centre-ville d’Abidjan, Bingerville est une ville historique du sud de la Côte d’Ivoire. Sa création remonte à l’ère coloniale et repose en grande partie sur son statut de capitale, acquis en 1900. (A. D. F. V. LOBA, 2010, P.1).

Carte n°1 : Localisation de la commune de Bingerville

2. MÉTHODOLOGIE DE COLLECTE ET DE TRAITEMENT DES DONNÉES

2.1. Techniques de collecte des données

Pour mener la collecte des données, deux approches ont été mobilisées. Il s’agit d la recherche documentaire et l’enquête sur le terrain. En ce qui concerne la recherche documentaire, elle a permis de consulter la littérature sur l’activité d’élevage de porcins en générale, puis les risques sanitaires qui y sont liés de façon spécifique. Ces données ont été collectées dans plusieurs bibliothèques et centres de documentations, instituts de recherche et sur internet à travers des plateformes dédiées à la recherche scientifique. Il s’agit entre autres de la bibliothèque ex-Flash des Sciences de l’Homme et de la Société (SHS) et de la bibliothèque centrale de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, de l’université de Cocody, de la bibliothèque numérique de l’institut de recherche et développement (IRD). La collecte des données de terrain a mobilisé l’outil questionnaire pour l’enquête et l’observation directe. L'échantillon aréolaire utilisé a permis de réaliser le tableau 1 et de présenter les sites enquêtés.

Tableau 1 : Nombre de fermes porcines par village enquêté

Source : Enquêtes terrain, Serge AHUI, 2023

Le questionnaire a été adressé aux propriétaires et gestionnaires des fermes et comporte les parties suivantes : Les caractéristiques sociodémographiques des enquêtés, les caractéristiques économiques des enquêtés, les caractéristiques générales des fermes enquêtés, les questions en rapport avec les risques sanitaires liés à l’élevage de porcins.

2.2. Traitement des données

Les données collectées avec l’application KoboCollect ont permis de constituer une base de données sur le serveur KoboToolbox ; d’exporter cette base de données en format Excel et l’importer dans le logiciel Sphinx Plus² V5 afin de faire le dépouillement et les différentes analyses. Les produits statistiques tels que les fréquences, les tableaux, les graphiques, et les moyennes, dont les commentaires sont recommandés ont fait l’objet d’étude. À cela s’ajoute les logiciels Word pour le traitement des textes et Excel pour la réalisation des tableaux à commenter. Pour le traitement cartographique, le système d’information géographique (SIG) a été utilisé car il offre une large gamme de méthodes d’analyse spatiale. À l’aide d’un ordinateur, le logiciel spécialisé QGIS 3.22.7, a été utilisé pour l’élaboration des cartes. De plus le logiciel Google Earth a permis de mesurer les distances entre les fermes porcine et les plans d’eau lagunaire.

Résultats

3. RÉSULTATS

L’étude a permis de mettre en évidence la distribution spatiale de l’activité de l’élevage porcine à Bingerville.

3.1. Distribution géographique des fermes porcines

Lors des investigations terrain dans la commune de Bingerville, toutes les fermes porcines visitées ont permis de réaliser la carte n°2. Les sites ont un point commun, celui de la proximité avec les bordures de lagune précisément à moins de 10 mètres.

Carte n° 2 : Distribution des sites d’élevage de porcins

3.2. Etat de bâtiments des fermes porcines

De façon générale, les porcheries de la commune de Bingerville sont équipées en bâtiment, point d’eau parfois mini ou pas, d’un système d’approvisionnement et distribution en eau et un système sanitaire permettant de canaliser et drainer des déchets solides et liquides, produits par les porcins et leurs entretiens. En ce qui concerne les bâtiments, il faut dire que, 23 fermes, soit (100%) des fermes porcines que l’on a visité pendant les enquêtes de terrain dans la commune de Bingerville sont équipés de bâtiments, ce que l’on qualifie de fermes modernes contrairement aux fermes traditionnelles qui se font dans des enclos en bois. 80 % des sites fermiers sont équipés en dortoir car la plupart des gestionnaires des fermes ou manœuvres résident sur le site. Il y a des loges spécialisées en engraissement des porcins issus d’une même génération, des loges de gestation, de mise-bas et d’isolement en cas de détection de porc malade. Il faut signifier, que les loges ont des portes de sécurité. Les bâtiments sont aussi équipés en toiture, ce qui permet aux porcs d’être à l’abri contre la pluie et le soleil (voir planche photo n °1).

