2022/Vol.5-N°9: Méthodes et outils géospatiaux dans l’analyse des problèmes de santé
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A PROPOS DE L’ENDEMICITE DU PALUDISME ET DE LA TYPHOIDE DANS LE BASSIN VERSANT DU MBANYA (DOUALA-CAMEROUN)
ABOUT THE ENDEMICITY OF MALARIA AND TYPHOID IN THE MBANYA BASIN SIDE (DOUALA-CAMEROON
TCHEUNTEU SIMO Joël Simplice.
Docteur
Faculté des Sciences juridiques et politiques, Département de Science politique,
Université de Ngaoundéré (Cameroun),
sityjoe@yahoo.fr
A Douala, la croissance démographique galopante a généré la crise foncière et le problème de logement (J. P. Mbaha et al., 2013, p.5). Face à ces maux, une frange de la population s’est installée dans des espaces non aedificandi. Ces sites sont aménagés sans support légal et stimulé par l’autoconstruction (J. Tcheunteu, 2012, p.3). Plusieurs problèmes affectant le cadre et la qualité de vie des habitants s’y rencontrent : l’extension de la zone d’habitat urbain dans les régions inondables et marécageuses, l’insuffisance ou l’inexistence des réseaux de drainage des eaux de surface et des systèmes d’assainissement urbain, la gestion des déchets, la pollution de l’environnement (H. Emvoutou, 2007, p.4). Ceci participe à la dégradation de l’environnement avec des impacts sur la santé (P. Ehrlich, 1968, p.4), car les crises environnementales sont sources de diverses maladies (J-F. Beaux, 2004, p.64).
Toutefois, la santé de la population est déterminée par l’existence et l’utilisation des services sociaux de base tels que l’approvisionnement en eau et l’assainissement, la qualité des services disponibles, la responsabilité de chacun et la qualité de l’environnement (OMS 2002 p.12). Ce qui n’est pas le cas dans les zones dites non constructibles de la capitale économique du Cameroun malgré l’anthropisation de celles-ci. D’où la vulnérabilité de ses habitants aux diverses maladies liées à l’eau.
Dans le bassin versant du Mbanya, la recrudescence du paludisme et de la typhoïde reste d’actualité. Ils sont cause de 60% de consultations médicales à l’hôpital de district de Déido
Le paludisme est une maladie parasitaire, transmise à l’homme par l’anophèle femelle infestée du type Gambiae et causé par un protozoaire du genre plasmodium falcifarum (ONU/SPIC, 2005, p. 23). La typhoïde encore appelée fièvre typhoïde ou salmonellose est une maladie infectieuse contagieuse due au bacille typhique ou bacille d’Eberth. Elle, se caractérise par une fièvre élevée, un état de stupeur et des troubles digestifs graves et est transmise par voie digestive (toxi-infection alimentaire), soit par ingestion d’eau contaminée par des salmonella provenant souvent d’un puits, soit par ingestion d’aliments contenant cette bactérie (Larousse-médecine 2007).
Au cours de l’année, de nombreux habitants du bassin versant du Mbanya sont victimes d’au moins une de ces maladies considérées à l’échelle nationale comme maladies ré-émergentes et présentant des caractéristiques très inquiétantes et alarmantes (A. Samé Ekobo, 2002, p.6).
Qu’est-ce qui explique la recrudescence du paludisme et de la typhoïde dans le bassin versant du Mbanya? Quelle est la prévalence de chacune de ces maladies ? Comment les malades accèdent-ils aux soins dans cet espace dépourvu d’hôpital public?
De façon spécifique, il s’agira de présenter les facteurs d’endémicité de ces deux maladies, de dresser les données statistiques de chacune d’elles et analyser les modes d’accès aux soins dans ce bassin versant et ses environs.
