13 |PARTICIPATION DE LA FEMME DANS LA GESTION DES RESSOURCES EN EAU EN MILIEU RURAL DANS LE BASSIN VERSANT DE LA LOBO A NIBEHIBE (CENTRE OUEST DE LA COTE D’IVOIRE)
WOMEN'S PARTICIPATION IN WATER RESOURCE MANAGEMENT IN RURAL AREAS OF THE LOBO WATERSHED AT NIBÉHÉ (CENTRAL-WEST CÔTE D’IVOIRE)
Mots-clés:
milieu rural| bassin versant de la Lobo| gestion des ressources en eau| genre et femme| pratiques traditionnelles et culturelles|Résumé
Les femmes sont les principales actrices dans l’approvisionnement en eau en milieu rural. Elles jouent un rôle essentiel dans la collecte et la conservation de l’eau. Pourtant, ces dernières sont parfois marginalisées dans les politiques relatives à la gestion des ressources en eau. Cette contribution analyse les barrières qui entravent la participation des femmes dans la gestion des ressources en eau au sein du bassin versant de la Lobo à Nibéhibé en milieu rural. Pour l’atteinte de cet objectif, une approche méthodologique mixte et de nombreuses démarches ont été adoptées. Il s’agit de la recherche documentaire et des enquêtes de terrain (les observations, les entretiens semi-directifs les interviews et les questionnaires adressés aux ménages). Des résultats de cette étude, il ressort que les femmes sont les actrices principales dans l’approvisionnement en eau. Elles sont chargées des corvées liées à l’eau au sein de la cellule familiale. Toutefois, ces dernières sont marginalisées et connaissent de grandes limitations quant à leur participation à la gestion des ressources en eau. La domination des hommes sur les femmes et certaines pratiques culturelles constituent des obstacles majeurs qui empêchent celles-ci de s’impliquer dans la gestion de l’eau.
Introduction
Les femmes sont les gardiennes des enfants, de la santé et du bien-être de la famille et fréquemment les administratrices des ressources dont l’eau (C. V. Wijk-Sijbesma 1998 ; p. vii). Selon la même source, dans le monde en développement où des millions de familles manquent encore d’eau potable et d’assainissement adéquat, les femmes invariablement doivent veiller à ce que la famille puisse disposer de l’eau. Cela démontre du rôle important que jouent les femmes en matière de gouvernance de l’eau dans les différentes cellules familiales. En outre, elles contribuent de façon considérable à la gestion des ressources en eau. Elles jouent un rôle essentiel dans la conservation de l’eau et des terres, la collecte des eaux de pluie et la gestion des bassins versants (N. Ndey-Isatou, 2013, p.10). Ces dernières, étant donné leur position cruciale dans la gestion de l’eau et de l’assainissement, elles devraient être au cœur des décisions stratégiques d’amélioration de l’accès à l’eau et à l’assainissement et impliquées dans la prise de décisions pour les politiques de gestion des ressources en eau. Cependant, malgré leurs rôles et responsabilités, les femmes n’ont pas souvent eu la parole quand il s’agit de la gestion de l’eau. Parfois, elles n'ont eu aucun mot dans les décisions sur les types de services approvisionnement en eau, d’assainissement, et de santé offerte pour le bien-être de leurs familles. L’on constate également que leurs voix ne sont pas toujours prises en comptes et que les programmes d’approvisionnement et d’assainissement négligent de prendre appui sur leur rôle actuel et potentiel dans ce domaine. Cet état de fait reflète, certes, en partie la situation préexistante, puisque dans de nombreuses régions du Sud, les femmes sont peu ou pas représentées dans les processus de prise de décision au niveau du ménage ou de la communauté (O. Petitjean, 2008, p.3). Bien que ce soient les femmes qui sont les principales utilisatrices de l’eau, on ne leur permet pas généralement de participer aux instances de prise de décision concernant la gestion des ressources en eau. Le bassin versant de la Lobo à Nibehibé, plus précisément la zone rurale, ne demeure pas en dehors de la margination des femmes dans le processus de gestion des ressources en eau. C’est dans ce contexte que s’inscrit cette étude qui pose le problème de la faible participation des femmes dans la gestion des ressources en eau dans le bassin versant de la Lobo. L’objectif est d’analyser les barrières qui entravent la participation des femmes dans la gestion des ressources en eau à l’échelle de la zone couverte par le versant de la Lobo en milieu rural.