Planche photo n°1 : Loges de fermes porcines en fonction

Source : Serge AHUI, 2023

3.3. Conditions de pratiques de l’élevage de porcs dans les fermes porcines de la commune de Bingerville

Dans la commune de Bingerville, les conditions de pratiques de l’activité d’élevage de porcins diffèrent d’une ferme à une autre.

3.3.1. État de l’environnement des fermes porcines

Dans les fermes porcines de la commune de Bingerville, l’activité d’élevage de porcins se pratique dans un environnement plutôt complexe. Il y a l’environnement autour des loges et bâtiments et l’environnement intérieur de la ferme qui constitue le cadre de vie des porcins élevés. Concernant les alentours des loges et des bâtiments, l’on a constaté que la totalité des fermes de la commune se trouve dans des lieux enherbés. Les herbes poussent constamment autour des fermes et l’environnement est en mauvais état voir dégradé (voir planche photo n°2). (90%) des éleveurs jettent les déjections, lisiers des porcins et autres déchets à proximité de la ferme, précisément derrière les murs des loges et clôture de la ferme. Cette situation dégrade davantage l’environnement des fermes.

Planche photo n°2 : Conditions environnementales des fermes porcine

Source : Serge AHUI, 2023

Dans le village de Anan les fermes sont vieillissantes et présentent un cadre de vie plus moins propres

3.3.2. Conditions sanitaires des fermes porcines

Les conditions sanitaires font référence à l'état d'assainissement et aux mesures d'hygiène mises en place pour assurer un environnement propre et sain à l’intérieur et aux alentours des sites où se pratiquent l’activité. Il ressort que l’état des bâtiments est délabré et manque d’entretien, ce qui accentue la dégradation des loges. L’observation sur les sites, a permis de relever aussi, la mousse végétale envahit les murs des loges ce qui se caractérise par une insalubrité des locaux. La gestion des déchets, l'accès à l'eau potable, et les pratiques d'hygiène personnelle restent faibles. (Planche photo n° 3)

Planche photo n°3 : État des loges des porcins dans les fermes porcines

Source : Serge AHUI, 2023

3.3.3. Conditions de travail des acteurs

Les acteurs (gestionnaires, ouvriers ou propriétaires) de l’activité d’élevage de porcins qui travaillent quotidiennement dans les fermes porcines de la commune de Bingerville sont en générale moins équipés en matériels de protection, alors que l’activité nécessite des équipements spécifiques. Il y a comme équipements de protection, les Bottes, gants, Caches nez, combinaisons de service. Les équipements de bases mis à leur disposition sont plus les Bottes et les gants de protection en matière plastique. Mais l’équipement qui est le plus utilisé est la paire de botte. Mais, les acteurs y travaillent dans des conditions inadéquates avec un manque de combinaison, la non-utilisation de cache-nez, une absence de gangs de protection (Photo n°1).