1. Outils et méthodes
1.1. Présentation de la zone d’étude
Douala, la Capitale économique du Cameroun est bâtie sur la rive gauche du fleuve Wouri, et est découpée en 68 bassins versants (Carte n°1). Le bassin versant du Mbanya est compris entre 4°3’ et 4°4’ de latitude Nord et entre 9°41’30 et 9°44’30’’ de longitude Est. Suivant le découpage administratif, il intègre les quartiers des Arrondissements de Douala 1er et Douala 5ième (Carte n°2).Le Mbanya, cours d’eau principal et éponyme de ce bassin versant, prend sa source près du Boulevard de la république à environ 15 m d’altitude au sud du stade de la Réunification, le traverse longitudinalement dans le sens Sud-Ouest/Nord-Ouest, puis s’écoule sur une distance de 4,8 km avant de se jeter dans le fleuve Wouri (J.Tcheunteu, 2012, p.7). Pour être plus précis, la délimitation de la zone de cette étude est d’environ 210 hectares et couvre l’ensemble des bas-fonds des quartiers New-Déido, Bépanda et Akwa-Nord (Carte n°3).
Carte n°1 : Douala délimitée en bassins Versants
Source : Projet de station pluviométrique dans la ville de Douala C.U.D, 2021
Carte n°2: Le bassin versant du Mbanya
Source : Projet de station pluviométrique dans la ville de Douala C.U.D, 2021
Carte n°3 : Zone d’étude dans le bassin versant du Mbanya
Fond de carte : Atelier d’Urbanisme C.U.D; Réalisateur : Tcheunteu Joël, 2022
1.2. Techniques de collecte des données
La mission exploratoire a abouti à la délimitation et à la structuration géographique de la zone d’étude. Ensuite l’usage des techniques vivantes[1] a permis durant les enquêtes de ménages de collecter des données qualitatives et quantitatives. Les données qualitatives sont issues des entretiens semi-directifs menés auprès des infirmières rencontrées dans les différents centres de santé inventoriés. Cette approche, a aidé à prendre connaissance des différentes maladies les plus fréquemment diagnostiquées après une consultation médicale dans un centre de santé.
Les données quantitatives résultent des sondages de type aléatoire simple par questionnaires conduits auprès de 300 ménages répartis comme suit : New-Déido (100), soit (50) au lieu-dit "quartier gentil" et (50) au lieu-dit "grand-moulin" ; Bépanda (100), soit Bonabo (50) et lieu-dit "Bépanda-voirie" (50) et enfin Akwa-nord précisément au lieu-dit "Sable" (100). Le critère d’éligibilité des ménages est tributaire de la proximité de ceux-ci avec un drain ou le cours d’eau. Seules les maisons situées à une distance de moins de 100 mètres de ces objets géographiques ont été échantillonnées.
Les données collectées auprès des chefs de ménages portent essentiellement sur les maladies les plus récurrentes dans leurs familles, leur avis par rapport à la fréquence de ces maladies, l’accès aux soins de santé, le centre de santé le plus sollicité, les raisons de ce choix, la qualité ou la fiabilité du corps médical rencontré, le mode et le coût de traitement, le nombre de personnes par ménage, la fonction et le revenu du chef de ménage.
Une autre partie des données quantitatives mobilisées dans cette étude provient du dépouillement des archives de l’hôpital de District de Déido et concerne uniquement les patients résidant dans un quartier du bassin versant du Mbanya et souffrant soit du paludisme soit de la typhoïde. Ces données ont été dépouillées manuellement et traitées à l’aide des outils statistiques inférentielles (moyennes et fréquences).
Les données rasters ont été acquises par extraction des couches d’informations des images satellitaires (Landsat ETM+ multispectral, 2006). Celles-ci ont été géoréférencées, et traitées à l’aide du logiciel Arc Gis version 10. L’essentiel des centres de santé, considérés comme des objets géographiques ont été géolocalisés à l’aide d’un GPS de marque Garmin version 5.0. Ces données ont servi à la réalisation des cartes.
La recherche documentaire a consisté à la lecture des documents et l’exploration de l’internet. Elle s’est appuyée sur des données et informations trouvées dans des ouvrages, des Dictionnaires spécialisés, des Articles scientifiques, des Mémoires et Thèses de Doctorat, des Rapports des Organisations Internationales.
[1] Les techniques vivantes sont les instruments techniques dont disposent les chercheurs (M. Grawitz., Méthodes des Sciences sociales, Dalloz, 11ème édition, Paris, mars 2002, pp.524.)