Zone d’étude
Le bassin versant de la Lobo à Nibehibé est situé au Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire entre 6°17’ et 6°44’ de longitude Ouest et entre 6°46’ et 7°41’de latitude Nord (Figure 1), draine une superficie de 7 280 km² avec pour exutoire Nibéhibé. Ce bassin versant, a un bassin hydrographique qui n’est pas circonscrit dans une seule entité administrative. La majeure partie du bassin couvre les départements de Daloa, Vavoua et Zoukougbeu. La Lobo prend sa source à 400 m d’altitude au sud de Séguéla, touche la Marahoué et se jette dans le Sassandra non loin de la localité de Loboville. Pour cette étude, elle a été faite uniquement dans la zone rurale précisément dans 28 villages en tenant compte d’une répartition spatiale équitable (figure n°1).
Figure n°1 : Localisation de la zone d’étude
Méthodologie
MATERIELS ET METHODES
Cette contribution a convoqué plusieurs démarches méthodologiques pour la collecte des données. Ce sont : la recherche documentaire, l’observation sur le terrain, l’enquête par le questionnaire et des entretiens semi-directifs. Dans sa réalisation, elle s’est appuyée sur une approche mixte. Elle est fondée sur le recours à des techniques classiques de collecte de données, à savoir l’enquête par questionnaire et les entretiens semi-directifs. Nous avons jalonné également la recherche documentaire et les observations directes. L’étude a débuté par la recherche documentaire sur les références bibliographiques et les rapports d’activités des services en charge de la gestion de l’eau. Des entretiens semi-directifs (avec un guide d’entretien) et un questionnaire standardisé ont été administrés auprès des acteurs minutieusement sélectionnés et d’autres de façon aléatoire. De plus, nous avons eu recours aux observations directes pour la collecte des données. L’étude s’est réalisée entre mars et avril 2019 dans 28 localités rurales de la région du Haut Sassandra, avec une population hétérogène et cosmopolite, composée d’autochtones (Bété, Gouro, Niamboua, Yandeboua), allochtones et allogènes. Un échantillon représentatif de 151 ménages sur une population mère de 384, nous a permis de réaliser l’enquête. Les guides d’entretien ont été orientés vers les structures étatiques intervenant dans le domaine des ressources en eau. A ce propos, nous avons eu des entretiens avec la Société de Distribution d’Eau en Côte d’Ivoire (SODECI) de la région de Daloa, la Direction Territoriale de l’Hydraulique (DTH).
Nous avons eu recours à un matériel composé d’une carte topographique, d’un GPS pour relever les coordonnées géographiques et d’un appareil photo numérique pour les prises de vues.
Le traitement des données recueillies au cours de l’enquête exploratoire et l’enquête de terrain s’est fait sous forme d’analyse cartographique, graphique, statistique grâce au traitement manuel et informatique. A cet effet, plusieurs logiciels ont été utilisé à savoir, le tableur Excel 2010 pour traiter les données statistiques, le logiciel ArcGIS pour la réalisation de la carte de localisation.
Résultats
RESULTATS
1. Environnement hydrique du bassin versant de la Lobo à Nibéhibé
Deux types de ressources en eau constituent le potentiel hydrique du bassin versant de la Lobo à Nibéhibé, à savoir les eaux souterraines et les eaux de surface.
1.1. Importante disponibilité en eau souterraine dans le bassin versant de la Lobo
Les eaux souterraines proviennent de la nappe phréatique qui sont captées le plus souvent par des systèmes mis en place par les hommes. L’étude du terrain permet d’apprécier la richesse du bassin. Il regorge d’importantes ressources en eau souterraine donc des réserves en eau souterraine non négligeable. Le potentiel en eau souterraine peut être apprécié par la profondeur des nappes, le degré de recharge, les débits d’exploitation des ouvrages hydrauliques. Ces ressources se répartissent entre les puits traditionnels, l’hydraulique villageoise (HV), l’hydraulique villageoise améliorée (HVA) et les sources d’eau naturelle.
