2020/Vol.3-N°5 : Système alimentaire urbain et santé en Afrique

5 |Profilage des maladies alimentaires à Maroua : cas de l’aire de santé de Dougoy à Maroua 3ème (extrême nord du Cameroun)

Profile of food diseases in Maroua: case of the Dougoy health area in Maroua 3eme (extreme north of Cameroon)

Auteurs

  • BASKA TOUSSIA Daniel Valérie Enseignant-Chercheur baskatoussia@yahoo.fr, Département de Géographie
  • GONGA François Doctorant gongafrancois@yahoo.fr , Département de Géographie

Mots-clés:

Maroua| aire de santé de Dougoy| morbidité| facteurs de risques| maladies alimentaires|

Résumé

Les pathologies alimentaires sont présentes à Maroua et l’aire de santé de Dougoy n’échappe pas à cette réalité. Leur morbidité et mortalité sont des préoccupations au sein de la population. Cette étude vise à dresser le profil des maladies liées à l’alimentation dans l’aire de santé de Dougoy. La méthodologie est basée sur la recherche documentaire, l’observation de terrain, les entretiens avec le personnel soignant et le dépouillement des registres de laboratoire du centre de santé de Dougoy. En 2019, sur 11 076 patients reçus en consultation au sein du centre de santé intégré (CSI) de Dougoy, au moins 1 384 (12,49 %) souffraient de maladies liées à l’alimentation. Sur les sept maladies recensées, les plus présentes sont les diarrhées (54,44 %), la malnutrition (27,04 %) et la fièvre typhoïde (12,29 %). Ces maladies sévissent de manière permanente et affectent les femmes et surtout les enfants de 0 à 10 ans. Les aliments impropres à la consommation et la présence des contaminants parasitaires font partir des éléments de diffusion de ces pathologies. Les maladies liées à l’alimentation sont prises en charge au sein de la principale formation sanitaire de l’aire de santé avec des protocoles bien établis. Cependant, la lutte contre ces pathologies funestes qui passe aussi par l’augmentation des fréquences de sensibilisation et la mise sur pieds des stratégies offensives, sont des alternatives pour éradiquer ces maladies alimentaires à Dougoy.