2. Résultats
Deux principaux facteurs sont cause de l’endémicité du paludisme et de la typhoide dans bassin versant du Mbanya où les malades préfèrent se soigner à l’indigène ou dans la rue.
2.1.Divers facteurs d’endémicité du paludisme et de la typhoïde dans le bassin versant du Mbanya
L’endémicité de la typhoïde est la conséquence de l’usage domestique des eaux de puits artisanaux alors que la proximité de l’habitat avec les eaux de surface insalubres explique la recrudescence du paludisme.
2.1.1. L’usage domestique des eaux de puits
Dans les bas-fonds du bassin versant du Mbanya, le problème d’approvisionnement en eau potable se pose avec acuité. Les populations sont contraintes de recourir aux eaux de puits pour les travaux domestiques. Ces points d’eau dont la profondeur est pour la plupart inférieure à 2 mètres sont localisés pour l’essentiel dans un environnement malsain et insalubre, propice au développement et à la dissémination des germes de la typhoïde (planche photographique 1).
Planche photographique n°1 : Puits d’eau artisanaux dans un environnement malsainSource : Clichés Tcheunteu Joël, 2012 et 2022
La proximité entre les puits d’eau, les poulaillers, porcheries et les fosses septiques et d’aisance favorise la contamination des eaux de puits par les substances organiques dissoutes via le phénomène d’osmose. La différence de concentration en produit dissous entre les fosses d’une part et les puits d’eau d’autre part provoque une différence de pression osmotique. Plus de 40% des ménages disposent d’un puits d’eau et 55,1 % de ces ouvrages hydrauliques ne bénéficient pas d’un aménagement adéquat. Ils sont laissés à ciel ouvert. Or les inondations ici sont fréquentes en saison des pluies du fait de la planimétrie du relief et de l’obstruction des drains et caniveaux par des immondices (Planche photographique n°2). Les eaux qui coule à la surface de la terre charrient les ordures de toutes sortes et les déversent dans des puits d’eau non aménagés.
Planche photographique n°2 : Inondations dans le bassin versant du Mbanya
Source : Clichés Tcheunteu Joël, 2022
De façon générale, la consommation ou l’usage des eaux de puits est préjudiciable pour la santé humaine. Elles sont généralement contaminées par les germes des maladies hydriques. Le bacille d’Eberth responsable de la salmonellose, le vibrion cholérique germe du choléra ou la bilharziose, vecteur des dermatoses séjournent bien souvent dans ces eaux.
L’usage des eaux de puits et de source dans ce bassin versant est la conséquence de la rareté d’eau potable. L’accès à une eau de qualité reste un réel problème. Pourtant, ce précieux liquide est l’une des principales ressources naturelles indispensables pour toute forme de vie sur terre (OMS, 2006, p.23). L’adduction en eau potable dans le bassin versant du Mbanya est limitée et reste onéreuse. Les frais de branchement et d’abonnement au réseau d’eau Camwater (carte n°4) s’élèvent à la somme minimale de 135 000 francs CFA pour une distance de seulement 5 mètres à partir du point de connexion. Très peu de ménages sont connectés à ce réseau faute de moyens financiers. Sur l’ensemble des enquêtes, 95% des chefs de ménages sont du secteur informel et ont un revenu mensuel inférieur ou égale à 90 000 Francs CFA, soit environ 3000 Francs CFA par jour. Ce revenu est incertain alors que le nombre de personne par ménage est en moyenne 5. Par ailleurs, la nature géo-pédologique du sol n’est pas favorable à l’implantation d’un forage moderne ou d’une hydraulique villageoise dans cet espace.