1.2. Bassin versant de la Lobo, un espace riche en eau de surface
Les eaux de surface dans le bassin versant de la Lobo sont variables. Il y a un ensemble de ressources surfaciques ou superficielles qui font état d’une empreinte anthropique considérable. Il s’agit ici des barrages, des rivières, des marigots et des lacs. Les populations de la zone rurale sont plus en contact avec ces ressources que celles des zones urbaines. Ces ressources se localisent à Yuala, à Kibouo, à Brakaguhé en ce qui concerne les barrages. Quant aux rivières et marigots, ils se localisent et de façon générale sur l’ensemble des zones enquêtée. Au niveau des rivières la plus sollicitée, est celle du village de Zahia plus précisément dans les villages de Zimeguhé et Château connue sous le nom de « Tchrato ». Cette rivière est localisée à 25 km de la zone urbaine de Daloa et constitue la source de prélèvements pour l’approvisionnement en eau potable (AEP) de la commune de cette localité. À cette dernière, s’ajoute celle de Zaibo qui est aussi sollicitée par les populations environnantes (Photo N°1 et 2).
Photo n°1 : Vue de la rivière Photo °2 : Vue du Tchrato (Zimeguhé) barrage de Yuala
Cliché : Etelly, 2021
2. Modes d’approvisionnement en eau de boisson variés des ménages du bassin en milieu rural
L’alimentation en eau des ménages du bassin, pour les différents besoins domestiques est assurée par une variété de sources d’eau à l’échelle rurale (Figure 2).
Figure n°2 : Répartition des sources d’approvisionnement en eau des ménages
Source : Nos enquêtes Mars-Avril, 2021
2.1. Usage de l’hydraulique villageoise (HV) et de l’hydraulique villageoise améliorée (HVA)
L’hydraulique villageoise, constitue l’une des solutions les plus simples et les plus économiques pour assurer un approvisionnement collectif en eau potable dans les zones rurales, mais aussi dans les milieux périurbains. L’analyse de la figure 2, montre que 0,65% des ménages utilise uniquement cette source d’approvisionnement en eau. En plus de cela, les ménages font un usage mixte de cette source en l’associant au puits ceux-ci représentent une proportion de 30,52% (Figure 2). Ces populations font usage de ces sources d’eau, car pour elles ces dernières sont plus ou moins faciles d’accès. Par ailleurs, elles estiment que le coût est supportable et aussi à cause de la qualité que présentent ces sources.
L’HVA constitue un autre point d’approvisionnement en eau des ménages du bassin. Certains villages du bassin versant de la Lobo bénéficient de ce point d’eau. Il s’agit de Diafla à l’ouest du bassin et de Tiahouo au Nord Est du bassin. Sur l’ensemble des ménages enquêtés, ceux-ci ne font pas un usage unique de cette source. Ils associent à cette source des puits et représentent une proportion de 3,90%. Contrairement à l’hydraulique villageoise, dont la venue de l’eau nécessite la force physique humaine, l’approvisionnement en eau à partir des HVA repose sur un système motorisé. Il s’agit des mini-châteaux d’eau auxquels sont branchés des canalisations et connectés aux bornes fontaines (BF). Toutefois il convient de noter que l’eau est mise à la disposition des populations moyennant une somme d’argent selon la capacité du récipient. Par exemple 15 F.CFA le récipient de 0.1 à 20L. Pour les populations le prix d’accès à ce point d’eau est plus ou moins favorable.