Introduction

De tout temps, les civilisations ont dû organiser un ravitaillement suffisant en denrées alimentaires saines et nourrissantes pour répondre aux besoins des populations (G. Moy, 1992, p. 39). L’homme s’alimente au quotidien pour fournir à l’organisme les éléments nécessaires pour son fonctionnement et surtout sa santé. L’alimentation représente les apports nutritionnels (consommation d’aliments et de boissons) devant satisfaire les besoins physiologiques d’un individu ou d’une population (couverture alimentaire). Cependant, ses insuffisances, ses excès ou ses erreurs déterminent de multiples processus morbides (régime alimentaire) (H. Pichéral, 2001, p. 42). On parle alors de maladies liées à l’alimentation ou pathologies alimentaires. Elles sont généralement infectieuses ou toxiques par nature et provoquées par des bactéries, des virus, des parasites ou des substances chimiques qui pénètrent dans l’organisme par le biais d’aliments ou d’eau contaminée (OMS, 2015, p. 5).
Dans la plupart des pays en développement, où les gastro-entérites sont l’une des cinq causes de maladie et de décès, les aliments insalubres contribuent de manière importante à ce fardeau évitable (K. Roesel et D. Grace, 2016, p. 10). Partout, les consommateurs craignent de plus en plus les épidémies de maladies d’origine alimentaire. Les personnes les plus vulnérables sont les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées et les malades (OMS, 2002, p. 5). Les aliments à risque sont à l’origine de nombreuses maladies aigües et chroniques, allant des maladies diarrhéiques à diverses formes de cancer. Par exemple, les maladies diarrhéiques transmises par les aliments et l’eau coûtent globalement la vie à quelques 2,2 millions de personnes par an, dont 1,9 millions d’enfants. Les maladies d’origine alimentaire et les menaces sur la sécurité sanitaire des aliments deviennent de plus en plus préoccupantes pour la santé publique et les économies locales (K. Roesel et D. Grace, 2016, p. 26).
Actuellement, les données accumulées au niveau international indiquent un accroissement de la mortalité associée aux maladies chroniques non transmissibles liées à l’alimentation dans la plupart des pays en développement (L. Bechiri, 2011, p. 1). Ces maladies sont dues la plupart du temps à des agents biologiques généralement infectieux qui pénètrent dans l'organisme avec les aliments. Ces flambées épidémiques ont des conséquences dévastatrices sur le plan de la santé et de l’économie tant dans les pays développés que dans les pays en développement (OMS, 2015, p. 1). Des estimations récentes indiquent que chaque année au Canada, 11 600 hospitalisations et 238 décès sont associés à des maladies d’origine alimentaire. On estime qu’environ quatre millions d’épisodes de maladies d’origine alimentaire contractées dans ce pays, surviennent chaque année (P. Bélanger et al, 2015, p. 3).
En 1998, l’UNICEF a analysé la situation des enfants dans le monde en développement et a relevé que sur près de 12 millions de décès qui surviennent chaque année parmi les enfants de moins de cinq ans, principalement de causes évitables, 55% peuvent être attribués directement ou indirectement à la malnutrition. On pense que les carences en minéraux et vitamines coûtent à certains pays plus de 5% de leur produit national brut du fait des pertes de productivité, mais aussi de capacités et de vies (UNICEF, 1998, p. 1-2). Lors d’une consultation d’experts de l’Organisation Mondiale de la Santé et de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture sur le régime alimentaire (28 janvier au 1er février 2002 à Genève), il a été établi que l’épidémie de maladies chroniques frappant les pays développés et les pays en développement, est liée à des modifications du régime alimentaire et du mode de vie de leurs populations. Il s’agit de l’obésité, le diabète sucré, les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension, les accidents vasculaires cérébraux et certains types de cancers (S. Destandau, 2015, p. 6-7). À ces maladies, il faut ajouter la malnutrition, les diarrhées, la fièvre typhoïde qui sont des maladies liées à l’alimentation et sont plus présentes dans les pays pauvres. Pourtant, elles ne sont plus un problème de santé publique dans les pays développés.
Des études ont montré que la diarrhée est la deuxième cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans. Elle tue 525 000 enfants chaque année (80% meurent au cours des 2 premières années de la vie) selon P. Aubry et B–A. Gaüzère, (2019, p. 1). La fièvre typhoïde survient partout dans le monde avec, selon les estimations, 21 millions de cas provoquant entre 216 000 et 600 000 décès par an (OMS, 2010, p. 63).
C’est la Région africaine qui proportionnellement à la population, est confrontée à la plus forte charge de maladies d’origine alimentaire. On estime chaque année à plus de 91 millions le nombre de cas et à 137 000 celui des décès (OMS, 2020, p. 3).
Ne faisant pas exception, le Cameroun porte le fardeau de ces maladies. La prévalence de la malnutrition aiguë sévère est élevée dans les deux régions septentrionales de l’Extrême-Nord (1,8%, proche du seuil d’urgence de 2%) et du Nord (1,2%) selon la FAO (2013, p. 5). En 2013, la région de l’Extrême-Nord enregistrait 11 561 cas de fièvres typhoïde pour au moins 05 décès (INS, 2013, p. 133).  Les villes camerounaises à l’instar de Maroua n’ont pas toujours des espaces marchands adéquats. Les aliments prêts à la consommation sont souvent exposés à l’air libre et à même le sol. Pourtant, la consommation d’aliments exposés aux agents microbiens est source de risque sanitaire. La consultation des patients dans les formations sanitaires fait savoir que ces pathologies sont présentes. Ce travail vise à dresser le profil des maladies liées à l’alimentation dans l’aire de santé de Dougoy. Il s’agit d’identifier les principales maladies alimentaires, de monter l’évolution mensuelle de ces maladies, d’identifier les catégories sociales vulnérables, les facteurs de diffusion et les stratégies de prise en charge de ces pathologies au sein de l’aire de santé de Dougoy.