Carte n°4 : Réseau d’adduction CDE
Source : Carte de réseau d’adduction d’eau CDE de la ville de Douala; Réalisation: Tcheunteu J., 2022
2.1.2. La proximité de l’habitat avec les eaux insalubres
La gestion des déchets est l’une des questions socio-environnementales les plus préoccupantes dans la ville de Douala (C. L Meutou., 2011, p.13). Cette gestion, assurée par le concessionnaire HYSACAM, reste approximative compte tenu de la fragmentation sociodémographique des « territoires de salubrité urbaine » (J. M. OLinga, 2012, p.34). En effet, la quantité d’ordures ménagères collectées par jour reste faible (400 à 500 tonnes, contre environ 1100 tonnes produites) eu égard au coût élevé de cette activité (environ 2,3 milliards FCFA/an), l’insuffisance des camions de collecte et des bacs à ordures (L.B.Tchuikoua, 2010, p. 39). La collecte de ces ordures est ainsi limitée exclusivement aux quartiers accessibles par des routes praticables pour les camions de collecte. Par conséquent, ces « territoires insalubres », ne sont pas pris en compte dans le cahier de charge des prestations d’HYSACAM du fait de leur inaccessibilité et de l’absence d’un système de pré collecte (L.B. Tchuikoua, 2010). De ce fait, les bas-fonds du bassin versant du Mbanya, sont marqués par une prolifération des décharges incontrôlées d’ordures ménagères solides et d’eaux usées. Le Mbanya devenant le lieu par excellence de déversement des déchets ménagers solides ou de vidange de fosse d’aisance par une frange importante de la population (planche photographique n°3).
Planche photographique n°3 : Eaux de surface chargée d’immondices
Source : clichés : Tcheunteu Joël, 2012
Par cette planche photographique n°3,on voit qu’il est évident que les habitants du Bassin versant du Mbanya restent vulnérables au paludisme. En effet, dans ce bassin versant, l’homme est le principal agent pollueur et se présente comme la principale cible des vecteurs et parasites qui se développent dans ce type de milieu, notamment l’Anophèle gambiae vecteur du paludisme. A l’état larvaire, ce vecteur est susceptible de se développer dans une grande variété de gîtes. On peut le rencontrer dans tous les types de collections d’eau, à condition qu’elles ne soient pas trop chargées en matières organiques ou en sels minéraux et que le courant soit faible ou nul. Cette espèce préfère cependant les petites collections d’eau ensoleillées résultant de l’activité humaine (J. Rageau et al., 1953, p.430).
Ce déversement d’ordures dans le Mbanya est nourri par la non application des textes réglementaires en la matière. A titre d’exemple, l’article 4 de la loi N°987/005 du 14 avril 1998, portant régime de l’eau au Cameroun en son alinéa 1, proscrit le déversement dans les cours d’eaux de toute substance polluante solide, liquide ou gazeuse. Mais, les observations directes sur le terrain révèlent le clivage incontestable entre l’existence de la loi et son application (J. Tcheunteu, 2012, p.50).
La prévalence du paludisme et de la typhoïde dans le bassin versant du Mbanya
Cette prévalence est essentiellement les données statistiques de l’hôpital de District de Déido. Cette formation sanitaire est d’après les sondages, le centre médical le plus sollicité par les patients. Le choix de ce sanatorium par ces derniers repose sur la qualité du personnel médical, du plateau technique préférable, d’une pharmacie disponible, son rapprochement et le fait qu’il soit un hôpital public où les coûts des soins sont relativement bas par rapport aux centres de santé privés.
2.2.1. La prévalence du paludisme
Les statistiques de l’hôpital de District de Déido montre que 60% de patients consultés par jour sont testés positifs au paludisme. La prise en charge est fonction de la gravité du mal. Le patient peut soit être interné soit se soigner à domicile sur avis médical.
Les données épidémiologiques ci-après (Tableau n°1) sont celles de la période 2019-2021. Elles concernent essentiellement les malades internés et ne sont pas spécifiques à notre zone d’étude mais à l’ensemble du bassin versant, car les registres de ce sanatorium qui offrent ces données indiquent le nom du quartier sans préciser le bloc.
Tableau n°1: Nombre de malades du paludisme habitant le bassin versant du Mbanya, hospitalisés à l’hôpital de Déido entre janvier 2019 et décembre 2021
Source: Service de la statistique de l’Hôpital de Déido, 2022
Ce tableau n°1 montre qu’en 2019 à l’hôpital de Déido, 316 malades souffrant de paludisme et résidant dans l’un des quartiers du bassin versant du Mbanya y ont été internés. En 2020, ce chiffre a évolué et a atteint 327 cas. Enfin en 2021, 340 cas ont été enregistrés.