2.2. Puits, marigot et SODECI, autres sources d’approvisionnement en eau dans le bassin versant
Les données de l’enquête montrent que, la majorité des ménages font recours à des puits traditionnels pour avoir accès à l’eau. Ce point d’eau est d’une part, utilisé uniquement avec une proportion de 54,55% et d’autre part, utilisé en association avec d’autres types de source d’approvisionnement tel que : Puits-HV (30,52%), Puits-HVA (3,90%) et Puits-Marigot (0,65%). Le recours à cette source d’eau, se justifie pour certains par une insuffisance de moyen financier et pour d’autres par l’absence d’adduction d’eau potable. Par ailleurs, le choix de cette source d’approvisionnement par la majeure partie des ménages s’explique par le fait que l’accès est gratuit et indépendant. Dans ces localités, presque tous les ménages possèdent des puits dans leurs domiciles et la distance pour avoir accès est souvent réduite. Ce qui pose moins de difficulté en termes d’accessibilité. En ce qui concerne les marigots, Ils constituent aussi l’un des points d’accès à l’eau des ménages dont la proportion est estimée à 0,65%. L’accès gratuit et indépendant pousse les populations à l’usage intensif de cette source d’approvisionnement en dépit de la longue distance à parcourir. A Brakaghué, une localité qui dispose d’un barrage hydroagricole, les marigots constituent les sources principales pour l’approvisionnement en eau des populations. Au niveau de la SODECI, pour les différents besoins, quelques ménages en milieu rural du bassin versant de la Lobo font recours à ce point d’approvisionnement en eau à travers les robinets fourni par la SODECI. L’usage de ce point d’eau est moins remarquable dans l’espace rural du bassin, soit une proportion de 7,79% (figure 2).
3. Modes et acteurs chargés de la gestion de l’eau dans le bassin versant de la Lobo à Nibéhibé en milieu rural
3.1. Deux modes de gestion des ressources en eau dans le bassin versant
Dans l’espace rural du bassin versant de la Lobo se distingue deux modes de gestion, à savoir la gestion libérale ou privée et la gestion dite communautaire ou participative. Ces gestions se font en fonction des types de ressources en eau, superficielle ou souterraine.
Concernant la gestion communautaire, elle est liée aux HV, HVA, marigot. Cette forme de gestion de l’eau, consiste en un mode d'organisation pratique, de gestion des ressources en eau et de gestion traditionnelle la plus élaborée. Ce mode permet aux différents usagers d'être impliqués d’une manière ou d’une autre dans la gestion. Elle concerne plus l’hydraulique villageoise et l’hydraulique villageoise améliorée. Ce comité est composé d’un Président, d’un Vice-Président, un secrétaire général, un secrétaire général adjoint, un trésorier général, un trésorier général adjoint ainsi que des conseillers. A côté, s’ajoute le marigot qui bénéficie également de cette forme de gestion. La gestion communautaire de l’eau est organisée par les Comités villageois. En effet, ces populations perçoivent le plus souvent l’eau comme un bien commun et une source de vie. Dans ce sens, elles méritent une attention importante s’agissant de sa gestion. Cela, afin d’en disposer tout le temps pour leurs multiples besoins. En outre, les eaux de surfaces (barrages de Yuala, Brakaguhé) sont plus concentrées dans la zone rurale. Les populations sont en contact directe ou indirecte avec celle-ci. Aussi adoptent-ils des attitudes allant plus ou moins dans le sens de la gestion de l’eau de surface.
Les puits constituent de façon générale la source d’eau la plus sollicitée par les ménages du bassin. Ce type de point d’eau a une gestion dite libérale dans le bassin versant de la Lobo. Ce mode de gestion se caractérise également au niveau de l’adduction en eau et de certaines sources d’eau.
3.2. Femmes comme actrices principales chargées des corvées d’eau dans la cellule famille dans le bassin
Depuis longtemps, les femmes jouent le rôle d’approvisionnement en eau de leur ménage. Elles sont les premières pourvoyeuses et utilisatrices d’eau au foyer. Quel que soit le type de source d’approvisionnement : Puits, Marigot, HVA, HV, elles sont majoritairement chargées d’alimenter leur cellule familiale (Photos n° 3 et 4).