Méthodologie

1. Outils et méthodes

1.1. Présentation de la zone d’étude

La commune de Maroua 3ème est née par décret présidentiel N° 2007/117 du 24 avril 2007. Elle s’étend sur une superficie de 2980 km2 et sa population est actuellement estimée à environ 86 574 (MINDUH, 2017, p. 31). Le climat est tropical du type sahélien. Il pleut en moyenne 700 millimètres de pluie par an. Les précipitations se concentrent entre le mois de juin et septembre. Les températures sont variables de l’ordre de 25°C en saison de fraîcheur, de 30°C en saison pluvieuse et culminent à 45°C en périodes de fortes chaleurs. Le relief de cette commune est caractéristique de la plaine du Diamaré. Le Mayo Kaliao traverse cette ville à partir du milieu et semble scinder Maroua en deux (PCD, 2016, p. 28-29).
L’évolution de la démographie au sein de la commune de Maroua 3ème, reflète celle des pays en voie de développement. Le taux d’accroissement de cette population est évalué à 3,4% par an (Recensement de la population, 2005). Cette population globale est constituée à 53% des jeunes (PCD, 2016, p. 31).
Sur le plan sanitaire, la commune de Maroua 3ème est un district de santé avec huit aires de santé parmi lesquelles, se trouve l’aire de santé de Dougoy (Carte n°1).                                                  carte1
L’aire de santé de Dougoy concentre une population de 60 903 âmes (PEV, 2018) répartis dans 12 quartiers à savoir Doursoungo, Louggueo, Camp SONEL, Sararé, Dougoy Tchoumou, Dougoy Sirataré, Dougoy Sarki-Yayai, Dougoy Massalaré, Karal Waya, Ouro Lopé, Ouro Madjere et Ouro Dourma. En terme d’infrastructures de santé, on note un centre de santé intégré et deux cliniques privés (clinique Bon secours, clinique de cardiologie). Le centre de santé publique a reçu 11 076 patients en 2019 (CSI, 2019).

1.2. Techniques de collecte et de traitement de données

La démarche méthodologique allie à la fois la collecte, le traitement, l’analyse et l’interprétation des données. Cette méthode s’est construite autour de la recherche documentaire et des enquêtes de terrain. La première phase de l’étude s’est focalisée sur la collecte des données au centre de documentation de l’École Normale Supérieure de l’Université de Maroua et sur certains sites spécialisés sur internet tel que l’OMS. Les documents consultés (mémoires, articles, ouvrages généraux et les rapports) ont permis d’avoir une idée globale des pathologies alimentaires et leurs impacts sur la santé de l’homme.
La deuxième phase s’articule autour de la collecte des données socio sanitaires de 11 076 patients par le truchement du dépouillement du registre du laboratoire médical de 2019 du centre de santé de Dougoy. Ceci a été fait sur une durée de trois mois (Décembre, Janvier et février 2020). Les informations recherchées ont concerné les résultats des examens de laboratoire, le sexe, la tranche d’âge et le quartier de résidence du malade. En effet, avec l’aide du personnel soignant, le travail a consisté à repérer au regard des résultats de laboratoire, les personnes souffrant de pathologies alimentaires. Ensuite, une classification spécifique en fonction du sexe, de la tranche d’âge et du lieu de provenance a été établie.
Des entretiens en profondeur ont été effectués avec trois (03) personnels soignants du centre de santé de Dougoy autour des facteurs de propagation des maladies liées à l’alimentation et des stratégies de prises en charges sanitaires au sein du centre de santé.
À côté de ces enquêtes, des observations ont été entreprises sur les aliments vendus dans les marchés de la ville de Maroua. Des photos ont été prises avec un appareil photographique numérique.
Par ailleurs un GPS (Global Positionning System) a été utilisé pour enregistrer les positions (latitudes et longitudes) du centre de santé, et des marchés.
À partir du logiciel Excel 9.0, des statistiques descriptives ont été réalisées. Des graphiques et des tableaux statistiques à partir des données issues du registre de laboratoire médical (2019) ont été produits. L’analyse spatiale a permis de cartographier la répartition des malades en fonction de leur lieu de provenance sous le logiciel Quantum Gis 2.18.0