La répartition de ces malades par pavillon donne en 2019, 104 en médecine et 212 en pédiatrie ; en 2020, 101 en médecine et 226 en pédiatrie et en 2021, 92 cas en médecine et 248 cas en pédiatrie (Tableau n°2).
Tableau n°2 : Nombre de malades du paludisme habitant le bassin versant du Mbanya internés par pavillon à l’hôpital de District de Déido entre 2019 et 2021
Source : Service de la statistique de l’Hôpital de Déido, 2022
L’on constate à partir du tableau n°2 que le paludisme dans le bassin versant du Mbanya, affecte plus les enfants que les adultes. Les valeurs 212; 226 ; 248, représentent le nombre de cas enregistrés annuellement en pédiatrie où sont pris en charge les enfants malades. Cet accroissement temporel du nombre de cas met en évidence la vulnérabilité progressive de cette catégorie de personnes. Ces enfants sont majoritairement de la tranche d’âge comprise entre 0 et 5 ans (Graphique n°1).
Graphique n°1 : Distribution du paludisme par tranche d’âge
Source : Service de la statistique ho^pital de district de Déido, 2022
Enfin, le tableau n°2 montre que les adultes paludéens sont de moins en moins internés dans cette structure sanitaire. Le nombre de cas enregistrés décroît de 104 en 2019 à 101 en 2020 puis à 92 en 2021. Les personnes interrogées assimilent cette situation au fait que les adultes sont moins fragiles que les enfants. Aussi, se protègent- ils mieux de la piqûre des moustiques que les enfants, souvent imprudents et négligents. Le paludisme sévit presque toute l’année avec de faibles variations saisonnières (Graphique n°2).
Graphique n°2: Evolution mensuelle du paludisme dans le bassin versant du Mbanya (Hôpital de district de Déido de 2019 à 2021)
2.2.2. La prévalence de la typhoïde
Durant la période 2019-2021, l’hôpital de District de Déido a interné 764 malades de la typhoïde ou gastro-entérite en provenance des quartiers du bassin versant du Mbanya comme l’indique le tableau n° 3.
Tableau n°3: Nombre de cas de malades de la typhoïde venus du bassin versant du Mbanya, internés à l’hôpital de Déido entre 2019 et 2021
Source: Service de la statistique de l’hôpital de District de Déido, 2022
Le tableau n°4 ci-dessous donne la répartition de ces malades par pavillon durant la période 2019-2021.
Tableau n°4 : Nombre de malades de gastro-entérite et typhoïde venant du bassin versant du Mbanya, internés par pavillon à l’hôpital de Déido entre 2019 et 2021
Source : Service de la statistique de l’Hôpital de District de Déido, 2022
La typhoïde se manifeste plus en saison sèche avec le pic au mois de janvier (Graphique n°3). C’est pendant la saison sèche que la baisse de la pluviométrie favorise l’augmentation de la salinité des sols et des eaux de surface. L’augmentation de la température étant propice à la prolifération des algues, coquillages et mollusques qui sont des réservoirs environnementaux de certaines bactéries (E. Guevart et al., 2006, p. 285).
Graphique n°3 : Evolution mensuelle de la gastro-entérite et typhoïde dans le bassin versant du Mbanya entre 2019 et 2021
L’accès aux soins de santé
Pour pallier au manque de formation sanitaire étatique dans le bassin versant du Mbanya, les acteurs privés ont créé de nombreux centres de santé dans le souci de prendre en charge les malades avant d’éventuelles évacuations sanitaires de ceux-ci en cas de besoin, dans les hôpitaux disposant d’un plateau technique préférentiel. Dommage, la plupart des malades souffrant du paludisme ou de la typhoïde optent se soigner à l’indigène ou auprès des vendeurs des médicaments de la rue.