Photo n° 1 : Manœuvre sans combinaison de travail adaptée

Source : Serge AHUI, 2023

3.4. Risques sanitaires liés à l’activité d’élevage de porcins

3.4. 1. Risques sanitaires avérés

L’enquête auprès des acteurs des fermes porcines (manœuvres, gestionnaires et propriétaires de fermes porcines dans la commune de Bingerville) a permis de révéler que les risques avérés sont les maladies connues propre aux porcins. Dans la commune de Bingerville, les maladies des porcins connues sont nombreuses. L’on a recensé pendant les enquêtes les maladies suivantes : la peste porcine Africaine (PPA) qui est rare, la fièvre aphteuse (5%), le rouget (5%), les maladies respiratoires (80%), la toux (85%), la diarrhée (95% chez les porcelets), et la gale (40%). Parmi toutes ces maladies citées, les plus contagieuses et dévastatrices sont, la PPA, la fièvre aphteuse et le rouget. Ces maladies arrivent à décimer tout un cheptel de porcin lorsqu’elles ne sont pas traitées à temps et sont très fatal pour les jeunes porcins des cheptels. L’on a observé sur le terrain des cas de porcins qui ont la toux, la gale, le rouget, des maladies et un cas de jeune porcin tué par le rouget (Voir planche photo n°4).

Planche photo 18 : Porcin mort et malade

Source : Serge AHUI, 2023

3.4. 2. Rapport entre la santé des acteurs et l’activité d’élevage de porcins dans la commune de Bingerville

Le test statistique de Khi 2, a été utilisé pour apprécier le lien qui existe entre l’activité et la santé (fréquence de maladie) des acteurs des fermes porcines de la commune de Bingerville.

Tableau 2 : Effectifs observés du niveau d'activité dans les fermes porcines

Source : Enquêtes terrain, Serge AHUI, 2023

Choix des hypothèses :

Hypothèse nulle (H0) : La santé des acteurs des fermes porcines de la commune de Bingerville est indépendante de l’activité dans les fermes porcines.

Hypothèse alternative (H1) : La santé des acteurs des fermes porcines de la commune de Bingerville est dépendante de l’activité dans les fermes porcines.

Calculons les effectifs théoriques

Effectif Théorique = (Total Ligne × Total Colonne) /Grand Total.

On a ;

E.T = (16×14) /23 = 9,74 ; (16×9) /23 = 6,26.

E.T = (7×14) /23 = 4,26 ; (7×9) /23 = 2,74.

Après les différents calculs on obtient le tableau suivant :

Tableau 3 : Effectifs théoriques du niveau d'activité dans les fermes porcines

Calculons le Khi 2

Khi 2 =∑i∑j (n ij-n théorique) ² /n théorique oij)

Khi 2 = (effectif observé – effectif théorique) ² /effectif théorique

= ((12-9,74)²/9,74)+((4-6,26)²/6,26)+((2-4,26)²/4,26)+((5-2,74)²/2,74)

= (5,1076/9,74)+(5,1076/6,26)+(5,1076/4,26)+(5,1076/2,74)

= 0,52+0,82+1,20+1,86

Khi 2 = 4,40

Le Khi2 est donc égal à 4,40

Calculons le degré de liberté (DDL)

DDL = (2-1) (2-1) = 1

Recherche de Khi-deux des tables

Avec une marge d’erreur de 5% et un seuil de confiance de 95%, le Khi-deux des tables est dans l’ordre de 3,84.

Conclusion du test de khi2

Le Khi 2 calculé (4,40) est supérieur au Khi 2 des tables (3,84), alors l’on rejette l’hypothèse d’indépendance H0. Donc, La santé des acteurs des fermes porcines de la commune de Bingerville dépend du niveau d’activité dans les fermes porcines, d’où la confirmation de l’hypothèse de dépendance H1.

Conclusion

CONCLUSION GÉNÉRALE

L’étude portant sur le sujet « Risques sanitaires liés à l’activité d’élevage de porcins dans la commune de Bingerville » a conduit à creuser la problématique liée aux questions de risques sanitaires que l’activité d’élevage de porcins engendre dans ladite commune. A ’aide de plusieurs techniques de collecte de données utilisées, la cartographie des espaces de l’élevage des porcins a été réalisé, ainsi que les conditions de pratique de l’activité, l’état de dégradation des sites et les risques sanitaires associés à l’activité. L’étude présente des limites, liées à la non-observation du processus de développement des risques sanitaires et la non-évaluation de l’ampleur de leurs impacts. De cette étude nous dégageons les perspectives suivantes : faire des études sur les processus de développement des risques sanitaires liés à l’activité d’élevage de porcins dans d’autres localités ivoiriennes.

Références