Résultats

2. Résultats

2.1. Faciès épidémiologiques et répercutions des maladies alimentaires à Dougoy

Les habitudes alimentaires d’une société déterminent dans la plupart des cas leur état de santé. L’alimentation peut donc contribuer ou dégrader la santé d’un individu. Les enquêtes de terrain et les dépouillements du laboratoire d’analyse du centre de santé de Dougoy révèlent que les pathologies alimentaires sont présentes au sein de la population. En 2019 par exemple, sur 11 076 patients reçus en consultation au sein du centre de santé intégré (CSI) de Dougoy, au moins 1 384 personnes ont été examinées souffrant d’une maladie liée à l’alimentation soit une valeur relative de 12,49%. Ces pathologies alimentaires dont certains facteurs sont identifiés, sévissent pratiquement toute l’année.
2.1.1. Types de maladies liées à l’alimentation
L’exploitation des données du registre du laboratoire révèlent que les patients qui fréquentent le centre intégré de santé de Dougoy souffrent de pathologies d’origine alimentaires. Le recensement a mis en exergue sept maladies liées à l’alimentation. Il s’agit de la malnutrition, des diarrhées, de la fièvre typhoïde, du diabète sucré, l’hypertension artérielle, les allergies alimentaires et l’intoxication alimentaire. Le graphique n°1 permet d’apprécier l’ampleur de ces maladies au cours de l’année 2019.                             graphique
L’analyse du graphique n°1 montre que la diarrhée, la malnutrition, et la fièvre typhoïde sont les principales maladies alimentaires dans l’aire de santé de Dougoy. La diarrhée est l’émission de selles molles ou liquides plus fréquemment que la normale pour un individu (OMS, 2000). La malnutrition désigne un déséquilibre quantitatif et qualitatif pouvant entrainer de multiples conséquences morbides et mortelles. C’est donc une maladie de carences (H. Pichéral, 2001, p. 180). La fièvre typhoïde quant à elle, est une maladie infectieuse aiguée causé par une entérobactérie pathogène, salmonella enterica, serovar typhi. En effet les répercussions de la fièvre typhoïde sur la qualité de vie sont toutes aussi préoccupantes (A. Pomboura, p. 392).
Au cours de l’année 2019, les examens de laboratoire du CSI de Dougoy ont montré que sur les 1 383 patients souffrants de maladies liées à l’alimentation, 54,44% sont atteints de maladies diarrhéiques, 27,04% de malnutrition, 12,29% de la fièvre typhoïde, 4,12% d’allergie alimentaire, 01,01% d’hypertension artérielle, 0,79% de diabète sucré et 0,28% d’intoxication alimentaire. Les trois premières maladies sont très présentes et menacent la santé des populations sur toute l’année.
2.1.2. Évolution mensuelle des taux de prévalence des principales maladies alimentaires à Dougoy
La malnutrition, les diarrhées, la fièvre typhoïde qui sont les trois les principales maladies alimentaires sévissent de façon permanente au sein des populations de l’aire de santé de Dougoy. À celles-ci, s’ajoutent le diabète sucré, l’hypertension artérielle, les allergies alimentaires et l’intoxication alimentaire dont les chiffres ne sont pas très alarmants. Ces maladies sont diagnostiquées tout au long de l’année. Le graphique n°2 permet d’observer l’endémicité mensuelle de ces pathologies alimentaires à Dougoy.                                   graphique2