Photo n°3 : Femmes s’approvisionnant Photo n°4 : Femmes à travers une HV à Vrouo s'approvisionnant 2 (Nord du bassin) à travers un puits à Dediafla (Centre du bassin)
Cliché : Etelly, 2021
Sur ces photos 3 et 4, il y a que des femmes qui s’approvisionnent à travers ces différents points d’eau. Cette activité fait partie de leur quotidien. Ces illustrations montrent pratiquement que les femmes en milieu rural du bassin sont chargées de cette corvée. Observons la figure n°3.
Figure n°3 : Répartition du rôle de la femme dans l’approvisionnement en eau des cellules familiales du bassin.
Source : Nos enquêtes Mars-Avril, 2021
À l’analyse de la figure 3, ce sont essentiellement les femmes qui fournissent l’eau nécessaire à l’usage domestique dans la zone rurale du bassin. On note que 99% des ménages reconnaissent que seules les femmes sont chargées des corvées d’eau contre 1% qui n’attribue pas ce rôle aux femmes, une proportion pratiquement négligeable.
3.3. Place des femmes dans la gestion des ressources en eau
Dans toutes les localités visitées, les hommes comme les femmes ainsi que les enfants ont besoin d’eau pour subvenir à leurs besoins à plusieurs niveaux : préparation de repas et assainissement ainsi qu’assurer un linge et des maisons propres. Pour assurer une disponibilité suffisante d’eau pour tous dans la cellule familiale, les femmes, partout dans le bassin versant de la Lobo assurent cette responsabilité majeure (Figure 3). Elles se chargent traditionnellement de la gestion de l’eau dans leurs différentes cellules familiales ; elles cherchent l’eau plus ou moins sur de longues distances. Celles-ci sont les utilisatrices primaires de l’eau à la maison, puisqu’elles prennent en charge la plupart des tâches domestiques. Toutefois, s’agissant de la gestion des différents points d’eau, les femmes sont véritablement écartées (Figure 4)
Figure n°4 : Taux d’implication de la femme dans la gestion de l’eau
Source : Nos enquêtes Mars-Avril, 2021
L’analyse de la figure 3 attribue largement la responsabilité des corvées d’eau à la femme. Aucune autre intervention en dehors des femmes relativement à cette tâche n’est évoquée. Aussi, sont-elles les actrices principales dans l’usage des ressources en eau pour répondre aux besoins domestiques de façon quotidienne. Ce qui explique clairement que la femme est plus en contact avec l’eau que l’homme. Toutefois, ces femmes qui utilisent plus l’eau, qui connaissent au mieux les sources d’eau sont véritablement marginalisées s’agissant de la question de gestion des ressources en eau. La femme est non impliquée en ce qui concerne la prise de décision et la planification pour la gestion des ressources. Toutefois, une place minime est accordée aux femmes dans certaines localités rurales avec une proportion de 5% contre 95%. Au regard de ces proportions qui précèdent, il est évident que les femmes demeurent largement exclues du processus décisionnel en matière de gestion des ressources en eau dans ces zones rurales du bassin.
4. Facteurs d’exclusion des femmes dans la gestion des ressources en eau dans le bassin versant de la Lobo à Nibéhibé
La gestion des ressources en eau du bassin versant de la Lobo à Nibéhibé en milieu rural favorise un véritable déséquilibre en termes d’implication du genre dans les comités de gestion (figure 4). Les femmes sont presqu’écartées au sein des comités de gestion de l’eau dans les villages enquêtés. Cette exclusion de la femme dans la sphère décisionnelle de gestion des ressources en eau s’explique par plusieurs raisons (figure 5).
Figure n°5 : Répartition des obstacles à l’implication de la femme dans la gestion de l’eau
Source : Nos enquêtes Mars-Avril, 2021
L’analyse de la figure 5 montre trois raisons principales qui justifient la non-implication de la femme dans la gestion des ressources en eau dans la zone rurale du bassin. Il s’agit des raisons socio-culturelles et traditionnelles (49%), la raison liée à la subordination de la femme (38%) et enfin celle liée à la déscolarisation de la femme avec une proportion de 6%.