2.3.1. Les centres de santé
Depuis les années soixante-dix, sous l'inspiration de l'OMS et bien après dans les années 1990 sous l'impulsion de la Banque Mondiale, le Cameroun s’est engagé dans un processus de réforme quasi-permanente de son système de santé. La politique actuelle de Réorientation des Soins de Santé Primaire (RSSP), officiellement adoptée en 1992, vise à restructurer le système de santé national à partir du District de santé (.F. Médard, 2001, p.4.). Dans le District de santé de Déido, l’hôpital de Déido est la principale structure sanitaire qui s’implique vivement dans l’amélioration de la santé dans le bassin versant du Mbanya car cet espace ne dispose d’aucune structure sanitaire étatique. Cependant, l’Etat encourage la lutte contre les maladies en octroyant aux particuliers des agréments pour la création des centres de santé privés à but lucratif. On en compte aujourd’hui près de cinquante dans ce bassin versant et ses environs (Carte n°5)
Carte n°5: Les centres de santé du bassin versant du Mbanya et de ses environs
Source : Géolocalisation par GPS, Réalisation: Tcheunteu J., 2022
Grace à la géolocalisation sur la carten°5, on voit bien que ces centres de santé sont aussi nombreux au sein du bassin versant qu’à ses environs. ils ont vocation à administrer les premiers soins et à réorienter les patients vers l’Hôpital de District de Déido considéré comme pôle médical de référence du District de santé de Déido, lequel District intègre ledit bassin versant.
2.3.2. Les médicaments de la rue et le traitement à l’indigène
Dans le bassin versant du Mbanya les centres de santé ne sont pas très sollicités par les personnes souffrant du paludisme et de la typhoïde alors que l’endémicité de ces maladies est considérable. Le faible revenu des populations et le doute sur la compétence du personnel médical en service dans ces sanatoriums incitent de nombreuses personnes malades à se soigner soit à l’indigène (naturopathie), soit par automédication à l’aide des médicaments de la rue. Elles se ravitaillent quelquefois dans des officines sans s’être fait consultées par un médecin ou infirmier assermenté (Graphique n°4). Cette pratique est pourtant vivement déconseillée par le gouvernement qui préconise le diagnostic médical avant toute forme de soins. Tout traitement aléatoire est un risque pour la vie car est susceptible de favoriser la résistance du germe responsable de la maladie dont souffre le patient.
De façon générale, au Cameroun, les frais d’un carnet et d’une visite médicale auprès d’un médecin assermenté dans un centre de santé étatique s’élève officiellement à 1000 Francs CFA. Seulement, après cette consultation, celui-ci avant toute prescription médicale ordonne une série de diagnostic ou d’analyses médicales en laboratoire. Pour cela, le malade doit débourser au minimum 10 000 Francs CFA reparti comme suit : VIH = 500 ; selles = 1000, Goutte épaisse 700; Widal + Felix 2450, Examen NFS = 3500 ; Examen CRP =2100. Après interprétation de ces différents examens médicaux, le médecin prescrit une ordonnance et peut décider d’interner le malade. Ce qui nécessite davantage des moyens financiers. Déjà habitué au paludisme et la typhoïde, les habitants du bassin versant du Mbanya disent connaitre les symptômes de ses maladies et le traitement approprié. Ils trouvent aberrant d’aller dépenser à l’hôpital alors qu’a priori ils savent de quelle maladie ils souffrent. Pour 60% de personnes, le traitement de la typhoïde est plus efficace à l’indigène qu’à l’hôpital ; les médicaments de la rue identiques à ceux des pharmacies en termes de qualité alors que les coûts en pharmacie sont plus élevés.