L’analyse du graphique n°2 montre que les maladies diarrhéiques, la fièvre typhoïde et la malnutrition sévissent de manière permanente à Maroua en général et dans l’aire de santé de Dougoy en particulier. Les diarrhées occupent la première place et connaissent des pics aux mois de juin (101 cas) et juillet (111 cas). Ensuite, la malnutrition est la deuxième affection avec les mois d’avril (43 cas), mai (42 cas), juin (48 cas) et août (52 cas) qui enregistrent plus de cas d’enfants et d’adultes malnutris ou sous-alimentés. Enfin, pour la typhoïde, le plus grand nombre de cas est enregistré pendant les mois d’août (27 cas) et de novembre (28 cas).
Les pathologies alimentaires peuvent être contractées tout au long de l’année. Cependant, certaines catégories sociales sont plus à risques ou vulnérables par rapport aux autres. Il s’agit des enfants qui peuvent être des élèves et des femmes (ménagères).
2.1.3. Femmes et enfants : des catégories sociales plus affectées par les maladies alimentaires
Les maladies d’origine alimentaire touchent des personnes de tous âges mais surtout les enfants de moins de cinq ans et les femmes. Ces deux catégories sociales sont plus vulnérables aux maladies. Un récemment systématique des caractéristiques (sexe, tranche d’âge) (Graphique n°3) des 1 384 patients souffrants de pathologies alimentaires a permis d’obtenir le résultat ci-dessous: graphique3
En 2019, 58% de personnes de sexe féminin (femmes et enfants) souffraient de maladies liées à l’alimentation contre 42% d’hommes. Cependant, une répartition par tranche d’âge montre que les enfants de 0 à 10 ans sont très vulnérables par rapport aux adultes (tableau n° 1).   
tableau1
L’analyse des données du tableau n° 1 montre que les enfants sont la catégorie sociale la plus affectée par les maladies liées à l’alimentation. Au cours de l’année 2019, sur les 1 384 malades souffrants de l’une des maladies alimentaires, la tranche d’âge de 0 à 10 ans est la plus affectée (39%). Elle est suivie de la tranche d’âge de 11 à 20 ans (19%) et de 21 à 30 ans (17%). Par ailleurs, les adultes à partir de 31 ans sont modérément atteints par ces maladies (typhoïde, diarrhées et malnutrition).
Quoi qu’il en soit, les maladies liées à l’alimentation affectent beaucoup plus les enfants. Cependant, la provenance des malades montre que certains quartiers de l’aire de santé sont plus touchés que d’autres.
2.1.4. Disparité dans la distribution spatiale des patients affectés par les pathologies alimentaires à travers les quartiers plus affectés
L’aire de santé de Dougoy regroupe 11 quartiers de la commune de Maroua 3ème. Mais le centre de santé accueille des patients au-delà de l’aire de santé. Une analyse du lieu de provenance de 1 384 personnes atteintes de maladies liées à l’alimentaire a permis de faire une cartographie des quartiers d’où viennent ces malades. La carte n°2 ci-dessous présente la répartition spatiale des malades par quartier autour de l’aire de santé de Dougoy.
carte2
Il ressort de l’analyse de la carte n°2 que le centre de santé de Dougoy reçoit des patients des trois districts de santé de la ville Maroua (Maroua 1er, Maroua 2e et Maroua 3e). Il reçoit les patients des quartiers appartenant à son aire de santé et des autres aires de santé. Sur les 1 384 malades enregistrés, on remarque que 37,28%% et 19% habitent respectivement les quartiers Dougoy et Doursoungo. Ils sont suivis de Kongola (13,08%), Louggueo (11,92%) et Djarengol Kodek (6%). Cependant, le nombre de patients atteints de pathologies alimentaires venant des quartiers Pont Vert (2,02%), Domayo (2,02%), Doualaré (1,01%) et Baoliwol (0,22%) n’est pas très significatif.
Il est important de mentionner que ces pathologies sont plus présentes et sévissent de manière permanente. C’est pourquoi, l’on doit s’interroger sur les facteurs de prolifération de ces maladies liées à l’alimentation.