S’agissant des raisons socio-culturelles et traditionnelles, des considérations socio-culturelles et traditionnelles, dont l’interdiction de la femme à l’accès à certaines sources d’eau en raison de son caractère sacré, sont les éléments fondamentaux qui n’associent pas des femmes dans les comités de gestion de l’eau dans certains villages dont Bohinou (Ouest du bassin). En outre, certaines racines de traditions propres à des communautés villageoises (Vrouo 1&2, Gregbeu, Gbena, Monoko-Zohi, etc.) ne permettent pas à la femme de dire son mot pour une décision quelconque.
Au niveau de la subordination, cette perception qui fait de l’homme le chef unique du ménage ne permet pas à ces dernières d’être impliquées dans les prises de décisions. Aussi, la considération de la femme comme être inferieur, demeure encore dans les mœurs dans le monde rural du bassin. Chose qui limite la femme dans des comités de gestion des ressources en eau. Ainsi, de façon négligente, la place des femmes au sein des comités de gestion. Certains hommes estiment que ces dernières ne tardent pas à dépenser le fonds qu’elles recueillent lorsqu’elles sont chargées de gérer les points d’eau. Cette assertion se perçoit clairement à travers cette affirmation du chef du village de Yuala lors des entretiens « avant on avait confié la gestion de la pompe à une femme mais elle a géré et on n’a pas vu l’argent ». Cette situation pousse certains hommes qui sont les chefs de ménages à douter des femmes en tant que bonne gestionnaire. À cet effet, préfèrent-ils gérer eux même les différents points d’eau dont ils sont en contacts. Cette manière met les femmes qui sont les actrices principales et plus en contact avec l’eau hors des comités de gestion. Une réalité qui est perçue pratiquement sur l’ensemble du bassin versant de la Lobo à Nibehibé en milieu rural. En ce qui concerne la déscolarisation, le fait qu’elles soient moins instruite, au regard de leur handicap de scolarisation constitue un facteur qui ferme les portes aux femmes dans les cercles de prises de décision en ce qui concerne la gestion des ressources en eau du bassin. Principalement, elles sont chargées du nettoyage autour de ces points d’eau.
Conclusion
Conclusion
Dans le bassin versant de la Lobo à Nibéhibé les ménages recourent à un ensemble de ressources. Il s’agit des eaux de surfaces composées des barrages, des rivières et des marigots. En outre, il y a des eaux souterraines, à savoir les puits traditionnels, l’hydraulique villageoise (HV), l’hydraulique villageoise améliorée (HVA) et les sources d’eau naturelle. Ainsi, pour s’approvisionner en eau de boisson les ménages ont recours à ces différentes sources avec une dominance de puits. À l’égard de ces différentes ressources en eau, les populations du bassin versant ont adopté un ensemble de méthodes pour la gestion des ressources en eau. Deux types de gestion à savoir, une gestion libérale ou privé (puits) et une gestion dite participative et communautaire qui inclut un ensemble d’acteurs rassemblés dans un comité de gestion. Par ailleurs, l’étude a montré que les femmes sont les utilisatrices principales de l’eau dans le bassin en milieu rural. Elles sont chargées des corvées d’eau dans la cellule familiale. Toutefois, plusieurs facteurs favorisent l’exclusion des femmes dans les comités et les cercles de décision en termes de gestion des ressources en eau dans les villages du bassin versant de la Lobo à Nibéhibé. Il s’agit des pratiques socio-culturelles et traditionnelles, la subordination du genre féminin et la déscolarisation. En vue d’atteindre une gestion durable des ressources en eau, il faut sensibiliser les populations rurales aux avantages de l’implication des femmes dans la gestion des ressources en eau, car elles ont une bonne connaissance des problématiques quant à l’utilisation quotidienne des infrastructures, et la présence permanente dans le village. Leur implication est pertinente et peut contribuer à une meilleure gestion des ressources en eau du bassin de la Lobo. Ainsi, les décideurs doivent œuvrer à établir des règles fortes en vue de faciliter la participation des femmes à la gestion des ressources en eau. En outre, la sensibilisation de la population aux questions de genre peut apporter des changements dans les pratiques traditionnelles.
Références
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