Graphique n°4 : Différents moyens de traitement des maladies hydriques
Source : Enquêtes de ménages, 2022
3. Discussion
Les habitants du bassin versant du Mbanya souffrent du paludisme et de la typhoïde de façon permanente. Ces deux pathologies sévissent toute l’année et causent des décès. Entre 2008 et 2010, l’hôpital de District de Déido a interné 298 cas de malades de Typhoïde dont 7 décès; 963 cas de paludisme avec un décès en provenance du Bassin versant du Mbanya (J. Tcheunteu, 2012). Durant la période 2019-2021, Les enquêtes des ménages montrent que plus de 80% de personnes établies dans le bassin versant du Mbanya souffrent au moins une fois l’an soit du paludisme, soit de la typhoïde. Pour être plus précis, 67,7% de personnes souffrent du paludisme, 30% de la typhoïde et 42% des deux maladies au cours de l’année (Graphique n°5)
Graphique n°5: Pourcentage de personnes victimes du paludisme et typhoïde par anSource : Enquêtes de ménages, 2022
Cette donnée se vérifie à l’hôpital de District de déido où la goutte épaisse (diagnostic du paludisme) et le Widal + Felix (test de la typhoïde) sont positifs à plus de 60% de cas. La moyenne annuelle des hospitalisations dans ce sanatorium est de 327,67 malades pour le paludisme contre 254,67 pour la typhoïde. Ces chiffres ne sont pas très différents de ceux obtenus par Dominique Meva’a, dans une étude menée dans ce bassin versant en 2010, où les résultats obtenus montrent que 66,47% de personnes vivant dans cet espace souffrent régulièrement de ces deux maladies.
Toutefois, l’endémicité du paludisme et de la typhoïde n’est pas spécifique au Bassin versant du Mbanya. A l’échelle de la Région du Littoral, le paludisme est selon le comité régional de lutte contre le paludisme, responsable de 43,23% de consultation médicales, 45,7% de la morbidité des moins de 5 ans et plus de 40,7% de morbidité des plus de 5ans. Douala, la principale ville de cette Région est placée dans la zone de risque « C »[2] par l’OMS (D. Meva’a et al., 2010). A l’échelle nationale, le paludisme représente sur le plan épidémiologique, 40 à 45% des consultations médicales ; 30% des hospitalisations et 35 à 40% des décès dans les formations sanitaires (A. Samé Ekobo, 2002, p. 5).
[2] Il s’agit des zones à risque de transmission du plasmodium falcifarum pendant toute l’année.
L’endémicité du paludisme et de la typhoïde dans le bassin versant du Mbanya est étroitement liée à l’eau. L’usage des eaux de puits à des fins domestiques est l’une des principales causes de la recrudescence de la typhoïde alors que la proximité de l’habitat avec les eaux de surface chargées d’immondices expliquent la récurrence du paludisme dans le bassin versant du Mbanya. Les puits artisanaux sont pour l’essentiel localisés à proximité des fosses d’aisance ou septiques, des poulaillers ou des porcheries et sont susceptibles d’être contaminés par des bactéries notamment la salmonella typphi germe responsable de la salmonellose ou typhoïde.
Le cours d’eau et drains servent de dépotoirs d’ordures ménagères alors que les mares d’eau stagnantes sont les lieux de déversement des eaux usées et deviennent des gites de développement des anophèles de type Gambiae vecteurs du paludisme.
Les enquêtes de ménages et les données statistiques de l’hôpital de District de Déido justifient bien le caractère endémique de ces deux maladies dans le bassin versant du Mbanya. Plus de 67,7% de personnes sont victimes du paludisme au moins une fois l’an et environ 30% de la salmonellose et 42% de ces deux maladies.
L’accès aux soins médicaux appropriés reste marginal. Pourtant de nombreux centres de santé privés sont créés dans cette aire géographique pour pallier au manque de formation sanitaire public. Seulement, le faible revenu journalier ou mensuel des populations incite la majorité des malades à faire recours aux médicaments de la rue ou à se faire soigner à l’indigène. C’est généralement en cas de persistance ou de complication du mal qu’ils sollicitent un pharmacien ou se font consulter dans un hôpital.
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Pour citer cet article
Référence électronique
TCHEUNTEU SIMO Joël Simplice, A PROPOS DE L’ENDEMICITE DU PALUDISME ET DE LA TYPHOIDE DANS LE BASSIN VERSANT DU MBANYA (DOUALA-CAMEROUN) , Revue Espace, Territoires, Sociétés et Santé ,[En ligne] 2022, mis en ligne le 30/06/2022,
consulté le 2023-06-06 04:56:08, URL: https://retssa-ci.com/index.php?page=detail&k=251