2.2. La gestion des aliments dans les ménages et la vente des aliments dans la rue : deux facteurs de prolifération des maladies alimentaires à Dougoy

Rappelons que l’alimentation est nécessaire pour le bon fonctionnement de l’organisme et la santé de l’homme. Cependant, elle peut être un risque pour la santé si elle est contaminée par des parasitoses ou manque d’éléments nutritifs. Dans l’aire de santé de Dougoy, sept pathologies alimentaires ont été relevées à savoir les maladies diarrhéiques, la malnutrition, la fièvre typhoïde, l’allergie alimentaire, l’hypertension artérielle, le diabète sucré et l’intoxication alimentaire. La gestion des aliments dans les ménages et la vente des aliments dans la rue sont source de contamination par des éléments microbiens. La planche n°1 ci-dessous montre comment certains aliments sont vendus sur les marchés situés généralement en bordure de rue.  
planche de photo
L’image A présente de la salade vendue au marché de Dougoy, l’image B montre du pain vendu sur des étals sans aucune protection au carrefour Shell, l’image C met en exergue du poisson fris à l’air libre et l’image D montre visiblement une femme en train de faire des beignets au petit marché Ouro-Djarendi. Ces aliments prêts à la consommation sont vendus par des vendeurs ambulants ou fixes, notamment dans les rues et d’autres endroits similaires. Ils représentent une part importante de la consommation alimentaire urbaine journalière de millions de consommateurs à revenu faible ou moyen (FAO, 2007, p. VI) dans la ville de Maroua. Ces aliments exposés à la poussière en longueur de journée, à la température ambiante, deviennent un réservoir des agents microbiens responsables de certaines pathologies. La consommation de la salade, des légumes et des fruits est très dangereuse lorsqu’ils ne sont pas convenablement nettoyés.
Il s’agit ici de montrer que la consommation des aliments mal conservés est un risque car ils peuvent être contaminés par des micro-organismes tels que les bactéries, les levures et les moisissures, les virus et les protozoaires responsables des maladies (diarrhées, fièvre typhoïde). Ces situations sont caractéristiques de ce qui se passe un peu partout dans la ville de Maroua où les aliments sont vendus à même le sol et dans un environnement parfois insalubre.

2.3. Des stratégies de prise en charge efficient des maladies alimentaires au CSI de Dougoy

Les maladies liées à l’alimentation sont effectivement prises en charge au centre de santé intégré de Dougoy. Des entretiens faits avec trois personnels soignants ont permis d’avoir une idée précise des stratégies de prise en charge. Comme élément commun, toutes les méthodes de prise en charge passent par l’anamnèse, c'est-à-dire l’évocation du passé du malade. Ceci passe par une série de questions au cours de la consultation.
Pour les patients souffrants de malnutrition notamment les enfants, la prise en charge passe par les soins nutritionnels et les séances d’éducation des mères. L’accueil au centre de santé commence par une prise des paramètres (poids, taille, périmètre brachial). Ceci permet de confirmer si l’enfant souffre ou pas de malnutrition. Par exemple, selon les documents de prise en charge, un enfant de 70 cm pesant moins de 6,6 kg souffre d’une malnutrition sévère. Une fois que l’enfant se retrouve parmi la catégorie cible, on procède à une série d’examens pour savoir s’il ne souffre pas d’autres pathologies (paludisme, parasitoses). Après cela, le personnel soignant ouvre une fiche de suivi et met le malade sous ATPE (Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi).
Un calendrier hebdomadaire est établi et doit être systématiquement respecté par les parents jusqu’à la guérison. Les agents de santé communautaire assurent le contrôle au niveau des quartiers. Les cas les plus sévères sont référés au Centre Nutritionnel Thérapeutique Interne (CNTI) à l’hôpital régional de Maroua. Pour ce qui est des séances d’éducation, elles tournent autour des causes de la malnutrition, diarrhées, fièvre, IRA (infection respiratoire aigüe), infection (peau, yeux, oreilles), jeux et stimulation, nutrition-soins de l’enfant et l’hygiène. La fiche de suivi permet donc de consigner les étapes de la prise en charge de l’enfant jusqu’à sa guérison complète. Elle renferme son identité, celle de ses parents, les pathologies dont souffre l’enfant, l’administration des médicaments, des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi, le suivi etc. cette fiche retrace l’évolution de l’enfant du début jusqu’à la fin du traitement.
Pour les maladies diarrhéiques, la prise en charge passe par l’administration des anti-diarrhéiques, des solutions de réhydratation orale, du zinc et des antibiotiques dès l’arrivée du patient au centre de santé. Une fois le malade stabilisé, on procède à un examen des selles pour déterminer les parasitoses à l’origine du mal afin de poursuivre le traitement à base des fongiques tels que la nystatine, le métronidazole, le fluconazole et autres antibiotiques.
En ce qui concerne la typhoïde, le statut du malade est déterminé par un examen du sang. Une fois que la présence d’entérobactérie pathogène est détectée, le patient est mis immédiatement sous traitement. Les antibiotiques tels que le ceftiazone, fixim sont prescrites aux malades.
Pour les allergies alimentaires, l’observation des symptômes comme des éruptions cutanées et des démangeaisons, le traitement est fait à base des corticoïdes comme le dexaméthazone.
Pour les cas du diabète, de l’hypertension artérielle et l’intoxication alimentaire la prise en charge est différente. Une fois le diagnostic posé, le malade reçoit les premiers soins de stabilisation. Par la suite, il est référé à l’hôpital régional de Maroua. La prise en charge de ces maladies incombe aux médecins. À ce niveau, on peut procéder à une adaptation du régime alimentaire (diabète, de l’hypertension artérielle) et à un lavage gastrique (intoxication alimentaire).
Selon les personnels de santé, ces différentes prises en charge sont toutefois assorties des conseils sur la gestion et l’hygiène des aliments. L’hygiène alimentaire reste un atout de prévention de ces pathologies.

Conclusion

Conclusion

L’aire de santé de Dougoy est l’une des aires de santé du district de santé de Maroua 3ème. La ville de Maroua et singulièrement l’aire de santé de Dougoy n’échappe pas à la réalité des maladies liées à l’alimentation. Le dépouillement du registre de l’aire de santé a montré que sur l’ensemble des patients examinés en 2019, au moins 12,49% souffraient de pathologies alimentaires. Les plus importantes étaient les diarrhées, la malnutrition, et la fièvre typhoïde qui sévissent de manière permanente. Les femmes et les enfants sont les catégories sociales les plus touchés par ces pathologies. La vente des aliments dans la rue est source de contamination. Au sein du centre de santé de Dougoy, diverses stratégies de prise en charge sont mises en place. Le protocole de traitement est défini en fonction des résultats des examens au laboratoire. Toutefois, les personnels soignants pensent que l’hygiène alimentaire reste le meilleur moyen de prévention de ces maladies. Une stratégie nationale visant à réduire les risques liés aux produits alimentaires doit être mise en œuvre car le bon fonctionnement de l’organisme et de la santé dépend de la qualité de l’alimentation.

Références

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Publié

30 Juin 2020

Comment citer

Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne], 2020,, mis en ligne le 30 Juin 2020. Consulté le . URL: https://www.retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=82

Numéro

Rubrique

Espace,Sociétés et Santé